Gaston Migeon (1861-1930)

Gaston Migeon (1861-1930) : L'art chinois. Éditions Albert Morancé, Paris, 1925. Collection des documents d'art, Musée du Louvre. 38 pages de texte, 57 planches en feuilles.

L'ART CHINOIS

Éditions Albert Morancé, Paris, 1925. Collection des documents d'art, Musée du Louvre. 38 pages de texte, 57 planches en feuilles.

  • "Les collections d'art extrême-oriental ont été amorcées au Musée du Louvre en 1893. Mais on ne peut vraiment dater l'entrée des premiers monuments de l'art chinois que du dépôt fait par Paul Pelliot (au nom de l'École française d'Extrême-Orient d'Hanoï) des peintures qu'il avait rapportées de Pékin au cours de la mission dont il avait été chargé par cette École en 1900, et plus tard du retour d'Édouard Chavannes, professeur au Collège de France, de sa deuxième mission en Chine en 1907 (sculptures de tombeaux)."
  • "L'art de fondre le bronze et d'en tirer des formes plastiques à usage déterminé (récipients destinés aux rites de la religion taoïste) remonte, en Chine, à une très haute antiquité... C'est sous la dynastie Tcheou (1122-249) que les fondeurs chinois créèrent des formes et une décoration tout à fait remarquables, éloignées de tout tâtonnement, de toute timidité de facture, d'un art très complet, très assuré, et laissant supposer des origines très reculées.
    Le formalisme rigoureux, la loi sévère des rites qui toujours en Chine régla les modes de la vie sociale, politique et religieuse, et qui s'étaient imposés au culte primitif, avait aussi déterminé la forme des vases, de façon si minutieuse et si autoritaire, qu'actuellement encore tous ces bronzes rituels ont conservé les mêmes galbes, les mêmes dimensions, les mêmes poids, les mêmes alliages. Sous ces réserves que cet art fut au cours des siècles constamment enserré, étouffé par les prescriptions et les routines qui ne lui laissèrent aucune spontanéité ni aucune liberté, il faut reconnaître que, dès ses origines si reculées, les fondeurs de bronze en Chine inventèrent des formes d'une rare puissance, un décor d'une grandiose stylisation, à des époques où nulle part dans le monde on ne saurait dans cet art rien leur opposer. "
  • "Si les annales sont riches en histoires sur un peintre très célèbre de la fin du IVe siècle, Kou K'aï Tche, du moins possédons-nous, sinon une peinture originale de lui, du moins une copie ancienne, qui nous restitue une de ses œuvres : un rouleau peint (incomplet) sur les sujets des « Avertissements des Dames Instructrices de la Cour », poème de Tchang Houa, poète de la deuxième moitié du IIIe siècle, en huit scènes peintes sur une soie brune, avec une extrême délicatesse, à très légers coups de brosse doux et fluides, dans de subtils tons de rouge et de jaune ; art stupéfiant d'habileté et de sûreté, sans rien d'un primitif"

Extraits : La sculpture - Le métal - La peinture
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La sculpture

Dyn. des T'ang. Chameau, Cheval et Chimère. —  Gaston Migeon (1861-1930) : L'art chinois. Éditions Morancé, Paris, 1925. , Musée du Louvre. 38 pages de texte, 57 planches.
Dynastie des T'ang. Moulés, en terre blanche non cuite : Chameau, sans glaçures, couché, bâté, pattes ramenées sous lui. — Chimère, assise, corps de quadrupède et tête de lion, avec une corne au front, ailes éployées. — Cheval, debout, harnaché, sellé.

La sculpture de pierre, dont l'origine en Chine est très obscure, n'apparaît vraiment à nos yeux et ne s'affirme que sous la dynastie des Han (206 avant l'ère chrétienne-220 après l'ère), et c'est un grand savant français, Édouard Chavannes, qui, le premier, l'a scientifiquement étudiée en 1893. Les monuments principaux se trouvent au Chansi, à la tombe de Houo K'iu-Ping (IIe siècle avant l'ère), et dans la province du Chantong, entre Pékin et Changhaï, datant du IIe siècle de notre ère. Très anciennement connues des Chinois, et publiées par eux, mais sans étude critique, ces chambrettes funéraires, quelquefois édifiées par le vivant même, dont les dalles murales de pierre intérieures sont décorées de compositions sculptées de façon méplate, ou simplement gravées, pouvaient comporter des piliers également sculptés — comme pouvait l'être aussi le sarcophage. Extérieurement, la chambrette pouvait être précédée d'un autel décoré et d'animaux de pierre en ronde-bosse, surtout des lions.
Les sujets représentés sont mythologiques ou légendaires, ou bien des scènes de la vie, très réalistes, où le mort joue un rôle, et toujours purement chinois. Il y a là des coutumes funéraires très analogues à celles des anciens Égyptiens, les deux peuples ayant eu l'habitude de déposer dans le tombeau du mort des objets (en Chine, de jade, de céramique ou de
bronze) qui devaient l'accompagner dans sa nouvelle existence.
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Il y eut aussi sous les T'ang un art laïque, franchement réaliste, strictement observateur de la vie et des types de cette époque, et qui les reproduit sincèrement dans leurs allures, leurs caractères et leurs modes. Cet art n'est même pas dépourvu d'une grâce exquise quand il a produit ces délicieuses figurines féminines, danseuses ou musiciennes, qui sont les sœurs lointaines de celles que modelaient les artistes hellènes de Tanagra et de Myrina, et qui, comme elles, ont été retrouvées dans la nuit des tombeaux. Elles y voisinaient souvent avec des statuettes équestres, dans lesquelles le cheval apparaît sévèrement étudié en ses formes et en ses allures, d'une précision anatomique et musculaire déconcertante, et les têtes d'une telle vigueur en leur facture toute classique, qu'on a pu les comparer très justement à celles des coursiers du Parthénon.

Gaston Migeon, L'art chinois, Morancé, Paris, 1925. Et Chavannes, Mission archéologique dans la Chine septentrionale. Tchao Ling, pl. 440 et 443. Premier et deuxième coursiers de l'Ouest.
Chavannes, Mission archéologique dans la Chine septentrionale. Tchao Ling, pl. 440 et 443. Premier et deuxième coursiers de l'Ouest.


Chavannes nous avait révélé dans l'ordre de la grande sculpture de pierre des T'ang des représentations de chevaux d'une vigueur si robuste, d'une si superbe allure, et d'une si puissante, large et sobre exécution, qu'ils doivent devenir classiques dans l'Histoire de l'Art. Ce sont les six chevaux de guerre que l'Empereur T'ai-Tsong, 2e Empereur et fondateur réel de la dynastie des T'ang, mort en 649, avait fait sculpter sur les dalles de son tombeau à Li-Ts'iuan au Chen-Si, en relief de 10 centimètres, et plus qu'à moitié de grandeur nature ; l'un de ces coursiers l'avait en 621 porté à la conquête du Honan (Chavannes, Mission archéologique, II, pl. 440-445). Deux de ces dalles sont entrées au Musée de Philadelphie. Et l'on peut juger à leurs encolures et à leurs croupes puissantes, que ce sont de fortes bêtes de la Bactriane, qui elles-mêmes indiquent les étroits rapports que la Chine avait alors avec l'Asie Centrale.

Cet art si réaliste et fort des animaliers sous les T'ang se retrouve d'ailleurs dans des statuettes de fauves. Il est curieux de constater que, dans les grandes figures d'animaux qui précèdent les tombeaux des T'ang, ce caractère hiératique grandiose, cette puissante synthèse dans les formes du cheval ailé de la tombe de l'Empereur Kao-Tsong, † 683, à Kien-Tcheou du Chansi (Chavannes, II, 451) s'accompagnent d'un goût décoratif dans les volutes des ailes, hérité des écoles antérieures (le lion ailé de la tombe de Siao Sieou, daté 518, Mission Segalen ; Ashton, pl. 45), ou le formidable lion assis et rugissant, larges volutes aux épaules et aux cuisses (Musée de Philadelphie, Ashton, pl. 46), qui sont tous deux d'extraordinaires sculptures du temps des six dynasties, début et fin du VIe siècle.

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Le métal

... C'est sous la dynastie Tcheou (1122-249) que les fondeurs chinois créèrent des formes et une décoration tout à fait remarquables, éloignées de tout tâtonnement, de toute timidité de facture, d'un art très complet, très assuré, et laissant supposer des origines très reculées.

Le formalisme rigoureux, la loi sévère des rites qui toujours en Chine régla les modes de la vie sociale, politique et religieuse, et qui s'étaient imposés au culte primitif, avait aussi déterminé la forme des vases, de façon si minutieuse et si autoritaire, qu'actuellement encore tous ces bronzes rituels ont conservé les mêmes galbes, les mêmes dimensions, les mêmes poids, les mêmes alliages. Sous ces réserves que cet art fut au cours des siècles constamment enserré, étouffé par les prescriptions et les routines qui ne lui laissèrent aucune spontanéité ni aucune liberté, il faut reconnaître que, dès ses origines si reculées, les fondeurs de bronze en Chine inventèrent des formes d'une rare puissance, un décor d'une grandiose stylisation, à des époques où nulle part dans le monde on ne saurait dans cet art rien leur opposer.

Ces formes sont de deux genres : les vases, proprement dits, avec variantes très nombreuses, et les récipients à formes animales.

Vase en bronze. Dyn. des Han. Gaston Migeon (1861-1930) : L'art chinois. Éditions Albert Morancé, Paris, 1925. Collection des documents d'art, Musée du Louvre. 38 pages de texte, 57 planches.
Vase à viande, du type dit p'ou à panse renflée, décorée en deux zones, séparées par un bandeau plat circulaire de dragons stylisés en relief méplat formant une sorte de grecque à larges dispositions ; patine verte. — Dyn. des Han, d'après un type tcheou.

Les uns sont des Bronzes rituels pour les cérémonies du culte officiel : les tsouen, vases à vin — les yi, vases aux aliments, viandes cuites, légumes, gâteaux ou fruits — ou des bronzes honorifiques pour les cérémonies du culte des ancêtres, ou dons de l'Empereur à des dignitaires.

Les motifs ornementaux qu'on rencontre sur ces Bronzes, le plus souvent réunis, sont géométriques ou naturels, simples ou complexes ; symétriques ou dissymétriques. Le plus fréquent est la grecque, création spontanée qu'on rencontre dans tous les arts primitifs, aussi bien dans l'hellénique, l'étrusque que le chinois. Il est curieux que, si ce n'est à l'état tout à fait épisodique, aucune interprétation même grossière de la figure humaine n'a été tentée sur les Bronzes, pas plus que des formes réelles du règne végétal qui furent une source d'inspiration pour les plus humbles artisans de l'art universel.


L'imagination chinoise dans le décor fut, dès les débuts, hantée par la conception d'une animalité irréelle, surnaturelle (où quelques formes vivantes n'étaient que de très loin inspiratrices) et plutôt grimaçante et terrifiante : 1° le dragon (long), aux pattes armées de cinq griffes, symbole de l'Orient et du printemps, a la faculté de se rendre invisible ou d'embrasser l'immensité du ciel en se développant ; il est l'emblème de la puissance impériale ; 2° la licorne (k'i-in) a le corps du cerf, la queue du bœuf, et unicorne, incarnation des cinq éléments primordiaux : eau, feu, bois, métal et terre ; elle est l'emblème de la perfection et de la durée ; 3° le phénix, avec la tête du faisan, le col de la tortue, et le corps du dragon ou celui d'un paon, les ailes éployées ; 4° la tortue (koueï), incarnation d'une des étoiles de la Grande Ourse, et emblème de la force. Mais la figure qui apparaît presque constamment sur les Bronzes, comme sur la poterie archaïque, est le t'ao-t'ie, déformation d'une tête d'animal dans lequel viennent se confondre les types tigre, buffle, rhinocéros, ours, jusqu'à devenir inintelligibles, présenté de face, avec deux énormes yeux, de puissantes mandibules, et des crocs aigus, sorte d'ogre, de glouton, fait, selon Chavannes, pour terrifier et pour détourner les esprits malins qui auraient pu troubler le sacrifice.

Petits objets de bronze chinois. Gaston Migeon (1861-1930) : L'art chinois. Éditions Albert Morancé, Paris, 1925. Collection des documents d'art, Musée du Louvre. 38 pages de texte, 57 planches.

De gauche à droite :
— Couvercle en bronze de patine verte qui devait être placé sur un plateau rond ; sur un anneau rond décoré de dragons stylisés, un monstre à tête de t'ao-t'ie, la queue relevée, pousse devant lui un anneau carré à tête d'oiseau. Ses pattes de derrière reposant sur un autre anneau carré. - Art de la Chine du Nord, dynastie des Han.
— Agrafe, ovale, en bronze, terminée en tête d'oiseau, ornée d'une tête de t'ao-t'ie surmontée de bêtes stylisées. Au revers : un bouton. - Art de la Chine du Nord, influence sibérienne. Dynastie des Han.
— Poignée de couteau, à lame recourbée et brisée, la poignée formée d'une tête d'élan (?), ajourée, bronze vert. - Art sibérien, de l'époque des Han.
— Disque ajouré décoré sur ses deux faces d'un dragon, la tête retournée en arrière ; de sa gueule sort un rinceau. - Bronze vert. Art sibérien.
— Garniture de fourreau de sabre avec ses quillons formés l'un d'un tigre, l'autre d'un dragon, remontants, la partie centrale portant sur chaque face une tête de t'ao-t'ie, bronze vert. - Art chinois, dynastie des Han postérieurs.
— Agrafe en bronze de patine verte, de forme ronde assez usée. Au centre le signe Cheou stylisé, ajouré. Elle se termine par une tige à tête de monstre. Au revers, un bouton orné d'un motif décoratif. Sur la tige une inscription. - Art de la Chine du Nord, IVe-Ve s. après l'ère.
— Agrafe de bronze, de forme courbe, incrustée d'or et d'argent, décorée en ronde-bosse, au centre d'un poisson qu'un monstre serre dans ses pattes de devant. L'autre extrémité est terminée par une tête de monstre. Sous l'un des côtés est une inscription incrustée en argent. - Art chinois, dynastie des T'ang.
— Boucle de ceinture en bronze, en forme de viole, décor de filigranes et d'incrustations d'or et d'argent avec quatre plaques de jade vert. Au revers un bouton saillant. Art chinois, dynastie des T'ang.


Tous les éléments décoratifs que nous venons de noter sur les vases de bronze se retrouvent dans de plus petits objets (plaques, timons de chars, boucles de harnachement, agrafes de vêtements), et se rencontrent aussi assez analogues dans des objets de même espèce trouvés dans les régions sibériennes, ouraliennes ou caucasiques où vivaient les Scythes, ce qui a déterminé des grands courants d'études ayant abouti au livre magistral de M. Rostovzeff, dont les conclusions sont celles-ci : constatation de motifs analogues où l'amalgame est différemment proportionné, le motif animal, initial et fondamental en Chine, est plutôt rarement accompagné du motif végétal, qu'on rencontre mêlés ensemble dans l'art scythe. Emploi dans les deux arts, mais encore plus généralement en Chine, de parties d'animaux, têtes ou avant-corps, mêlés à l'élément géométrique auquel il est relié par une combinaison de rubans. Les types essentiels animaux ne semblant pas dans les deux arts de création spontanée, mais existant dans l'art sumérien, puis dans l'art babylonien et assyrien. Et si de part et d'autre la même source est iranienne, la Chine a pu subir encore certaines influences d'Asie Centrale, alors que la Scythie se tenait en rapports plus étroits avec les mondes persan et hellénique. Les objets de bronze scythe à décor animal furent imités en Chine ; beaucoup furent trouvés près de Paô-Tou à l'ouest de Ta-t'ong-fou, dans le Chansi ; ce serait de Li-Yu (50 lieues ouest de Hsuân-Yuan) que proviendrait la dernière trouvaille de M. Wannieck.

Sculptures de bronze de petites figures humaines. — Gaston Migeon (1861-1930) : L'art chinois. Éditions Albert Morancé, Paris, 1925.
Dynastie des Ming. — XVIe s. Lohan debout, marchant, la main droite abaissée. — XVIIe s. Jeune femme, debout, ayant sur les épaules une écharpe volante, bronze doré. — XVIe s. Lohan debout, la main droite levée, enseignant.

Sous les Ming, nous le savons par de rares figurines datées de leur début, exista une sculpture de bronze de petites figures humaines du Panthéon bouddhique ou des légendes, qui servirent peut-être de porte-cierges sur les autels. C'est quelquefois le Bouddha, fréquemment des Lohans ou saints bouddhiques, des musiciens ou des danseurs. C'est un art qui reste très près de la nature, plein de vivacité et de mouvement, parfois plein de noblesse et de dignité, qui ne s'est pas interdit de composer des groupes de personnages dans des actions dramatiques avec une puissance et une grandeur surprenantes. Art qui s'est aussi plié humblement à créer des objets d'usage, brûle-parfums, vases à fleurs ou petits versoirs à eau pour délayer l'encre de Chine, qu'on a crus longtemps japonais, à cause de leur inimitable esprit, l'ingéniosité de l'invention à accorder la forme à l'usage, et leur beauté d'exécution souple en fonte à cire perdue. Dans l'histoire de l'art universel, il n'est que les ateliers padouans de la Renaissance italienne qui aient réussi de pareils chefs-d'œuvre.

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La peinture

Peinture de fleurs; Gaston Migeon (1861-1930) : L'art chinois. Éditions Albert Morancé, Paris, 1925. Collection des documents d'art, Musée du Louvre. 38 pages de texte, 57 planches.
Fleurs de lotus sur un étang. Dynastie des Ming, XVIIe siècle. — Ce genre de peinture toute traditionnelle, que les Écoles chinoises successives ont répétée, avait déjà rencontré ses modes d'expression sous les T'ang.

... Ce fut certainement sous les T'ang que l'art du paysage commença à s'affirmer sous les pinceaux de Li Sseu-siun et surtout de Wang Wei qui naquit au Chansi, en 699, et qui dut innover dans cette exécution à l'encre pure, essentiellement monochrome, où la maîtrise du coup de pinceau, sa prestigieuse adresse à rendre par les encres diversement colorées les plus grandioses formes de la Nature, comme les plus subtils et délicats états d'atmosphère, étaient les lois mêmes de cet art des grands paysagistes chinois. Tout ce que les historiens et critiques chinois ont dit de Wang Wei fait supposer qu'il était un peintre très grand, dont l'œuvre nous demeure interdite.

De même dans la peinture des animaux de la période des T'ang découle aussi toute la suite des peintres animaliers, dont l'esprit, le style et les traditions influencèrent jusqu'à nos jours toutes les Écoles en Chine, depuis le milieu du VIIIe siècle après T'sao Pa, déjà portraitiste attitré des chevaux impériaux. Le célèbre Han Kan y consacra pour ainsi dire sa vie de peintre de cour, et Han Houang, son contemporain, peintre de la vie rurale, a peut-être peint les buffles de la collection Eumorfopoulos.

Nous en dirons de même pour la peinture de fleurs et de scènes de cour de ces peintres officiels des T'ang, qui ont à peu près tout inventé et fixé, et dont les siècles suivants s'inspirèrent en y apportant leur génie et leur goût personnels.

Au début du Xe siècle, la Chine fut divisée en plusieurs petits royaumes, dont les cours princières furent des centres de grande activité artistique. À la fin du IXe siècle un peintre de la Chine occidentale Kouan-sieu avait déjà une très grande renommée, et plusieurs kakémonos bouddhiques conservés au Japon lui sont attribués ; des paysagistes fameux sont King Hao et Kouan T'ong.

Jugement dernier. XVIIe s. — Gaston Migeon (1861-1930) : L'art chinois. Éditions Albert Morancé, Paris, 1925. Collection des documents d'art, Musée du Louvre. 38 pages de texte, 57 planches.
Jugement dernier. Un des dix rois des Enfers juge, assis sur son trône entre quatre personnages, dont l'un à genoux lit les jugements. Au-dessous, à d., deux hommes à têtes d'animaux ; à g., personnages à genoux. En bas, un démon et les âmes suppliciées.

— Un Empereur artiste-peintre Houei tsong (1100-1127), auquel les Japonais, l'appelant « Kisô-Kôtei », attribuent dans leurs temples des œuvres extraordinaires d'oiseaux et de fleurs, avait tenu à réorganiser l'Académie de peinture des Song, récemment créée. Célèbre pour ses fleurs était aussi Tchao Tchang, dont il faut admirer deux oies au British Museum.

Sous cette dynastie des Song, dès le début, les noms de peintres se sont multipliés, dans l'École du Sud, Li Tcheng, Tong Yuan, Fan Kouan, Kouo Tchong-chou, et Kouo Hüi, né en 1020, peintre de paysages, dont toutes les annales relatent les œuvres. Mi Fei, avec ses montagnes nuageuses et Li Long-mien, peintre de chevaux, puis ensuite entièrement voué aux peintures religieuses, sont de la seconde moitié du XIe siècle.

Le XIIe siècle avait été encore une époque d'art éblouissante, tout influencé par l'esprit de la secte Zen, dont étaient imprégnés les peintres romantiques Li T'ang et ses élèves Ma Yuan et Hiao Koei (fin du XIIe siècle). Un siècle après, les Mongols s'emparaient de Hang tcheou, la capitale des Song, en 1276. La dynastie mongole des Yuan allait occuper la Chine pendant près d'un siècle, sans y rien détruire du fond même de la pensée. Et les directions de l'art ne s'en trouvèrent pas sensiblement modifiées. Tchao Mong-fou, qui les servit loyalement, peignait à leur Cour, comme l'avaient fait les peintres des T'ang, des chevaux et des paysages. D'autres peignant des sujets bouddhiques n'étaient pas sans réagir un peu contre le mysticisme des Song du Sud, en ne restant pas insensibles au bouddhisme tibétain au XIVe siècle.

Et quand ce XIVe siècle fut un peu avancé, la dynastie des Ming, sans se détourner de tous les genres de la peinture qui avaient eu de si heureuses fortunes en Chine depuis tant de siècles, éprise des spectacles de la vie, demanda à ses peintres plus réalistes de les reproduire, transformés par les prestiges de leur art.

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