Chansons des Royaumes

du Livre des Vers

Chansons des Royaumes du Livre des Vers, traduites par Louis LALOY (1874-1944) La Nouvelle Revue Française, 1909, n° 7 à 9. Couverture

traduites par Louis LALOY (1874-1944)

La Nouvelle Revue Française, 1909, n° 7, pp. 1-16 ; n° 8, pp. 130-136 ; n° 9, pp. 195-204.


Extraits : Tcheou et pays du Nord - Tchao et pays du Sud - Pays Pudeï
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  • Préface : "Le Cheu-King ou Livre des Vers est le plus ancien recueil de poésies populaires ou, ce qui revient à peu près au même, anonymes.

    C'est en effet Koung-Tzeu ou Confucius qui l'a formé, au VIe siècle avant notre ère, après un triage dont il faut déplorer la sévérité ; sur huit mille petits poèmes, que l'on chantait à la cour de l'empereur et dans les États de ses vassaux, il n'en a gardé que trois cent onze. Selon l'historien Seu-Ma-Tsien, il prit soin d'éliminer tout ce qui faisait double emploi ou n'enseignait pas la vertu. C'est en moraliste qu'il s'est intéressé à la poésie, comme à toute chose. Il a voulu rassembler des textes édifiants, qui fourniraient aux maîtres de la jeunesse la matière de solides homélies. Satisfait de son ouvrage, il en recommandait la lecture à ses disciples : « Vous y trouverez de quoi éveiller votre esprit, éclairer votre intelligence, vous rendre sociables, miséricordieux, affectueux envers vos proches, dévoués à vos supérieurs. En outre, vous y apprendrez les noms de bien des animaux et des plantes. »

    Par bonheur, Confucius avait l'esprit assez subtil pour découvrir des intentions morales où personne ne les eût soupçonnées ; sans cette générosité d'interprétation, d'ailleurs, ce sont les huit mille chansons qu'il devait rejeter en bloc : destinées aux réjouissances du peuple ou aux fêtes du prince, elles ne s'étaient jamais, avant lui, souciées de justice, de chasteté, ou de fidélité. Mais tous les commentateurs chinois ont suivi les pieux errements du grand sage ; ils l'ont même dépassé; ils ont rivalisé d'ingéniosité, ils ont fait assaut d'historiettes et d'allégories. Élevé au rang de livre sacré, le Cheu-King s'est environné d'un amas d'exégèse qui a fini par en masquer complètement la vue. Nous qui l'étudions pour lui-même, et non en vue de notre perfectionnement, n'avons que faire de ces inventions. Le père du Halde convenait déjà que « les interprètes chinois ne sont pas trop heureux à déchiffrer ces poésies » ; Giles, Terrien de La Couperie, et, en dernier lieu, Allen, ont osé se passer de ces guides trop prévenus, et s'en sont fort bien trouvés. La Chine moderne elle-même leur retire sa confiance : les éditions publiées sous la présente dynastie discutent et réfutent volontiers leurs allégations ; aujourd'hui les programmes de l'enseignement ont été changés de fond en comble : on n'étudie plus la morale dans les livres anciens, mais l'économie politique et la sociologie dans les ouvrages traduits de Montesquieu, d'Adam Smith, de Stuart Mill et de Spencer, ainsi que l'histoire, la géographie et les sciences. Le Cheu-King n'est plus une Bible ; en perdant son autorité, il retrouve sa grâce."

  • "L'ouvrage se divise en quatre parties ; la première, Kouo-Foung, est affectée aux Chansons des Royaumes, c'est-à-dire aux chansons en usage dans les différents États de l'Empire. Elle comprend quinze livres, dont chacun est réservé à l'un de ces pays.

    Les trois autres parties se consacrent aux rites de la cour impériale ; la deuxième, Siao-Ia ou petites cérémonies, donne les chants dont s'égayaient les festins ; la troisième, Ta-Ia ou grandes cérémonies, ceux qui accompagnaient les réunions des princes ou le culte des ancêtres, la quatrième, Soung ou Éloges, les hymnes dont on célébrait, en leur temple, la gloire des anciens souverains. La musique s'est perdue ; les paroles seules nous restent, sauf pour cinq pièces qui ne nous sont plus connues que par leurs premiers mots ; aucun nom d'auteur ne nous a été transmis : sans doute, au temps de Confucius, ces poésies, déjà très anciennes, étaient devenues un bien commun. Elles étaient populaires. Beaucoup d'entre elles cependant, surtout dans les trois dernières parties, appartiendraient aujourd'hui au genre officiel. Elles n'en traduisaient pas moins un sentiment unanime, en un temps patriarcal où l'empereur et ses sujets avaient en effet mêmes mœurs, mêmes pensées et même volonté. Il y a cette seule différence que les chants de cérémonie et les hymnes nous transportent à la cour, au lieu que les chansons des royaumes nous mêlent presque toutes au peuple même. Ce sont deux aspects de la vie nationale, parfaitement concordants d'ailleurs, mais dont le dernier est plus pittoresque, et flatte notre goût de liberté. C'est pourquoi il a paru bon de tenter d'abord une traduction de cette partie, dont on trouvera ici les trois premiers livres."

  • "Cette traduction ne se targue d'aucun autre mérite que d'être littérale. C'est en quoi elle se distingue de toutes les versions françaises qui ont été publiées jusqu'à ce jour, sans excepter celle du père Couvreur (1896), la meilleure sans contredit, qui est encore une paraphrase. Les traductions anglaises de Legge et d'Allen sont sujettes au même reproche. On s'est attaché ici à suivre la strophe vers par vers, et la phrase mot par mot ; c'est à quoi s'était essayé déjà un lettré chinois, qui signe des initiales V. W. X. ; mais il fait à la langue anglaise quelques violences dont on s'est efforcé de préserver le français. La construction chinoise n'est pas contraire à la nôtre. Il est vrai que le complément précède le substantif, mais il suit le verbe, qui se trouve placé entre le sujet et le régime ou l'attribut, comme nous le voulons. La grande difficulté, c'est qu'il nous faut prendre un parti, entre les nombres, les genres, les modes et les temps. Le chinois peut à son choix préciser ces détails, par un jeu très complet de pronoms et de particules, ou s'abstenir. C'est ce que fait l'ancienne langue ; elle signale l'essence et omet l'accident ; de là un genre particulier de beauté abstraite et nue, dont aucune adaptation européenne ne peut donner l'image. Ainsi, dans la première pièce du premier livre, à la seconde strophe, rien n'indique ni le passé, ni la première personne du pluriel : le vers se compose de quatre mots, qui disent : veiller, dormir, chercher, elle (ou il). Encore l'infinitif est-il lui-même un mode, au lieu que le terme chinois n'apporte avec lui qu'un sens, indépendant de toute détermination grammaticale. La traduction proposée repose donc sur une hypothèse arbitraire ; et elle n'a même pas l'ambition d'exprimer ce que le texte original aurait sous-entendu. Rien n'est sous-entendu. Quatre idées sont évoquées, d'autorité ; l'esprit chinois des temps anciens ne demande rien de plus. Il juxtapose ces notions pures, sans nulle transition qui en affaiblirait l'éclat. C'est l'impressionnisme de la raison.

    Une langue aussi concise, et qui, par surcroît, est monosyllabique, n'admet pas l'espoir d'une traduction qui en reproduirait les rythmes. Les poèmes du Cheu-King sont écrits en vers de trois, quatre et cinq syllabes, parfois réguliers, souvent libres à ce qu'il semble, et rimés par intervalles seulement. On les a représentés par des vers français comprenant un nombre de syllabes approximativement double ; cinq ou six pour trois, sept ou huit pour quatre, neuf ou dix pour cinq. Mais il est des cas où l'on a dû sacrifier ce principe à l'exactitude de la traduction, nécessaire avant tout, surtout en un genre de poésie dont les Chinois eux-mêmes ne connaissent plus les règles."
  • "Ces poèmes ont trait presque tous au mariage et à l'amour, ou bien au travail, qui sont les deux thèmes préférés de la chanson populaire. Comme toutes les chansons, ils usent volontiers du refrain ; le couplet lui-même est parfois répété, à l'exception d'un mot ou deux, qui changent, jetant sur la phrase entière un reflet nouveau. Des comparaisons rustiques, ou des paysages évoqués en manière de décor, disent une vie toute proche de la nature. Les sentiments sont doux, intimes et profonds. C'est une tendresse souriante, un dévouement secret, un amour reconnaissant, une tristesse sans révolte, une joie recueillie, une réserve, une délicatesse et une pudeur qui sont d'instinct, sans nulle philosophie. Ce peuple ennemi du trouble était prêt à recevoir une morale ordonnatrice ; et, si Confucius a eu le tort de chercher en ces chansons des enseignements explicites, il ne s'est pas trompé en les proclamant salutaires. La grande paix chinoise est sur elles, et c'est une leçon qui à nous aussi ne sera pas inutile peut-être."

Illustration 1. Chansons des Royaumes du Livre des Vers, traduites par Louis LALOY (1874-1944) La Nouvelle Revue Française, 1909, n° 7 à 9.


*

Tcheou et pays du Nord

1. Chanson de noces.
C'est le cri, le cri des mouettes
Par les îlots de la rivière.
Celle qui vit pure et secrète,
Bonne compagne pour le prince.

Diverses, les lentilles d'eau,
À droite, à gauche, sont flottantes.
Celle qui vit pure et secrète,
Nuit et jour nous l'avons cherchée.

La cherchant et ne la trouvant,
Nuit et jour nous avons pensé,
Si longuement, si longuement,
Nous tournant et nous retournant.

Diverses, les lentilles d'eau
À droite, à gauche sont cueillies.
Celle qui vit pure et secrète,
Luths et harpes lui font cortège

Diverses, les lentilles d'eau
À droite, à gauche sont servies.
Celle qui vit pure et secrète,
Tambours et cloches lui font fête.


2. Après le mariage.
Le dolic s'est répandu
Jusqu'au mitan de la vallée,
Et son feuillage est vert et dru.
Loriots sont allés volants
Se poser sur les bouquets d'arbres,
Et on entend leurs sifflements.

Le dolic s'est répandu
Jusqu'au mitan de la vallée,
Et son feuillage est fort touffu.
Je le coupe et je le fais cuire,
En tisse toile grosse et fine,
La porterai sans me lasser.

J'ai dit à dame gouvernante,
J'ai dit un mot de mon retour.
Un peu je vais laver mes robes,
Un peu je vais les nettoyer.
Quelles laver, et quelles non ?
Je reverrai mes père et mère.


3. L'absence.
Je cueille, cueille la bardane,
Sans emplir mon panier penché.
Las ! mon ami est dans mon cœur !
Laisse mon panier sur la route.

Je monte à la montagne raide ;
Mes chevaux deviennent poussifs.
Alors, j'emplirai cette coupe d'or.
Pour me distraire de mon amour.

Je monte à ce faîte escarpé,
Mes chevaux noirs se sont faits bruns.
J'emplirai la corne du rhinocéros
Pour me distraire de ma douleur.

Je monte au haut du mont rocheux,
Mes chevaux sont tombés malades,
Et le conducteur est sans forces.
Ah ! combien, combien je soupire !


4. Souhaits.
Au Sud est un arbre aux rameaux tombants,
Les dolics s'enlacent autour.
Notre princesse est notre joie.
Le bonheur, le calme et la paix pour elle !

Au Sud est un arbre aux rameaux tombants,
Les dolics s'entassent autour.
Notre princesse est notre joie.
Le bonheur, le calme et la paix pour elle !

Au Sud est un arbre aux rameaux tombants,
Les dolics s'enroulent autour.
Notre princesse est notre joie.
Le bonheur, le calme et la paix pour elle !

Illustration 2. Chansons des Royaumes du Livre des Vers, traduites par Louis LALOY (1874-1944) La Nouvelle Revue Française, 1909, n° 7 à 9.


*

Tchao et pays du Sud

1. Chanson du travail.
Elle va cueillir l'armoise
Près des bassins, près des îlots,
Elle va, et l'emploie
Au service du prince.

Elle va cueillir l'armoise
Au milieu du torrent.
Elle va, et l'emploie
Dans la maison du prince.

Sans remuer sa tresse,
Dès l'aube chez le prince.
Sans agiter sa tresse.
Doucement se retire.


2. Offrande.
Elle va cueillir la lentille d'eau
Au midi, sur le bord du torrent.
Elle va cueillir les algues
Parmi les eaux débordées.

Elle va et les dispose
Dans les paniers et les corbeilles.
Elle va et les fait cuire
Dans les chaudrons et les marmites.

Elle va en faire offrande
Au grand ancêtre sous la fenêtre.
À cet office qui préside ?
La jeune femme irréprochable.


3. Le sorbier.
Le sorbier ombreux et doux.
Ne le coupez, ni le tranchez.
Le prince de Chao en a fait son séjour.

Le sorbier ombreux et doux.
Ne le coupez, ni l'abattez.
Le prince de Chao en a fait son repos.

Le sorbier ombreux et doux.
Ne le taillez, ni le courbez.
Le prince de Chao en a fait son plaisir.


4. Le refus.
Les chemins sont tout en rosée.
Je ne veux pas avant l'aurore ;
Les chemins ont trop de rosée.

Si le moineau n'avait bec pointu,
Comment percerait-il mon toit ?
Tu n'as pas fait mariage,
Et tu réclames ton droit ?
Tu peux bien réclamer ton droit :
La noce n'est pas célébrée.

Si le rat n'avait point de dents,
Comment percerait-il mon mur ?
Tu n'as pas fait mariage.
Et tu réclames ton dû ?
Tu peux bien réclamer ton dû :
Et moi, je ne te suivrai pas.


5. L'absence.
Le tonnerre s attriste
Au sud de la montagne du sud.
Pourquoi, toujours loin d'ici,
N'ose-t-il prendre aucun repos ?
Mon généreux seigneur,
Qu'il revienne, revienne !

Le tonnerre s'attriste
Au flanc de la montagne du sud.
Pourquoi, toujours loin d'ici,
N'ose-t-il repos ni loisir ?
Mon généreux seigneur,
Qu'il revienne, revienne !

Le tonnerre s'attriste
Au pied de la montagne du sud.
Pourquoi, toujours loin d'ici.
Ne prend-il repos ni arrêt ?
Mon généreux seigneur,
Qu'il revienne, revienne !


6. L'attente.
Les prunes tombent ;
Sept de dix restent encore.
Jeunes gens qui me désirez,
Voici le jour heureux.

Les prunes tombent ;
Trois de dix restent encore.
Jeunes gens qui me désirez,
C'est aujourd'hui le jour.

Les prunes tombent ;
Le panier plat les recueille.
Jeunes gens qui me désirez,
C'est le jour de parler.


7. Les suivantes.
À peine luisent les étoiles :
Trois ou cinq à l'orient.
Nous allons doucement dans le soir,
Au palais jusqu'à l'aurore.
Mais tout autre est notre sort.

À peine luisent les étoiles :
Orion et les Pléiades.
Nos bras sont chargés de couvertures.
Au palais jusqu'à l'aurore.
Mais tout autre est notre sort.


8. La délaissée.
Le fleuve a des bras.
La jeune fille se marie,
Avec elle ne m'a pas prise.
Avec elle ne m'a pas prise,
Par après s'en est repentie.

Le fleuve a des îles.
La jeune fille se marie,
Ne m'a pas prise pour compagne.
Ne m'a pas prise pour compagne,
Par après s'en est consolée.

Le fleuve a des branches.
La jeune fille se marie.,
Ne m'a pas prise pour la suivre.
Ne m'a pas prise pour la suivre,
En a sifflé, et puis chanté.


9. Appel.
Dans la campagne est un daim mort ,
On l'enveloppe d'herbe blanche.
Une fille a printemps au cœur,
Un galant homme la demande.

Dans la forêt sont des arbustes.
Dans la campagne est un cerf mort :
D'herbe blanche on le lie et serre.
Une fille est pareille au jade.

Oh ! lentement ! oh ! doucement !
Il ne faut pas toucher mon tablier.
Il ne faut pas faire aboyer mon chien.

Illustration 3. Chansons des Royaumes du Livre des Vers, traduites par Louis LALOY (1874-1944) La Nouvelle Revue Française, 1909, n° 7 à


*

Pays Pudeï

1. Le départ.
Deux hirondelles vont volant,
D'un inégal battement d'ailes.
La jeune fille qui s'en va,
Longtemps je la suis dans la plaine.
Quand mon regard ne l'atteint plus,
Mes pleurs coulent comme la pluie.

Deux hirondelles vont volant,
Le cou levé, le cou baissé.
La jeune fille qui s'en va,
Longtemps je marche à son côté.
Quand mon regard ne l'atteint plus,
Je reste debout et je pleure.

Deux hirondelles vont volant,
En haut, en bas, jettent leur chant.
La jeune fille qui s'en va,
Longtemps je la suis vers le sud.
Quand mon regard ne l'atteint plus,
La grande peine est en mon cœur.

Ma sœur était compagne sûre,
Son cœur était ferme et profond.
Douce toujours et secourable,
Elle gardait son corps intact.
Mémorieuse du feu prince,
Elle encourageait ma faiblesse.


2. Complainte du soldat.
Le tambour frappé résonne,
Nous bondissons sous les armes.
Les uns défendent la ville,
Nous seuls allons au midi.

Nous suivons le prince Suenn,
En paix avec Tch'enn et Soung.
Le retour n'est pas pour nous,
La tristesse étreint mon cœur.

Nous restons, nous faisons halte,
Avons perdu nos chevaux.
Pour les chercher nous allons
Jusqu'au bas de la forêt.

Pour la vie et pour la mort
Je lui avais fait serment ;
Je lui avais pris la main
Pour vieillir sans la quitter.

Hélas ! que je suis loin d'elle !
C'en est donc fait de ma vie ?
Hélas ! ou sont mes promesses !
C'en est donc fait de ma foi ?


3. Chant de printemps.
La courge a ses feuilles arrières,
L'eau coule haute sur le gué.
Haute ? restez, vêtus.
Basse ? retroussez-vous.

Sur le gué l'eau coule à pleins bords,
La faisane pousse son cri.
À pleins bords? ne mouillez pas vos essieux.
La faisane crie ? il lui faut un mâle.

Le batelier appelle, appelle.
Que les autres passent, moi non !
Que les autres passent, moi non !
Je veux attendre mon ami.


4. La répudiée.
Avec le vent de la vallée
Viennent la pluie et les nuages.
Il faut tâcher d'unir nos cœurs :
La colère ne convient pas.
On cueille radis et navets
Sans en examiner le bout.
Je n'ai pas quitté la vertu ;
Avec toi je devais mourir.

Je suis ma route lentement,
Car tout mon cœur est à l'encontre.
Tu m'as un peu accompagnée,
Pas loin, seulement jusqu'au seuil.
Le laiteron n'est plus amer,
Mais doux comme bourse à pasteur.
Heureux de ta nouvelle épouse,
Tu es pour elle comme un frère.

Le fleuve est trouble au confluent,
Mais il est clair près des îlots.
Heureux de ta nouvelle épouse,
Tu ne me veux plus pour compagne.
Oh ! ne va pas à mon barrage,
Oh ! ne soulève pas ma nasse.
Toi qui n'as plus d'égard pour moi,
Comment me plaindrais-tu encore ?

Le jour où les eaux sont profondes,
Il faut la barque ou le radeau.
Et le jour où les eaux sont basses,
Il faut le gué, ou bien la nage.
Attentive à ce qui manquait,
Je le cherchais à toute force.
Et ceux qu'un deuil avait frappés,
Je rampais pour les secourir.

Tu renonces à me nourrir,
Tu me traites en ennemie.
Tu as repoussé ma bonté :
Je suis marchand sans acheteur.
Quand j'étais chez toi, jadis, je craignais
Pour nous deux détresse et misère,
Quand notre vie est assurée,
Je ne suis pour toi qu'un poison.

J'ai fait bonnes provisions
Pour passer l'hiver avec toi.
Heureux de ta nouvelle épouse,
Je t'ai sauvé de pauvreté.
Par ta violence et ta colère
Tu m'as durement éprouvée.
Et tu as oublié, jadis,
Le repos de mes premiers jours.


5. Chant de soldats.
Indignité, indignité !
Pourquoi rester ?
Sinon pour la cause du prince ?

Serions-nous là parmi la rosée ?
Indignité, indignité !
Pourquoi rester ?
Sinon pour le prince en personne,
Nous trouverions-nous là dans la boue ?


6. Le danseur.
Négligemment, négligemment,
Je vais danser la pantomime.
C'est bientôt le milieu du jour.
Je suis en haut et en avant.

J'ai belle taille et grande allure,
Dans le palais du roi je danse.
Comme le tigre je suis fort,
Les rênes sont pour moi rubans.

Ma main gauche tient une flûte,
L'autre une plume de faisan.
Mon visage ardent semble peint,
Le roi me fait donner à boire.

Sur les monts le coudrier ;
Dans les marais la réglisse.
Savez-vous bien à qui je pense ?
Aux bons princes de l'Occident.

C'est aux bons princes que je pense,
À ces princes de l'Occident.


7. Le retour.
L'eau de cette source limpide
Devient la rivière de K'î.
Mon cœur est au pays de Wei ;
Chaque jour y va ma pensée.
Mes compagnes sont excellentes ;
Un peu je vais les consulter.

Au départ j'ai fait halte à Tsi ;
J'ai bu le vin d'adieu à Gni.
Jeune file je suis venue,
Quittant mes parents et mes frères.
Je vais interroger mes tantes,
Et mes parentes plus âgées.

Au départ j'ai fait halte à Kien ;
J'ai bu le vin d'adieu à Ien.
On a graissé, garni l'essieu ;
Le char courra vite au retour.
J'arriverai bientôt à Wei,
Mais n'aurai-je pas de malheur ?

Je pense à cette source heureuse,
Sur elle toujours je soupire.
Je pense à Siû, je pense à Ts'aô,
Et je médite dans mon cœur.
Atteler mon char et partir,
Me délivrer de ma douleur !


8. Rendez-vous.
La belle et pure jeune fille
M'attend à l'angle du rempart.
Je l'aime et ne l'aperçois pas ;
Perplexe, me gratte la tête.

L'aimable et pure jeune fille
M'a laissé cette rouge flûte.
Cette flûte rouge est brillante.
Mais sa beauté seule est ma joie.

Au retour des prés a cueilli
Plantes aussi belles que rares.
Ce n'est pas vous qui êtes belles,
Mais bien qui fit présent de vous.


9. Inquiétude.
Les deux enfants mènent leur barque ;
Mouvant, mouvant est leur reflet.
À eux je pense tendrement ;
J'ai tristesse, tristesse au cœur.

Les deux enfants mènent leur barque ;
Mouvant, mouvant est leur chemin.
À eux je pense tendrement :
N'endureront-ils pas malheur ?


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