Fernand Farjenel (18xx-1918)

Fernand Farjenel. Culte impérial en Chine. Culte des ancêtres.

LE CULTE IMPÉRIAL EN CHINE

Journal Asiatique, Novembre-décembre 1906, pages 491-516.

QUELQUES PARTICULARITÉS DU CULTE DES ANCÊTRES EN CHINE

Journal Asiatique, Juillet-août 1903, pages 85-96.

Extrait : Du grand sacrifice au ciel au jour du solstice d'hiver.
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Farjenel, le culte impérial en Chine.
Temple du Ciel, Pékin. Photo G.E. Morrison.

Du grand sacrifice au ciel au jour du solstice d'hiver

On ne connaît bien un peuple que lorsqu'on connaît sa religion. . . .

Le sacrifice dont nous donnons ci-après la traduction est le plus grand acte de toute la liturgie chinoise. C'est le sacrifice au grand Dieu du ciel, premier principe des choses, tel qu'il nous est présenté dans le Rituel de la dynastie actuelle....

Sans doute les auteurs chinois font remarquer que la religion officielle a subi, au cours des temps, diverses altérations passagères ; mais le travail des canonistes a eu pour effet de faire rentrer les pratiques liturgiques dans la ligne traditionnelle et de les rendre aussi conformes que possible à celles de l'antiquité.

Ils y ont vraisemblablement réussi en grande partie, et c'est là ce qui donne un intérêt historique de premier ordre à l'exposé du culte moderne.

Toutes les fois qu'on pratique le rite du sacrifice suburbain au Ciel, le siège du Principe actif de tous les biens se trouve dans le faubourg du Sud. (Ce siège est) rond pour figurer le Ciel ; on l'appelle : Élévation circulaire.

Il est fait de trois plates-formes.

Dans l'année, au solstice d'hiver, on y sacrifie à l'Auguste, Céleste, Souverain Seigneur, et l'on vénère les empereurs : T'aitsou, le noble ; T'aitsong, le savant ; Cheutsou, le glorieux ; Chengtsou, le charitable ; Cheutsong, le modèle, qui sont associés (au Seigneur dans le sacrifice).

On sacrifie ensuite au Grand Luminaire, au Luminaire nocturne, aux Constellations, aux nuages, à la pluie, au vent, au tonnerre.

Le siège du Souverain Seigneur est sur la première plate-forme, tournée vers le Sud.

Les Saints qui l'assistent sont tournés à l'Est et à l'Ouest.

Les sièges des quatre Suivants sont placés sur la deuxième plate-forme.

Le Grand Luminaire est tourné à l'Ouest, les Constellations sont à sa suite.

Le Luminaire nocturne est tourné à l'Est ; la pluie, le vent, le tonnerre sont à sa suite.

A tous également, on dresse des tabernacles bleus. (On dispose devant) le Souverain Seigneur une tablette de jade vert azuré, douze pièces de soie, un veau, un vase à sauce, deux vases à riz, deux vases à millet, douze vases à saumure et douze vases à graines, une cruche à vin pour les libations, trois calices, un réchaud, six escabeaux, un bœuf rôti.

Les Saints ont tous également : une pièce de soie, un veau, un vase à sauce, deux vases à riz, deux vases à millet, chacun douze vases à saumure et douze vases à graines, une cruche à vin, trois calices, un réchaud, quatre escabeaux.

Le Grand Luminaire et le Luminaire nocturne ont également une pièce de soie, un bœuf, un vase à sauce, deux vases à riz, deux vases à millet, trois calices, vingt bols, deux escabeaux.

Les Constellations (ont) onze pièces de soie.

Les nuages, la pluie, le vent, le tonnerre : quatre pièces de soie ; tous : un bœuf, un mouton, un porc, un vase à sauce, deux vases à anse, chacun deux vases à riz et deux à millet, chacun dix vases à saumure et dix vases à graines, une cruche, deux calices, vingt bols, un réchaud, deux escabeaux.

Le jade et la soie sont dans des paniers ; (la chair des) victimes est contenue dans les récipients tsou.

Les cruches sont remplies de liqueur ; on étend les voiles d'étoffe, les cuillers sont préparées.

Un jour avant le sacrifice, le bureau de la musique dispose l'harmonie sacrée au bas de l'autel ; les sections de droite et de gauche du département des équipages impériaux disposent le cortège des chars en dehors de la porte du Midi, le char de jade au bas de l'escalier du T'aihomenn.

A la sixième heure, le directeur de la Cour des sacrifices va se placer à la porte de la Pureté ; il prie l'Empereur d'aller dans le pavillon de l'Abstinence.

L'Empereur, revêtu de la robe pontificale à dragons, monte dans la chaise rituelle et sort du pavillon ; en avant marchent dix chambellans de l'avant-garde ; en arrière marchent deux chambellans de l'arrière-garde ; vingt gardes du corps armés de lances et de sabres, vingt gardes armés d'arcs et de flèches sont disposés de chaque côté, conformément aux rites ; tous arrivent au bas de l'escalier du T'aihomenn.

(L'Empereur) descend de la chaise et monte dans le char.

Le cortège s'avance, puis, respectueusement, s'arrête. A la porte du Midi, on sonne la cloche ; le cortège marche en avant ; les princes, les nobles et tous les officiers civils et militaires qui n'assistent pas au sacrifice, revêtus de la robe de cour, sont agenouillés ; les tambours envoyés en avant résonnent.

(Arrivés au temple du Ciel), les tambours s'arrêtent et ne jouent plus ; des gardes de l'équipage impérial sonnent la cloche du pavillon de l'Abstinence.

L'Empereur entre par la porte de l'Ouest du temple du Ciel ; arrivé en dehors de la porte Tchao heng, il descend de char. Deux acolytes cérémoniaires, directeurs de la Cour des sacrifices, conduisent respectueusement l'Empereur, qui, passant par la porte de gauche, entre et va se placer à l'Auguste Espace.

Devant le Souverain Seigneur et les Saints, il fait monter l'encens. Lorsqu'il a fini, il pratique le rite des trois agenouillements et des neuf prosternations.

Aux Suivants des deux pavillons latéraux, les officiers délégués aux offrandes font des encensements et pratiquent le rite (des prosternations).

L'Empereur va à l'élévation circulaire ; il inspecte les sièges de l'autel ; il va au magasin des Esprits, il inspecte les vases ainsi que les victimes.

Puis, passant par la porte méridionale de gauche du sanctuaire, il sort par la porte méridionale de gauche du chœur ; arrivé à droite du chemin des Esprits, ii monte en char, et va au pavillon de l'Abstinence.

Les princes, les ducs et tous les officiers qui assistent au sacrifice, revêtus de la robe multicolore, se tiennent rassemblés, en deux bandes, en dehors de la porte du pavillon de l'Abstinence ; respectueusement, ils attendent que l'Empereur soit rentré, puis ils se retirent.

On observe le soleil. Sept quarts d'heure avant son lever, un directeur de la Cour des sacrifices va au pavillon de l'Abstinence faire connaître que le moment (de la cérémonie) est arrivé.

L'Empereur, revêtu de la robe sacrificielle pontificale, monte dans la chaise rituelle, sort, descend de la chaise et monte dans le char.

Les gardes de l'équipage font retentir la cloche du pavillon de l'Abstinence.

L'Empereur arrive en dehors de la porte méridionale du chœur ; à droite du chemin des Esprits, il descend de char ; deux cérémoniaires, directeurs de la Cour des sacrifices, le précèdent respectueusement et entrent sous le grand baldaquin.

Le ministre des Rites, conduisant les officiers de la Cour des sacrifices, va (au pavillon de) l'Auguste Espace ; avec révérence, il fait une invitation respectueuse aux sièges des Esprits, les porte et les dispose dans les baldaquins bleus.

Les directeurs de la Cour des sacrifices invitent l'Empereur à accomplir le rite.

L'Empereur sort de dessous le grand baldaquin ; il se lave les mains.

Les cérémoniaires, directeurs de la Cour des sacrifices, précédant respectueusement l'Empereur, sortent par la porte méridionale de gauche du chœur et entrent par la porte méridionale de gauche du sanctuaire ; ils montent, par l'escalier du Midi, jusqu'à la deuxième plate-forme, au baldaquin jaune, puis ils se tiennent debout devant le siège de prosternation.

Quatre officiers assistants de la Cour des sacrifices, chargés du partage des offrandes, entrent en passant par la porte méridionale de gauche ; ils vont se placer dans l'allée principale, devant l'escalier.

Des officiers de la Cour du cérémonial, conduisant les princes du premier rang et les princes du second rang, les placent sur l'escalier de la troisième plate-forme ; les princes du troisième ordre, les ducs, sont placés au bas de l'escalier ; tous les officiers sont placés en dehors de la porte du chœur, à droite et à gauche ; ils se tiennent en ordre. Ils ont tous le visage tourné vers le Nord.

Les officiers des cérémonies canoniques, les musiciens, les mimes chantent des hymnes. Les officiers servants remplissent tous leur office.

Les mimes militaires s'avancent, disposés par huit.

Les cérémoniaires invitent l'Empereur à prendre place. L'Empereur se place debout à son siège de prosternation ; ensuite, on fait brûler le combustible (dont la fumée) va au-devant de l'Esprit du Seigneur.

Les thuriféraires s'avancent en portant respectueusement les plateaux à encens. Les musiciens font, ensemble, monter la musique au-devant de l'Esprit du Seigneur.

On chante le morceau de la Paix initiale.

Les cérémoniaires invitent l'Empereur à monter à l'autel.

Ils conduisent respectueusement l'Empereur et vont se placer sur la première plate-forme devant le siège du Souverain Seigneur.

Les thuriféraires s'agenouillent, avancent l'encens ; les cérémoniaires invitent l'Empereur à s'agenouiller. L'Empereur s'agenouille. On l'invite à encenser. L'Empereur pose l'encens sur l'encensoir, puis use trois morceaux d'encens. Il se relève ; ensuite il va se placer devant les sièges des Saints assistants (le Seigneur) et les encense. Le rite est le même.

Les cérémoniaires invitent l'Empereur à retourner à sa place.

L'Empereur retourne à sa place ; les cérémoniaires l'invitent à s'agenouiller ; il se prosterne et se relève.

L'Empereur accomplit le rite des trois agenouillements et des neuf prosternations ; les princes, les ducs et tous les officiers l'accomplissent également à sa suite.

Les officiers (porteurs) du jade et de la soie s'avancent en portant respectueusement les paniers.

On chante le morceau de la Splendide Paix.

L'Empereur monte à l'autel ; il va se placer devant le siège du Seigneur.

Les officiers porteurs du jade et de la soie s'agenouillent, ils avancent les paniers. L'Empereur s'agenouille ; reçoit les paniers, offre le jade et la soie et se relève ; ensuite il va se placer devant les sièges des Saints assistants, offre la soie. Le rite est identique.

L'Empereur retourne à sa place ; alors on avance les récipients à viande.

L'Empereur se tient debout, à côté de son siège, tourné du côté de l'Ouest.

Des officiers subalternes mettent de la sauce dans des pots qu'ils prennent respectueusement ; du bas de l'autel ils montent par l'escalier du Midi ; ils vont devant les sièges du Souverain Seigneur et devant ceux des Saints assistants ; tous, ils s'agenouillent et élèvent les vases à deux mains ; puis ils se relèvent, arrosent de sauce par trois fois les récipients à viande, ils se retirent, et ils descendent en passant par l'escalier de l'Ouest.

L'Empereur se remet en place, on chante le morceau de la Paix à tous.

L'Empereur monte à l'autel, il va se placer devant le siège du Souverain Seigneur et devant ceux des (Saints) associés. A genoux, il avance les récipients à viande, se relève, retourne à sa place accomplir le rite de la première offrande.

Les officiers porteurs de calices s'avancent en les tenant respectueusement ; on chante le morceau Paix et longévité ; les mimes figurent le pas du bouclier et de la hache.

L'Empereur monte à l'autel ; il va se placer devant le siège du Souverain Seigneur ; les officiers porteurs de calices, agenouillés, avancent les calices ; l'Empereur, agenouillé, offre les calices et fait une libation, juste au milieu. Il se lève, recule et va se placer debout au siège de prière et de prosternation.

Le lecteur va s'agenouiller devant la table des prières, il fait trois prosternations ; tenant respectueusement la tablette des prières, il s'agenouille à gauche de la table ; la musique, pendant ce temps-là, s'arrête.

L'Empereur s'agenouille, tous les grands officiers s'agenouillent aussi.

Le lecteur lit la prière ; quand il a fini, prenant respectueusement la tablette, il va devant le siège du Souverain Seigneur, s'agenouille et la pose sur la table, il fait trois prosternations et se retire, la musique joue.

L'Empereur, conduisant tous les grands officiers, accomplit le rite des trois prosternations et se relève. Il va devant les sièges des (Saints) associés ; puis il leur fait l'offrande du calice ; la cérémonie est identique (à celle qu'il a accomplie pour le Souverain Seigneur).

Les officiers acolytes porteurs d'offrandes, passant par les escaliers de l'Est et de l'Ouest, montent à l'autel ; ils vont, devant les sièges des Suivants, faire des encensements, offrir de la soie ; ensuite ils font l'offrande des calices ; quand ils ont terminé, ils descendent les escaliers et retournent se mettre debout à leur place primitive ; la musique s'arrête ; les mimes de la vertu militaire se retirent ; les mimes de la vertu civile s'avancent en disposition de huit. On accomplit le rite de la deuxième offrande. On chante le morceau de Paix excellente. On mime le pas Yuyo.

L'Empereur monte à l'autel ; ensuite il offre les calices, il fait une libation à gauche. Le rite est semblable à celui de la première offrande ; puis il retourne à sa place.

On accomplit le rite de la dernière offrande. On chante le morceau de la Paix sans fin.

L'Empereur monte à l'autel pour ensuite offrir les calices, il fait une libation à droite. Le rite est comme celui de la deuxième offrande. Il retourne à sa place.

Les officiers porteurs d'offrandes offrent les calices. Comme au commencement, la musique s'arrête. Les mimes de la vertu civile se retirent.

Les officiers de la Cour des sacrifices aident à donner le vin et les chairs sacrés.

Deux officiers de la Cour des banquets sacrés, à la table de l'Est, prennent la liqueur et les viandes sacrées, s'avancent devant le siège du Souverain Seigneur, les élèvent à deux mains en offrande.

L'Empereur va se placer au siège de communion.

Deux gardes du corps avancent et se placent à gauche. Les officiers qui portent les mets consacrés descendent se placer à droite.

L'Empereur s'agenouille ; les officiers servants de droite et de gauche s'agenouillent tous. L'officier de droite avance le vin consacré ; l'Empereur reçoit le calice, l'élève à deux mains en offrande, le passe à l'officier de gauche. On avance les chairs consacrées, (l'Empereur) les reçoit et fait de même. (Puis il fait) trois prosternations, se relève et retourne à sa place.

Tous les ministres accomplissent le rite des trois agenouillements et des neuf prosternations.

On emporte les vases, on chante le morceau de la Paix glorieuse.

Un officier subalterne va devant le siège du Souverain Seigneur ; prenant respectueusement la tablette de jade vert azuré, il se retire pour l'envoyer à l'Esprit du Seigneur.

On chante le morceau de la Paix pure.

L'Empereur, suivi de tous les grands personnages, pratique le rite des trois agenouillements et des neuf prosternations.

Des officiers portant la tablette des prières, la soie, les mets, l'encens, avec révérence vont aux lieux d'holocauste.

L'Empereur se retourne et se tient debout à côté de son siège, tourné vers l'Ouest. Il attend (ainsi) que la tablette des prières et la soie soient passées ; puis il se remet en place.

L'encens et la soie des Suivants, passant par les escaliers de l'Est et de l'Ouest, sont portés aux divers brûleurs. On chante le morceau de l'Immense Paix. Quand la tablette des prières et la soie sont à demi consumées, on invite l'Empereur à aller vers le brûleur.

Conduit respectueusement, l'Empereur, passant par la porte méridionale de gauche du sanctuaire, sort ; il va vers le fourneau d'holocauste, se place tourné vers le fourneau.

Les cérémoniaires, porteurs d'offrandes, se placent en dehors des portes de droite et de gauche, tournés vers les fourneaux.

On avertit l'Empereur que le rite est achevé. Conduit respectueusement, l'Empereur, passant par la porte méridionale de gauche du chœur, sort et rentre sous le grand baldaquin.

Il change d'habits.

Les ministres des rites conduisent les officiers de la Cour des sacrifices.

Avec révérence, ils invitent les Esprits à s'en retourner et les convoient (au pavillon de) l'Auguste Espace.

L'Empereur va, en dehors de la porte Tchao heng, monter dans la chaise rituelle.

Le cortège marche en avant. En marchant en avant, la musique joue. On chante le morceau de la Paix auxiliatrice.

L'Empereur retourne en char. Les princes, les ducs et tous les officiers ensuite se retirent.

Les princes, les ducs et tous les officiers qui n'assistent pas au sacrifice, comme auparavant, revêtus de la robe de cour, attendent agenouillés hors de la porte du Midi.

A la porte du Midi on sonne la cloche ; les princes, les ducs, suivant le char, entrent jusqu'au pont intérieur Kinchoei ; respectueusement, ils attendent que l'Empereur soit rentré dans ses appartements, puis tous se retirent.



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