Tong-kien-kang-mou, Histoire générale de la Chine

Tome neuvième, 1779.

De 1210 à 1368. Quelques faits notables :

  • L'irrésistible ascension des Mongols. Destruction de la puissance Kin.
  • Attaques incessantes des Mongols contre les Song. Fondation de la dynastie Yuen en 1271. Houpilai-han (Kublai) destitue ou force au suicide les derniers empereurs Song. Leur dynastie éteinte en 1279 au combat naval de l'île de Yaï, laisse la Chine entièrement aux mains des Yuen.
  • Code des lois yuen, et création d'une écriture mongole. Mais insatisfactions, révoltes dynastiques, mouvements religieux, impôts excessifs et calamités naturelles soulèvent la population chinoise (Turbans rouges) et amènent leur fuite de Pékin.

Extraits : Pao à feu & autres machines --- Ce qu'il faut penser des tremblements de terre --- La mort du dernier empereur Song

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Pao à feu et autres machines

1232. Les boulets dont se servaient les Kin étaient faits de pierres tirées de la montagne Ken-yo, de celle du lac Taï-hou & de celle de Ling-pi, qui toutes trois étaient dans les terres des Song ; on travaillait ces boulets dans un des palais du roi appelé Long-té ; il y en avait de différents poids, mais tous étaient de la forme d'une lanterne ronde ; les ouvriers ne pouvaient s'écarter de leurs modèles sans s'exposer à être sévèrement punis. Ceux des Mongous n'étaient pas faits de même, c'étaient des meules de moulins coupées en deux ou en trois selon leur grandeur. Une des machines dont ils se servaient, sous le nom de tsuan-tchu, pour lancer ces boulets, était faite de treize moitiés de bambou ; les autres étaient à peu près de même.

A un angle des murailles de la ville, les Mongous avaient dressé plus de cent de ces machines, qui ne cessant de lancer des pierres jour & nuit, firent des monceaux qui s'élevaient presque à la hauteur des remparts, les tours & les vedettes en bois étaient écrasées par la force de ces masses énormes ; on tâchait aussitôt de réparer le dommage en se servant des plus gros bois qu'on tirait des anciens palais, mais les bois, quelque forts qu'ils fussent, ne pouvaient résister à la violence des coups qu'ils recevaient continuellement & bientôt ils étaient mis en pièces. Pour amortir les coups, on enduisit ces bois de fiente de cheval & de paille de froment qu'on recouvrait de feutre, lié fortement avec des cordes de soie grossière & des ais qui avaient la forme de boucliers, revêtus de peaux de bœuf d'une manière si ferme & si solide qu'on les aurait cru à toute épreuve ; mais les Mongous, avec leurs ho-pao ou machines à feu, les brûlaient & la flamme s'y communiquait avec tant de vitesse qu'il était impossible de l'éteindre.

Cependant comme les murailles de la ville, selon ce que disaient des vieillards respectables & instruits, avaient été construites sous l'empereur Chi-tsong de la dynastie des Tcheou postérieurs (l'an 954) avec une terre apportée de Houlao, qui dans la suite était devenue aussi solide que le fer, les boulets n'y faisaient tout au plus que quelques légères marques sans pouvoir les entamer. Les assiégeants prirent le parti d'élever une muraille le plus près qu'ils purent des fossés de la ville, qu'ils fortifièrent d'un fossé de dix pieds de profondeur sur autant de large ; cette muraille avait cent cinquante ly de circuit, & à chaque distance de trente à quarante pas il y avait des corps-de-garde, dans chacun desquels on pouvait loger jusqu'à cent soldats ; ils élevèrent encore sur cette muraille des tours & des vedettes en bois semblables à celles des Kin.

Dès les commencements du siège, Ouanyen-péssa avait fait pratiquer dans un contour de muraille une fausse porte pour faciliter les sorties sur l'ennemi, mais elle était si étroite qu'à peine deux ou trois soldats pouvaient passer de front. Les assiégés s'étant proposé d'aller insulter le camp des Mongous pendant la nuit, ils furent si longtemps à déboucher par cette porte, que ceux-ci s'en aperçurent & les obligèrent à rentrer.

Quelques jours après, les Kin envoyèrent mille hommes déterminés faire une ouverture plus grande à la muraille, afin de passer le fossé & de mettre le feu à quelques corps-de-garde des Mongous ; mais une lanterne de papier rouge qu'on avait élevée sur les remparts pour servir de signal les trahit ; les Mongous, ayant soupçonné la vérité, se tinrent sur leurs gardes : le projet des Kin échoua, & ils furent obligés de rentrer.

Il y avait alors à Caï-fong-fou des ho-pao ou pao à feu appelés tchin-tien-leï, dans lesquels on mettait de la poudre, qui prenant feu éclatait comme un coup de tonnerre & se faisait entendre à plus de cent ly son effet s'étendait à un demi-arpent de terre tout autour du lieu où il éclatait, & il n'y avait aucune cuirasse de quelque bon fer qu'elle fut qu'il ne brisât.

Les Mongous avaient encore des boucliers de peaux de bœufs si forts qu'ils étaient à l'épreuve de la flèche lancée par le bras le plus vigoureux ; couverts de ces boucliers, ils s'avancèrent aux pieds de Caï-fong-fou, & travaillèrent à saper ses murs dans lesquels ils pratiquèrent des retraites où ils étaient à l'abri des coups sans qu'il fut possible de les en déloger. Quelqu'un s'avisa de lier avec de fortes chaînes de fer les machines appelées Tchin-tien-leï, & les descendant où étaient les sapeurs mongous, elles prirent feu & mirent en pièces les hommes & les boucliers sans en laisser subsister de vestiges. Outre cette terrible machine, les Kin avaient encore une espèce de javelot qu'ils appelaient feï-ho-tsiang, c'est-à-dire javelot de feu qui vole ; dès que la poudre qu'ils y mettaient prenait feu, il était poussé à plus de dix pas & faisait des blessures mortelles. Ces deux machines étaient ce que les Mongous craignaient le plus.


1237. A la dixième lune, Keouen-pouhoa assiégeait Hoang-tchéou qu'il pressait vivement. Mong-kong, résolu de secourir cette place, se jeta dedans avec une troupe de braves : son arrivée causa la plus grande joie parmi les soldats de la garnison & les habitants ; en effet il battit plusieurs fois les Mongous & leur fit lever le siège. Ceux-ci allèrent ensuite investir Ngan-fong dont ils croyaient avoir meilleur marché, & leur général n'oubliant ni le ho-pao ni toutes les machines de guerre dont on se servait alors dans l'attaque des places, parvint à briser les tours que les assiégés avaient élevées sur leurs remparts ; mais Tou-kao, c'est le nom du gouverneur, réparait le dégât avec tant de diligence, & soutenait leurs assauts avec tant de bravoure & de conduite qu'il rendait tous leurs efforts inutiles. Il avait ordonné à ses soldats de viser aux yeux des assiégeants, & un grand nombre de leurs plus braves officiers y périrent ou furent dangereusement blessés. Leur général Patourou fut du nombre de ces derniers. Tou-keou, dans ses sorties, brûla vingt-sept retranchements des Mongous.


1272. ...S'étant embarqués, ils suivirent le cours de l'eau jusqu'au bas de la montagne de Touan, où s'étant rangés, ils s'approchèrent de la gorge Kao-téou-hiang, ayant leurs armes en état : c'étaient des flèches ardentes, des ho-pao & toutes sortes d'armes alors en usage. On remarquait, entre autres, des machines qui, au moyen de la poudre & du feu, étaient propres à lancer des pierres & des charbons enflammés.

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Ce qu'il faut penser des tremblements de terre

1260. Houpilaï [Kublaï] changeant la conversation :

— Hier, dit-il, il y eut un tremblement de terre ; les princes ne font pas assez d'attention à ces sortes d'évènements, pouvez-vous m'expliquer ce qui les occasionne ?

— Il y en a cinq causes, lui dit Li-yé. Ils viennent de ce que les princes souffrent à leurs côtés des âmes basses & rampantes qui sacrifient tout à leur propre fortune ; de ce qu'ils entretiennent trop de femmes dans leur palais ; de ce que des fourbes & des intrigants se réunissent contre l'intérêt public ; de ce que la justice emploie des châtiments trop sévères ; enfin, de ce qu'on fait la guerre trop facilement & sans avoir bien pesé auparavant si on a de justes motifs de la faire. Une seule de ces cinq raisons suffit pour occasionner quelque tremblement de terre. Le Tien qui aime un prince sur le trône comme un père ses enfants, donne ces mouvements extraordinaires à la terre, pour les faire rentrer en eux-mêmes & les avertir des maux qui les menacent. Mais s'ils écartent les flatteurs, s'il n'admettent que des gens droits & sincères, s'ils bornent le nombre de leurs femmes, s'ils chassent les fourbes & les intrigants, s'ils adoucirent les peines & les châtiments, enfin, s'ils n'entreprennent la guerre qu'en tremblant & malgré eux, alors, d'accord avec la volonté du Tien & les vœux de leurs sujets, ils n'ont rien à craindre de ces présages qui ne peuvent que leur être favorables.


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1284. A la neuvième lune, il y eut un tremblement de terre dans la province de la cour.

L'an 1289, à la première lune, il y eut un tremblement de terre qui se fit sentir à la cour.

L'an 1290, à la deuxième lune, il y eut un tremblement de terre à Tsiuen-tchéou du Fou-kien.

Dans le courant de la huitième lune, on éprouva un violent tremblement de terre à Chang-tou & dans tous les environs. Il fut surtout terrible à Ou-ping où il fit beaucoup de ravages. Plus de quatre cents maisons publiques furent renversées, sans compter une quantité innombrable de celles des particuliers. Il périt sous leurs ruines au moins cent mille personnes. L'empereur, affligé, demanda aux plus habiles lettrés d'entre les Hanlin quel vice dans le gouvernement pouvait avoir occasionné cette affreuse calamité ; mais aucun d'eux n'osa attaquer la conduite de Sangko, dans la crainte d'éprouver la vengeance de ce premier ministre. Hintou, Ouangkiutsi & quelques autres de ses créatures que cet homme avide avait envoyé percevoir les tributs, soit en argent, soit en grains, prétendirent, après les avoir levés, qu'il restait encore dû plusieurs dizaines de millions, & ils les exigeaient avec tant de dureté, qu'on voyait de toutes parts une infinité de malheureux ruinés que le désespoir avait obligé d'attenter à leur vie, ou qui erraient sans asile dans les montagnes & dans les forêts.

1291. A la huitième lune, il y eut un tremblement de terre à Ping-leang qui renversa dix mille huit cents maisons du peuple ; cent cinquante personnes périrent sous les ruines.

1295. A la troisième lune, il y eut un tremblement de terre dans la province où se tenait la cour, & à la quatrième intercalaire, les eaux du Hoang-ho, ordinairement fort troubles, parurent très claires dans le département de Lan-tchéou durant trois jours, dans une étendue de plus de trois cents ly, ce qui fut pris pour un bon augure : tous les mandarins de la cour & des provinces félicitèrent l'empereur à ce sujet.

1303. A la huitième lune, il y eut un grand tremblement de terre qui se fit sentir, principalement à Ping-yang & à Taï-yuen, durant la nuit. Les secousses furent si violentes que des villages entiers en furent renversés, & que la terre s'entr'ouvrit en plusieurs endroits. Une multitude innombrable de personnes fut engloutie ou écrasée par la chute des édifices. L'empereur envoya examiner le dommage & fit distribuer de l'argent à ceux qui avaient essuyé les plus grandes pertes : il voulut que tout le canton qui avait souffert de ce malheureux événement fut exempt d'impôts.

L'an 1304, à la première lune, il y eut un tremblement de terre dont les plus violentes secousses se firent sentir dans la même ville de Ping-yang qui avait éprouvé un semblable désastre un an auparavant. Quantité de maisons furent renversées, & beaucoup de ceux à qui elles appartenaient ensevelis sous leur ruine.

1305. A la quatrième lune, il y eut à Taï-tong un tremblement de terre qui fut précédé d'une explosion semblable à celle d'un coup de tonnerre, cinq mille maisons furent renversées & il en coûta la vie à plus de deux mille personnes.

1306. A la huitième lune, un tremblement de terre ruina la ville de Kaï-tching. L'hôtel du viceroi & presque toutes les maisons des mandarins & du peuple s'écroulèrent ; Yéliouan, princesse du premier ordre, & plus de cinq mille personnes périrent.

1308. Le pays de Kong-tchang dans le Chen-si éprouva un violent tremblement de terre, & du côté de Koué-té-fou dans le Ho-nan, un vent pestilentiel, suivi d'une pluie malsaine, causa des maladies épidémiques. La peste & des fièvres malignes qui succédèrent à la famine dans le Kiang-si & le Tché-kiang, dépeuplèrent ces provinces. Les grands de l'empire, consternés & s'attribuant les fautes pour lesquelles le Tien irrité envoyait tant de fléaux à la fois, demandèrent la permission de se démettre de leurs charges : l'empereur leur dit qu'il ne les croyait pas la cause de ces malheurs, mais qu'il les exhortait à redoubler de zèle & de soins dans l'exercice de leurs emplois.

1313. A la sixième lune, il y eut deux tremblements de terre dans le département de la cour, mais assez légers.

1314. A la quatrième lune, il y eut un tremblement de terre à Ta-ning-lou dans le Leao-tong qui s'annonça par une explosion aussi forte qu'un coup de tonnerre.

A la huitième lune, il y eut un tremblement de terre dans le Ho-nan, dont les plus violentes secousses se firent sentir dans les territoires de Ou-hien, de Ngan-hien, de Ché-hien & de Tchang-té-fou ; quantité de maisons furent renversées & écrasèrent un grand nombre de personnes. On envoya des officiers porter des secours à ceux qui avaient souffert le plus grand dommage.

1316. A la neuvième lune, il y eut un tremblement de terre dans les départements de Ki-ning & de Pao-ning ; & à la dixième, dans la province de Ho-nan.

1318. Le premier jour de la deuxième lune, il y eut une éclipse de soleil. A cette même lune, un tremblement de terre se fit sentir à Ho-ning & dans le territoire de Kong-tchang-fou ; la pluie fut si abondante que la montagne de Nan-to s'affaissa & fit périr une multitude d'habitants. L'empereur envoya aussitôt des grains pour soulager les peuples de ce canton. A la quatrième lune, on éprouva encore un tremblement de terre à King-lou-tchao-king-fou.

1322. A la neuvième lune, il y eut un tremblement de terre dans le département de la cour.

1324. A la quatrième lune, il s'éleva une violente tempête qui fut suivie d'un grand tremblement de terre ; il y eut une éclipse totale de lune. A Tsin-tchéou, des pluies abondantes submergèrent les campagnes & une montagne située près de Tching-ki-hien s'affaissa ; dans plusieurs autres endroits la sécheresse ruina l'espoir des moissons, & enfin pour surcroît de malheur, les sauterelles se répandirent de toutes parts comme des nuées & firent des ravages affreux. On attribuait toutes ces calamités à l'assassinat du feu empereur & de Peïtchou ; Yésun-Témour demanda aux grands, aux ministres & aux personnes éclairées, leur avis sur les vices du gouvernement...

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La mort du dernier empereur Song

La flotte de Tchanghongfan était alors à l'ancre à l'embouchure de Tchao-yang ; le général mongou conduisit son armée de ce côté-là, & faisant embarquer ses soldats, il mit à la voile à la première lune de l'an 1279, & vint à Kia-tsé-men ; il prit quelques barques des Song, & sut des officiers qui les montaient l'endroit où l'empereur s'était retiré avec sa flotte : il fit voile vers l'île de Yaï. Le ministre Tchang-chi-kié n'avait rien négligé pour mettre ce jeune prince à couvert de la poursuite des Mongous. Ses troupes de terre étaient retranchées de manière qu'il paraissait impossible de les forcer, & il se croyait en sûreté du côté du nord, parce qu'il n'y avait pas assez d'eau pour que la flotte ennemie pût pénétrer jusqu'à ses barques.

Tchanghongfan, arrivé à la hauteur de cette île, prit terre du côté de l'est, & examinant les approches, il découvrit que la partie méridionale était plus susceptible d'être attaquée, dès lors il donna le signal d'un premier combat dans lequel il eut du désavantage. Ayant remarqué que les barques des Song, par rapport à leur pesanteur, manœuvraient difficilement, il remplit plusieurs des siennes & des plus légères de paille trempée dans l'huile, & lorsque le vent s'éleva, après y avoir mis le feu, il les fit lancer contre la flotte chinoise ; mais Tchang-chi-kié avait fait enduire de boue ses barques & leurs agrès, & disposé de grandes poutres qui les garantirent des brûlots : ainsi cette tentative fut sans effet.

L'amiral mongou avait sur sa flotte un parent de Tchang-chi-kié, qu'il envoya jusqu'à trois fois vers ce général & ministre des Song, dans l'espérance de le décider à se soumettre ; mais n'ayant pu réussir par cette voie, il proposa à Ouen-tien-siang de lui écrire :

— Eh quoi ! reprit ce grand homme, ayant eu le malheur de ne pouvoir défendre mes maîtres, que je dois honorer & servir comme mon père & ma mère, puis-je & dois-je exhorter les autres à les trahir ?

Cependant après de nouvelles instances, il prit le pinceau, & écrivit deux vers dont le sens était :

« Depuis que le monde existe, personne n'a été exempt de la mort ; chacun doit s'appliquer à vivre de manière qu'il s'immortalise dans l'histoire & qu'on puisse le proposer pour modèle à la postérité.

Tchanghongfan les ayant lus, sourit, & ne le pressa pas davantage.

De nouveaux secours amenés de Canton par Liheng, mirent Tchanghongfan à portée d'attaquer les Chinois avec plus de succès ; ces secours consistaient dans un renfort de troupes & des barques de guerre. Il les employa à garder le nord de l'île, tandis qu'il l'attaquerait de l'autre côté.

La nuit suivante, Tchang-ta pénétra avec son escadre jusqu'au milieu de la flotte des Mongous & y causa quelque désordre, mais ensuite il fut obligé de se retirer fort maltraité. Le lendemain les Mongous voulurent lui rendre la pareille, & ne réussirent pas mieux. Tchanghongfan, résolu de faire une attaque générale, divisa sa flotte en quatre escadres séparées les unes des autres à un ly de distance : il se réserva le commandement de celle qui devait commencer le combat. Ayant mandé sur son bord les principaux officiers des quatre escadres pour leur donner ses ordres, il leur dit que la flotte des Song, postée à l'ouest de l'île de Yaï, s'échapperait indubitablement à l'heure de la marée du côté de l'est, & qu'il fallait dès lors engager l'action & l'empêcher de sortir ; il leur recommanda, sous peine de mort, d'être attentifs à ses signaux. Le lendemain de grand matin, Liheng, qui commandait l'escadre postée au nord de l'île, profita de la marée & attaqua la flotte chinoise ; mais il fut très mal reçu par Tchang-chi-kié, qui lui tua beaucoup de monde & mit plusieurs de ses barques hors de combat.

A midi, la marée venant à remonter, Tchanghongfan fit jouer toute sa musique ; c'était le signal dont il était convenu pour l'attaque générale. Les Chinois ne s'attendaient pas qu'après la défaite de Liheng les Mongous viendraient sitôt à eux. Tchanghongfan les attaqua du côté du midi, & Liheng du côté du nord. Tchang-chi-kié soutint leurs efforts avec la plus grande valeur ; mais la nécessité de résister à la fois aux Mongous du côté du midi & du nord, fatigua ses soldats & ralentit leur ardeur. Un incident acheva de les décourager ; le pavillon d'une de ses barques venant à tomber, toutes les autres mirent les leurs bas, ce qui jeta l'armée des Chinois dans un désordre qui dura jusqu'au soleil couché ; alors le vent s'étant élevé avec une petite pluie, & un brouillard si épais qu'on ne voyait pas à quatre pas, Tchang-chi-kié & Sou-liou-y coupèrent les câbles, sortirent de ce détroit pour gagner au large & se sauvèrent avec seize gros navires. Lou-siou-fou se hâta de se rendre sur celui de l'empereur pour lui faire prendre la même route ; mais comme il était plus grand & par conséquent plus difficile à faire manœuvrer, il ne fut pas possible d'exécuter ce dessein ; d'ailleurs la gorge par laquelle il devait sortir, se trouvait occupée par un grand nombre de barques liées les unes aux autres. Lou-siou-fou, voyant qu'il n'y avait plus moyen d'échapper au danger, commença par faire jeter à la mer sa femme & ses enfants, puis s'adressant à l'empereur à qui il dit qu'il fallait mourir libre plutôt que de déshonorer ses augustes ancêtres dans un esclavage honteux, il prit ce jeune prince sur ses épaules & se précipita avec lui : la plupart des seigneurs de sa suite imitèrent cet exemple. Les Mongous s'emparèrent de plus de huit cents barques, & sept jours après, la mer parut couverte de corps morts, dont on faisait monter le nombre à cent mille. Celui de l'empereur fut reconnu ; on trouva sur lui le sceau de l'empire.



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