publiées par M. l'Abbé GROSIER, et dirigées par M. Le Roux des HAUTESRAYES, Conseiller-Lecteur du Roi.
Ouvrage de Sseu-ma Kouang (1019-1086), revu par Tchou Hi (1130-1200)
A Paris, rue Saint-Jacques, chez : Ph.-D. Pierres, Imprimeur du Grand-Conseil du Roi ; & Clousier, Imprimeur-Libraire. Onze tomes, 1777-1783.
Présentation de l'abbé Grosier - Court extrait de la Préface
Observations préliminaires de M. l'abbé Grosier et de M. Le Roux des Hautesrayes.
De 619 à 888. Quelques faits saillants :
De 888 à 959. Quelques faits marquants :
De 960 à 1209. Quelques faits à retenir :
De 1210 à 1368. Quelques faits notables :
De 1369 à 1648. Quelques faits en relief :
pages 1-368 de 610 pages. De 1649 à 1722. Dynastie des Tsing : la fin de l'empereur Chun-tchi, et le règne de Kang-hi (Kangxi) :
contenant:
rédigé par M. l'abbé Grosier, chanoine de St-Louis du Louvre.
Après la première édition de l'Histoire générale, cette Description générale de la Chine a été publiée séparément, dès 1785.
Le grand corps d’histoire que nous publions, manquait à la littérature de tous les peuples de l’Europe. Nous ne chercherons point à en exagérer le mérite par de vains éloges : il suffira d’indiquer son objet, & d’exposer ses caractères d’authenticité, pour en faire connaître toute l’importance.
Parmi les différentes parties des arts & des sciences, qui ont été cultivées à la Chine, l’étude de l’histoire a toujours occupé le premier rang ; & cette sage monarchie est peut-être la seule, où le soin de transmettre à la postérité le souvenir des évènements publics, ait été regardé comme une fonction d’Etat. Ce zèle pour la conservation des monuments historiques, a produit chez ce peuple un nombre prodigieux d’écrivains ; mais dans cette multitude d’ouvrages qu’ils ont laissés, les Chinois distinguent leurs Grandes Annales, dépôt général où sont consignés, par ordre des temps, tous les faits qui concernent leur monarchie, depuis l’époque de sa fondation ; histoire authentique, avouée de toute la nation, rédigée de siècle en siècle, sous les yeux du gouvernement, & dont le fil non interrompu s’étend presque jusqu’à nos jours. L’autorité de ces annales est irréfragable à la Chine, & les lettrés de cet empire témoignent, pour cette collection, une estime qui tient de la vénération. Instruits des mesures scrupuleuses qui ont été prises, sous chaque dynastie, pour la confection de cette grande histoire, également informés des soins, du travail, & des frais immenses qu’elle a coûtés, comme du mérite des grands hommes qui l’ont successivement continuée ; à portée d’ailleurs de connaître la critique sévère qui dirige le tribunal de l’histoire dans l’examen de tout ce qu’il approuve, ces lettrés croiraient insulter à la raison, & ne devoir admettre aucun principe de certitude historique, s’ils formaient quelques doutes sur la véracité de ces annales. L
L’histoire de la Chine n’existait pas encore pour l’Europe. La Description géographique, historique, politique, &c. de cet empire, rédigée par le père Duhalde, les Lettres Edifiantes, la Chine Illustrée du père Kirker, & les relations multipliées des voyageurs, nous avaient fait connaître, il est vrai, les mœurs, les usages, les arts, & les productions de cette vaste contrée ; mais nous n’avions aucune histoire étendue, où fussent rapportés les évènements des règnes de cette foule de souverains, qui ont formé les vingt-deux dynasties, ou familles impériales, qu’on a vu s’asseoir sur le trône de la Chine. On ne connaît en ce genre que la petite histoire latine, en un volume in-12, du père Martini ; abrégé fort court, qui ne contient que la suite & la succession des princes, avec quelques anecdotes de leurs règnes, extraites des annales : encore l’auteur n’a-t-il conduit cet abrégé que jusqu’à l’ère chrétienne. C’était cependant à ce petit ouvrage du père Martini, que se réduisaient toutes nos connaissances historiques sur les empereurs chinois, dont, pour mieux dire, nous ne possédions encore que la simple nomenclature. Le père Duhalde, en traduisant cet opuscule en français, en a composé ses fastes ; les auteurs anglais de l’Histoire universelle se sont vus réduits à puiser dans la même source, & il en a été de même de tous ceux qui ont entrepris d’écrire sur les dynasties chinoises. Le travail, auquel s’est livré le père de Mailla, embrasse donc une matière également neuve & intéressante pour tous les savants de l’Europe, & son ouvrage devient le monument le plus complet qui ait été publié sur la Chine.
Ces annales, par la nature & la variété des objets qu’elles rassemblent, ne le cèdent en intérêt ni à l’histoire des Romains & des Grecs, ni à celle d’aucun peuple moderne de l’Europe. On y trouve une politique soutenue, des révolutions, des guerres, des conquêtes, des intrigues de cour, des traits étonnants de générosité, de grandeur d’âme, de courage, de dévouement pour la patrie ; on y suit les progrès de la civilisation chez un grand peuple ; on y observe la marche lente & graduelle qu’a tenue l’esprit humain dans la découverte des arts ; & l’on s’y instruit du caractère, des mœurs, & des usages d’une foule de nations de l’Asie, tant anciennes que modernes, qui jusqu’ici ne nous avaient encore été connues que très imparfaitement.
De savants missionnaires, par leurs correspondances, nous avaient fait connaître depuis longtemps le mérite de ce grand corps d’histoire, qui embrasse un espace de plus de quatre mille ans. La plupart des souverains de l’Europe, & plusieurs particuliers curieux, s’empressèrent de faire venir à grands frais le texte original de ces annales, & en enrichirent leurs bibliothèques : celle du roi de France en possède plusieurs magnifiques exemplaires. Mais cette histoire, écrite en une langue, la plus difficile & la plus compliquée qui soit dans l’univers, était plutôt un monument de curiosité, qu’une source utile, ouverte au commun des lecteurs ; puisqu’il ne se trouvait dans nos académies qu’un très petit nombre de savants, en état de la consulter. La version que nous publions, due au travail opiniâtre du missionnaire français, va mettre désormais tous les gens de lettres de l’Europe à portée de puiser, dans cette source originale, des connaissances sûres, précises, & détaillées, sur ce qui concerne l’état ancien & moderne, l’établissement, les progrès, les guerres & les révolutions de l’empire chinois.
La république des lettres doit à un concours de circonstances heureuses cette importante traduction. Après la célèbre révolution, qui, vers le milieu du dernier siècle, a fait passer sous la domination tartare le vaste empire de la Chine, Kang-hi monta sur le trône que lui avait acquis la valeur de ses ancêtres, & l’occupa pendant soixante ans. Ce prince, ami & protecteur des arts, qui les cultiva lui-même, & fut, au fond de l’Asie, ce qu’avaient été dans l’Europe les François Ier, les Cosme, les Léon X, n’eut pas plus tôt terminé les guerres, qui troublèrent les premières années de son règne, qu’il se livra tout entier à son goût pour la littérature & les sciences. Jaloux d’accréditer sa langue maternelle, & d’en perpétuer l’usage, il résolut d’abord de procurer à la nation mantcheou , une version fidèle de la grande histoire chinoise : il assembla, dans cette vue, ce que l’empire avait de plus habiles lettrés dans les deux langues, en composa divers tribunaux, & leur fit exécuter cette traduction tartare. L’idée de Kang-hi fit naître au père de Mailla , qui se trouvait alors à la cour de Pé-kin, celle de tenter une version française de la même histoire ; ses essais furent heureux, & ses amis, auxquels il les communiqua, ne lui permirent plus de discontinuer ce travail. Enfin cet habile & laborieux missionnaire a eu le courage & la constance d’exécuter seul cette entreprise, qui paraissait devoir exiger les forces, la vie, & les lumières de plusieurs hommes réunis. Le père de Mailla était d’ailleurs plus en état que tout autre de faire passer ce grand ouvrage dans notre langue : on peut dire que peu d’Européens ont porté aussi loin que lui la connaissance de l’histoire & de la littérature des Chinois. Une étude opiniâtre, secondée d’une mémoire heureuse, lui avait rendu familiers leurs caractères, leurs arts, leurs sciences, leur mythologie ; il possédait tous leurs anciens livres, & il étonnait les lettrés mêmes, lorsqu’il en discourait avec eux.
En 1737, le père de Mailla, fit passer son manuscrit en France, où il devint bientôt l’objet de la curiosité comme de l’admiration des savants....
Ceux qui aiment la politique & se plaisent à considérer de près ce sanctuaire de la sagesse humaine, trouveront dans cette histoire de quoi se contenter ; ils admireront sans doute un
gouvernement qui a pu se conserver pendant un si prodigieux nombre de siècles, malgré les grands changements produits par une foule de révolutions que l’intrigue & les ressorts de la
politique ont amenées successivement, & qui font connaître la pénétration, le génie & la vivacité d’esprit de cette nation.
Pour moi, ce que je trouve encore plus digne de notre admiration, sont les exemples multipliés des vertus, puisées dans la plus saine morale mise en pratique. Des princes dont les actions
héroïques rappellent les plus beaux temps de la Grèce & de Rome ; des ministres & des juges dont le zèle pour la justice, le dévouement pour le bien public & l’avantage de
l’administration, sont allés jusqu’à sacrifier généreusement leur vie, sans être intimidés par les funestes exemples qu’ils avaient devant les yeux ; des généraux, dont on admire l’habileté, la
conduite, la bravoure & la fidélité ; des femmes, les unes conduire des armées & se battre en héros ; les autres prodiguer leur vie & marcher avec joie à un infâme supplice pour
l’honneur de leur prince ; des gens de lettres combattre avec ardeur & sans relâche pour la doctrine qu’ils avaient reçue des anciens, & s’exposer aux peines les plus rigoureuses pour la
maintenir contre leur souverain entêté d’une secte erronée ; des peuples attentifs à leur devoir, laborieux à l’excès, d’une merveilleuse industrie dans le commerce, d’une obéissance rare, d’une
douceur & d’une politesse qu’on ne trouve point parmi les autres nations.
Les géographes & ceux qui se plaisent à parcourir les pays étrangers, pourront sans quitter leur cabinet & sans fatigue, s’instruire dans cette histoire, des pays voisins de la Chine,
depuis le Japon d’un côté, jusque sur les bords de la mer Caspienne de l’autre, où les Chinois ont porté leurs armes ; ils y trouveront sûrement des connaissances qu’on n’a point eues en Europe
jusqu’ici ; & principalement sur les Tartares qui ont occupé & occupent encore le pays qui est au nord de la Chine.
Les guerres presque continuelles que ces Tartares ont eues avec l’Empire, depuis un temps immémorial, ont obligé les historiens chinois à donner une description exacte de leurs mœurs, de leurs
pays, de leur origine & de leurs guerres, avec assez de détail pour satisfaire la curiosité...