Henri Cordier (1856-1925) : La Chine

Notice de La Grande Encyclopédie (1885-1902)

Lamirault et Cie, Paris, 1890, 112 pages.

  • Henri Cordier rédigea un certain nombre d'articles pour La Grande Encyclopédie, dont celui sur la Chine.


Table des matières
Extraits : Piété filiale et foung-choui - Littérature - Beaux-Arts
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Table des matières

I. Géographie physique : Situation et superficie — Limites — Côtes et îles — Relief du sol — Géologie — Régime des eaux — Climat.
II. Démographie.
III. Ethnographie.
IV. Religions et mœurs : Religions nationales — Religions étrangères.
V. Géographie politique : Gouvernement — Divisions politiques — Armée — Instruction.
VI. Géographie économique : Industrie — Voies de communication — Commerce — Monnaies, poids, mesures.
VII. Histoire : Histoire intérieure — Relations étrangères.
VIII. Langue.
IX. Littérature.
X. Philosophie.
XI. Beaux-arts.

Bibliographie

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Piété filiale et foung-choui

La croyance religieuse d'un Chinois pris en général, quelle que soit celle des trois doctrines à laquelle il appartienne [confucianisme, taosséisme, bouddhisme], est basée sur le culte des ancêtres, qui a son origine dans les préceptes de Confucius, et sur le foung-choui, mélange de superstitions grossières, dont une étude incomplète des phénomènes de la nature est la source et des pratiques dénuées de sens commun le résultat. Le culte des ancêtres a pour point de départ la piété filiale, qui a pour les Chinois une telle importance qu'un livre entier lui a été consacré : le Hiao-king.

Le Hiao-king de l'empereur Youen-tsoung comprend les dix-huit chapitres suivants : I. Étendue et signification du livre. II. Piété filiale du fils du ciel (l'Empereur). III. Piété filiale des princes. IV. Piété filiale des grands. V. Piété filiale des lettrés. VI. Piété filiale du peuple. VII. Les trois puissances (ciel, terre, homme). VIII. Le gouvernement par la piété filiale. IX. Gouvernement des sages. X. Exemples de la piété filiale. XI. La piété filiale et les cinq sortes de supplices. XII. Le grand art de régner. XIII. La vertu absolue. XIV. Rendre son nom célèbre. XV. La piété filiale et les reproches. XVI. De l'influence de la piété filiale. XVII. Le service du souverain. XVIII. La piété filiale et le deuil des parents.

C'est, on le voit, une étude complète de la piété filiale ; mais cette étude n'est nullement envisagée à un point de vue élevé ; elle est terre à terre, sans grandeur ; si le Hiao-king n'a pas été écrit par Confucius, ni même par Tseng-tseu, il n'en porte pas moins l'inspiration du célèbre moraliste chinois ; si le style même de ce livre permet d'hésiter sur le nom de son auteur, son caractère pratique le fait classer avec juste raison parmi les écrits de l'école de ce sage, dont le système a eu le plus de durée, parce qu'il était une morale simple plutôt qu'une philosophie quintessenciée. La piété filiale n'est plus un sentiment naturel, spontané, élevé ; c'est un devoir parfaitement défini, envers les parents et le souverain. C'est la source même de toutes les vertus, et la première des vertus est la conservation de soi-même.

« Tout notre corps, jusqu'au plus mince épiderme et aux cheveux, nous vient de nos parents ; se faire une conscience de le respecter et de le conserver, est le commencement de la piété filiale. Pour atteindre la perfection de cette vertu, il faut prendre l'essor et exceller dans la pratique de ses devoirs ; illustrer son nom et s'immortaliser, afin que la gloire en rejaillisse éternellement sur son père et sur sa mère. La piété filiale se divise en trois sphères immenses : la première est celle des soins et des respects qu'il faut rendre à ses parents ; la seconde embrasse tout ce qui regarde le service du prince et de la patrie ; la dernière et plus élevée, est celle de l'acquisition des vertus, et de ce qui fait notre perfection. »

Cette piété filiale n'est nullement la même pour tous ; elle varie suivant la classe ; elle n'est pas chez l'empereur ce qu'elle est chez les princes, les grands, les lettrés ou le peuple. Car la piété filiale n'est plus ce sentiment simple d'amour de l'enfant pour ses parents, c'est un sentiment complexe qui comprend tous les sentiments, une vertu multiple qui renferme toutes les vertus, universelle « embrassant tout depuis l'empereur jusqu'au dernier de ses sujets, ne commençant ni ne finissant à personne. » « O immensité de la piété filiale, s'écrie Tseng-tseu, que tu es admirable ! Ce qu'est la régularité des mouvements des astres pour le firmament, la fertilité des campagnes pour la terre, la piété filiale l'est constamment pour les peuples. »

Dans son intérêt même, l'empereur devra honorer ses parents pour que ses sujets imitent son exemple. Il devra être sans orgueil et dépenser avec économie. Les grands ne devront pas s'émanciper jusqu'à porter d'autres habits que ceux que permettent les ordonnances des anciens empereurs, ni se hasarder à rien dire qui ne soit conforme aux lois qu'ils ont faites ; quant à la multitude elle devra « mettre à profit toutes les saisons, tirer parti de toutes les terres, s'appliquer à ses devoirs et économiser avec sagesse pour nourrir le père et la mère. »

Rien de plus précis que les devoirs de la piété filiale ; et ce n'est pas seulement dans le Hiao-king qu'on les trouve énumérés. Le Li-ki, à côté d'une pensée délicate : « Un fils rempli de piété filiale entend ses père et mère sans qu'ils lui parlent, et il les voit sans être en leur présence, » nous donne les renseignements les plus circonstanciés sur le deuil par exemple : « La rigueur du deuil ne doit pas aller jusqu'à trop s'amaigrir ou jusqu'à affaiblir ni la vue, ni l'ouïe... Si on a une blessure à la tête, on peut la laver ; si on est échauffé, on peut prendre le bain ; si on est malade, on peut manger de la viande et boire du vin ; mais on reprend les observances du deuil dès qu'on est remis ; les négliger, ce serait outrager la nature et abjurer la piété filiale. »

Le dernier chapitre même du Hiao-king donne les renseignements les plus méticuleux sur la manière d'ensevelir les parents ; la conclusion de ce livre de préceptes, de ce guide de la vie quotidienne, est élevée et se rapproche de nos idées sur la piété filiale : « Honorer et aimer ses parents pendant leur vie, les pleurer et les regretter après leur mort, est le grand accomplissement des lois fondamentales de la société humaine. Qui a rempli envers eux toute justice pendant leur vie et après leur mort, a fourni en entier la grande carrière de la piété filiale. »

La piété filiale, telle que nous la dépeint le Hiao-king, n'est plus le sentiment naturel qui se retrouve chez tous les peuples, le peuple chinois compris ; c'est une doctrine officielle. La piété filiale comme nous l'entendons est affaire individuelle ; elle n'a d'influence ni sur notre politique générale, ni sur nos croyances religieuses. En Chine, au contraire, elle a transformé la nation en une vaste famille dont le chef est l'empereur ; elle est devenue la base d'un gouvernement qui n'a rien de chimérique, qui est réel et durable puisqu'il existe depuis des siècles. On ne peut, dès à présent, prévoir le terme d'un système qui a eu l'avantage de s'appuyer sur un sentiment simple et naturel à l'origine au lieu d'avoir pour point de départ des théories creuses et artificielles, mais qui ne semble pas pouvoir tenir devant les idées nouvelles que les relations toujours croissantes avec les étrangers apporteront nécessairement. Ce dogme de la piété filiale, pivot de la machine sociale qui, dans l'ordre politique, a donné à la Chine son mode de gouvernement, devait forcément dans l'ordre religieux créer un culte spécial. Ce respect profond envers les parents, ces devoirs incessants, ces conseils sévères, ont nécessairement créé entre les parents et les enfants, toujours en théorie, une barrière immense. Les soins rendus aux morts se sont facilement transformés en un culte qui, perfectionné avec le temps, multipliant ses cérémonies, est devenu le culte des ancêtres. Et de même que dans le gouvernement, le système a continué son fonctionnement, quoique son origine soit aujourd'hui un peu oubliée, dans la religion, le dogme a fait place au cérémonial, et la pratique de la piété filiale s'est peu à peu restreinte au culte rendu aux ancêtres. Ce culte réunit également toutes les classes de la société, toutes les sectes religieuses de l'empire, qu'elles soient confucianistes, bouddhistes ou taoïstes ; nous avons donc raison de dire qu'il est la principale religion de la Chine. C'est le plus sérieux ennemi que rencontre le prosélytisme chrétien ; car le culte des ancêtres étant la base même de la société, le christianisme présente, en dehors du principe religieux, un aspect révolutionnaire et subversif. On a essayé de tourner la difficulté en disant que le culte des ancêtres ne consistait qu'en hommages rendus à la mémoire des parents défunts : le culte des ancêtres est une religion, avec des cérémonies parfaitement précises.

Qu'est-ce que le foung-choui que l'on traduit littéralement vent et eau ? Un Chinois lui-même ne répondra pas à cette question. Demandez-lui pourquoi il choisit tel site pour construire son habitation ? Foung-choui ! Pourquoi part-il en voyage à une heure plutôt qu'à une autre ? Foung-choui ! Pourquoi fixe-t-il cette visite à aujourd'hui et non à demain ? Foung-choui ! C'est donc un guide de la vie de l'homme, infaillible, sûr ? Non. C'est tout et ce n'est rien. Basé sur quelques notions d'astrologie puisées dans les enseignements de Tchou hi, le foung-choui que consulte le Chinois avant de se lancer dans une entreprise est une aspiration vers la connaissance des choses de la nature qui, n'étant pas satisfaite, se tourne vers la pratique des superstitions grossières, la sorcellerie, etc.

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Littérature

Au point de vue chinois, suivant le système bibliographique adopté pour la collection des ouvrages entreprise sur l'ordre de Kien-loung (1773), on divise les œuvres littéraires en quatre grandes classes que nous allons successivement examiner : 1° les livres classiques, King ; 2° les livres d'histoire, Che ; 3° les livres de philosophie, Tse ; 4° les belles-lettres, Tsi.

1° Livres classiques. Les livres classiques ou canoniques King, qui sont la base de la philosophie aussi bien que de la littérature, sont divisés en deux classes :

A. livres canoniques du premier ordre ou grand Kings comprenant : 1° l'Y-king, 24.107 caractères, le livre des changements, explication des Koua de Fou-hi ; 2° le Chou-king, le livre d'histoire, 58 chapitres, 25.700 caractères ; ce livre s'étend depuis Yao et Chun jusqu'à Ping-Wang de la dynastie des Tcheou (720 av. J.C.). 3° le Chi-king, le livre des Odes, 39.234 caractères, renferme les poésies populaires des petits États de la Chine recueillies par Confucius ; 4° le Li-ki, livre des Rites, 49 chapitres y compris le Ta-hio et le Tchoung-young, 99.010 caractères ; 5° le Tchoun-tsieou, le Printemps et l'Automne, le seul véritablement écrit par Confucius, environ 480 av. J.-C., comprend les annales de sa patrie, la principauté de Lou (portion de la province actuelle du Chan-toung), de 722 à 481 av. J.-C. Le Yo-king, livre de la musique, a été perdu, sauf quelques passages du Tcheou-li et du Li-ki.

B. Livres canoniques du second ordre ou petits Kings, comprenant : 1° les Se-chou, les quatre livres, c'est-à-dire le Ta-hio, ou Grande Science, le Tchoung-young ou le Juste Milieu (ces deux livres formaient deux chapitres du Li-ki), le Luen-yu, dialogues entre Confucius et ses disciples, 11.705 caractères, avec la paraphrase 76.736 caractères, et Meng-tseu, 34.685 caractères, avec le commentaire 209.749 caractères, le plus considérable des quatre livres, donne les conversations entre Mencius et les seigneurs de son temps ; 2° les deux rituels I-li et Tcheou-li ; 3° le Hiao-king, livre de la piété filiale, 4.903 caractères ; 4° les trois anciens commentateurs du Tchoun-tsieou : Tso-chi, disciple de Confucius, Kong-yang, de la dynastie des Han, et Keou-lang qui vivait au 1er siècle avant notre ère ; 5° le dictionnaire Eul-ya, qui comprend les termes employés à l'époque, répartis en dix-neuf divisions.

2° Livres d'histoire. Cette classe che se subdivise en quinze groupes : 1° histoire des différentes dynasties ; 2° annales, Pien-men ; 3° histoires générales ; 4° histoires particulières ; 5° histoires diverses ; 6° documents officiels ; 7° biographies ; 8° extraits historiques ; 9° histoires d'États particuliers ; 10° chronologie ; 11° géographie ; 12° administration et gouvernement ; 13° constitution, lois, édits, etc. ; 14° bibliographie ; 15° critiques d'histoires. Les histoires des différentes dynasties qui forment la plus importante subdivision, Tching-che, sont généralement faites sur le même modèle et comprennent trois sections : Ti-ki, chronique des différents empereurs de la dynastie ; Tchi, mémoires sur les mathématiques, les rites, la musique, la jurisprudence, l'économie politique, les sacrifices, l'astronomie, l'influence des éléments, la géographie et la littérature ; Li-tchuen, biographies des personnes célèbres et notes sur les peuples étrangers. Les histoires dynastiques sont au nombre de vingt-quatre ; nous en donnons la liste dans le tableau qui suit.

Je ne puis passer en revue tous les ouvrages historiques, mais je ne peux pas passer sous silence le Tong-kien-kang-mou. Cet ouvrage, tiré et abrégé sous la direction du célèbre philosophe Tchou-hi du Tong-kien de Sse-ma Kouang, puis continué et corrigé à diverses reprises par des savants, comprend l'histoire des dynasties impériales jusqu'à celle des Youen. Il a été traduit en français par le père de Mailla et publié (1777 à 1780) à Paris par Grosier et Leroux Deshauterayes. Le Tchou-chou-ki-nien, ou Annales des livres écrits sur bambou, chronique trouvée, dit-on, 284 ans ap. J.-C. dans un tombeau des princes de Wei, comprend un abrégé de l'histoire chinoise depuis Houang-ti jusqu'à l'an 299 av. J.-C.

Les histoires locales sont extrêmement nombreuses ; il n'y a pas de province, de préfecture, de ville même qui n'ait son histoire ; ces documents sont souvent considérables, le Kouang-toung toung-tche a 120 vol., le Se-tchouan toung-tche 110, le Tche-kiang toung-tche, 100 ; l'histoire de Chang-haï, Chang-haï hien-tche a 16 vol., le Loyang-hien-tche 23, etc. ; les rivières et les lacs, comme celui de Hang-tcheou, Si-hou-tche, les montagnes, par exemple les Liou-chan (Kiou-kiang), etc., ont leur monographie. — Les grands ouvrages que nous avons l'habitude de placer dans les encyclopédies rentrent dans la classe histoire ; le plus célèbre est le Wen-hien toung-kaou de Ma Touan-lin, en 348 livres, qui a pour base le Toung-tien ; il a eu deux suppléments, l'un au XVIe, l'autre au XVIIIe siècle. — Cette classe comprend également la bibliographie, et il nous suffira pour montrer quelle importance les Chinois accordent à cette science le Kiou-ting-se-kou tsiouen-chou tsoung-mou, catalogue de la bibliothèque impériale publié par ordre de Kien-loung de 1772 à 1790, divisé en quatre parties, Se-kou, que nous avons énumérées plus haut, et formant deux cents livres ; il a été publié en abrégé sous le titre de Kin-ting se-kou tsiouen-chou kien-ming niou-lo.

3° Livres de philosophie. Cette série d'ouvrages comprend non seulement les philosophes, mais aussi les écrivains sur l'art militaire, la jurisprudence, l'agriculture, la médecine, l'astronomie et les mathématiques, l'astrologie, les arts, les répertoires scientifiques, les polygraphes, les encyclopédies, les critiques, et les ouvrages sur le bouddhisme et le taoïsme, le tout réparti en 14 subdivisions. Nous ne parlerons pas naturellement des ouvrages relatifs au Jou-Kiao, au Tao-Kiao, au Fo-Kiao, qui trouvent place ailleurs.

Les plus anciens livres qui nous soient parvenus sur l'art militaire des Chinois, sont le Sun-tse ping-fa, écrit en 82 chapitres dont il reste 13, puis le Ou tse, qui sont du VIe et du IVe siècles avant l'ère chrétienne. Les examens militaires portent sur six ouvrages qui sont classiques : King, qui sont outre le Sun-tse et le Ou-tse, Sse-ma-fa, Lou-tao, Leao-tse et Tai-tsoung. On trouvera des renseignements sur ces livres, particulièrement sur les premiers, par le père Amiot dans le t. VII des Mémoires concernant les Chinois. Comme il est d'usage d'attribuer aux Chinois beaucoup des inventions occidentales, rappelons qu'à la suite des travaux de W. F. Mayers, on sait que la poudre à canon n'a guère été connue, et d'après des sources étrangères, avant le VIe siècle de notre ère, que rien ne prouve qu'elle ait été employée dans la guerre avant le XIIe siècle et que sa puissance de projection n'a été connue qu'au commencement du XVe siècle, sous le règne de Yong-lo.

Parmi les ouvrages de droit, nous rappellerons l'ouvrage si curieux, appelé Si-yuen-lou écrit en 1247 par Tsoung-sse, qui sert de guide aux médecins légistes dans les enquêtes au criminel.

Parmi les ouvrages sur l'agriculture, nous citerons le Noun-tching tsouen-chou du célèbre Siu Kouang-ki (XVIIe siècle) et le Cheou-chi-tong-kao rédigé par ordre de Kien-loung en 1742.

La médecine offre, par ses doctrines et sa pharmacopée, un intérêt très grand ; l'étude de la langue et du pouls, l'emploi du ginseng, du thé, du sang de cerf, de la dent de tigre, etc., l'opération de l'acuponcture (tching-kieou) ont attiré l'attention des savants occidentaux sur un art médical dans lequel les méthodes empiriques et la superstition jouent un grand rôle et qu'une ignorance à peu près complète de l'anatomie et de la physiologie humaine rend à peu près nul. Parmi les livres médicaux (I-kiao), il faut placer le célèbre herbier Pen-tsao kang-mou, rédigé sous les Ming, par Li Che-tchin ; cet ouvrage est composé de cinquante-deux livres dont le dernier traite du corps humain.

L'astronomie et les mathématiques sont en grand honneur en Chine : le calcul des éclipses, l'arrangement du calendrier, etc., demandaient des connaissances dans les mathématiques, qui, augmentées par les astronomes musulmans de l'époque mongole, l'ont été plus encore par les jésuites des XVIIe et XVIIIe siècles : Ricci (Li Mateou qui a traduit Euclide) ; Terenz, Schall von Bell, Verbiest, François Noël, Ignace Koegler, Hallerstein.

Nous parlerons ailleurs de l'histoire de l'art qui rentre dans cette classe de philosophie et nous ne rappellerons que quelques grandes encyclopédies, loui-chou, comme le San tsai tou houei écrit par Wang-ki, le Tang loui han écrit sous les Ming et revisé et augmenté en 1710 sous le titre de Youen kien loui han.

4° Belles-lettres. Cette classe tsi se subdivise en cinq groupes : 1° les élégies de Tsou, dues en majeure partie à Kiu youen, ministre du royaume de Tsou, dont une des principales pièces est le Li-sao, qui a été traduit par Pfizmaier et le marquis d'Hervey de Saint-Denys (Kiu-youen, IVe siècle avant notre ère, s'étant suicidé dans la rivière Mi lo, l'anniversaire de sa mort est encore célébré aujourd'hui en Chine le 5e jour de la 5e lune par la fête des bateaux-dragons) ; 2° les collections particulières ; 3° les collections générales ; 4° les critiques sur la poésie et la littérature et 5° les poèmes et les chants. Cette 4e classe de la littérature chinoise, qui comprend le théâtre et la poésie, a été très étudiée par les Européens. Quelques recueils, comme le Kin kou ki kouan (quarante contes : le Luth brisé, la Matrone du pays de Soung), le Che eul leou, douze étages (les Sœurs jumelles, le San yu leou, l'Enfant perdu, etc.), le Liao tchai tche yi, le Houng leou mong sont connus par les traductions d'Abel Rémusat, du père Dentrecolles, de Stanislas Julien, d'Hervey de Saint-Denys, de Davis, de Samuel Birch, de Robert Thom, de C.-F.-R. Allen, de Schlegel, de Giles, du général Tcheng Ki-tong. La collection de pièces de théâtre la plus connue est celle de Youen jin pe tchong keu, répertoire de cent pièces de théâtre de la dynastie mongole dont quelques-unes sont célèbres, particulièrement la quatre-vingt-cinquième, Tchao chi kou eul, L'Orphelin de la Chine, traduite en français par le père de Prémare et mise à la scène par Voltaire. Ajoutons enfin une littérature proverbiale extrêmement riche.

Dans cette immensité de la littérature, les Chinois ont fait un choix d'ouvrages d'écrivains de génie qu'ils désignent sous le nom de Tsai tseu chou ; les anciens Tsai-tseu sont sous la dynastie des Tcheou : Tso chi ou Tso Kieou-Ming, Tchouang-tseu ; sous les Han : Sse-ma Tsien ; sous les Tang : Tou-fou, Li Tai-pe, Han-yu, Lieou Tsong-youen ; sous les Soung : Sse-ma Kouang, Wang Ngan-chi, Ngheou Yang-Siou, Sou-che ; sous les Youen : Hiu-Heng, Ou-T'ching. Les Tsai-tseu modernes sont au nombre de dix : 1° San kouo tchi (Histoire des trois royaumes, traduite en partie par Théodore Pavie) ; 2° Hao kieou tchouan (l'Union bien assortie, traduite en anglais par Davis et en français par Guillard d'Arcy) ; 3° Iu-kiao-li (Deux Cousines, trad. par Abel Rémusat et Stanislas Julien) ; 4° Ping chan ling yen (Deux Jeunes Filles lettrées, trad. par Stanislas Julien) ; 5° Choui hou tchouan (Histoire des rivages, analysée par Bazin, dans le Siècle des Youen) ; 6° Si Siang-ki (Histoire du pavillon d'Occident, trad. par St. Julien) ; 7° Pi pa ki (Histoire du luth trad. par Bazin) ; 8° Hoa tsien ki (le Rouleau fleuri, trad. par P. P. Thoms, H. Kurz et G. Schlegel) ; 9° Ping kouei tchouan et 10° San Ho-tsien.

Les grandes époques de la littérature chinoise sont celle des Tcheou et des Tsin, avec les philosophes Confucius, Mencius, Lao-tseu, Li-tseu, Yang-tseu, Tchouang-tseu ; celle des Han avec ses historiens et ses hommes d'État, Sse-ma Tsien, l'Hérodote de la Chine ; des Tang, avec les poètes Li Tai-pe et Tou-fou et le philosophe Han Wen-koung, surtout celle des Soung avec le poète Sou Tong-po, avec Sse-ma Kouang, avec Wang Ngan-chi ; encore brillante sous les Youen mongols, la littérature chinoise périclite sous les deux dynasties suivantes, et ce qu'elle gagne quelquefois en caractère scientifique, elle le perd complètement dans le domaine de l'imagination.

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Beaux-Arts

Monument de Wou Tchang
Monument de Wou Tchang

Les Chinois ont considéré la peinture comme une des six formes de la calligraphie. D'après la tradition, elle remonterait à la plus haute antiquité, mais elle ne date guère que de l'introduction définitive du bouddhisme en Chine au 1er siècle de notre ère, et le premier grand peintre chinois qui nous est signalé est Tsao Fou-hing (IIIe siècle), qui a exécuté des peintures pour les temples bouddhistes construits alors en grand nombre. Il excellait dans la peinture des dragons. Notons au VIe siècle Tchang Sang-yeou, qui peignit pour l'empereur Wou-ti des scènes bouddhistes ; au VIIe siècle, indiquons Yen Li-te et son frère Yen Li-peun, peintres de portraits, et Tchang-yue, mort en 730 ; au VIIIe siècle, le plus grand artiste, Wou Tao-hiuan ou Wou Tao-tseu, au service de l'empereur, remarquable par ses peintures de la déesse Kouan-yin. L'époque des Soung donne une série d'artistes distingués ; mais déjà, sous les Youen, commence la décadence, qui augmente vers la fin du XVe siècle sous les Ming, grâce à l'influence des artistes méridionaux, décadence qui n'est pas suivie de renaissance. A partir de ce moment, l'art japonais, qui a pour origine l'art chinois, ne trouve plus de rivaux et règne en maître depuis le commencement du XVIIe siècle.

L'architecture chinoise a pour caractéristique l'uniformité du style et des matériaux employés ; les maisons sont généralement de construction basse à un ou deux étages, en bois, en briques ou en torchis. Les grandes charpentes sont faites de poutres arrondies qui soutiennent des toits en pente, dont les coins sont relevés en cornes. La nature même des matériaux indique qu'il y a en Chine peu ou point de monuments anciens ; ceux-ci sont des inscriptions que nous avons déjà signalées. Parmi les monuments modernes, il n'y a guère à remarquer que les grands temples, particulièrement celui du Ciel, à Peking, et quelques beaux ponts de marbre, à Peking, au palais d'été, près de Sou-tcheou, etc. Ces ponts ont quelquefois une grande hardiesse et les arches affectent souvent la forme d'un cercle parlait. Les pagodes (ta) à cinq, sept, neuf étages, sont nombreuses dans le pays ; l'une, la plus célèbre, était la fameuse tour de porcelaine de Nan-king, construite sous les Ming, et détruite dans les dernières luttes pour la reprise par les Impériaux de cette capitale qui était au pouvoir des rebelles Taï-ping (1864). Les monuments de marbre sont rares ; la tombe du lama, mort à Peking, sous Kien-loung, est un bel exemple, ainsi que la tour de Wou-tchang, mais ceci n'est pas de l'architecture chinoise. Les temples sont souvent remarquables par leur ornementation, mais ils n'ont jamais le caractère grandiose des édifices religieux de l'Orient et de l'Occident. On emploie assez souvent le granit, pour la construction des ponts, pour daller les routes, pour ces sortes de portes ou d'arcs de triomphe appelés paï-leou, en l'honneur des veuves méritantes, des fils dévoués, etc.

Brûle-parfums
Brûle-parfums

On peut considérer la grande sculpture comme à l'état rudimentaire ; quand ils font grand, les Chinois nous donnent d'immenses Bouddha en bronze ou en bois doré, des kouan-ti, dieux de la guerre, à la figure convulsée, etc. ; mais je ne vois guère à signaler d'intéressant que les groupes gigantesques de figures d'hommes et d'animaux qui marquent les approches des tombeaux des Ming à Nan-king et à Peking. Parfois, dans leurs bas-reliefs ou mieux dans la pierre sculptée, ils donnent des figures fort curieuses, par exemple dans la série trouvée dans le Chan-toung et qui date du IIe siècle avant notre ère.

C'est surtout dans les petits objets que le sculpteur chinois excelle ; il nous donne avec le bambou des figures charmantes et il arrive, soit dans les bois noirs et durs à Canton, soit dans les bois clairs à Ning-po, à fabriquer de petits chefs-d'œuvre. L'ivoire, particulièrement travaillé à Canton, ainsi que les métaux précieux, or et argent, est destiné aux travaux très délicats. Enfin, puisque de la sculpture, nous descendons aux bibelots, mentionnons les laques rouges et les émaux cloisonnés de Peking, et les laques jaunes et rouge-brun de Fou-tcheou, fabriqués par une seule famille et comparables, pour leur fini, aux meilleurs produits du Japon.

Les Chinois attachent la plus grande importance à la musique et cet art était l'objet d'un sixième grand classique, le Yo-king, dont il ne reste plus que des fragments dans le Tcheou-li, le Li-ki et dans quelques passages du Chou-king. Ils ont d'ailleurs une littérature assez riche, non seulement sur la musique, mais encore sur les instruments de musique ; par exemple, l'art de battre le tambour, Ki kou leu (IXe siècle), un traité de la lyre, Eul hiang kin pou (1833), etc. Aujourd'hui encore, le Li-pou ou ministère des rites a une subdivision musicale ou Yo-pou, constituée en 1742 sous l'empereur Kien-loung, qui comprend un directeur, ho cheng chou chou tcheng, un sous-directeur, 5 chefs de musique, hie lu-lang, 25 sous-chefs, se-yo-lang, 180 musiciens, hio cheng, et 300 choristes ou figurants, wou-cheng. La musique du palais se compose de six orchestres ; le premier, Tchong-ho-chao-yuo avec 17 instruments différents ; le deuxième, Tan-pi-ta-yuo, 9 instruments ; le troisième, repas de l'empereur, 7 instruments ; le quatrième, Tsien-pou-ta-yuo (cortège impérial) ; le cinquième, Toei-wou, 50 instruments, pour la danse ; le sixième, divisé en Nao-ko et en K'aï-ko, sert pour les actions de grâces. Les principaux instruments de musique employés par les Chinois sont : la cloche de bronze (po-tchong), le psaltérion heptacordes (kin), la flûte de Pan (p'ai-siao), la flûte droite (siao), le tambour (kien-kou, yao-kou-ta-kou, tchang-kou), le violon (hou-tchin), le tambourin (tcheou-kou), le claque-bois (po-pan), la mandoline (pi-pa), le gong (lo, yun-lo), les trompes, les hautbois, les cymbales, etc.

On peut d'ailleurs diviser la musique chinoise en musique des rites et en musique populaire ; quoique la mesure soit à quatre temps, les autres sont permises, celle à trois temps en particulier. On appelle lu une série de tubes en bambou, de longueur variable, qui rendent les douze demi-tons de l'octave chromatique. Les instruments n'étant pas construits avec la rigueur de ceux des Européens, leur intonation n'est pas toujours juste ; les intervalles dans l'échelle musicale n'étant pas adoucis, les notes sont souvent fausses ; enfin, la mélodie n'est jamais bien définie, ni en majeur, ni en mineur, et il s'en suit qu'elle manque à la fois de force et de tendresse. Somme toute, la musique chinoise est bruyante, monotone et assommante. On pourra consulter sur cet art les Mémoires du père Amiot, Mme Charlotte Devéria et J.-A. van Aalst.

Hou-tchin
Hou-tchin

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