Marie-Juliette BALLOT (1868-19xx)

PETITE HISTOIRE DE LA PORCELAINE DE CHINE

À propos d'une grande collection [Grandidier]

Revue de l'art ancien et moderne, Paris. Tome 38, 1920, pages 243-250 et 287-295, et tome 39, 1921, pages 99-108. 34 illustrations.

  • 1920. "Le musée du Louvre, continuant sa réinstallation, vient d'ouvrir au public les salles de céramique chinoise dues à la générosité de M. Ernest Grandidier. Cette collection, qui rivalise, si elle ne les dépasse pas, avec les plus belles du monde, offre un intérêt nouveau aux amateurs de porcelaine de Chine, car, profitant de la fermeture du musée pendant ces années de guerre, les conservateurs ont classé méthodiquement et chronologiquement les cinq mille numéros qui la composent."
  • "M. Grandidier avait cherché dans la passion du collectionneur un adoucissement aux grands chagrins de sa vie et à l'isolement où il se trouvait. Il avait commencé par réunir des livres ; puis, peu à peu, la porcelaine de Chine seule l'intéressa ; il connut tous les marchands de son époque, fréquenta les sinologues ; mais, malgré son érudition dans cette branche de l'art, il ne put jamais se soumettre à un classement méthodique, la joie des yeux l'emporta toujours pour lui sur la précision historique et ses vitrines furent composées sans autre préoccupation que celle des formes et des couleurs. Le Musée ne peut penser pareillement..."

Article in extenso
Feuilleter
Télécharger

Vase à décor en relief, émail vert. Époque des Han. Marie-Juliette Ballot. Petite histoire de la porcelaine de Chine.
1. Vase à décor en relief, émail vert. Époque des Han.

L'art de la poterie remonte en Chine à la plus haute antiquité et son invention est attribuée au fabuleux Shèn-Nung, le « Triptolème de la Chine », qui enseigna à son peuple la culture et les autres arts nécessaires aux besoins de la vie ; mais les objets authentiques que l'on possède, datent seulement de la dynastie des Tcheou (1122-256 av. J.-C.) ; ce sont des poteries purement utilitaires ; vases pour la cuisson des aliments, vases à vin, vases à sacrifices, plats, etc. , trouvés dans les anciennes sépultures et semblables à ceux qui se faisaient en bronze pour les mêmes usages.

L'art rigide, régulier et impersonnel des Tcheou disparut presque complètement dans les luttes de l'empire ; il reparut avec les Han (206 av. J.-C. — 265 ap J.-C.) mais avec moins de froideur, sous l'influence du confucianisme et surtout du taoïsme, dont les innombrables légendes fournissent d'éternels motifs aux artistes. Les objets de cette période sont encore très primitifs ; les vases de formes très belles, ont un décor en relief avec une couverte monochrome vert foncé, brune ou verdâtre ; l'emploi de l'émail est alors la grande nouveauté, les vases sont souvent des moulages ou des copies de vases de bronze. Presque toutes les poteries Han que nous possédons ont, en plus de leur intérêt artistique, un intérêt historique : elles proviennent des tombes de cette époque découvertes par les Européens pendant la construction des chemins de fer. Les Chinois, adorateurs des ancêtres, s'étaient toujours opposés à la profanation des sépultures. Cet usage de la poterie funéraire dut certainement donner une grande activité à l'art de la céramique ; mais nous ne connaissons pas les centres de fabrication sous les Han ; deux noms seulement sont cités dans les livres chinois : Nan-Shan, où se trouvaient les poteries de l'empereur Wou-ti (140-83 av J.-C.) et celles de Kiang-si, à la place même où devait par la suite se fonder le célèbre centre de Tcheng-te-tchen. Un très beau spécimen de poterie Han se trouve au musée du Louvre dans la collection Pelliot : c'est un vase en forme de balustre, au col un peu évasé, recouvert d'un bel émail vert ; il est orné, sur l'épaule, d'une frise en relief représentant des chevaux au galop (fig. 1). Les vases de cette époque sont presque tous similaires ; la couverte en est quelquefois brune.

Statue d'un Louan. Marie-Juliette Ballot. Petite histoire de la porcelaine de Chine.
3. Statue d'un Louan, décor émaillé de différents tons. Époque des T'ang.

Après les Han, la Chine fut déchirée par quatre siècles de luttes politiques peu favorables au développement des arts, et il faut arriver à la dynastie des T'ang (618-906), l'âge d'or de la littérature et de l'art en Chine. L'empire du Milieu était au sommet de sa puissance, ses armées s'emparaient de la capitale de l'Inde en 648, ses frontières s'étendaient jusqu'au Turkestan, ses jonques se voyaient jusque dans le golfe Persique, les Arabes colonisaient le long de ses côtes et le dernier Sassanide se réfugiait sur son territoire. Les influences étrangères furent nombreuses à cette époque dans les formes et les ornements de la céramique ; les plus importantes sont celles de l'Inde, de la Perse sassanide et de Byzance ; on en trouve même une classique gréco-romaine ; mais la principale est celle de l'art bouddhique, dont les canons avaient été imposés à l'art chinois sous la dynastie des Wei (386-549). La poterie T'ang est de grande importance et, si la collection Grandidier n'en possède que peu de pièces, le Musée s'est enrichi dernièrement de quelques beaux spécimens que l'on a pu admirer dans la salle Lacaze. C'est une céramique généralement recouverte d'un email jaune crème semé de taches vertes, violettes ou d'autres tons. Les ornements sont souvent en relief, mais on voit aussi des décors gravés et une nouvelle technique d'un décor émaillé de différents tons. Nous citerons, au musée du Louvre, un joli vase de forme ovoïde, avec petit col évasé se terminant en large rebord et ayant sur les cotés deux gouttières pour supporter une courroie : il est recouvert d'un bel émail crème avec taches vertes.

Une autre pièce est une gourde plate avec, également sur l'épaule, deux anneaux de suspension ; elle est, ornée d'un décor en relief d'influence gréco-bouddhique et d'une couverte brun foncé sur le haut s'éclaircissant vers la base, Les potiers T'ang ont également imité l'aspect du marbre par le pétrissage de plusieurs terres ; Ils ont peut-être pratiqué le décor peint. Leur talent s'épanouit, on trouve maintenant des statues de grandeur naturelle représentant les Lohans (apôtres bouddhiques) (fig. 3) ; mais la céramique funéraire est encore celle qui fournit la plupart des spécimens de nos musées. La matière est plus fine et plus variée, les statuettes sont aussi belles que celles de Tanagra et la représentation du cheval y est particulièrement intéressante. La classification de la céramique T'ang par manufactures est encore impossible, en raison de la difficulté d'identifier les objets que nous possédons avec les rares descriptions des littérateurs chinois.

Vase à décor peint brun sur fond crème. Fabrique de Tseu-yao. Marie-Juliette Ballot. Petite histoire de la porcelaine de Chine.
5. Vase à décor peint brun sur fond crème. Fabrique de Tseu-yao. Époque des Song.

Avec les Song du Nord (960-1127), la prospérité de l'empire chinois continue : mais, en 1127, les Tartares envahissent la Chine et en chassent l'empereur Kao-Tsung qui s'enfuit avec la cour à Hang-Tcheou, où il établit la capitale de la nouvelle dynastie des Song du Sud (1127-1279). Marco Polo, qui vit Hang Tcheou en 1230, en a laissé une description donnant bien l'idée du luxe et du raffinement de cette époque ; il visita une manufacture de porcelaine et mentionne que les produits en étaient exportés dans le monde entier : c'est en effet sous cette dynastie, en 1171, que l'on peut noter la première indication de la porcelaine chinoise hors de la Chine, l'empereur ayant envoyé en présent à Nur-ed-din, shah de Perse, quarante pièces de céramique.

Les produits de la dynastie des Song se distinguent de ceux de la dynastie des T'ang par la douceur de leur émail ; ils sont presque toujours de teintes unies, dégradées ou tachetées, souvent sans aucun ornement ; mais quelquefois avec un décor gravé ou en relief sculpté, moulé ou estampé. La couverte est posée sur la terre crue et le tout cuit en une seule fois. Ce sont généralement des grès, mais on croit que l'apparition de la porcelaine date de cette époque. C'est la grande période du vert céladon.

D'après les écrivains chinois il a été possible de dénombrer plusieurs fabriques et le classement des produits Song peut être essayé sur les bases suivantes : le You-yao, le Kouan-yao et le Ko-yao dont les échantillons sont, pour ainsi dire, inconnus ; puis quatre autres fabriques dont nous possédons de beaux spécimens.

Le Long ts'uan-yao est une céramique épaisse, de fabrication lourde et grossière, d'une terre devenant rouge dans les parties exposées au feu et qui est recouverte d'un émail vert gris connu sous le nom de céladon. La plus belle décoration de ces pièces Song est sculptée ou gravée ; mais on trouve aussi des reliefs moulés ou appliqués. Sur ces derniers, l'émail est quelquefois omis. Les motifs sont des poissons ; des phénix volant au milieu de pivoines, des dragons dans des nuages ou des vagues, parfois des paysages ou des figures. La collection Grandidier renferme de beaux plats de Long ts'uan et particulièrement un, de céladon vert gris, dont le fond est orné de trois poissons rouges, la terre n'ayant pas reçu de couverte à cet endroit.

Le Ting-yao jouissait d'une grande faveur auprès des empereurs Song. C'est une porcelaine d'un onctueux et riche émail blanc ivoire, formant quelquefois des larmes brunâtres à l'extérieur. On en distingue deux variétés : le pai-ting ou blanc Ting, et la deuxième, beaucoup plus grossière, le tou-ting ou Ting de terre. Les pièces sont parfois sans décor, mais souvent avec des motifs sculptés en relief ou gravés représentant des pivoines, des lis, des phénix volant, de l'ail, des flots et quelquefois des canards ; les motifs moulés ou estampés étaient moins estimés : L'orifice des vases n'est généralement pas verni ; il est parfois caché par une bande de métal. Le musée Grandidier a de beaux bols Ting.

Le Tseu-yao est généralement une céramique blanche, mais il y a des pièces unies, des pièces gravées et d'autres d'une peinture brune : Ces dernières sont les plus nombreuses ; elles sont ornées de motifs hardis allant du noir au sépia, peintes sous ou sur l'émail et même sans émail. Un superbe vase, orné de feuillage brun sur fond ivoire, se voit dans les collections d'Extrême-Orient : c'est un des plus beaux spécimens connus (fig. 5). Les pièces gravées sont intéressantes, mais elles se confondent avec les Ting. On peut dire que c'est vraiment là le début du décor peint en Chine. Cette manufacture a fait aussi des vases émaillés brun avec décor en relief ou en émail jaunâtre.

7. Pot à fleurs, émail aubergine. Fabrique de Kiun-yao. Marie-Juliette Ballot. Petite histoire de la porcelaine de Chine.
7. Pot à fleurs, émail aubergine. Fabrique de Kiun-yao. Époque des Song.

Le Hiun-yao ou Tchun ne comprend que des objets d'usage courant, tels que : pots à fleurs, bols à bulbes, soucoupes unies ou ornées de bandes de clous servant à supporter les pots, etc. L'émail est lourd et opalescent, il s'arrête près de la base en un rouleau épais et largement ondé ou en de larges gouttes ; mince sur les bords et les parties saillantes, où il est d'un vert olive, il devient compact dans les creux et passe alors à un gris rayé de pourpre et de bleu. Les couleurs de l'émail sont : gris pigeon, lavande, fraise écrasée, pourpre tacheté, cramoisi, aubergine, etc. Ces pièces sont marquées avec les chiffres de 1 à 10, il en existe des quantités. Il y a dans la collection Grandidier un beau pot à fleurs, une coupe ornée de clous (fig. 7) et d'autres pièces moins importantes.

Notons aussi le Kien-yao, où se rencontrent les fameux bols « fourrure de lièvre », nommés par les Japonais Temmoku, et imites par eux à Séto. Sous la dynastie des Song se créa la fameuse manufacture impériale de Tcheng-te-tchen, qui comprenait déjà trois cents fours.

Avec la dynastie mongole des Yuan (1280-1367), l'art subit un arrêt complet ; toutes les fonctions sont entre les mains des conquérants qui ne songent qu'à s'enrichir, beaucoup de fabriques ferment et celle de Tcheng-te-tchen manufacture impériale, est naturellement sous le contrôle d'un commissaire mongol et parmi les plus éprouvées. Les fabriques de la dynastie des Yuan sont les mêmes que celles de la dynastie des Song, les produits sensiblement pareils, mais moins beaux.

Boîte ajourée. Marie-Juliette Ballot. Petite histoire de la porcelaine de Chine.
8. Boîte ajourée. Décor de chrysanthèmes, émail bleu turquoise et chamois sur fond bleu foncé. Époque des Ming (XVe s.).

À l'avènement de la dynastie chinoise des Ming (1368-1643), les fours impériaux de Tcheng-te-tchen étaient éteints. Les auteurs chinois varient sur la date de leur remise en activité : ils donnent 1369 ou 1398. Durant cette période, les formes et la décoration de la céramique furent des plus variées et les objets fabriqués des plus divers, depuis les boîtes minuscules et les délicats porte-pinceaux jusqu'aux jarres à vin et aux sièges de jardin ; les maisons elles-mêmes se couvrent de tuiles ornementées et les temples reçoivent des statues de dieux, des brûle-parfums et des vases d'autel. Dans la collection Grandidier, un grand brûle-parfums, entièrement orné de feuillages en relief et émaillé bleu turquoise, date du règne de Wan-li ; c'est un bel exemplaire à citer pour cette époque (fig. 8).

Si les poteries monochromes ne sont pas abandonnées, la plus grande place est cependant réservée à la décoration peinte soit en bleu sur fond blanc, soit en polychrome sur fond blanc ou coloré.

Une exportation considérable se fit alors et influença certainement les pays d'Orient et même ceux de l'Occident ; mais, par contre, la Chine, pour satisfaire sa clientèle, dut se plier aux formes et aux décors étrangers.

Marie-Juliette Ballot. Petite histoire de la porcelaine de Chine.
9. Statuette de Kouan-yin. Émaux aubergine, bleu turquoise et bleu foncé. Époque des Ming (XVe s.).

La porcelaine Ming est généralement d'une terre blanche et fine, de grain serré, d'une surface douce, presque onctueuse au toucher, et devenant souvent brunâtre à la chaleur du four ; la couverte est posée de trois façons : par immersion, ou bien étendue avec une brosse, ou bien soufflée avec un bambou dont l'extrémité était garnie d'une gaze tendue. Le pied des vases est creusé et la marque ajoutée est recouverte d'un peu d'émail ; le rebord est franchement terminé sans la rainure que l'on remarquera plus tard sous Kang-hi. Dans les grandes pièces, la base n'est souvent pas vernie ; dans les petites, elle est toujours émaillée, sauf pour les types grossiers d'exportation qui ont un petit grain de sable et des lignes rayonnantes provenant du tour.

La peinture et la gravure étaient faites sur la pâte tendre avant la cuisson. C'est sous cette dynastie qu'apparaît le célèbre bleu musulman. La décoration peinte tient la plus grande place, même pour les monochromes, rarement craquelés, mais souvent ornés de dessins gravés sous la couverte. À la fin de la dynastie, les contours sont peints en rouge de fer ou en noir brun. La dorure existe déjà et l'on trouve aussi des décorations ajourées ou en pâte sur pâte laissées en biscuit. Les sujets de l'ornementation sont encore les dragons, les phénix, les poissons, auxquels s'ajoutent les ornement floraux, les divinités taoïstes, des paysages, des personnages de romans, etc. Si, pour les périodes primitives de la céramique chinoise, nous avons eu peu d'exemples à citer dans la collection Grandidier, il n'en sera plus de même maintenant, et, pour toutes les époques qui vont suivre, le visiteur pourra étudier dans les nombreuses vitrines du Louvre, les types les plus caractéristiques. Les pièces Ming sont particulièrement remarquables ; M. Grandidier ne s'y est intéressé qu'à la fin de sa vie. mais l'on doit dire qu'il l'a fait avec un goût délicat et que les spécimens qu'il a réunis sont parmi les plus beaux du monde.

12. Vase orné de fleurs de lotus. Marie-Juliette Ballot. Petite histoire de la porcelaine de Chine.
12. Vase orné de fleurs de lotus. Émaux bleu turquoise, jaune et blanc sur fond foncé. Époque des Ming (vers 1500).

À partir des Ming, la porcelaine peut se classer en deux grandes séries : les pièces sans décor peint et celles à décor peint. Dans la première se rangent : les glaçures monochromes, peu différentes de celles des Song, les glaçures de diverses couleurs et la décoration en pâte sur pâte. Les glaçures de diverses couleurs comprennent peut-être les plus belles pièces de cette période ; les couvertes de couleurs différentes étaient appliquées sur le biscuit où le dessin était tracé souvent en relief et la pièce cuite au demi-grand feu. Les tons employés sont : le bleu violet foncé, le vert feuille, le turquoise et le jaune mais jamais que par trois couleurs ; quelquefois certains détails sont laissés en terre blanche. Cette technique, remontant probablement au XIIIe siècle, fut courante sous Suan-tö (1426-1435) et pendant le XVIe siècle ; elle se continua longtemps et les pièces en sont difficiles à classer.

Il faut citer au Louvre : la belle statuette de Kouan-yin (fig. 9), en robe verte et manteau bleu, assise dans une grotte, qui peut se rapprocher de celle de la collection Morgan, datée de 1502 ; un grand vase à décor en relief bleu turquoise, jaune et aubergine, représentant les huit immortels sur une large bande au centre du vase, entre d'autres bandes à motifs décoratifs, le tout sur un fond bleu foncé ; c'est encore un modèle typique de cette série, comme cet autre en forme de balustre, orné de nénuphars en fort relief, vert et aubergine sur fond bleu turquoise.

Mais un des plus beaux échantillons (fig. 12) est le joli vase en forme de balustre à petit col, décoré à la base de vagues bleu turquoise, sur le fond bleu foncé duquel se détache un lotus réservé en blanc. À part ces quelques pièces de premier et sans négliger une belle boîte ajourée et deux statues d'immortels, on peut aussi voir des tuiles de faîtages ornées de cavaliers, de nombreux vases et enfin des spécimens de tous les genres de cette fabrication particulière à l'époque des Ming, car, si elle dura encore pendant le XVIIe siècle, ce fut avec une grande décadence. Sous Wan-li (1573-1617), les trois couleurs continuèrent. Mais, peu à peu, les dessins gravés furent remplacés par les dessins à contours peints.

Tchang-K'ien descendant le fleuve Jaune. Marie-Juliette Ballot. Petite histoire de la porcelaine de Chine.
13. Tchang-K'ien descendant le fleuve Jaune. Porte-pinceaux ; décor bleu et blanc ; époque de Suan-tö.

La décoration en bleu et blanc daterait du règne de Yon-lo (1404-1424) la plus belle période est celle de Suan-tö (1426-1435) ; le bleu indigène qui, employé seul, était terne et triste, fut alors mélangé avec un bleu importé nommé Sunipo, qui ne serait autre que le bleu musulman du siècle suivant, mais pâle au lieu de foncé. Le superbe porte-pinceau représentant Tchang-K'ien descendant le fleuve Jaune, date de cette époque ; il est en porcelaine blanche à décor bleu, avec reliefs en biscuit la finesse du travail en est remarquable et on le considère avec raison comme ce que la collection Grandidier a de plus rare (fig. 13).

Le règne de Tcheng-houa égala en célébrité, pour la céramique, celui de Suan-tö ; nous ne pouvons malheureusement en juger, car il n'existe de pièces vraiment authentiques qu'en Chine. L'importation du bien Sunipo ayant cessé, la porcelaine à décor bleu et blanc est moins belle. C'est cependant vers la fin de ce règne, en 1487, que le sultan d'Égypte envoya des vases de Chine en présent à Laurent le Magnifique, d'où, peut-être, l'origine de la porcelaine des Médicis.

15. Vase orné d'un dragon à cinq griffes. Marie-Juliette Ballot. Petite histoire de la porcelaine de Chine.
15. Vase orné d'un dragon à cinq griffes. Bleu musulman. Époque de Kia-tsing.


Avec Tcheng-tö (1506-1521), réapparut le bleu musulman, qui valait deux fois son poids d'or et était de couleur sombre. Sous Kia-tsing (1522-1566), les ouvriers de Tcheng-te-tchen volant le Sunipo et le vendant aux manufactures privées, des mesures sévères furent prises et cette matière uniquement réservée aux fabriques impériales. À cette époque, les rapports de la Chine avec les autres pays sont très actifs et sa céramique influence leurs poteries (c'est alors que fut exécutée la célèbre porcelaine des Médicis) ; mais, comme il a été dit plus haut, elle est obligée de se plier aux exigences de l'étranger et l'on signale particulièrement des pièces avec inscriptions arabes, fabriquées pour la Perse. Sous ce règne, il faut citer un énorme vase décoré du dragon impérial à cinq griffes, d'un beau bleu foncé musulman (fig. 15). C'est sous Tcheng-tö également que les Portugais établirent une factorerie à Macao et commencèrent à envoyer des porcelaines de Chine en France. Sous l'empereur Wan-li (1573-1619), le bleu musulman se raréfiant, on reprit le bleu indigène, de là les produits plus gris de cette période. C'est le moment où les Hollandais et les Anglais fondent leurs comptoirs en Extrême-Orient.

Vases rouleaux Ming. Ballot. Petite histoire de la porcelaine de Chine.
Vases rouleau Fin époque des Ming (XVIIe s.). — 18. Le réveil de la jeune beauté. — 19. Si-Wang-Mou et l'empereur Mou-Wang.




Pour le bleu et blanc, l'on doit signaler, sous les derniers Ming, tout un groupe spécial où se rencontrent aussi des monochromes et des polychromes, maïs ces derniers beaucoup plus rarement. Ce groupe, reconnu par M. Perzynski, est d'une technique particulière : le corps est blanc, la base souvent unie et non émaillée, la couverte épaisse avec de minuscules bulles d'air, le bleu brillant et de teinte un peu violette. Un trait caractéristique est une bande d'enroulement florale gravée sur l'épaule ou sur la base, sous la couverte. Le dessin des personnages ou des paysages est très maniéré, le col est souvent orné de feuilles coupées, les formes sont quelquefois européennes. Ce groupe a été précisé par un pot de la collection Salting portant une monture d'argent du commencement du XVIIe siècle et par une chope du musée de Hambourg, dont le couvercle d'argent est daté de 1642. La collection Grandidier possède une belle série de vases rouleaux de ce groupe (fig. 18-19).

Il y a de belles pièces polychromes sous Cheng-Hua (1465-1487). Mais, comme pour les bleus et blancs, nous en possédons peu en Europe ; on peut signaler cependant, pour les règnes suivants, un pot à décor vert et aubergine sur fond jaune qui paraît être du XVIe siècle (fig. 20), et les belles potiches ornées de poissons rouges, de Kia-tsing (fig. 21) ; mais les pièces de nos collections sont surtout de l'époque de Wan-li (1573-1619) et des derniers Ming. Leur particularité est la décoration émaillée avec bleu sous couverte et un rouge de cuivre sous couverte. On leur a donné quelquefois le nom de famille rouge. Elles peuvent être divisées en deux séries : le bleu sous couverte avec émaux, vert jaune et rouge corail (jamais d'aubergine) ; et le bleu sous couverte avec émaux de toutes couleurs, y compris l'aubergine.

Potiche. Ballot. Petite histoire de la porcelaine de Chine.
21. Potiche. Décor polychrome sur fond blanc. Époque de Kia-tsing (1522-1566).

Les quarante années qui suivent le règne de Wan-li sont troublées par la lutte entre la vieille dynastie chinoise des Ming et la dynastie des Tartares mandchoux qui finit par l'emporter et régna jusqu'à la révolution de 1909 sous le nom de dynastie des T'sing.

N'ayant plus de commandes impériales, les potiers vécurent surtout des clients étrangers, le plus important fut la Compagnie hollandaise des Indes Orientales. À cette période, se rattache probablement une série de fabrication assez rude, d'émail grisâtre et de décoration hardie, dans les tons Wan-li, dont il existe un certain nombre dans les collections européennes.

La céramique chinoise porte souvent des marques et M. Hobson, dans son remarquable ouvrage, les a étudiées fort judicieusement. Les marques Han, T'ang et Song sont gravées avant ou après la cuisson ; celles faites après sont souvent fausses. Pour les marques Ming, elles sont peintes en bleu, en écriture ordinaire dans un double anneau, sous la couverte ; la marque de sceau ne se rencontre que sous Yong-lo ; il y a des marques de règne, de maisons et de vœux de bonheur, mais beaucoup sont fausses, par exemple celle de Cheng-Hua dont il n'existe pas de marque authentique connue.

La dynastie des T'sing ne commence vraiment qu'au règne de Tchouen-tche (1644-1661), qui, après le suicide du dernier empereur Ming, s'empara de la totalité de l'empire chinois et rouvrit la manufacture de Tcheng-te-tchen. Avec son fils K'hang-hi, nous arrivons certainement à la plus belle période de la porcelaine chinoise. La qualité de la céramique a gagné depuis les Ming, les couleurs puissantes des émaux de la famille verte et les belles pièces bleu sur fond blanc s'allient avec des décors ayant conservé la grande allure artistique de l'époque précédente : des sujets tirés des légendes religieuses et de la littérature historique ornent les grands vases aux formes élégantes et la série des biscuits, dans ses tons jaunes et verts avec de l'aubergine, offre une multiplicité de petits objets étranges et curieux, tandis que, dans les monochromes, on voit apparaître le sang de bœuf, le peau de pêche et le rouge corail. L'extrémité de la base des vases se termine alors par un rentrant, sorte de cavet permettant de les encastrer dans des montures de bois.

L'essor de cette rénovation de la céramique est dû à Lang T'sing-tso, vice-roi de Kiang-si et de Kiang-nan, de 1665 à 1668, et directeur, par sa fonction, de Tcheng-te-tchen ; il aurait donné son nom au célèbre sang de bœuf, ou Lang-yao. Après une période de troubles intérieurs, la fabrique impériale passe aux mains de Ts'ang Ying Houan, nommé au contrôle des travaux impériaux en 1682 ; pendant sa direction et sous l'influence des jésuites, l'art céramique arrive à son plus haut développement. La Compagnie anglaise des Indes s'établit à Calcutta en 1686, tandis que la Compagnie française, fondée en 1642 par Richelieu, se reforme par les soins de Colbert en 1664, pour ne devenir vraiment florissante que sous la Régence.

Nous pouvons avoir une idée exacte de la fabrication de la porcelaine chinoise à cette époque par la lettre si intéressante du père d'Entrecolles, qui donne une description de Tcheng-te-tchen en 1712 : la ville, alors très importante, possédait environ 3.000 fours ; les potiers travaillaient principalement sur des modèles venus d'Europe ; l'exportation était considérable, mais le commerce ne se faisait guère que par les Hollandais.

Pour cette dynastie, les marques sont nombreuses ; celle de K'hang-hi se rencontre surtout à la fin du règne ; au début, on trouve souvent l'anneau bleu vide ou entourant un symbole. À partir du XVIIIe siècle, pour les règnes de Yong-tcheng et de Kien-long, ce sont généralement des marques de dates en sceau, en creux, en relief, quelquefois rouges au lieu de bleues, et même en or.

Si la collection Grandidier a été pauvre pour les pièces archaïques, riche pour les Ming, elle est la première pour les pièces K'hang-hi. Nous y trouvons de beaux sang de bœuf, présentant tous les caractères distinctifs de cette série : l'émail rouge cerise au-dessous des épaules, rouge sang au-dessus ainsi qu'à la base, où l'émail forme des amas, et la bande blanche sans émail à l'orifice et à la base. Il y a encore quelques jolis petits vases en peau de pêche ou en fraise écrasée et un grand vase, de forme très élégante, d'un superbe rouge corail.

23. Pot.  Décor bleu et blanc.  Époque K'hang-hi. Ballot. Petite histoire de la porcelaine de Chine.
23. Pot. Décor bleu et blanc. Époque K'hang-hi. (1662-1722).

Le bleu et blanc de la porcelaine K'hang-hi est certainement le plus beau de la céramique chinoise ; la décoration d'un bleu que M. Hobson dit d'un « pur bleu saphir » se détache sur un fond blanc comme du lait. « Les dessins, dit-il , sont, comme sur les porcelaines Ming, obtenus d'abord par un trait, mais ces contours à peine visibles diffèrent des forts contours Ming, et la couleur qui les remplit n'est pas un enduit uni comme sur les bleu et blanc Ming, mais un bleu vibrant de profondeur graduée.

Parmi les pièces les plus réputées de cette série, il faut parler des pots à couvercles, décorés de fleurs de prunier ou d'aubépines blanches sur un fond bleu imitant la glace fondante, qui servaient à offrir les présents de nouvelle année ; ils portent sur l'épaule une bordure dentelée et le col n'est pas verni ; mais les couvercles authentiques sont rares, ils sont alors remplacés par des pièces de bois tournées, gravées et ajourées (fig. 23).

On rencontre, dans ce groupe de bleu et blanc, beaucoup de porcelaines d'exportation portant souvent la marque de Tcheng-houa ; ce sont des vases décorés de dessins floraux, de daims, de phénix, etc. ; ou des services de table ornés de paniers de fleurs, de dragons sur des vagues, des Cent antiques, pièces d'un bleu lourd et sombre, ayant généralement, comme marque, un symbole au centre d'un anneau. Il existe encore une petite série d'imitation de Delft.

24. Flacon à vin. Ballot. Petite histoire de la porcelaine de Chine.
24. Flacon à vin en forme de caractère Fou (bonheur). Décor en trois couleurs sur biscuit ; époque K'hang-hi.

Les glaçures en trois couleurs sont la gloire des Ming et ne leur ont pas survécu. On voit apparaître sous les T'sing le groupe des trois couleurs sur biscuit dont le dessin est, ou gravé, ou obtenu par un trait peint, ou sans trait peint, rempli de vert, de jaune et d'aubergine ; cette série renferme surtout de petits objets : bols, statuettes, aiguières, théières, etc, ; mais il faut y rattacher les beaux vases à fond noir avec, comme décor, les fleurs des quatre saisons : la pivoine, le lotus, le chrysanthème et le prunier (fig. 24-28).

Les cinq couleurs forment sous K'hang-hi le groupe appelé la famille verte, dont un des signes typiques est la transparence des tons. Les cinq couleurs K'hang-hi se distinguent des cinq couleurs Wan-li par le bleu sur couverte ; les dessins en sont tracés en rouge ou brun noir et remplis avec des émaux vert foncé, aubergine, jaune, vert noir, bleu violet et rouge de fer, quelquefois sans bleu ni rouge. Cette série est particulièrement représentée dans la collection Grandidier par un nombre considérable de superbes vases rouleaux sur lesquels on peut admirer, comme sujets de décorations, toutes les légendes chinoises, par des plats et par des assiettes, parmi lesquelles figurent celles du service exécuté pour le soixantième anniversaire de l'empereur K'hang-hi.

La période suivante, comprenant les règnes de Yong-tcheng et K'ien-long, a également de nombreux spécimens au Louvre ; mais c'est une époque de décadence, la vigueur des formes et du dessin fait place à une recherche extraordinaire de fabrication, les couleurs pâlissent, la complication envahit tout, et ce n'est plus que décors ajourés, gravés ou bien encore en reliefs dorés.

L'empereur Yong-tcheng (1723-1735), fils de K'hang-hi, régna fort peu de temps, mais s'intéressa à la céramique ; il nomma à la direction de la manufacture de Tcheng-te-tchen le célèbre Tang-ying et commanda de nombreuses reproductions des porcelaines Song et Ming d'après les anciens modèles qu'il envoya des collections impériales. Son fils K'ien-long (1736-1795) fut collectionneur, poète et habile dans la calligraphie ; on ne sépare pas ces deux empereurs dans la classification de la porcelaine de Chine qui, si elle présente toujours les mêmes grandes familles, a subi de nombreuses modifications dans la technique. On retrouve, au XVIIIe siècle, les mêmes formes qu'aux siècles précédents : les potiers chinois ont toujours reproduit des vieux types ; les copies des bronzes sont des plus fréquentes, mais surchargées de dorures et d'ornements. On fabrique alors d'innombrables objets pour la toilette, le thé, la table à écrire ; il est facile d'y distinguer les formes chinoises proprement dites de celles exécutées pour l'exportation et inspirées de l'Europe, du Siam, de l'Inde, de la Perse et de la Turquie.

Vase. Famille rose. Ballot. Petite histoire de la porcelaine de Chine.
32. Vase. Famille rose, décor polychrome dit « mille fleurs » ; ép. K'ien-long.

Les monochromes présentent une grande variété ; on trouve comme nouveautés le jaune citron, l'œuf d'oiseau, le cloisonné bleu, les flambés, le poussière de thé, etc., toutes séries créées par Tang-ying, et beaucoup d'autres tons dus aux nouvelles couleurs des polychromes qui portent alors le nom de famille rose : l'œillet, le lavande, le gris français, sont quelquefois recouverts d'un dessin d'enroulement délicatement gravé sur toute la surface et que l'on a surnommé graviata.

Le bleu et blanc, rare sous Yong-tcheng par suite du succès de la famille rose, reparaît sous K'ien-long avec quelques modèles nouveaux imités des bronzes ou des formes archaïques ; un des grands ornements est une série d'enroulements floraux garnis de fleurs de lotus et de pivoines ; le bleu est de teinte indigo foncé.

Les polychromes sont nombreux et d'une énorme variété ; on y rencontre une série de grand feu, décorée en rouge et bleu sous couverte, combinés avec le céladon ; ces vases furent souvent vendus en France et montés en bronze par les orfèvres du XVIIIe siècle.

La famille verte se continue, mais avec un type très différent, les colorations sont plus délicates et le dessin, soigneusement cerné d'un contour bleu pâle sous la couverte, est rempli avec des émaux uniformes transparents sur la couverte. C'est dans ce groupe qu'il faut placer les porcelaines faites à l'imitation du verre Ku-yueh-hsuan, que T'ang-ying fabriqua sur l'ordre de l'empereur ; c'était une céramique de corps vitreux, avec un émail également vitreux, sur lequel les couleurs prenaient les teintes douces et transparentes du modèle de verre.

Le grand groupe du XVIIIe siècle est celui de la famille rose qui commençait déjà à la fin du règne de K'hang-hi et qui tire son nom de toutes les teintes de rouge dérivant de l'or, dont l'emploi fut alors seulement connu par les potiers chinois, et des émaux opaques ou couleurs étrangères, desquelles le mélange permit une énorme variété de nouveaux tons. On en distingue plusieurs séries : le mille fleurs, décor des plus particuliers simulant un gros bouquet de fleurs (fig. 32) ; les pièces peintes imitant les émaux sur cuivre de Canton ; les coquilles d'œuf, porcelaines d'une légèreté remarquable, qui comprennent surtout des tasses, des soucoupes et des assiettes décorées, dans le style de Canton, d'un dessin central représentant des femmes avec des enfants, des faisans, des paniers, etc., encadré de différentes bordures. M. Hobson pense que ces porcelaines étaient envoyées blanches de Tcheng-te-tchen à Canton pour y être décorées ; le Dr Bushell a établi qu'elles datent du règne de Yong-tcheng par des pièces portant des millésimes de 1721, 1724 et 1728, conservées au British Museum et au Victoria and Albert Museum.

34. Statuette de Si-Wang-Mou. Ballot. Petite histoire de la porcelaine de Chine.
34. Statuette de Si-Wang-Mou. Fabrique de Fou-Kien, XVIIe s.

On ne saurait citer tous les types de la porcelaine de cette époque : les imitations de diverses matières, les pièces à décor en relief, celles à décor ajouré ; mais il faut faire une exception pour la série des modèles européens qui prend tant d'importance au XVIIIe siècle. Par suite du trafic des différentes Compagnies des Indes, on envoyait en Chine les modèles à exécuter. Cette porcelaine, dite des jésuites, comprend plusieurs séries ; armoiries, sujets profanes et sujets religieux.

Il existe, dans la céramique chinoise, quelques manufactures dont les produits sont difficiles à dater, la fabrication ayant continué pendant plusieurs siècles sans interruption. Les plus importantes sont celles du Fou-kien ; ses porcelaines blanches, que les écrivains français ont nommées le blanc de Chine, commencent sous la dynastie des Ming et se font encore aujourd'hui. C'est une matière très translucide, recouverte d'un émail doux et moelleux, se confondant avec la terre et semblant faire corps avec elle ; cet émail est d'un beau blanc ivoire ou blanc comme du lait. Cette fabrication comprend toutes sortes d'objets, depuis les grands vases jusqu'aux petites coupes de sacrifices, des tasses, des théières, et surtout des statuettes de Kouan-yin, de Kouan-ti, etc. Une belle statuette de Si-wang-mou, debout sur des nuages et portant dans ses mains la pêche de longévité, semble appartenir au XVIIe siècle (fig. 34). Mais tant que l'on n'aura pas déchiffré les marques de potiers gravées en forme de sceau sur presque toutes ces pièces, il sera difficile de les dater avec certitude.

Il en est de même pour les produits de la province de Kouan-tong, appelés en Europe grès de Canton, dont certains remonteraient, dit-on, à la dynastie des T'ang ; ils se faisaient sûrement à la fin des Ming et se font encore maintenant. C'est une porcelaine de grand feu, de terre brune recouverte d'un épais vernis monochrome en hachures claires et foncées d'une façon très particulière ; le ton le plus général est le bleu rayé de vert gris ou de blanc, quelquefois vert ou brun. On y trouve des marques estampées dont les deux plus fréquentes sont celles de Ko-ming-hsiang et de Ko-yuan-hsiang, probablement deux frères que l'on a cru longtemps avoir vécu sous les Ming, et que le Dr Bushell a datés, avec raison, seulement du règne de K'ien-long.

Les fabriques de Kouang-tong faisaient aussi des statuettes de dieux, dont les draperies sont d'un émail rouge ou vert, avec les chairs réservées en biscuit rouge brun.

Une troisième fabrique est celle de Yi-hsing, où ne se fabriquaient que de petits objets communs : têtes de pipes, coupes, etc., et surtout des théières ; ils sont de couleur brune, en terre non vernie, allant du chamois au fauve, décorés de motifs gravés, estampés ou appliqués, quelquefois ajourés ; aux XVIIIe et XIXe siècles, on trouve aussi des dessins peints ou des fonds de couleurs en émaux de la famille rose. Sur certains se rencontre parfois un émail jaunâtre donnant un ton chaud à la terre. Les Portugais ont nommé cette poterie Boccaro. Elle fut créée sous les Ming pour les ustensiles servant aux réunions de thé, et les théières de Yi-hsing sont toujours très appréciées.

Si, pendant des siècles, la porcelaine de Chine a fait l'admiration du monde entier, si son exportation a été florissante, elle est tombée en pleine décadence au XIXe siècle et les amateurs actuels préfèrent même aux pièces du XVIIIe siècle les poteries archaïques des Han et des T'ang, les belles glaçures de couleurs des Ming ou les beaux échantillons de la famille verte de K'hang-hi ; mais la famille rose, dont la vogue fut si grande, est complètement dédaignée maintenant.

*

Téléchargement

ballot_porcelaine.doc
Document Microsoft Word 3.6 MB
ballot_porcelaine.pdf
Document Adobe Acrobat 1.5 MB