Choix de poésies chinoises

Choix de poésies chinoises traduites par Louis Laloy (1874-1944).  Fernand Sorlot, Paris, s.d., 66 pages.

Traduites par Louis LALOY (1874-1944)

Fernand Sorlot, Paris, 1944, 64 pages.

 

Ci-dessous, des passages de l'Introduction de Louis Laloy sont présentés avant chaque groupe de poésies.

Extraits :
Lào-tzè : Le Livre de la Voie et de la Vertu, Táo teh kīng
Le Kouoh foūng du Cheū kīng, Livre des vers
K'iuh Yuên, IIIe siècle b.C.
Chansons populaires des premiers siècles p.C.
L'éclat incomparable de la poésie sous les T'âng
L'évolution poétique après les T'âng

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Lào-tzè : Le Livre de la Voie et de la Vertu, Táo teh kīng

"Le Livre de la Voie et de la Vertu, Táo teh kīng, attribué à Lào-tzè, est un poème philosophique, suite de méditations et d'élévations où la pensée n'atteint aux vérités suprêmes que par le secours du rythme et de l'image, seuls capables de la conduire encore par delà les limites du raisonnement. On en trouvera deux exemples en ce recueil, poèmes 1 et 2."

1. La Voie éternelle.
La voie où l'on chemine
N'est pas la Voie éternelle.
Le nom par quoi l'on nomme
N'est pas le Nom éternel.
L'innommé, origine du ciel et de la terre ;
Le nommé, mère de tous les êtres.
Donc c'est l'éternel sans désir qui découvre l'essence.
C'est l'éternel désir qui découvre la limite.
Ces deux formes
Ont même principe, sous deux noms.
L'une et l'autre, on les appellera mystère.
Mystère du mystère.
Porte de toute essence !

2. La science suprême.
Sans passer la porte je connais l'univers.
Sans ouvrir la fenêtre je découvre la voie du ciel.
Celui qui sort, plus il s'éloigne,
Moins il en sait.
Ainsi le sage sans marcher progresse,
Sans voir donne les noms,
Sans agir réussit.


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Le Kouoh foūng du Cheū kīng, Livre des vers

Pour une grande partie des poésies choisies, se reporter à l'article Chansons des Royaumes.

"Confucius a fait son choix parmi les hymnes qu'on chantait dans le palais ou le temple impérial, et les chansons en usage dans les États vassaux. Les hymnes engagent à la piété, célèbrent la majesté de l'empereur et les bienfaits d'un bon gouvernement. Les chansons font connaître les mœurs des pays (tel est le sens du titre donné à cette partie du recueil, Kouoh foūng), mais ce sont de bonnes mœurs donnant l'exemple de la douceur et de la délicatesse des sentiments. Telle est l'interprétation traditionnelle de ces petits poèmes. La critique occidentale, depuis ces dernières années, la repousse sans examen, uniquement en quête de documents sur les coutumes populaires. C'est faire fausse route. De tels ouvrages ne peuvent être compris que dans le sens que leur donne Confucius et après lui tous les Chinois qui les ont lus, commentés ou appris à l'école. Si parfois il semble que le premier éditeur ait ajouté quelques vers pour les besoins de sa démonstration (comme au poème 10 du présent recueil), ces retouches ont elles-mêmes leur intérêt. Si l'on en fait abstraction, ce qui reste ne vient pas directement du peuple, mais présente de ses coutumes une image épurée, un peu à la manière de nos trouvères de France en leurs romances et pastourelles.
Les poèmes 3 à 12 de notre recueil, empruntés au Kouoh foūng, montrent comment ces auteurs, tous anonymes, savaient allier en proportions variables une simplicité ingénue à l'élégance la plus raffinée."

9. Doucement.
Dans la campagne est un daim mort,
On l'enveloppe d'herbes blanches,
Une fille a printemps au cœur,
Un galant homme la demande.

Dans la forêt sont jeunes arbres,
Dans la campagne est un cerf mort :
D'herbes blanches on le lie et serre.
Une fille est pareille au jade.

Oh ! lentement ! oh ! doucement !
Il ne faut pas toucher à ma ceinture,
Il ne faut pas faire aboyer mon chien.


12. Noble Dame.
Majestueuse et fière,
En simple robe de linon brodé,
Fille du marquis de Ts'î,
Épouse du marquis de Wei,
Sœur du prince héritier,
Belle-sœur du marquis de Hîng,
Le duc de T'ân a épousé sa sœur.

Mains fines comme pousses nouvelles,
Peau douce comme graisse figée,
Cou flexible comme le ver du mûrier,
Les dents comme pépins de courge,
Front de cigale, sourcils de papillon,
Coquet sourire de jeunesse,
Beau regard d'espérance,

Majestueuse et superbe,
Elle se retire à la campagne :
Quatre étalons, coursiers fougueux.
Brides écarlates, haute splendeur,
Plumes de faisan, faste royal.
Gentilshommes, vite en arrière,
N'allez pas importuner la princesse !


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K'iuh Yuên, IIIe siècle b.C.

"Comme dans les autres littératures, la poésie devait ensuite se dégager de la musique, mais elle a passé, en Chine, par un état intermédiaire, où le chant se réduit à une sorte de psalmodie. Sous la seule condition d'être coupé nettement en deux hémistiches qui se répondent l'un à l'autre, comme en nos psaumes, par le mouvement mélodique, tout ce qui précède étant récité sur la même note, le vers devient entièrement libre, et le poète peut s'y livrer à toute la fougue de son inspiration. D'où le nom de foù que l'on donne à ce genre, signifiant don et abandon.
Le poème 13 en est un exemple. K'iuh Yuên a vécu sur la fin du IIIe siècle avant l'ère chrétienne et comme presque tous les poètes et lettrés de la Chine, il a fait sa carrière dans l'administration. Devenu ministre de son prince, il fut disgracié, envoyé en exil dans une région alors sauvage du Sséutch'ouên. Il y employa ses loisirs à recueillir des croyances et pratiques de magie qu'il combine fort curieusement, en ses ouvrages, avec les hautes idées du taoïsme. Après un retour de faveur une nouvelle disgrâce le détermina à quitter un monde où il se sentait inutile ; il se jeta dans la rivière proche, et jusqu'à nos jours des fêtes nautiques, le cinq du cinquième mois, ont commémoré chaque année ce suicide exemplaire."

13. La fée de la montagne.
Qui donc est là, au creux du mont ?
Sous les lianes, entre les clématites ?
Regard qui se dérobe, mais grâce du sourire :
« C'est pour me trouver que vous cherchez la solitude :
Attelant mes léopards et mes chats sauvages,
Sur mon char de tilleul, aux oriflammes de cannelier,
Me faisant un voile d'orchidées, une ceinture de sorbier sauvage,
Je détache un rameau parfumé, pour l'objet de mes pensées.
Ma demeure est le fourré de bambous, qui ne laisse rien voir du ciel,
La route est difficile, j'y viens seul et tardive.
Solitude alentour, sur la cime de la montagne
Où viennent planer, mais plus bas, les nuages.
Obscurité profonde où le jour se fait nuit.
Le vent de l'est s'élève, il appelle la pluie.
Je veux vous retenir, oubliant sans souci le chemin du retour.

Si la saison s'avance, qui viendra me fleurir ?
Cueillant l'herbe magique au repli des montagnes
Où craque la pierraille sous le manteau des saxifrages,
Je ne veux pas vous voir oublier à regret le chemin du retour,
Si vous pensez à moi, ce doit être sans trêve,
Les créatures des montagnes ont le parfum du sorbier sauvage,
Boivent à la fraîcheur des sources, ont pour toit les sapins.
Vous pensez bien à moi, mais un doute vous vient au cœur,
Le tonnerre gronde, la pluie fait ombre,
Les singes tristement gémissent dans la nuit,
Le vent tournoie, les arbres sifflent,
Je pense à vous, seule dans ma tristesse. »


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Chansons populaires des premiers siècles p.C.

"Les poèmes 14 à 17 sont d'authentiques chansons populaires qui datent des premiers siècles de l'ère chrétienne. Comparées à celles que Confucius nous a transmises, elles présentent un accent de rudesse et parfois de révolte. Il faut dire aussi que l'époque, harcelée de compétitions incessantes et divisant le pays tantôt en trois royaumes, ou en Nord contre Sud, fut une des plus troublées de l'histoire chinoise et ne se prêtait guère aux plaisirs de la paix."

14. L'orient s'éclaire.
L'orient s'éclaire.
Où sont les magasins ?
Les magasins regorgent de grain pourri
Qui ne peut pas nourrir la troupe.
La troupe s'enfonce dans la brousse,
De bon matin, à grande peine.


15. Bataille au sud du rempart.
On se bat au sud des remparts
On est tué au nord des retranchements.
Qui meurt sans sépulture est livré aux corbeaux.
Et je leur dis à ces corbeaux :
« On a beau être un paladin,
Qui meurt sur le champ de bataille et n'est pas enterré
Sa chair en pourriture ne peut vous échapper. »
L'eau profonde est rapide
Entre les joncs obscurs.
Les cavaliers farouches se battent à mort.
Les chevaux furieux piétinent et hennissent.
Ces chaumières de bois et de terre,
Que servent-elles au nord ?
Que servent-elles au sud ?
Si la moisson n'est pas coupée,
Prince, qu'aurez-vous à manger ?
Vous vouliez de bons magistrats, où les trouverez-vous ?
Je songe à vous, bons magistrats,
Oui l'on peut bien songer à vous
Quand on va se battre dès l'aube
Pour n'en pas revenir le soir.


16. Là-haut.
Là-haut
Avec vous je veux faire amitié
Pour toute la vie sans finir.
Le mont n'aura plus de sommet,
Le fleuve arrêtera son cours,
En plein hiver grondera le tonnerre.
En été tombera la neige,
Ciel et terre ne feront qu'un,
Si jamais je veux vous quitter.


17. Les cygnes blancs.
Par couples, les cygnes blancs, à tire d'ailes
Passent, venant du nord-ouest,
Dix par dix et cinq par cinq
Rangés sur deux files ils s'avancent.

Mais une épouse étant malade
N'a pu accompagner son époux
Au long de la première lieue, il regarde en arrière,
À la deuxième lieue, il revient désolé :

« Je veux t'enlever dans mon bec,
Mais je ne pourrai plus l'ouvrir.
Je veux te prendre sur mon dos,
Mais comment me défaire de mes ailes ? »

C'est le bonheur, quand commence l'amour.
C'est le chagrin quand la vie nous sépare.
On ne peut s'en aller, le regard sur l'ami.
Rien n'arrête le flot des larmes.

Quand je pense à notre séparation,
J'en perds le souffle et la parole.
Que chacun de nous veille à soi-même,
La route est longue, pénible le retour.

Dans la demeure solitaire
Je ferme la porte à double tour.
La vie durant, il faut rester unis,
Après la mort, on se retrouve aux sources jaunes
Heureux aujourd'hui du bonheur d'aimer
Nous le ferons durer jusqu'à dix mille années.



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L'éclat incomparable de la poésie sous les T'âng

"Tout autre est la situation sous la dynastie des T'âng, qui a régné durant le VIIIe et le IXe siècle de notre ère. L'empire est unifié de nouveau, ses richesses affluent à la cour, devenue l'une des plus brillantes et galantes dont l'histoire ait gardé le souvenir. Tous les souverains protègent les lettres et les arts, particulièrement la poésie, qui est maintenant un genre purement littéraire et par un lent progrès a trouvé des lois appropriées : vers de cinq ou sept mots presque toujours liés par des rimes suivies, coupés de césures, assujettis à des règles plus ou moins strictes, selon la forme adoptée pour la succession des accents, et tantôt resserrés en quatrains ou développés en larges strophes ; le parallélisme des idées et des images n'est pas une nécessité comme dans la poésie des langues sémitiques, mais une élégance de plus ; et le style, élaboré par plusieurs générations de poètes, a pris une souplesse et un éclat incomparables.

Le règne le plus glorieux de cette dynastie est celui de l'empereur Mîng (713-756) canonisé après sa mort, selon la coutume, sous le nom de Hiuên-tsoūng, l'Ancêtre mystérieux, parce qu'il donnait fort, comme beaucoup de beaux esprits de la Chine, dans le taoïsme. Poète lui-même à ses heures (poème 18), excellent musicien (poème 44) il avait su grouper autour de lui, en leur donnant des charges à la cour, une pléiade de poètes tels que Lioû T'îng-tcheū, Lī T'ái-peh le plus célèbre de tous, Wâng Weî qui fut aussi un grand peintre, Tch'âng Kién, Toú Foù, Mêng Háo-jên (poèmes 19 à 50). Chacun de ces poètes a son caractère, l'un plus contemplatif et l'autre plus voluptueux. Lī T'ái-peh les surpasse tous par une fantaisie puissante qui pourtant ne fait pas oublier la piété de Lioû T'îng-tcheū, la précision de Wâng Weî, la plénitude de Toú Foù, la sensibilité de Mêng Háo-jên. Tous sont capables de goûter tour à tour les beautés de la nature et les plaisirs de la société, nous retraçant ainsi les diverses images d'une existence de loisir, mais non pas sans pensée, ni même sans souci. Les Huns à la frontière restent en armes (poème 34), une favorite peut avoir de dangereux caprices (poème 33), la guerre fait le malheur du peuple (poèmes 27 et 43). Mais ces menaces ou ces misères rendent plus précieux encore tout ce luxe précaire et toujours en danger."

22. Boire seul sous la lune. (Lì T'ái-peh)
Parmi les fleurs une coupe de vin,
Seul je bois, pas un ami.
Levant ma tasse, j'invite la lune claire,
En comptant mon ombre, nous voilà trois.

La lune ne s'entend guère à boire,
Mon ombre suit mes mouvements.
Pour un instant la lune me prête mon ombre,
Notre joie passagère est pareille au printemps.

Je chante, la lune vacille ;
Je danse, mon ombre gesticule.
Le bon sens fait le bon convive ;
Si la tête tourne, il est temps de se quitter.
Réunion qui trop dure est sans attrait,
Rendez-vous pris sur l'autre rive du Fleuve céleste.


26. Souvenir d'amour. (Lì T'ái-peh)
Souvenir d'amour
À T'châng-ngan
Cri des sauterelles près des fontaines aux balustrades d'or
Traces de gelée blanche donnant aux stores un coloris de froidure
Ma lampe va s'éteindre et ma pensée s'arrête.
Écartant les rideaux je contemple en soupirant le clair de lune.
Mon ami beau comme une fleur est loin par delà les nuages.
Là-haut le bleu obscur du ciel.
Ici-bas l'étendue des flots.
Vaste ciel longue route, où mon âme s'envole tristement.
Mon âme dans son rêve ne peut franchir la masse des montagnes.
Souvenir d'amour
Qui brise le cœur.

Le jour tombe et les fleurs se noient dans la brume,
L'état lunaire blanchit et le chagrin m'empêche de dormir.
Cette cithare précieuse, j'en tourne les chevilles pour l'air des phénix,
Ce luth harmonieux, je cherche sur ses cordes la chanson des deux cygnes.
Ces mélodies ont un sens que personne ne peut enseigner.
Je voudrais sur un souffle de printemps voler jusqu'au désert mongol,
Vous apporter mon souvenir, sous le ciel qui de si loin nous sépare,
Ces yeux, qui autrefois détournaient par jeu leurs regards,
Aujourd'hui sont changés en deux sources de larmes.
S'il m'est infidèle, mon cœur se déchire.
S'il revient, je cours à mon miroir.

Quand mon bel ami était là, les fleurs jonchaient l'appartement.
Depuis qu'il est parti, sur ma couche solitaire
Les couvertures s'enroulent et je n'ai pas de repos.
Voilà trois ans déjà, le parfum dure encore.
Le parfum n'est pas dissipé,
Mais mon ami ne revient pas.
Toujours je l'aime, cependant que les feuilles tombent,
Et la mousse couvrant les degrés boit la rosée.


41. Dans la montagne. (Toú Foù)
Le pavillon des fleurs s'enfonce au penchant bleuissant,
Le soleil d'automne répand sa confuse clarté.
Les pierres tombées s'appuient aux arbres de la pente.
Les rides claires tirent le vêtement de l'eau.
Les poissons roux sautent jusqu'au rivage,
Les éperviers bleus reviennent du pillage des nids.
Le soir tombe et je cherche ma route.
Aux côtés du cheval un reste de nuage plane.


46. Attente vaine. (Mêng Hào-jên)
Le soleil a dépassé la cime occidentale
Et soudain l'ombre a rempli les vallées.
Sur les sapins la lune des nuits froides brille.
Le vent avec la source gonflent leur chant clair.
Déjà le retour des bûcherons tire à sa fin,
Les oiseaux dans la brume commencent leur repos.
L'heure du rendez-vous est de longtemps passée,
Et seul avec mon luth j'épie le sentier herbeux.

"Au siècle suivant, le malheur et le trouble s'étendent, la fin de la dynastie approche, et la cour n'est plus gaie. Peh Kiū-yih se recueille, livré à de graves pensées ou à des sentiments dont sa poésie laisse deviner le trouble, sans en profaner le secret (poèmes 50, 51 et 52). Auprès de lui, sans doute, il faut placer ce Hoû le Cloutier (poème 54) dont nous ne savons rien, sinon sa profession insolite. Ce n'est pas que la littérature ou les arts fussent interdits à un enfant du peuple dans un pays où la naissance, depuis l'abolition de la féodalité, ne créait plus, rôle de la famille impériale, aucun privilège. Mais d'ordinaire l'instruction qu'il acquérait et le talent dont il faisait preuve avaient pour effet naturel de le tirer du peuple pour l'élever au rang de fonctionnaire. Selon les idées chinoises, un poète voué à un métier manuel fait scandale et accuse un désordre social dont le gouvernement est responsable."

50. Nuit de fin d'automne.
L'azur du ciel est vaste et la lune est limpide,
Sa clarté rend plus triste cette ombre solitaire.
Les dernières marguerites s'ouvrent près de la haie éclaircie
Les feuilles tombent de l'orme dépouillé au bord du puits glacé.
Le vol rapide des oies sauvages indique la fin de l'automne,
Le coq voisin espace son cri, sachant la longueur de la nuit
Je garde mon amour sans paroles, sans objet ma pensée.
Le souffle du vent glace sur mon vêtement la rosée.



51. Séparation cachée
Sans soupirs
Séparation cachée.
Sans paroles
Secret amour.
Hors deux cœurs, nul n'en sait rien.
Si la cage obscure emprisonne l'oiseau,
Le coutelas peut trancher l'osier tressé,
Il n'est eau trouble qui un jour ne s'éclaircisse,
Tête brune qui à la longue ne pâlisse.
Mais la séparation secrète et le regret caché
Jamais n'auront leur saison de douceur.



52. Fleurs sans fleurs.
Fleurs sans fleurs,
Brume sans brume,
Arrivée à minuit, départ à l'aube,
Rêve de printemps qui s'efface,
Nuage du matin, qu'on ne voit plus.



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L'évolution poétique après les T'âng

"Après tant de chefs-d'œuvre, personne n'osa plus toucher à ces formes illustres et la poésie classique de la Chine a survécu jusqu'à nos jours, mais faute de pouvoir modifier sa réglementation, renouveler ses thèmes, a dégénéré peu à peu en exercice de virtuosité littéraire. Mais le sentiment poétique a trouvé d'autres issues. La dynastie des Soùng (XIe et XIIe siècles) remarquable par ses institutions d'assistance publique, et qui fit même pendant quelques années un curieux essai de socialisme, a mis en honneur deux genres destinés, pour la première fois dans l'histoire de la littérature chinoise, à toutes les classes de la société : le roman, rédigé en langue parlée, pour être récité par les conteurs ambulants, analogues aux jongleurs de notre moyen-âge, et la romance, qui procède de la chanson populaire et renouant l'alliance entre poésie et musique se livre aux sentiments du cœur, en se prêtant aux rythmes et aux accents de la mélodie. Plusieurs poètes de l'époque n'ont pas dédaigné cette innovation et ont écrit des poèmes sur le ton de la romance ; Soū Toūng-p'ouō, le plus célèbre parmi eux, nous en offre un exemple (poème 54)."

54. Le vieux pêcheur.
Le vieux pêcheur veut boire
Dans toutes les maisons.
Écrevisses, poissons, il donne sa pêche entière,
Sans mesurer le vin, pourvu qu'il ait l'ivresse,
Et sans que l'un ni l'autre songe à fixer un prix.

Le vieux pêcheur est saoul.
En ses haillons, il danse.
Tout à fait saoul, il cherche le chemin du retour,
Barque légère, courte rame, il va tout de travers,
Et dégrisé, ne sait plus où il est.

Le vieux pêcheur est dégrisé
Sur la rive ensoleillée.
Le rêve coupé par les fleurs qui tombent et le duvet qui vole
Dégrisé il se saoule, et saoul, il se dégrise,
Toujours se rit du monde entier, dans le présent et le passé,

Le vieux pêcheur se rit de tout,
Les mouettes légères s'envolent.
Silence sur la rivière où le vent chasse la pluie.
Au bord de la rivière, troupe de cavaliers : magistrat en voyage
Qui emprunte la barque, son bien unique, pour passer vers le sud.




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