Antoine Bazin (1799-1863)

Recherches sur les INSTITUTIONS ADMINISTRATIVES ET MUNICIPALES DE LA CHINE

Journal asiatique, série 5, tomes 3 et 4, 1854, 62+100+37 pages.


Table des matières
Extraits : Famille naturelle et famille civile - La garde municipale - Fonctions des Pao-tching
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Table des matières

Premier Mémoire : Caractère et principales formes de l'institution municipale.
Introduction générale
I. — Aperçu historique du régime municipal : Constitution de la famille chinoise. — Établissement des communautés. — Trois époques dans l'histoire du régime communal. — Caractères généraux du système municipal actuel.
II. — Organisation administrative des districts : §1. Administrateurs — §2 Organisation des bureaux — §3 Service particulier du chef de district — §4 Garde municipale du district. Formation des compagnies — §5 Plan d'une préfecture chinoise.
III. — Composition du corps municipal. Attributions générales des Pao-tching et des Li-tchâng : §1 Composition du corps municipal — §2 Attributions générales des Pao-tching et des Li-tchâng.
IV. — Élection des magistrats municipaux. Assemblées des Kia-tchâng. Attributions des conseils municipaux. Dépenses communales

Deuxième Mémoire : L'administration municipale.
I. Registres de la population. Etat civil des Chinois : §1. Des formalités relatives aux Hou-tsĭ. Fonctions des Pao-tching. — §2. Des formalités relatives aux Youen-tsĭ Fonctions des Li-tchang — §3. État civil des Chinois.
II. Contributions. De la répartition et de la perception de l'impôt. Fonctions des Li-tchâng.
III. Des actes translatifs de la propriété immobilière. Forme des contrats de vente. Impôt du timbre. Fonctions des Li-tchang.
IV. Agriculture. De la direction et de la surveillance des travaux agricoles. Police rurale. Fonctions des Li-tchang.
V. Religion : §1. Religion de l'Etat. Son objet. Du culte impérial et du culte mandarinique — §2. Culte mandarinique. Fonctions des Pao-tching.
VI. Police. De la police municipale. Fonctions des Pao-tching.

Troisième Mémoire : Organisation administrative de la ville de Péking.
Caractères généraux de l'administration métropolitaine
Administration civile : Fonctions et attributions générales du Foù-yng ou du Maire de Péking — Fonctions et attributions générales du Foù-t'ching ou de l'adjoint au Maire de Péking (Fonctions ordinaires. Fonctions extraordinaires) — Service particulier du Foù-yin ou du Maire de Péking (Fonctionnaires subordonnés. Agents subalternes).
Administration militaire : Fonctions et attributions générales du kieou-men-thi-tou ou du gouverneur militaire — Fonctions et attributions générales des commissaires de police — Fonctions et attributions générales des Pou-kiă ou des Agents de police.

Famille naturelle et famille civile


On distingue à la Chine la famille naturelle de la famille civile.
La famille civile comprend tous les individus qui habitent sous le même toit, et dont les noms sont inscrits sur un registre public, nommé hou-tsĭ.

Chaque famille naturelle a un chef appelé Kia-tchâng, c'est le père. Le chef de la famille naturelle est toujours le Kia-tchâng, ou le chef de la famille civile.

Dans une maison opulente, dit l'auteur du Ching-yu-kouang-hiun, le nombre des domestiques et des laboureurs qui cultivent les champs du maître, s'élève à plusieurs centaines d'individus. Les maisons opulentes sont rares dans tous les pays ; mais enfin le Kia-tchâng peut compter dans sa famille :
1° Sa femme ;
2° Ses enfants ;
3° Ses parents ou alliés, s'ils vivent chez lui ;
4° Ses domestiques, c'est-à-dire les individus, sans distinction de sexe, qu'il peut acheter, et qui forment une partie intégrante de la famille naturelle ;
5° Enfin, tous ceux dont il a loué pour un temps le travail ou les services.

De là vient à la Chine, d'une part, la distinction des personnes en leang ou d'honorable condition, et en tsièn ou de basse condition ; d'autre part, la distinction des personnes en sui juris et en alieni juris, comme chez les Romains.

Le Kia-tchâng d'abord, puis la femme, les enfants et les parents du Kia-tchâng sont d'une condition honorable (leang-jin) ; tous les serviteurs du Kia-tchâng, achetés ou gagés, sont d'une basse condition (tsièn-jin). Cette inégalité des conditions amène l'inégalité devant la loi. Il y a des privilèges attachés au titre de leang-jin. Toute alliance entre les leang et les tsièn est sévèrement interdite ; le mariage est déclaré nul ; puis les châtiments diffèrent, suivant qu'on est de la condition supérieure ou de la condition inférieure.

La garde municipale

Il y a, dans chaque district, une force instituée pour veiller à la sûreté générale, maintenir l'obéissance, conserver l'ordre et la paix. On appelle cette force armée Hou-wéï-kiun, ou Garde municipale. On appelle les Gardes municipaux ou les Gardes du district Thou-ping, quelquefois Min-tchouang.

La Garde du district est placée sous l'autorité du Tchi-hièn ou du Gouverneur ; elle est commandée, dans les grands districts, par un Cheou-pi ou un Capitaine ; dans les petits districts, par un Thsien-tsoung ou un Lieutenant, qu'on nomme vulgairement Lao-tsiang. Le service de la garde est intérieur ou extérieur ; elle fournit le nombre d'hommes nécessaire pour la police de la ville, pour le maintien ou le rétablissement de l'ordre ; elle fournit le nombre d'hommes nécessaire pour escorter le Siûn-kièn, ou le Commissaire, lorsque celui-ci fait ses tournées dans les communes du district, etc.

C'est une troupe assez mal disciplinée. Le code militaire est d'une sévérité excessive, et pourtant il y a moins d'ordre, moins de discipline dans les troupes chinoises que dans les nôtres. « Les soldats chinois craignent la mort, répétait souvent Wang Ki-yè ; les Tartares eux-mêmes ne sont plus aujourd'hui ce qu'ils furent autrefois. » Si la Garde des districts est mal disciplinée, elle est encore plus mal payée. On a débité des fables relativement à la solde et à l'entretien de l'armée ou des huit bannières (pă-khi). Saisissons, en passant, cette occasion d'avertir que les chiffres du Taï-thsing-hoeï-tièn ne méritent aucune confiance. Tout cela n'est que de la théorie ; dans la pratique, par exemple, il s'en faut de beaucoup que les Tchi-hièn, ou les Gouverneurs des districts fournissent à chaque Thou-ping et à sa famille une subsistance honnête. La vérité est que le Garde municipal reçoit deux taels par mois, ou environ dix sous par jour. C'est peu, c'est trop peu pour un homme qui a une femme et des enfants, car on n'oublie pas, sans doute, qu'à la Chine les soldats sont tous ou presque tous mariés ; mais je remarquerai, pour être juste, qu'à l'exception des Thou-ping qui accompagnent le Siûn-kièn, ou le Commissaire du district, et qui ne font pas moins de quinze lieues par jour, le service de la Garde municipale est à peine une occupation. Les Thou-ping ont assez de loisir pour s'appliquer à un petit commerce ; on les trouve dans les grandes rues de la ville, sur les places publiques, où ils vendent des marchandises ; puis il existe parmi eux des hommes de métier, des sculpteurs, des peintres, des teinturiers, des vernisseurs, etc. Ces artisans trouvent presque toujours de l'emploi, et gagnent de l'argent.

On ne pourrait pas dire des Gardes municipaux de la Chine, comme des nôtres, qu'ils sont remarquables par leur belle tenue. A cela près des Theng-paï-ping, qui portent un bonnet particulier et sont habillés de jaune, les Thou-ping n'ont point, à proprement parler, d'uniforme qui les distingue, soit des artisans, soit des marchands. Commandés pour le service, ils revêtent un Khan-kien ou une espèce de casaque sans manches, sur laquelle on lit les deux caractères 'Garde municipale'.

Les Gardes municipaux ne peuvent ni prendre les armes, ni se rassembler, sans l'ordre des Waï-weï, ou des Sergents ; le chef du corps, ou le Lao-tsiang, ne peut transmettre cet ordre aux Waï-weï sans une réquisition du Tchi-hièn ou du Chef du district.

Fonctions des Pao-tching magistrats de district



Dans un district, les fonctions ordinaires des Pao-tching sont :

De fournir au greffier du Hou-fang (Bureau des finances), ou à son commis, les documents et les indications nécessaires pour le recensement des communes, la vérification des Men-paï, et la tenue des registres nommés Hou-tsĭ, c'est-à-dire des registres qui contiennent les noms, la profession et l'âge de tous les habitants d'une ville, d'un bourg ou d'un village ;

D'inscrire d'office, ou plutôt de faire inscrire sur les registres de la population (Hou-tsĭ) les personnes, de l'un ou de l'autre sexe, qui omettent ou négligent de se faire enregistrer ;

De convoquer et de présider les conseils municipaux ou les assemblées des Kia-tchâng (Chefs de famille), toutes les fois que ces conseils ont à délibérer sur des objets ou à s'occuper de matières qui rentrent dans les attributions des Pao-tching ;

D'informer le Tchi-hièn ou le Préfet du district du résultat des élections municipales ;

D'imposer, après le consentement et le vote des Kia-tchâng ou des Chefs de famille, les contributions nommées Hoeï-thsien (impôt municipal), afin de pourvoir aux besoins et aux dépenses ordinaires des municipalités ; comme aussi d'ouvrir et de provoquer les souscriptions volontaires (Kiouen-tse), pour faire face aux dépenses extraordinaires ou imprévues ;

De prescrire, comme ministres du culte officiel, toutes les mesures nécessaires pour la célébration des fêtes religieuses ;

D'offrir, dans les temples, tous les sacrifices qu'ils jugent à propos d'y faire ;
De maintenir, dans les réunions publiques et dans les fêtes des villages (chan-hoeï), l'exécution des règlements concernant la préséance, les prérogatives de l'âge et le rang des personnes ;

De signaler au chef du district les habitants que l'on doit exempter du service personnel ;

De maintenir, comme officiers de police, le bon ordre dans les communes et de garantir la tranquillité des habitants ; d'interdire les réunions illicites ; de rechercher et de traduire devant le gouverneur du district les membres des sociétés secrètes ;

De surveiller les mendiants, les vagabonds et les gens sans aveu ;

D'expulser de leurs communes :
1° Les individus étrangers au district, lorsque ces individus leur deviennent suspects ou tiennent une conduite équivoque ;
2° Les magiciens qui évoquent les esprits et font du mal aux hommes ;
3° Les charlatans qui, sans avoir fait une étude particulière de la sorcellerie, tirent néanmoins l'horoscope des individus, et annoncent mensongèrement les événements heureux ou malheureux ;

De réprimer les atteintes portées aux bonnes mœurs ; d'interdire tout ce qui pourrait favoriser la débauche, et, si des femmes de mauvaise vie (tchang-fou) s'établissent malgré eux dans les communes qu'ils administrent, d'en donner avis au Tchi-hièn (Préfet) ou au Siun-kièn (Commissaire du district) ;

De surveiller l'exécution des règlements qui prohibent les maisons de jeux ; l'exécution des règlements sur la police de nuit ; l'exécution des règlements sur la police des cimetières ; l'exécution des règlements sur la police des tavernes ;

D'apaiser les querelles ; d'arrêter et de traduire devant les autorités compétentes (le Tchi-hièn ou le Siun-kièn) tous ceux qui exercent des voies de fait ou des violences contre les personnes ;

De rechercher tous les attentats contre les particuliers ; de rassembler les preuves des crimes, des délits et des contraventions ; de recevoir, à ce sujet, les rapports, les dénonciations et les plaintes;

D'avertir, sur-le-champ, le Tchi-hièn ou le Préfet du district, lorsqu'un individu a péri d'une mort violente ;

D'interdire la vente des poisons et des substances vénéneuses ; la vente des breuvages qui procurent l'avortement des femmes ; de se présenter s'il y a lieu, dans les officines des médecins, à l'effet d'y constater les contraventions ; de signaler au Préfet du district les individus qui élèvent des animaux venimeux ou vendent, sans autorisation, des médicaments ou des drogues composées ;

D'arrêter ou de faire arrêter les déserteurs, tous les individus qui abandonnent le service militaire sans autorisation, et de les traduire devant le Préfet du district ; de signaler à ce magistrat les habitants chez lesquels ces déserteurs ont trouvé un asile ;

D'organiser, dans leurs communes, les Y-kiun ou les Corps de volontaires, si le pays se trouve menacé d'une invasion.

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