Étienne Zi   s. j. (1851-1932)

PRATIQUE DES EXAMENS LITTÉRAIRES EN CHINE

Variétés sinologiques n° 5,
Mission catholique, T’ou-sé-wé, Chang-hai, 1894, III+268 pages.

  • Préface et remarques : Tous les étrangers qui ont habité quelque temps la Chine, savent parfaitement qu’il existe pour les lettrés de cet empire des grades obtenus au concours ; ils savent qu’on distingue parmi eux des bacheliers, des licenciés, des docteurs, voire même des académiciens. Mais il en est fort peu qui connaissent l’économie de ces examens littéraires, si différents en plusieurs points des épreuves analogues en usage dans les contrées d’Occident.
  • À dire vrai, ces notions demandent d’assez longues explications. Les examens que doivent subir en Chine ceux qui aspirent aux grades littéraires, sont soumis à des règles si minutieuses et si compliquées, qu’à moins d’en décrire la pratique dans les moindres détails, il est impossible de se faire une idée exacte de ces concours. Exposer avec toute la clarté possible les différentes circonstances et les phases multiples de ces épreuves, tel a été mon but en écrivant le présent opuscule ; puissé-je contribuer par là, à éclairer ceux qui s’intéressent aux institutions de la Chine, sur une question que la nation tout entière juge d’une haute importance, et au sujet de laquelle j’ai vu que trop souvent les étrangers se forment les idées les plus fausses. J’ai entrepris cette étude d’autant plus volontiers, qu’il n’existe à ma connaissance aucun livre, qui traite pleinement cette matière et avec toute l’exactitude désirable.
  • Deux ouvrages composés par ordre de l’empereur se rapportent, il est vrai, à notre sujet : Hio tcheng-ts’iuen-chou pour le baccalauréat, et K’o-tch’ang-t’iao-li pour les autres examens ; mais ils sont loin d’être complets et d’énumérer dans le détail toute la pratique des examens. La présente étude empruntera les principes généraux et plus théoriques à ces deux ouvrages ; quant aux détails pratiques, ne voulant pas nous fier à ce que nous avions vu ou entendu jusqu’ici, nous les avons acquis par des relations directes ou épistolaires, que nous avons eues dans ce but durant plusieurs années avec un grand nombre de lettrés ayant eux-mêmes subi ces examens. Le lecteur pourra donc avoir pleine confiance dans ces renseignements dont nous avons assuré la fidélité au prix de très nombreuses recherches.
  • Un certain nombre d’observations accessoires consignées dans cet opuscule, particulièrement à propos du baccalauréat, peuvent varier suivant les régions, et même suivant le bon plaisir des officiers qui président les examens : cependant on peut affirmer ici, en appliquant l’expression chinoise bien connue : ta-t’ong-siao-i, « qu’il y a accord dans les parties principales, malgré quelque diversité dans les détails. »
    Il y a en Chine trois grades littéraires, à savoir, celui de sieou-ts’ai (habileté éminente), celui de kiu-jen (homme élevé) ; et celui de tsin-che (lettré introduit). Pour plus de clarté, nous adoptons pour ce triple degré les dénominations françaises de baccalauréat, licence et doctorat. Ces trois grades, obtenus par trois séries d’examens différents, indiquent la division naturelle de notre sujet : c’est à ce triple chef que nous rattacherons les détails donnés dans les pages suivantes.

Extraits : Premier examen devant le sous-préfet - L'examen proprement dit
L'examen de licence et ses types de sujets : Première épreuve - Deuxième épreuve - Troisième épreuve
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Kong-yuen (Maison des examens) de Nan-king - Allée principale à l’entrée (D’après une photographie du père L. Gaillard)
Kong-yuen (Maison des examens) de Nan-king - Allée principale à l’entrée (D’après une photographie du père L. Gaillard)

Les deux gravures et les trois lithographies qui représentent différents aspects du Kong-yuen ont été exécutées à T’ou-sé-wé par des orphelins de la Mission Catholique, d’après des croquis et des photographies bienveillamment communiqués par le père L. Gaillard.
- La gravure ci-dessus représente une vue de l’allée principale, à l’entrée : elle a été prise du ming-yuen-leou, pavillon de surveillance dont il est question dans notre texte.
- La seconde gravure (ci-dessous) représente l’entrée des corridors donnant sur les rangées de cellules. La vue est prise de la grande allée d’accès, et au moyen des caractères qui pourront servir de repère, on identifiera facilement cette partie du kong-yuen, avec celle qui lui correspond dans la gravure précédente et dans le plan par terre.
- L’une des lithographies offre l’aspect d’un des corridors sur lesquels donnent les rangées de cellules ; la vue est prise du fond. Le corridor a environ un mètre de largeur.
- Une autre fournit une vue cavalière d’une partie des toitures de ces singuliers bâtiments. La vue est prise d’un des pavillons, en se tournant vers le nord-est.
- Enfin un dernier dessin donnera l’aspect des loges avec leur mobilier.

*

Premier examen devant le sous-préfet


...Le jour de l’examen arrivé, tous les candidats doivent se lever de très bonne heure, et immédiatement prendre leur déjeuner.

Bientôt on entend un coup de canon tiré au local des examens (hao-p’ao). Ce 1er coup s’appelle t’eou-pao. Une heure ou une heure et demie plus tard, deux nouveaux coups sont tirés. Les candidats partent alors pour le lieu de l’examen portant avec eux « le panier de l’examen » (k’ao-lan), contenant des pinceaux, un encrier avec de l’encre, du papier (Ces quatre objets : papier, encre, pinceaux, et encrier, sont ce qu’on appelle "les quatre trésors de la salle d’étude"), un petit vase pour l’eau, des livres et quelques provisions de bouche (À l’examen pour le baccalauréat, on ne donne aucune nourriture. Les candidats mangent ce qu’ils ont apporté ; ils peuvent aussi acheter quelques provisions aux satellites ou aux petits marchands dont les satellites gagnés à prix d’argent tolèrent la présence dans l’enceinte des examens, malgré les défenses contraires.) Arrivés devant la grande porte, ils attendent les trois derniers coups de canon, tirés après un intervalle à peu près égal au premier, après quoi la porte est immédiatement ouverte.

Le directeur des lettrés, en habits de cérémonie, entre alors pour veiller au bon ordre, puis après lui tous les candidats, aussi en costume de cérémonie, avec ceux qui les accompagnent ; un certain nombre de ces derniers pénètrent jusque dans l’intérieur du local et choisissent pour leurs protégés une place ou une table à leur convenance. Les candidats attendent là que l’on fasse évacuer la salle par les étrangers.

Bientôt a lieu l’appel des noms des candidats, suivant l’ordre d’inscription aux tableaux : il est fait par un employé du bureau des Rites, en présence du sous-préfet, qui en habits de cérémonie préside à l’examen. Si quelqu’un des candidats se levait trop tard, ou, pour quelque autre cause, n’arrivait pas à temps pour l’appel de son nom, il pourrait néanmoins se présenter ensuite, pour y faire suppléer. C’est ce qu’on appelle pou-tien.

Aux termes d’un décret de l’empereur Yong-tcheng (13e an. 1735) renouvelé par K’ien-long (10e et 29e an. 1745 et 1764) et par d’autres empereurs, pendant l’appel, les répondants ou ling-pao doivent être présents, afin de reconnaître (che-jen) si celui qui répond est le vrai candidat nommé ou un remplaçant. Je n’ignore pas que de nos jours cette loi est tombée dans quelques endroits en désuétude, mais il est bon d’ajouter que si l’on vient à découvrir que quelqu’un s’est substitué frauduleusement à un candidat, un autre décret de 1735 de l’empereur Yong-tcheng soumet le répondant à la dégradation et à la peine de 100 coups de bâton, pour avoir pris la responsabilité d’une personne qu’il n’aurait pas dû patronner.

Tout candidat à l’appel de son nom, s’avance aussitôt, remet son certificat, et reçoit pour la composition un cahier, timbré au sceau du Président ; ce cahier s’appelle che-k’iuen ou k’iuen-tse, long d’environ 27centim. sur 12 de large.

Les candidats doivent écrire eux-mêmes les deux caractères wen-t’ong dans les deux cercles sur la couverture du cahier, et leur nom au-dessous, au milieu du sceau.

Dès qu’ils ont reçu le cahier, ils vont prendre une place, à leur choix, et y déposent leurs habits de cérémonie. Quant aux étrangers et au directeur des lettrés lui-même, ils doivent tous sortir.

Le sous-préfet se rend alors avec un satellite à la porte et examine si elle est bien fermée à clef, et scellée au moyen d’une bande de papier munie de son sceau (fong-t’iao). Au retour de cette inquisition, il fait suspendre dans le local de l’examen un tableau portant les thèmes de l’amplification écrits sur papier rouge et qu’il a choisis lui-même. Pour cet examen, il y a deux thèmes, tous deux pris dans les « Quatre livres » : l’un pour ceux qui ont plus de 20 ans et qui ont reçu le chapeau viril (i-koan-wen-t’i) ; l’autre pour ceux au-dessous de 20 ans (wei-koan-wen-t’i). Tous les deux s’appellent du reste cheou-t’i ou t’eou-t’i, étant les thèmes pour la première amplification.

Kong-yuen de Nan-king - Vue à vol d’oiseau (D’après une photographie du père L. Gaillard)
Kong-yuen de Nan-king Vue à vol d’oiseau (D’après une photographie du père L. Gaillard)
Kong-yuen de Nan-king - Entrée des corridors donnant sur les rangées de cellules.
Kong-yuen de Nan-king - Entrée des corridors donnant sur les rangées de cellules (D’après une photographie du P. L. Gaillard)

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L'examen proprement dit

Kong-yuen de Nan-king - Une rangée de cellules (D’après une photographie du père L. Gaillard)
Kong-yuen de Nan-king - Une rangée de cellules (D’après une photographie du père L. Gaillard)


Le Président se retire alors dans la chambre qui lui est réservée, et tous les candidats doivent se mettre à commencer leur composition.

Il est d’usage pour cet examen de laisser la plus entière liberté. Aussi voit-on des candidats changer de place, se consulter entre eux, composer et écrire pour d’autres, quelquefois aussi se disputer et même en venir aux coups. Ils sont tous néanmoins dans l’obligation de transcrire au moins 7 ou 8 lignes en écriture régulière sur le cahier. Car au bout d’une heure environ, un employé vient timbrer le cahier de chacun à l’endroit où finit la transcription. C’est ce qu’on appelle kai-tch’o ou ta-yn. S’il n’y a rien d’écrit, le cachet doit être apposé en tête du cahier. Ce qui révèle l’incapacité du candidat ; aussi y a-t-il des candidats qui obtiennent que le cachet soit mis plus loin.

Vers 9 h. ou 10 h., le 2e thème d’amplification est affiché ((Ce système de donner les thèmes de l’examen en deux fois a été établi par l’empereur K’ien-long, dans la 53e année de son règne (1788). Il a pour but de rendre la communication avec l’extérieur plus difficile.). Ce thème, pris aussi des « Quatre livres », est ordinairement le même pour tous les candidats. On y joint un thème de vers, toujours le même pour tous.

Les amplifications et les vers une fois finis, il faut les transcrire sur le cahier, d’abord en écriture régulière; ensuite en écriture cursive. Si ces deux transcriptions ont la moindre différence, la composition peut être rejetée.

Dans la composition et dans la transcription, le candidat doit surtout faire une grande attention aux noms des empereurs de la dynastie actuelle, les seuls pour lesquels existe la prohibition dont nous allons parler. Notons d’abord que chaque empereur a plusieurs sortes de noms ; celui qui désigne les années du règne est dit nien-hao ; celui qui est donné après la mort, tsuen-che ; celui qui est consacré pour le temple des ancêtres tsong-miao, miao-hao ; le nom personnel de l’empereur dit yu-ming lorsque le prince est encore en vie, et miao-hoei quand il est décédé ; c’est précisément cette dernière sorte de nom miao-hoei et yu-ming, aux caractères duquel les candidats, par respect pour le souverain, doivent faire une grande attention, ou pour en éviter l’emploi, ou pour les remplacer par d’autres.

Le même témoignage de respect est dû à certains caractères semblables à ceux des noms impériaux, ou qui en sont dérivés ; ainsi, à cause du caractère []hiuen qui commence le nom du 2d empereur, les lettres []hien, []cho, []tse etc. doivent s’écrire [], [], [] ; de même à cause de la lettre []tcheng, 2e caractère dans le nom du 3e empereur, il faut changer []tchen en [] ; pareillement, la lettre []hong étant le 1er caractère dans le nom du 4e empereur, kiang doit être écrit [], etc. L’empereur Kia-k’ing, par une décision donnée de vive voix, a ordonné que le nom de son frère aîné Yong-lien (nom posthume Toan-hoei) qui était le prince héritier, mais était mort avant d’arriver au trône, fût remplacé par les caractères [][]. De même l’empereur actuel Koang-siu par respect pour son père défunt, a décrété que des deux caractères [][] I-hiuen composant son nom, le premier seul pût être désormais employé, le second demeurant absolument prohibé.

En outre l’empereur Yong-tcheng (3e an. 1725) a statué que le nom de Confucius, []K’ieou, ne devrait jamais être employé, mais serait toujours remplacé par [], excepté dans un seul cas… Bien plus, par le même décret, le dit empereur est allé jusqu’à prescrire que toutes les fois qu’on rencontrerait ce nom de Confucius, on eût à le prononcer Meou au lieu de K’ieou. Des lettrés pleins de zèle, désireux de suivre l’exemple de l’empereur, se sont depuis lors abstenu d’écrire dans leurs compositions même le nom du philosophe Mencius K’o, et bien qu’aucune déclaration impériale n’ait sanctionné cette pratique, elle est devenue d’un usage général, si bien que le nom de Mencius est prononcé Meou comme celui de Confucius.

Une sanction légale a été édictée contre toute infraction aux prescriptions ci-dessus : tout candidat qui par ignorance ou négligence, introduit dans sa composition une des lettres défendues, est mis hors de concours et reçoit la férule ; si c’est un bachelier qui se présente à la licence, il est en outre exclu du droit de se présenter au concours suivant.

Si au milieu de toutes ces préoccupations l’on a omis un caractère, en recopiant son brouillon, on peut l’ajouter sur le côté ; si deux caractères ont été intervertis, on ne peut en corriger l’inversion par un signe : il faut biffer l’un des deux par un petit point et le récrire à côté de la ligne ; mais il n’est pas permis d’y faire un trou qu’on boucherait avec un morceau de papier.

Les transcriptions terminées sont remises à un des employés ; c’est ce qu’on appelle hiao-k’iuen. Dès que leur nombre atteint 40 à 50, le sous-préfet, en habits de cérémonie, se rend à la porte principale avec un employé à qui il donne la clef pour ouvrir, après avoir enlevé le sceau. La présence du sous-préfet a pour but d’empêcher toute communication de l’extérieur avec ceux qui restent, et aussi de faire honneur aux candidats sortants. Ceux donc qui ont remis leur cahier procèdent à la sortie. C’est ce qu’on appelle fang-p’ai, ou pour cette première fois, fang-t’eou-p’ai. À l’ouverture de la porte, il est tiré trois coups de canon et la musique se fait entendre jusqu’à ce que tous soient sortis. La porte est alors fermée et scellée de nouveau. L’heure de cette première sortie varie suivant que les compositions ont pris plus ou moins de temps ; elle a généralement lieu entre 3 h 1/2 et 4 h 1/2.

Après un intervalle d'une à deux heures, quand on juge qu’il y a un nombre suffisant de candidats prêts, il se fait une seconde sortie (fang-eul-p’ai) avec les mêmes cérémonies que la première ; puis encore une troisième (fang san-p’ai ou fang-mo-p’ai) ; mais ensuite pour les autres sorties qui ont encore lieu jusqu’à minuit et même plus tard, il n’y a plus ni coup de canon, ni musique. Il est à remarquer qu’on ne fournit pas de lumière aux candidats qui restent la nuit, et qu’ils ont dû se pourvoir de chandelles. Tout candidat qui n’a pas fini ses compositions (pou-wan-k’iuen) est exclu des examens ultérieurs.

Kong-yuen de Nan-king - Cellules vues de face - (D’après un croquis du père L. Gaillard)
Kong-yuen de Nan-king - Cellules vues de face - (D’après un croquis du père L. Gaillard)

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L'examen de licence. Types de sujets pour la première épreuve


Les thèmes de composition imprimés sont portés au Président, qui les fait immédiatement distribuer dans les cellules. Voici un spécimen de thèmes pour la 1ère épreuve (Nan-king, 1889) :

[…] TRADUCTION :

Sujets tirés des Quatre livres classiques :

« Il y a trois choses que le sage redoute : il révère les dispositions du Ciel, il révère les hommes éminents, il révère les paroles des saints ».

« Pour celui qui comprendrait les cérémonies des sacrifices offerts au Ciel et à la Terre, et qui pénètrerait le sens des oblations offertes tous les cinq ans et à chaque automne aux mânes de ses ancêtres... »

« La visite du Fils du Ciel aux régulos était dite Inspection des fiefs ; inspecter les fiefs, c’est se rendre compte par soi-même des terres de ses vassaux. La venue des régulos à la cour du Fils du Ciel s’appelait Compte rendu d’administration ; rendre compte de son administration, c’est exposer la manière dont on a géré les affaires. »

Sujet de poésie :

« Les eaux du Fleuve présentent les ombres précurseurs de l’automne; les oies sauvages commencent à prendre leur vol. — Prendre le mot ts’ieou (automne) comme type des rimes de cette pièce. »

Suit la désignation de 60 caractères de même désinence : yeou, lieou, nieou, tcheou, jou, hieou, k’ieou, etc., entre lesquels les candidats devront choisir leurs huit rimes.

Viennent enfin quelques règles pour la transcription des compositions.

Il est alors entre 2h et 3h de la matinée du 9, quand les thèmes sont distribués, et les candidats ont 2 jours entiers pour faire leurs compositions et les transcrire.

Bien qu’on doive à cet examen de licence, développer les thèmes d’une manière plus complète qu’au baccalauréat, d’après un règlement de l’empereur K’ien-long (43e an., 1778), chaque amplification ne doit pas dépasser 700 caractères. Quant à la pièce de vers, elle est toujours du genre, ayant huit vers rimés, composés chacun de deux hémistiches (lien) de cinq syllabes.

Le 9e jour, dans la matinée, de nombreux employés se rendent au guichet pratiqué devant chaque ligne de cellules pour vérifier l’identité des candidats d’après leur signalement. À Nan-king, comme à Pé-king, on appose alors sur le cahier de chaque candidat la lettre toei «concordat» ; de là le nom donné au cachet employé pour constater cette vérification.

Durant le temps des compositions, on fournit chaque jour et gratis aux candidats deux repas composés de riz, que les cuisiniers portent à chaque rangée de cellules. La plupart, ne trouvant pas cet ordinaire de leur goût, se préparent eux-mêmes dans leur cellule une nourriture plus substantielle, au moyen d’un petit réchaud qu’ils ont apporté. Quant à l’eau, il y a en dehors des bâtiments une grande cuve que l’on remplit chaque jour et dont l’eau est conduite à chaque rangée de cellules par des tuyaux en bambou on en fer-blanc.

Le lendemain, 10 de la 8e lune, est le jour de clôture de la première épreuve. Vers 6h du matin, le bruit du canon se fait entendre, ainsi que la musique, pour annoncer la sortie solennelle, qui se pratique comme celle du baccalauréat. À Nan-king cependant la sortie se fait en une seule fois. Ce même jour donc, on doit avoir fini avant la soirée, de transcrire ses compositions, en écriture régulière et en écriture cursive : chacun emporte alors son bagage, en ayant bien soin de ne rien laisser derrière lui, car on ne peut revenir sur ses pas.

Chaque candidat se rend au tche-kong-t’ang, où se tient le Président de l’examen, et pour y aller, il suit la voie de l’avenue centrale du côté où était sa cellule. Là il remet son cahier à l’employé correspondant à sa préfecture, et en reçoit une éclisse de bambou. Au Kiang-nan et dans plusieurs autres provinces, les candidats reçoivent en même temps un billet valant 200 sapèques, qu’ils peuvent changer à une banque. Dans quelques endroits existe encore l’ancienne coutume de distribuer à chaque candidat lors de la 3e épreuve des gâteaux appelés yué-ping, avec des tranches de jambon.

Libre désormais, le candidat peut faire porter tous ses bagages par son hao-kiun, jusqu’à la porte long-men, où il remet l’éclisse à un employé, et de là il doit lui-même apporter ses bagages pour sortir.

Avant que la nuit soit venue, et dès que les candidats ont évacué le Kong-yuen, la porte d’entrée et la 2e porte sont fermées et scellées par le Président : du reste c’est cette même nuit, au matin, que se fera l’appel pour la seconde épreuve.

Cependant les officiers chargés de recevoir les cahiers de composition, examinent avec soin si ces cahiers, surtout dans la partie transcrite, ne contiennent aucune des fautes comprises sous le nom générique de fan-t’ié. Les violations de ce genre les plus fréquentes sont par exemple, l’abandon d’un feuillet, un espace vide laissé dans le cahier, une tache, une omission de copie , un trou fait dans le papier et rebouché pour remplacer un caractère erroné (wa-pou), etc... Les cahiers dans lesquels on découvre des irrégularités de ce genre sont montrés au Président qui ordonne de porter sur un tableau affiché aux murs extérieurs du Kong-yuen, les noms et lieux d’origine des candidats jugés dignes du pilori, ainsi que la nature des fautes dont ils se sont rendus coupables. Ce tableau est généralement connu sous le nom de lan-pang « liste bleue ». La raison de cette dénomination est que jadis il se faisait à l’encre bleue par les soins du vice-président t’i-tiao. Mais comme depuis K’ien-long (36e an., 1771), cet officier est obligé de se servir d’encre violette, on donne aussi à cette liste le nom de tse-pang.

Ceux donc qui sont ainsi notés, sont exclus des épreuves subséquentes et privés pour cette fois de l’espoir d’obtenir la licence.

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Deuxième épreuve


Nous donnons ici un spécimen de thèmes pour la 2e épreuve (Nan-king, 1889), avec la traduction.

[…] TRADUCTION :

Sujets tirés des Cinq livres Canoniques :

« La force et la faiblesse sont l’emblème du jour et de la nuit. »

« Il (l’empereur Choen) offrit un sacrifice à la foule des Esprits. »

« Et qu’étaient ces légumes ? De jeunes pousses de bambou ainsi que de typha. »

« Le Marquis de Tsin attaque la principauté de Tcheng. — 14e année du Duc Siuen. »

« Il (l’empereur) ordonne au directeur de Musique de lui présenter des poésies pour juger par elles des mœurs de son peuple. »

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Troisième épreuve


Les thèmes de composition sont cinq sujets assez longs et érudits, préparés par les examinateurs impériaux : on les appelle tch’é-wen ou tch’é-t’i. Aucune de ces questions ne doit dépasser 300 caractères. (Décret de K’ang-hi, 26e an., 1687) ; il est en outre interdit d’y juger la conduite des mandarins de la présente dynastie (Décret de K’ien-long, 36e an., 1771).

La forme extérieure et l’en-tête du programme des matières sont les mêmes que dans la 1ère et la 2e épreuves, avec cette seule différence que le titre se-chou-t’i ou ou king-t’i est remplacé par les 3 caractères tch’é-ou-tao « Cinq questionnaires ». Ne pouvant dans cet opuscule traduire les cinq questions d’un examen, nous nous contenterons de donner la 1ère proposée en 1889 à Nan-king.

TRADUCTION DE LA 1ère QUESTION.

« Question : Bien que les livres lien-chan et koei-tsang (titres de deux ouvrages sur les Mutations, différents du I-king) ne se trouvent pas mentionnés dans l’histoire de la dynastie Han, cependant le lettré Hoan Kiun-chan pouvait affirmer sûrement en quel lieu ces deux livres furent cachés et quel nombre de caractères ils contenaient ; d’où il suit que ces ouvrages n’étaient point perdus à l’époque des Han. Quand avaient-ils été composés ? Les uns pensent que les commentaires (de ce double livre) faits par Yng (Se-ma Yng) et Tchen (Sié Tcheng) sont authentiques, d’autres en doutent ; quelle est la plus sûre de ces deux opinions ?

— Dans les fragments du livre Lien-chan exposés par les auteurs Kan Pao et Louo P’ing, est-ce que les noms des trigrammes (koua) concordent avec ceux du livre des Mutations ?

— L’empereur Yuen-ti, de la dynastie Liang a lui aussi expliqué le livre lien-chan ; de quels auteurs s’est-il inspiré, et combien son œuvre contient-elle de chapitres ?

— Quant au livre Koei-tsang, combien en restait-il de sections, au temps de la dynastie Song ?

— Dans le livre chang-chou-ta-tch’oan (titre des anciennes Annales) on fait mention d’une partie nommée yen-k’ao ; de même, au chapitre pen-ki de l’histoire Che-ki, on fait allusion à une autre partie ta-meou ; pourquoi cependant le Récit (siu) du livre canonique des Annales Chou-king n’en fait-il aucune mention ?

— La division en chapitres et la ponctuation de l’ouvrage Han-che (ouvrage de l’auteur Han Yng sur le « Livre des vers » Che-king), ont eu deux auteurs sous la dynastie Han ; le nommé Sié (Sié Fang), avec son fils (Sié Han), était le plus remarquable des deux ; quel est toutefois celui qui mit la dernière main à ce travail ?

— La chronologie Tch’oen ts’ieou ayant Yen (Yen P’ong-tsou) pour auteur, a été divisée en chapitres et ponctuée par le nommé Fong, ensuite revue par des écrivains de la dynastie Han, enfin mise au jour par des contemporains de la dynastie Wei. Combien renferme-t-elle de milliers de caractères ? Elle est très digne d’être consultée pour suppléer aux lacunes des historiens officiels.

— Dans les explications (chou) du livre canonique Li-ki « Mémorial des rites », on raconte que le lettré Tcheng (Tcheng K’ang-tch’eng) s’inspira dans ses commentaires, du livre composé par les auteurs Liu (Liu Tche) et Ma (Ma Yong) ; en effet, dans les dits commentaires, il avoue clairement qu’il a suivi l’écrivain Liu, dont il a transcrit complètement des passages ; et cependant assez souvent il diffère de ses deux modèles, et les caractères qu’il emploie ne concordent pas non plus avec ceux du commentaire Liu. Comment expliquer cela ?

— Comme la culture des livres canoniques est florissante sous la présente dynastie, pourrait-il se faire que vous, lettrés longtemps versés dans cette étude, ne répondissiez point pleinement à ces questions ? »

Outre les cinq questions dont nous avons parlé plus haut, le programme indique certaines portions de la première amplification de la 2e épreuve, que l’on doit écrire de mémoire (Décret de T’ong-tche, an. 13, 1874).

Les candidats ont donc les deux jours du 15 et du 16 pour faire sur les questions proposées leurs cinq dissertations ; chacune d’elles doit avoir 300 caractères au moins et 2000 au plus. Les candidats les plus érudits répondent pertinemment à chacune de ces questions et si leurs compositions traitent pleinement le sujet, on les nomme che-tch’é ; les dissertations au contraire qui dénotent l’ignorance de leurs auteurs et sont vides d’idées sont appelées k’ong-tché. L’épreuve finit le 16 au soir. Mais la plupart sortent dès le 15, pour profiter de la fête qu’une coutume populaire a consacrée ce même jour sous le nom de tchong-ts’ieou-tsié.

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