Gui Boulais, s. j. (1843-1894)

MANUEL DU CODE CHINOIS
Ta-Ts'ing liu-li

Variétés sinologiques n° 55, Imprimerie de la Mission catholique à l'orphelinat de T’ou-sé-wé, Zi-ka-wei, 1924.
Deux fascicules, 8+VI+740+VIII pages.

Observations, lois et cas pratiques de droit civil et criminel, coutumes et jurisprudence.


"Les lois d'une nation forment la portion la plus instructive de son histoire." (Gibbon)

Table des matières
Extraits : Préface - Les observations - Les lois - Les cas pratiques
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Table des matières

TABLEAUX : Châtiments — Biens mal acquis — Rachat des peines — Du deuil.

LIVRE I : LOIS GÉNÉRALES : Cinq châtiments et rachat des peines — Dix abominations — Classes privilégiées — Crimes et délits des mandarins — Crimes non compris dans les amnisties — Peines diminuées — Coupable se dénonçant — Augmentation et diminution des peines — Complices — Lieux des exils.

LIVRE II. TRIBUNAL SUPRÊME DES FONCTIONS PUBLIQUES : Transmission des dignités — Mandarins coupables — Candidats coupables — Traîtres et assimilés — Fautes envers l'empereur — Dépêches officielles. Sceau — Appendice : Système administratif de l'Empire.

LIVRE III. TRIBUNAL SUPRÊME DES FAMILLES ET DES REVENUS : De la famille et de la corvée — De la propriété foncière — Du mariage — Greniers et trésors publics ; impôts et douanes ; prêt d'argent ; marchés publics.

LIVRE IV : TRIBUNAL SUPRÊME DES RITES : Sacrifices — Divers rites.

LIVRE V : TRIBUNAL SUPRÊME DES ARMES : Garde du Palais — Règlement de l'armée — Douanes — Écuries et bergeries — Postes.

LIVRE VI : TRIBUNAL SUPRÊME DES PEINES : Brigands et voleurs — Homicide — Querelles et coups ; paroles injurieuses — Plaintes et accusations ; acceptation de présents corrupteurs ; fraudes et tromperies — Impudicités et délits variés — Arrestations ; prisons ; jugements.

LIVRE VII : TRIBUNAL SUPRÊME DES TRAVAUX PUBLICS.

Préface


...Ces notions [sur le droit civil et criminel, les coutumes et la jurisprudence du Royaume du Milieu.] ont été puisées dans le « Code de la dynastie Ts'ing », quelquefois aussi dans la « Collection des statuts de la même dynastie », c'est-à-dire dans les deux principaux recueils authentiques des lois et décisions impériales.

La division générale du code chinois, suivant l'ordre même des différents Tribunaux suprêmes, est trop naturelle pour que nous ne l'adoptions pas.

Nous avons aussi conservé la distinction qu'on trouve dans le code entre la loi proprement dite et les articles supplémentaires.

Sous le nom de loi, on entend les anciennes dispositions et ordonnances portées par les dynasties précédentes : Ming, Yuen, T'ang etc., et acceptées par le dynastie actuelle Ts'ing lorsqu'elle s'empara de l'empire.

Les articles supplémentaires sont des arrêtés ou décrets édictés par les empereurs de la dynastie Ts'ing pour modifier ce que les lois avaient de défectueux, développer ce qu'elles n'expliquaient pas suffisamment, punir des délits nouveaux etc. Ces articles ont même autorité que les lois, mais ils peuvent être abrogés, tandis que les lois sont immuables.

Nous avons surtout développé ce qui concerne le Tribunal des Familles et celui des Châtiments. C'est là, en effet, qu'il faut le plus souvent recourir pour connaître les mœurs et les lois chinoises touchant les ventes, les fiançailles, le mariage, l'adoption des enfants, la succession aux héritages, les disputes, les meurtres, les vols, et la manière de procéder en justice.

Chaque chapitre est quelquefois précédé d'Observations et presque toujours suivi de Cas pratiques. Les observations, tirées de la « Collection des Statuts de la dynastie », ont pour but de faire connaître les principaux usages chinois, la cause et l'esprit des lois les plus importantes. Les cas sont destinés à éclaircir le texte obscur de ces lois ; souvent ils offriront la solution désirée, et cette solution sera authentique, car elle est toujours donnée par l'empereur et les Cours suprêmes.

Les observations

Enregistrement des familles et des individus


Des registres publics sont établis dans les sous-préfectures, et chaque famille est obligée d'y faire inscrire le nom et l'âge de ses différents membres. En exigeant cette inscription, le gouvernement obtient un multiple but : 1° il fait le dénombrement de la population ; 2° il répartit équitablement la corvée ; 3° il oblige les familles à ne pas changer de domicile ; 4° il établit à peu de frais un vaste système de police.

1. Dénombrement. Il doit avoir lieu tous les ans.

2. Corvée. Autrefois, tous les propriétaires fonciers d'une province ou d'un État féodal devaient, en temps de guerre, prendre les armes et combattre l'ennemi. De plus ils étaient tenus à des travaux extraordinaires, selon le bon plaisir de leur seigneur ; c'est ainsi qu'on a pu élever la Grande Muraille, creuser le Grand Canal, construire les immenses remparts qui protègent les villes, rendre navigables une foule de cours d'eau.

Cette double corvée a depuis été mitigée, mais non abrogée. Au lieu d'appeler en masse le peuple sous les drapeaux, on a établi des armées permanentes, mais c'est sur l'impôt foncier qu'on prélève leur entretien, et cette partie de l'impôt, ainsi affectée à la défense du pays, porte toujours l'ancien nom de corvée foncière.

Au commencement de la dynastie des Ts'ing (1644), la corvée personnelle existait encore. Tous les adultes de 16 à 60 ans étaient obligés, pour remplacer leur travail individuel, de payer un impôt dit de capitation. Mais depuis K'ang-hi (1662-1720) et Yong-tcheng (1723-1736), ce genre d'impôt a été profondément modifié. Au lieu de l'exiger de chaque adulte, on l'a reporté sur les propriétaires fonciers et il a pris le nom d'impôt foncier de capitation. C'est avec son revenu qu'on fait encore aujourd'hui les grands travaux accomplis jadis par la corvée personnelle : « remparts de cités, palais impériaux, ponts, routes, cours d'eau, digues etc. ».

3. Domicile. A ne consulter que le texte de la loi, on croirait assez facilement que tout Chinois se voit interdits les voyages et les changements de demeure en dehors de son département. Tel n'est certainement pas le but du législateur en ce qui concerne les voyages ; pour ce qui regarde le changement de domicile, on se rapproche davantage de la vérité. Il est, en effet, presque impossible, avec le culte des ancêtres tel qu'il existe en Chine, qu'un fils pieux puisse se résoudre à quitter leurs tombeaux, les champs qu'ils ont cultivés, la maison qu'ils ont habitée. Il faut que sa misère soit bien profonde pour qu'il en vienne à cette extrémité, et encore se gardera-t-il de laisser à des étrangers les os de ses aïeux.

Les dispositions religieuses de la population se trouvent donc ici confirmées par l'autorité de la loi, et c'est pour maintenir ferme ce principe que les examens si recherchés du baccalauréat ne peuvent être passés que dans le lieu même où le candidat a pris naissance. Le degré qu'il obtiendrait ailleurs serait nul, et le bachelier lin-cheng qui l'aurait présenté et patronné, serait sévèrement puni. Afin cependant de ne pas pousser trop loin la sévérité à ce sujet, Kia-k'ing, la 11e année de son règne (1806), accorda qu'au bout de 20 ans de séjour dans un endroit, on pourrait présenter une requête au mandarin local pour être admis sur ses registres. Ce ne serait cependant qu'après 60 ans de séjour, et des relations toujours pacifiques avec les voisins, qu'il serait permis de se présenter aux examens. Qu'on remarque bien que l'admission dans la nouvelle sous-préfecture suppose nécessairement la radiation des rôles de la précédente, car personne ne peut être citoyen de deux pays à la fois.

4. Police. L'institution de la police n'exige en Chine ni préfecture, ni budget spécial ; elle se trouve résumée dans les quelques lignes suivantes des « Statuts de la dynastie Ts'ing » :

« A chaque famille on donnera une feuille revêtue du sceau de la sous-préfecture ; on y inscrira le nom, le prénom et la profession de ses différents membres, l'endroit où l'un d'eux s'est retiré, et celui d'où un autre est venu. »

La feuille dont parle ici la « Collection des statuts » est généralement connue sous le nom de « feuille de la porte » , parce qu'elle doit être appliquée en dehors de la porte de chaque famille, et permettre aux voisins de faire une surveillance active. C'est au moyen de ces mêmes feuilles que le chef de quartier constate le chiffre de la population, dont il doit rendre compte au sous-préfet son supérieur.

Séparation d'habitation et de biens dans une famille


La loi chinoise ne connaît pas la distinction, si vulgaire ailleurs, d'enfants majeurs et mineurs. A ses yeux, le fils dépend toujours du père, de l'aïeul, des supérieurs de la gens, il ne peut rien faire d'important sans leur autorisation, ne peut quitter de lui-même leur habitation, et doit leur remettre tout ce qu'il gagne par son industrie privée. Alors même qu'il contracte mariage, ce qui ne peut avoir lieu qu'avec leur consentement et par leur choix, il reste toujours sous leur domination ou tutelle. On prépare au jeune ménage un appartement spécial avoisinant celui des parents, et la vie de dépendance continue, comme auparavant, sous la haute direction du patriarche de la famille.

Le père a le droit, néanmoins, de se séparer de ses fils. Quand il les voit mariés et capables de pourvoir à leurs besoins, il consent souvent à faire le partage de ses biens. Ce partage une fois fait, chacun se trouve libre de disposer de ce qu'il a reçu, travaille pour son avantage personnel et devient, à son tour, véritable père de famille. Il n'y a pas en Chine d'autre émancipation, et, comme on le voit, cet acte dépend entièrement de la volonté paternelle.

Le père de famille est véritablement maître de ses biens meubles et immeubles. Il peut, comme il le juge à propos, les mettre dans le commerce, les donner en gage ou les vendre. Il trouvera cependant une forte opposition parmi ses parents lorsqu'il voudra aliéner ses biens immeubles, surtout ceux qu'il a reçus en héritage à la mort de son père. Personne, assurément, en dehors du possesseur actuel, ne peut les revendiquer légitimement, ni se vanter d'avoir sur eux un droit réel, mais les branches collatérales d'abord, puis les branches plus éloignées, savent qu'à défaut d'enfants mâles, le possesseur doit adopter un des leurs pour héritier. Or, l'espoir de succéder un jour à ces biens vacants pousse la parenté entière à les regarder comme faisant partie du patrimoine commun de la famille. Quiconque voudra donc les aliéner est sûr de se voir susciter de nombreux obstacles. Il a cependant le droit pour lui, et la loi reconnaît son pouvoir de propriétaire.

Ce pouvoir tombe lorsqu'il s'agit de faire le partage des biens entre les enfants. Le père ne peut alors ni les donner ou aliéner à des étrangers, ni se montrer injustement partial envers ses héritiers naturels. La loi protège alors la famille et prescrit le partage égal entre les fils.

Quant aux filles, leur position dans la famille diffère entièrement de celle de leurs frères. Tandis que ceux-ci sont destinés à propager le nom et le sang des ancêtres, celles-là, uniquement capables de développer le germe reçu, doivent passer dans une autre famille et changer de nom. Leurs intérêts et leurs biens seront désormais les intérêts et les biens de leur mari ; aussi toute part d'héritage leur est-elle refusée, même à titre de dot ; elles ne peuvent rien emporter dans leur nouvelle famille, en dehors des vêtements et des ornements que leur ancienne famille veut bien leur concéder.

Polygamie


La polygamie subsiste toujours dans le royaume du Milieu. Afin de s'assurer une postérité qui puisse propager la famille et offrir des sacrifices aux ancêtres, tout Chinois peut avoir une femme principale, ts'i et des femmes secondaires, tsié.

« La femme principale, dit le code, est l'égale ; elle marche de pair avec son conjoint, et l'appelle son mari. La femme, secondaire, ou de côté, se tient près du mari et l'appelle le maître de la famille. Il y a manifestement différence entre elles. »

La différence existe surtout pour le rang, la dignité et l'autorité dans la famille. La ts'i, véritable maîtresse de la maison, est prise dans une famille égale ou supérieure à celle du mari ; les tsié, d'infime condition et obtenues ordinairement à prix d'argent, ne sont que des femmes de subrogation, et doivent, ainsi que leurs enfants, respect et obéissance à la première épouse. Quant au lien matrimonial, les mêmes lois règlent, en général, les rapports du mari avec ses différentes femmes. Les tsié sont traitées avec plus de dédain, mais elles n'en sont pas moins des épouses légitimes.

Sacrifices


Il y a 3 classes de sacrifices en Chine :

— 1e classe : Au Ciel, à la Terre, aux ancêtres de l'empereur, aux esprits du territoire et des moissons.

— 2e classe : Au soleil, à la lune, aux rois des dynasties précédentes, à Confucius, au 1er agriculteur, à la 1e éducatrice des vers à soie, aux esprits du ciel, aux esprits de la terre, à Koan-ti.

— 3e classe : Au prince du pôle Nord, patron de l'empereur, à l'esprit du feu, à l'esprit des canons, aux esprits protecteurs des villes, à l'esprit du pic oriental, à l'esprit dragon du lac du Dragon noir (Amour), au Président du territoire, à l'esprit directeur des travaux, à l'esprit des fourneaux, à celui des greniers publics, au 1er médecin, aux esprits protecteurs contre les calamités, aux esprits des hommes sages et probes. A ceux des ministres bien méritants, à ceux des ministres fidèles, aux femmes chastes et pieuses, aux hommes fidèles, bienfaisants, remplis d'amour filial et fraternel, etc..

Les sacrificateurs sont l'empereur, grand pontife de la religion des lettrés, les mandarins délégués par l'empereur, les mandarins principaux de chaque province, préfecture et sous-préfecture. Avant de présenter leur offrande, ils doivent observer la continence et l'abstinence pendant un, deux ou trois jours, selon le degré du sacrifice.

Les victimes offertes sont : pour les sacrifices de 1e classe, le bœuf, le vin, des mets de toutes sortes, la soie et le jade ; pour les sacrifices de 2e classe, le bœuf, la chèvre et le porc, diverses sortes le vin, la soie et le jade ; pour les sacrifices de 3e classe, la chèvre, le vin, divers mets, la soie.

Exportation non autorisée de marchandises et sortie en mer contre les règlements


Ce chapitre a une grande importance au point de vue général du commerce et de la navigation. Il nous montre avec quel soin jaloux le gouvernement chinois entrave les communications de son peuple avec les peuples voisins, fait obstacle au grand commerce maritime, et prohibe l'exportation des denrées les plus précieuses du pays.

Ce système d'isolement est évidemment conçu dans un but de défense préventive contre tout adversaire de l'extérieur et de l'intérieur. C'est bien, en effet, par crainte de l'étranger, que le gouvernement défend, sous les peines les plus graves, de lui vendre des armes, de la poudre, du fer, du cuivre, et même des livres d'histoire. Les puissances européennes l'ont forcé, pour un temps, à entrer en relations avec elles, mais toutes peuvent voir qu'après un demi-siècle de ces relations, l'ancien esprit de suspicion et d'exclusion subsiste toujours aussi intense que par le passé. Le royaume du Milieu ne se sent pas encore de force à les expulser, mais il en a le désir, et un temps viendra où il cherchera à réaliser ce désir.

C'est pareillement dans le même but de s'assurer l'empire que le gouvernement favorise si peu les grandes entreprises des particuliers. Il ne redoute pas moins, en effet, les soulèvements de ses propres sujets que les invasions des étrangers. De là vient, croyons-nous, qu'il les rend responsables les uns des autres, prohibe les armes à feu et met tant d'obstacles aux changements de résidence, aux communications extérieures, et à la formation de sociétés de commerce. Une seule société a pu jusqu'ici réunir à Chang-hai une flotte de bateaux à vapeur pour l'exploitation du Fleuve Bleu ; mais chacun sait qu'elle est entièrement sous la tutelle du gouvernement et doit surtout son existence au besoin urgent de faire concurrence à l'étranger.

Magie et sorcellerie


Les Chinois sont naturellement enclins à la magie et à la sorcellerie. Dans leurs principales révolutions dynastiques, on trouve ordinairement des sorciers capables de changer la direction du vent, d'exciter des tempêtes, de métamorphoser en hommes vivants des soldats de papier, et de rendre invulnérables leurs partisans. Ceux qui veulent fomenter des troubles préparent les esprits du peuple par des faits de magie ou plutôt de charlatanisme. On comprend donc facilement pourquoi ce sujet vient dans le code immédiatement après celui de la haute trahison et de la rébellion ; il y a entre les deux connexion intime.

Les lois

Séparation d'habitation et de biens dans une famille


« Tout fils ou petit-fils qui, pendant que ses grands-parents (paternels) ou ses parents vivent encore, se formera une maison distincte de la leur, et fera entre eux et lui séparation de biens meubles et immeubles, recevra 100 coups de gros bâton. (Cette peine ne sera décrétée que sur la plainte des parents et grands-parents susdits).

« Les fils qui, pendant le deuil prescrit pour leur père et leur mère (3 ans, réduits à 27 mois), se formeront des établissements séparés et procéderont au partage des biens, seront punis de 80 coups de bâton. (Ils ne pourront être condamnés que sur la plainte des parents supérieurs envers lesquels ils sont tenus à un an de deuil, et pourvu qu'ils n'aient pas agi en vertu d'un ordre de leurs parents décédés.

« Il n'est pas permis aux fils et aux petits-fils, pendant la vie de leurs parents et grands-parents, de partager leurs biens et de s'éloigner d'eux, alors même qu'ils ne formeraient pas d'établissement spécial. Ils peuvent cependant opérer la division si les parents y consentent.

« Les membres subordonnés et plus jeunes d'une famille qui, vivant sous le même toit que leurs supérieurs, emploieront sans permission et de leur autorité propre les biens de la famille, recevront 20 coups de petit bâton, si la chose employée vaut 10 onces d'argent. La peine sera augmentée d'un degré pour chaque somme de 10 onces en plus, et s'arrêtera à 100 coups de gros bâton.

« Tout chef de famille, habitant le même toit que les héritiers, qui ne divisera pas également entre ceux-ci le patrimoine de la famille, sera puni de même (20 à 100 coups).

« Les titres héréditaires seuls doivent être d'abord transmis à tous les descendants, fils et petits-fils, de la femme principale, puis passer aux fils des femmes secondaires. S'il s'agit du partage des biens meubles et immeubles d'une famille, on ne doit pas considérer si les fils sont nés de la femme principale, des femmes secondaires ou des esclaves, la division doit être égale entre tous.

« Un fils adultérin aura droit à une demi-part. S'il est fils unique, il partagera également avec celui qui doit être appelé à continuer la famille ; à défaut de ce continuateur, il pourra lui-même la continuer et recevoir tout l'héritage.

« Quand la gens se trouve absolument sans rejeton mâle, celui qui possède des biens n'ayant plus, par conséquent, aucun consanguin qui puisse lui succéder, pourra les transmettre à ses propres filles. Si cependant il n'avait pas de filles, le mandarin local ferait un rapport détaillé aux autorités supérieures, et ces biens reviendraient à l'État.

Sacrifices


« À l'époque des grands sacrifices au Ciel, à la Terre, aux esprits du territoire et des moissons, et aux ancêtres de l'empereur, si les mandarins chargés des préparatifs ne font pas connaître à tous les tribunaux le jour de la solennité, ils recevront 50 coups de petit bâton. Ils en recevront 100 lorsque, par suite de cette omission, il y aura eu quelque irrégularité dans les cérémonies.

« L'officier dûment averti, qui se trompera en quelque point, portera seul la peine de son erreur (100 coups).

« Tout officier qui, après avoir reçu communication de la continence et de l'abstinence à observer, offrira à quelqu'un des compliments de condoléance, demandera des nouvelles d'un malade, traitera de vive voix ou par écrit les affaires criminelles de son tribunal, assistera à quelque festin, sera puni d'une retenue d'un mois de ses appointements.

« Les mandarins préposés aux cérémonies subiront le même châtiment, lorsqu'ils députeront comme fonctionnaire du comme simple assistant, un officier qu'ils sauront porter le deuil, et avoir été puni de la bastonnade. Quand ils l'ignoreront, ils seront mis hors de cause. Même peine sera portée contre le mandarin en deuil ou condamné à la bastonnade, qui aura négligé d'avertir les préposés aux cérémonies.

« Quand un mandarin, averti de la continence à observer et obligé de la garder dans les appartements extérieurs de son tribunal, ne passera pas la nuit dans une chambre propre et décente, il subira la retenue d'un mois de ses appointements. Il en sera de même pour celui qui, devant la garder dans les appartements intérieurs, ne couchera pas dans son propre tribunal.

« Lorsque les victimes à offrir dans les grands sacrifices, animaux, jade, soie, céréales et fruits ne seront pas convenables, les préposés aux cérémonies recevront 50 coups de bâton. Ils en recevront 80, quand une sorte d'offrande fera défaut, et 100, quand l'offrande due à un esprit manquera totalement.

« Si, après avoir reçu les animaux destinés aux sacrifices, le chef des étables ne les nourrit pas avec soin et les laisse ainsi s'amaigrir et dépérir, il recevra 40 coups pour un animal ; sa peine sera augmentée d'un degré par chaque animal en plus, sans cependant pouvoir dépasser 80 coups. Ce même châtiment, augmenté d'un degré, sera appliqué quand l'animal aura succombé.

Magiciens et entreprises perverses


« Les magiciens qui se vantent de faire descendre des esprits malins, écrivent des charmes, font de l'eau lustrale, invoquent les génies, adressent des prières aux saints, s'intitulent justes seigneurs, grands protecteurs et femmes devineresses ; les partisans des sociétés du Mi-lé-fou, du Nénuphar blanc, et en général de toute fausse doctrine et secte perverse ; ceux qui cachent des images, brûlent de l'encens, acceptent des disciples, se réunissent la nuit et se dispersent à l'aurore, feignent de pratiquer de bonnes œuvres, mais pervertissent et égarent le peuple, subiront les peines suivantes : la strangulation après les assises d'automne pour les principaux coupables, la bastonnade (100 coups) et l'exil militaire, à 3.000 lis pour les disciples.

« Les militaires ou hommes du peuple qui décoreront l'image d'un esprit, organiseront des processions en son honneur au son du tam-tam et du tambour, recevront 100 coups de gros bâton. Cette peine ne sera appliquée qu'au principal coupable.

« Le chef de quartier qui aura connu les préparatifs (de la procession), et ne les aura pas dénoncés, sera châtié de 40 coups de bâton.

« Les processions que le peuple fait au printemps et à l'automne (pour prier ou remercier les esprits bienfaisants des moissons), ne sont pas comprises dans le prohibition précédente.

« Les taoïstes qui préparent la drogue d'immortalité seront envoyés en exil sur une frontière rapprochée.
« Quiconque enseigne des pratiques perverses pour se mettre à l'abri des supplices sera condamné à la strangulation après les assises d'automne. Ses adeptes subiront l'exil perpétuel à 3.000 lis.

Les cas pratiques

Dans la sous-préfecture de Sin-yé, un homme du peuple, appelé Chen T'en-ing, a tellement accablé de moqueries et d'injures la femme Seng-ou que celle-ci, de honte et de colère, est allée se pendre.

Réponse du Tribunal des Châtiments : « Chen T'en-ing peut rester au service de ses parents. Après en avoir référé à Sa Majesté, désormais quiconque insultera de paroles une femme sans aucun attouchement de mains ou de pieds, et sera cause que cette femme se suicide de honte et de désespoir, pourra demander de rester près de ses parents, si ceux-ci sont vieux et n'ont pour appui que ce fils unique. » 1e année de Kia-k'ing (1796.)

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Une bande de voleurs, composée d'un père et de ses trois fils, vient d'être jetée dans les prisons du préfet. C'était le plus jeune fils, homme remarquable par son habileté et sa force physique, qui avait organisé cette bande et la commandait. Que penser du père et quel sera son châtiment ?

Réponse. — Ce cas appartient, à proprement parler, au Chap. VII, § 2, nn. 110 seq., « Coupables principaux et secondaires » ; nous l'insérons ici afin de confirmer par un exemple ce que nous disions, au n. 144, des circonstances aggravantes.

Si une famille fait du tort à quelqu'un dans ses biens ou sa personne, ce n'est pas sur le père que se portera nécessairement la responsabilité, mais sur celui qui est le véritable moteur du projet. D'après cette loi (n. 112), le plus jeune fils, chef de la bande, sera puni comme auteur principal du crime, son père et ses frères seront considérés comme auteurs accessoires et complices.

Mais un article supplémentaire (n. 113), regardant l'action du père à un autre point de vue, ordonne que la peine qu'il a encourue comme complice de son fils soit augmentée d'un degré. La raison de cette augmentation de peine se trouve dans la circonstance aggravante qu'il est père. « Au lieu d'apprendre à son fils la pratique de la vertu, il l'a laissé s'abandonner au vice ; au lieu de réprimer ses écarts, il l'a aidé dans ses criminelles entreprises. »

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Li, âgé de 25 ans, vient d'être arrêté pour avoir battu et blessé un autre homme à lui inconnu, mais qui ne voulait pas lui livrer passage dans la rue. En présence du mandarin, il apprend que cet homme est son oncle, depuis longtemps éloigné de sa famille, et il manifeste un vif regret de ne pas avoir eu jusqu'ici l'occasion de le connaître. Quelle peine subira Li ? Sera-t-il condamné comme ayant battu et blessé son oncle ?

Réponse. — Non ; d'après la loi n. 185, il ne sera condamné que pour avoir battu et blessé un homme ordinaire. Il n'est responsable, en effet, que du crime qu'il croyait commettre.

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Dans un examen provincial, le greffier Fan Choen-tch'eng, engagea le candidat Fou Tsin-hien à promettre une somme d'argent à plusieurs employés secondaires pour l'aider à réussir et à obtenir une bonne place.

L'arrangement une fois conclu, Lo Wen-sieou pénétra dans les bureaux des examinateurs, enleva la composition qui avait mérité la première place, et y substitua celle de Fou. Il fut aidé dans cette entreprise par Ts'ao Ping-yué et plusieurs autres. Celui-ci retira du cahier dérobé le signe officiel qui sert à constater le nom de l'auteur ; celui-là fit un faux cachet pour remplacer le signe enlevé ; enfin un troisième, qui avait sous sa garde les caisses où les compositions sont renfermées, ouvrit ces caisses et permit de faire l'échange des cahiers.

Le jour de la proclamation des places arrivé, Fou Tsin-hien se trouva en tête de la liste. Ce succès étonna beaucoup ceux qui connaissaient le lauréat. Ils demandèrent qu'on fît des recherches, et en effet on trouva qu'il y avait eu intrigue et que le véritable auteur du premier cahier était un nommé P'eng Ngo. — A quelle peine seront condamnés les coupables ?

Réponse. — Ce cas se présenta réellement sous le règne de Kia-k'ing (1776-1821), dans l'examen provincial du Ho-nan.

Fan Choen-tch'eng, qui avait tout combiné, fut condamné à être immédiatement décapité (n. 240). Fou Tsin-hien, coupable d'avoir acheté frauduleusement le premier rang parmi les licenciés et d'avoir incité à violer la loi au moyen d'une somme supérieure à 120 onces, fut condamné à être immédiatement étranglé (n. 241).

Lo Wen-sieou, qui avait reçu 200 onces de récompense, fut condamné à la même peine et pour la même cause.

Ts'ao Ping-yué et ses complices, qui n'avaient reçu que de petites sommes, furent envoyés en exil perpétuel.

De plus, le père de Fan Choen-tch'eng fut condamné a être esclave des soldats campés sur les bords du Dragon Noir (Amour), et l'oncle de Lo Wen-sieou dut subir trois ans d'exil. Leur crime était de n'avoir point empêché la détestable entreprise de leurs subordonnés.

Tous les mandarins surveillants furent livrés au Tribunal suprême pour y être sévèrement punis de leur négligence.

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Un mandarin inférieur, sans attendre la fin du deuil prescrit pour l'empereur défunt, s'est fait raser la tête. — Un bonze a osé faire de même. — Un lettré, en expectative d'emploi, n'a pas craint, pendant ce deuil, de faire jouer la comédie en l'honneur des esprits. L'assistant du sous-préfet envoya constater le fait, mais le lettré, sous prétexte que le lieu de la comédie était hors de sa juridiction, chassa et blessa les satellites. — Quelle peine ont-ils méritée ?

Réponse. — La société chinoise constituant une grande famille, tous ses membres doivent porter le deuil de son chef défunt.

« A Pékin, il est défendu aux mandarins de faire de la musique pendant 27 mois et de contracter mariage pendant un an. Le peuple et les soldats doivent porter le costume de deuil pendant 27 jours, ne pas faire de musique pendant 100 jours, ne pas contracter mariage pendant 1 mois. — Dans les provinces, il est interdit aux mandarins de faire de la musique pendant 1 an, de contracter mariage et de se raser la tête pendant 100 jours. Le peuple et les soldats enlèvent les cordons rouges de leur chapeau, revêtent des habits de deuil pendant 27 jours, s'abstiennent de musique pendant 100 jours, et ne contractent point mariage pendant 1 mois. »


Ces détails donnés, voici la solution des cas proposés : Le mandarin devrait être immédiatement décapité, mais on attendra que le nouvel empereur fixe le jour de l'exécution. — Le bonze recevra 100 coups de bâton, ainsi que le barbier qui l'a rasé, selon la loi concernent les désobéissances à la volonté impériale. — Le lettré subira l'exil militaire, conformément à la loi sur les mauvais sujets.

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Kiang, poussé par la pauvreté, fit passer sa femme pour sa sœur, et la vendit, en qualité d'épouse, à Tchang-fan. Plusieurs fois il essaya de la ramener chez lui par ruse, mais ayant toujours échoué, il résolut de recourir à la violence. A la tête de sept vauriens, il attaqua Tchang-fan, le blessa et enleva sa femme. Quelle peine a-t-il méritée ?

Réponse. — La 15e année de Kia-k'ing (1811), il fut condamné à l'exil militaire sur une frontière rapprochée, pour avoir vendu sa femme, escamoté l'argent de Tchang-fan, réuni une troupe et accompli un rapt. Sa peine fut augmentée de 2 degrés et changée en exil militaire sur une frontière éloignée à 4.000 lis, pour avoir frappé et blessé Tchang-fan.

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La pauvreté est-elle une raison suffisante pour qu'un mari puisse vendre sa femme ?

Réponse. — Non ; celui qui commet ce délit est passible de 80 coups de bâton, conformément à la loi contre les mauvaises actions (n. 1656). La femme vendue restera la propriété de l'acheteur.

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La 10e année de Kia-king (1805), le censeur Hoa demanda l'autorisation, pour les nombreux mahométans du Turkestan, de tuer et de manger des bœufs. L'empereur répondit :

« Hoa n'est pas mahométan, et cependant que de paroles désordonnées et vaines sont sorties de sa bouche ! Le bœuf n'est pas une victime ordinaire, il est employé dans les sacrifices de première classe que nous offrons au Ciel, à notre père et à nos aïeux. De plus, c'est un animal qui rend de grands services à la classe des laboureurs. Hoa veut permettre aux mahométans de les tuer à leur guise ; dans quel dessein ? Peut-être a-t-il reçu le mandat de traiter cette question. Qu'il soit cassé de son emploi et livré aux Tribunaux pour être jugé et puni. »

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La femme Lo, habituée à passer la journée dans la famille Yé, fut enfin priée, pour l'embarras qu'elle causait, de se retirer et de ne plus revenir. Furieuse, elle commence dans la rue à vomir des injures et des malédictions contre ses anciens amis. La maîtresse de la maison, Yé Wang-che, sortit pour lui parler raison, mais elle fut immédiatement saisie par la femme Lo et battue. La fille Yé vint au secours de sa mère, mais son adversaire lui mordit la main et lui dit de telles injures qu'elle alla se précipiter dans l'étang voisin et se tuer. Quelle peine doit subir la femme Lo ?

Réponse. — Elle méritait, conformément à l'article supplémentaire (n. 1333) sur les suicides occasionnés par des injures, 100 coups de bâton et l'exil perpétuel à 3.000 lis. Tao-koang (1821-1831), considérant que les injures d'une femme ont moins de portée que celles d'un homme, abaissa la peine d'un degré, et condamna la coupable à 3 ans d'exil, en lui donnant la permission de se racheter à prix d'argent. Quant à la fille Yé, qui s'était suicidée, il ordonna de lui élever un monument d'honneur.

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