Louis Le Comte : Nouveaux Mémoires sur l'état présent de la Chine

 

A Paris, chez Jean Anisson. Volume I, deuxième édition, 1697, XXXII+410 pages. Volume II, première édition, 1696, 536 Pages.Illustrations.

  • La parution des Nouveaux Mémoires " va déclencher un conflit théologique, une série de pamphlets pour ou contre, et imposer la Chine à l'attention de la France et de l'Occident " (Etiemble).

Table   -   Gravures : Les machines de l'observatoire de Pékin

Extraits : Les civilités - Les canaux


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Table des lettres

 

1. Voyage de Siam jusqu’à Pékin.
2. La manière dont l’empereur nous reçut, & ce que nous vîmes dans la ville de Pékin.
3. Des villes, des bâtiments, & des ouvrages les plus considérables de la Chine.
4. Du climat, des terres, des canaux, des rivières, & des fruits de la Chine.
5. Du caractère particulier de la nation chinoise, son antiquité, sa noblesse, ses modes, ses bonnes & ses mauvaises qualités.
6. De la propreté & de la magnificence des Chinois.
7. De la langue, des caractères, des livres, de la morale des Chinois.
8. Du caractère particulier de l’esprit des Chinois.
9. De la politique & du gouvernement des Chinois.
10. De la religion ancienne & moderne des Chinois.
11. De l’établissement & du progrès de la religion chrétienne à la Chine.
12. De la manière dont chaque missionnaire annonce l’Évangile dans la Chine, & de la ferveur des nouveaux chrétiens.
13. De la religion chrétienne nouvellement approuvée par un édit public, dans tout l’empire de la Chine.
14. Idée générale des observations que nous avons faites dans les Indes, & à la Chine.



Les six machines de l'observatoire de Pékin installées par le père Ferdinand Verbiest

 




Extrait : Les civilités

 

L’État, qui par un esprit de politique a toujours regardé ce point, comme très important au repos public, a réglé toutes choses pour les saluts, les visites, les festins, les lettres qu’on s’écrit. Le salut ordinaire est de croiser les mains devant la poitrine & de courber tant soit peu la tête. Quand on veut marquer plus de déférence, on joint les mains & on les abaisse jusqu’à terre en inclinant profondément tout le corps ; que si vous passez devant une personne de la première qualité, ou que vous receviez quelqu’un en votre maison, il faut fléchir un genou & demeurer en cette posture, jusqu’à ce que celui que vous saluez vous relève, ce qu’il ne manque pas incontinent de faire. Mais quand un mandarin paraît en public, ce serait une familiarité digne de châtiment que de le saluer de quelque manière que ce soit, à moins qu’on ne lui veuille parler. On se retire un moment & tenant les yeux baissés & les bras étendus sur les côtés, on attend qu’il soit passé, pour continuer son chemin.

Quoique les amis particuliers se visitent sans façon, les autres néanmoins gardent toujours entre eux certaine forme établie par la coutume. On envoie devant un valet de chambre avec un cahier de papier rouge, sur lequel on écrit son nom, & plusieurs termes de respect selon la qualité de la personne à qui l’on demande audience. Quand cette espèce de requête a été acceptée, on entre & on est reçu selon son état. La personne qu’on visite attend quelquefois dans sa salle sans sortir, & même sans se lever, quand elle est d’un rang extraordinairement élevé, ou bien elle attend à la porte ; quelquefois elle s’avance dans la cour, & quelquefois même jusqu’à la rue.

Dès qu’on se voit, on court de part & d’autre, & on s’incline chacun de son côté jusqu’à terre. On parle peu, les compliments sont réglés, on sait ce qu’on doit dire, & ce qu’il faut répondre ; & on n’est point, comme ici, embarrassé pour son compliment à chercher de nouveaux termes & de nouvelles phrases. On s’arrête à chaque porte pour réitérer les révérences & les inclinations, c’est à qui passera le dernier ; mais toutes les invitations se réduisent à deux termes, dont l’un signifie passez, Tsin, & l’autre Pou-kan, je n’oserais. Chacun répète son mot quatre ou cinq fois, & enfin celui qui est étranger se laisse vaincre, & passe jusqu’à une autre porte, où l’on recommence les cérémonies tout de nouveau.

Quand on est arrivé au lieu où l’on doit s’arrêter, on se met auprès de la porte sur la même ligne, & chacun se courbe jusqu’à terre : ensuite viennent les génuflexions réciproques, les détours qu’il faut prendre, pour être tantôt à droite & tantôt à gauche, le salut des chaises (car on leur fait des compliments comme aux personnes, on les frotte avec un pan de sa veste, pour en ôter la poussière ; on se courbe devant elles avec respect), on offre, on refuse la première place ; mais tout se passe dans l’ordre : & comme ils sont faits à ce manège, ils s’attendent mutuellement dans ces cérémonies, & on n’y voit ni embarras ni confusion.

Cependant c’est une véritable fatigue, & après cent différents mouvements qu’on s’est donné, & qui occupent durant un quart d’heure, quand on commence à s’asseoir, on a bien besoin de se reposer. Les chaises sont disposées de manière qu’on est toujours assis vis à vis l’un de l’autre ; il faut s’y tenir droit, sans s’appuyer sur le dossier, les yeux baissés, les mains étendues sur les genoux, les pieds également avancés, sans les croiser, avec un air grave & sérieux ; & surtout ne se point presser de parler ; car parmi les Chinois il semble que les visites ne consistent point dans la conversation, mais dans les cérémonies extérieures. Et c’est proprement en ce pays-là qu’une personne, qui en va voir une autre, peut lui dire véritablement : Je viens vous faire la révérence. Car souvent on en fait plus qu’on ne dit de paroles.

Un missionnaire m’a assuré qu’un mandarin l’avait une fois visité  sans lui en dire une seule. Il est du moins certain qu’on ne s’échauffe point dans le discours, & on dirait quelquefois de deux personnes, que ce sont deux statues ou deux termes de théâtre qui ont été placés pour en faire la décoration, tant ils sont graves & taciturnes.

... On ne dit jamais je & vous, à la première & à la seconde personne ; mais moi petit, moi disciple, moi sujet. Et au lieu de vous, on dit, le docteur a dit, le seigneur a fait, l’empereur a ordonné. Ce serait une grossière incivilité d’en user autrement, si ce n’est quand on parle à ses valets.

Durant la visite on présente toujours deux ou trois fois du thé. Il y a encore diverses cérémonies à observer, quand on prend la porcelaine, quand on la porte à la bouche, ou qu’on la rend aux domestiques. Au reste on se retire toujours comme on est entré, & il en coûte autant pour finir la comédie que pour la commencer. Les étrangers peu faits à y jouer leur rôle troublent souvent l’ordre de la pièce. Les Chinois raisonnables en rient, & les excusent ; d’autres le trouvent mauvais, & veulent qu’ils s’instruisent avant que de se commettre en public. Ainsi on donne quarante jours aux ambassadeurs pour se préparer à l’audience de l’empereur ; & de crainte qu’ils ne manquent à quelque formalité, on leur envoie durant tout ce temps-là des maîtres de cérémonies qui les exercent.

Mais les festins passent tout ce qu’on peut s’imaginer. Ce n’est point pour manger qu’on est invité, mais pour faire des grimaces. On ne met pas un morceau dans la bouche, on ne boit pas une goutte de vin qu’il n’en coûte cent contorsions. Il y a, comme dans nos musiques, un officier qui bat la mesure, afin que tous les conviés s’accordent en même temps à prendre dans les plats, à porter à la bouche, à élever les petits bâtons qui servent de fourchette, ou à les placer régulièrement & à propos dans leur lieu. Chacun y a sa table particulière, sans nappe, sans serviette, sans couteau, sans cuillère ; car tout est coupé, & on ne touche à rien qu’avec deux petits bâtons ferrés d’argent, dont les Chinois se servent fort adroitement, & qui est leur instrument universel.
On commence le repas par boire du vin pur, qu’on apporte en même temps à tous les conviés dans une petite tasse de porcelaine ou d’argent, & qu’on prend toujours avec les deux mains. Chacun l’élève en l’air, & presque à la hauteur de la tête, en s’invitant les uns les autres sans parler, & en se provoquant par geste à boire les premiers. Il suffit de présenter la tasse à la bouche, & de l’y tenir jusqu’à ce que les autres aient bu ; car pourvu qu’on garde les formalités apparentes, il est libre de boire, ou de ne boire pas.
Après le premier coup on sert sur chaque table une grande porcelaine de viande où tout est en ragoût. Alors chacun est attentif aux signes du maître d’hôtel, qui règle tous les mouvements ses conviés. Selon qu’il les détermine, ils appliquent les deux mains sur les deux petits bâtons, ils les élèvent en l’air, les présentent d’un certain sens, & après un long exercice que je ne saurais bien expliquer, ils les enfoncent dans la porcelaine, d’où ils prennent adroitement un morceau, qu’il faut manger de manière qu’on ne se hâte pas trop, & qu’on ne soit pas aussi trop lent, car ce serait une incivilité de précéder les autres, ou de les faire attendre. Pour lors on recommence l’exercice des bâtons qu’on remet enfin sur la table dans la situation où ils étaient auparavant. Il faut en tout observer la mesure, afin que tout commence & finisse en même temps.

Un moment après on sert encore du vin, & on boit avec toutes les cérémonies précédentes. Ensuite on apporte un second plat, auquel on touche comme au premier, & ainsi le repas continue en buvant un coup à chaque morceau, jusqu’à ce qu’on ait couvert la table de vingt ou vingt-quatre porcelaines, ce qui engage à boire vingt ou vingt-quatre rasades ; mais outre que, comme j’ai dit, on en boit ce qu’on veut, les tasses sont extrêmement petites, & le vin n’est nullement violent.

Quand tous les plats sont servis, ce qui se fait avec une grande propreté, on cesse d’apporter du vin, & pour lors on peut manger avec un peu plus de liberté, prenant indifféremment dans les plats, en sorte néanmoins que tout le monde se suive, & que l’ordre se garde exactement. C’est en ce temps-là qu’on commence à donner du riz & du pain, car jusqu’alors on n’a mangé que de la viande ; on présente aussi des bouillons clairs, de chair ou de poisson, afin de les mêler avec le riz, si on le juge à propos.
On est ainsi à table sérieux, grave, & sans parler, durant trois ou quatre heures. Mais quand le maître d’hôtel s’aperçoit qu’on ne mange plus, il fait signe de se lever, & on se retire durant un quart d’heure ou dans un jardin, ou dans une salle, pour s’entretenir. On revient ensuite se remettre à table, qu’on trouve garnie de toutes sortes de confitures & de fruits secs, qui servent à boire du thé.

Ces manières trop ordonnées & infiniment gênantes qu’on est obligé d’observer depuis le commencement jusqu’à la fin, empêchent tout le monde de manger, & on ne sent d’appétit que quand on sort tout à fait de table. Alors on a grande envie d’aller dîner chez soi ; mais une bande de farceurs viennent à leur tour donner la comédie, qui par sa longueur fatigue autant que celle qu’on a jouée auparavant à table. La pièce est ordinairement assez fade, on n’y garde aucune règle ; on crie, on chante, on hurle, car les Chinois ne savent guère ce que c’est que déclamer. Cependant il ne faut pas rire, mais louer la politesse de la Chine & ses cérémonies saintement, comme on parle, instituées par les anciens, & observées avec sagesse par la postérité.
Les lettres qu’ils s’écrivent les uns aux autres, renferment un autre point de civilité qui a ses mystères comme tout le reste. On n’écrit point comme on parle ; la grandeur des caractères, les distances qu’il faut laisser à propos entre les lignes, les termes infinis d’honneur, que la qualité des personnes exige, la forme du papier, la multitude des enveloppes rouges, blanches ou bleues, selon les états différents où l’on est, & cent autres formalités embarrassent quelquefois les plus savants, & il n’appartient pas à tous les lettrés de savoir écrire une lettre comme il faut.




Extrait : Les canaux

 

Quand les terres de la Chine ne seraient pas aussi bonnes & aussi profondes que je viens de dire, les seuls canaux dont elles sont coupées, suffiraient pour les rendre extrêmement fertiles. Mais outre l’abondance qu’ils y portent, & le commerce qu’ils y facilitent, ils en sont encore la beauté. L’eau en est claire, profonde, & coule si doucement, qu’on a bien de la peine à s’en apercevoir. Il y a pour l’ordinaire dans chaque province un large canal, qui tient lieu de grand chemin, renfermé entre deux petites levées, revêtues de pierres plates ou de tables de marbre grossier, posées de champ & engagées dans de gros poteaux de même matière, qui les lient ensemble par des rainures, comme nous avons coutume d’en user quand nous travaillons en bois.

Durant les guerres on a eu si peu de soin d’entretenir les ouvrages publics, que celui-ci, l’un des plus beaux & des plus utiles de l’empire, a été ruiné en plusieurs endroits ; il est pourtant encore d’un grand usage pour resserrer les eaux du canal & pour servir de chemin à ceux qui tirent les barques. Outre ces digues, on a bâti une infinité de ponts pour la communication des terres : ils sont de trois, de cinq, & de sept arches ; celle du milieu est extraordinairement haute, afin que les barques en passant, ne soient pas obligées d’abaisser leurs mâts : les voûtes qu’on a bâties de grands quartiers de pierre ou de marbre en sont très bien cintrées, les appuis très propres, & les piles si étroites, qu’on s’imagine de loin que toutes les arches sont en l’air. On en voit ainsi presque partout d’espace en espace ; & quand le canal est droit comme il l’est ordinairement, cette longue suite de ponts fait une espèce d’allée qui a quelque chose d’agréable & de magnifique.

Ce grand canal se décharge à droite & à gauche en plusieurs autres plus petits, qui se divisent en un grand nombre de ruisseaux, lesquels vont aboutir à de gros villages, ou même à des villes considérables. Quelquefois ils forment de grands bassins, des étangs, des lacs, dont les terres voisines sont arrosées. De sorte que cette eau si pure & si abondante, embellie de tant de ponts, resserrée par des levées si propres & si commodes, distribuée également dans de vastes plaines, couverte d’une infinité de bateaux & de barques, & couronnée, si j’ose ainsi parler, d’un prodigieux nombre de villages & de villes, dont elle va remplir les fossés & former les rues, fait non seulement le plus fertile, mais encore le plus beau pays du monde.
Pour moi, surpris & comme frappé d’étonnement à la vue d’un si grand spectacle, j’ai quelquefois porté une secrète envie à la Chine en faveur de l’Europe, qui doit avouer de bonne foi, qu’elle n’a rien en ce genre qui lui soit comparable. Que serait-ce si l’art, qui souvent en France embellit les lieux les plus sauvages par la magnificence des palais, des jardins & des bois, avait été employé dans ces riches campagnes, où la nature n’a rien épargné ?

Les Chinois disent que ce pays était autrefois tout à fait inondé, & qu’à force de travail on fit écouler une partie des eaux, retenant le reste dans ce grand nombre de canaux qu’on ouvrit pour cela de toutes parts. Si cela est, je ne saurais assez admirer la hardiesse & l’industrie de leurs ingénieurs, qui ont creusé des provinces entières & fait naître d’une espèce de mer, les plus belles & les plus fertiles plaines du monde.

On a de la peine à croire que des gens si peu instruits des principes de la physique & du nivellement, aient pu conduire à sa perfection un aussi grand ouvrage que celui-là. Cependant il est certain que ces canaux ont été faits à la main. Ils sont ordinairement tirés au cordeau : il y a de l’ordre dans la distribution qu’on en a faite, on a ouvert des passages aux rivières pour les entretenir & des issues pour les vider quand ils sont trop pleins. De sorte qu’on ne peut pas douter que l’industrie des Chinois n’y ait du moins beaucoup de part.

Parmi tous ces canaux des provinces méridionales, il y en a un qu’on nomme le grand canal, parce qu’il traverse tout l’empire depuis Canton qui est au midi, jusqu’à la ville de Pékin située dans la partie la plus septentrionale. On est seulement obligé de faire une petite journée par terre pour traverser la montagne de Moilin qui borne la province de Kiamsi. De cette montagne coulent deux rivières, dont l’une va au Sud jusqu’à la mer, & l’autre au Nord jusques dans le fleuve de Nankin, d’où par divers canaux & par le moyen du fleuve Jaune on continue le voyage jusqu’auprès des montagnes de Tartarie.

Mais parce que dans cette étendue de plus de quatre cents lieues, les terres ne sont pas égales, ou n’ont pas une pente proportionnée à l’écoulement des eaux, il a été nécessaire de pratiquer un grand nombre d’écluses. On les appelle ainsi dans les relations, quoi qu’elles soient bien différentes des nôtres. Ce sont des chutes d’eau & comme des torrents qui se précipitent d’un canal dans un autre, plus ou moins rapides, selon la différence de leur niveau. Pour y remonter les barques, on se sert d’un grand nombre d’hommes, qui sont entretenus pour cela auprès de l’écluse.

Après avoir passé des amarres à droite & à gauche pour saisir la barque, de manière qu’elle ne puisse pas échapper, ils ont plusieurs cabestans par le moyen desquels ils l’élèvent peu à peu à force de bras, jusqu’à ce qu’elle soit dans le canal supérieur, en état de continuer sa route. Cette manœuvre est longue, rude & très dangereuse, ils seraient bien surpris s’ils voyaient avec quelle facilité un seul homme qui ouvre & qui ferme les portes de nos écluses, fait monter ou descendre avec sûreté les bateaux les plus longs & les plus pesants.toto

J’ai vu à la Chine quelques endroits où les eaux des deux canaux ne communiquent point, on ne laisse pas de faire passer les bateaux de l’un à l’autre, quoique le niveau soit différent de plus de quinze pieds. Voici de quelle manière ils s’y prennent.

A la tête du canal supérieur, ils ont bâti un double glacis de pierre, qui s’unissant par la pointe, s’étend des deux côtés jusqu’à la surface de l’eau. Quand la barque est dans le canal inférieur, on la guinde par le moyen de plusieurs cabestans sur le plan du premier glacis, jusqu’à ce qu’étant élevée sur la pointe, elle retombe par son propre poids le long du second glacis dans l’eau du canal supérieur, où elle va durant quelque temps comme un trait. On les fait descendre à proportion de la même manière. Je ne sais comment ces barques qui sont ordinairement fort longues & bien chargées ne se rompent point par le milieu quand elles se trouvent balancées en l’air sur cet angle aigu : car dans cette longueur, le levier doit faire un furieux effort. Cependant je ne sache pas qu’il en arrive d’accident. J’y ai passé assez souvent ; & toute la précaution qu’on prend, quand on ne veut pas mettre pied à terre, c’est de s’attacher fortement à quelque câble de peur d’être emporté de la proue à la poupe.

Il n’y a point de semblables écluses dans le grand canal, parce que les barques de l’empereur qui sont grandes comme nos vaisseaux, n’y sauraient être élevées à force de bras, & se briseraient infailliblement dans la chute. Toute la difficulté consiste à remonter ces torrents dont j’ai parlé, & c’est ce qu’ils font avec succès ; mais non pas sans peine & sans dépense.

Ce chemin d’eau, comme ils l’appellent, était nécessaire pour le transport des grains & des étoffes qu’on fait venir des provinces méridionales à Pékin. Il y a, si l’on en croit les Chinois, mille barques de 80 à 100 tonneaux, qui font le voyage une fois l’an, toutes chargées pour l’empereur, sans compter celles des particuliers dont le nombre est infini. Quand ces prodigieuses flottes passent, on dirait qu’elles portent le tribut de tous les royaumes de l’Orient, & qu’un seul de ces voyages doit fournir pour plusieurs années à la subsistance de la Tartarie ; cependant Pékin seul en profite, & ce serait encore peu, si d’ailleurs la province ne contribuait à l’entretien des habitants de cette grande ville.

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