Wei lio

Les pays d'Occident, d'après le Wei lio

par

Édouard CHAVANNES

T’oung pao, Volume 2:6, 1905, pages 519-571.

 

Table des matières - Extraits : Le Wei lio - Les Barbares de l'Ouest : les Ti - Quelques royaumes
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Table des matières

Avant-propos
Le Wei lio

I. Barbares de l’Ouest : Les Ti — Les Tseu-lou — Les K’iang.
II. Contrées d’Occident. Royaumes qu’on rencontre : sur la route du Sud — sur la route du Centre — sur la route du Nord.


Le Wei lio

Dans son commentaire du San kouo tche publié en 429 ap. J.-C., P’ei Song-tche fait de longues et fréquentes citations d’un ouvrage aujourd’hui perdu qu’il appelle tantôt le Wei lio et tantôt le Tien lio. Ce livre existait encore à l’époque des T’ang ; dans le catalogue littéraire du Kieou T’ang chou, nous trouvons mentionné, dans la classe des historiens de valeur mélangée, le Tien lio en cinquante chapitres, composé par Yu Houan ; d’autre part, dans le chapitre correspondant du T’ang chou, nous relevons, aussi dans la classe des historiens de valeur mélangée, le titre du Wei lio de Yu Houan en cinquante chapitres. Cette double indication prouve péremptoirement que le Wei lio et le Tien lio ne sont qu’un seul et même ouvrage. La biographie de Yu Houan n’a point été admise dans les histoires canoniques ; aussi ne pourrions-nous déterminer que par des conjectures la date à laquelle écrivait cet auteur si un célèbre critique de l’époque des T’ang, Lieou Tche-ki, ne nous avait laissé, dans son Che t’ong publié en 710, le renseignement très précis que voici :

« Précédemment, à l’époque des Wei (220-265), Yu Houan, originaire de la capitale (Tch’ang-ngan=Si-ngan fou), composa, sans en être chargé officiellement, le Wei lio ; le récit des événements s’arrête au règne de l’empereur Ming (227-239).
Le témoignage de Lieou Tche-ki, datant d’une époque où le Wei lio n’avait pas encore disparu, ne saurait être mis en doute ; il fixe la composition du Wei lio dans les vingt-six années comprises entre les années 239, fin du règne de l’empereur Ming, et 265, fin de la dynastie Wei.

Les Barbares de l'Ouest : les Ti.

Le traité sur les Jong d’Occident dit :

Les Ti ont des rois ; leur origine est lointaine. Quand les Han eurent ouvert le territoire de Yi tcheou, et établi la commanderie de Wou-tou, ils repoussèrent les gens de cette race qui se dispersèrent et se réfugièrent dans les vallées des montagnes ; les uns se trouvent à Fou-lou, les autres dans les environs de K’ien et de Long ; leur race n’est pas une. On les dit descendants de P’an-hou. Les uns sont appelés les Ti verts, les autres les Ti blancs, les autres les Ti Jan, ce (dernier nom) désignant une classe de reptile dans laquelle on les range. Les gens du Royaume du Milieu les appellent d’après la couleur de leurs vêtements ; mais eux-mêmes se nomment Ho-tche.

Chacun (de leurs groupes) a ses rois et ses chefs qui, pour la plupart, reçoivent du Royaume du Milieu leurs terres, leurs titres et sont appelés (par lui à remplir leurs charges) ou sont dégradés. Pendant la période kien-ngan (196-220 p.C.), A-kouei, roi des Hing-kouo Ti et Ts’ien-wan, roi des Tseu-hiang Ti avaient chacun des tribus qui comptaient plus de dix mille hommes ; la seizième année (211 p.C.), ils firent cause commune avec Ma Tch’ao et se révoltèrent ; après que (Ma) Tch’ao eut été vaincu, A-kouei fut attaqué et anéanti par Hia-heou Yuan ; Ts’ien-wan se dirigea vers le Sud-Ouest et entra dans la région de Chou (Sseu-tch’ouan) ; ses tribus ne purent s’en aller et se soumirent toutes ; le gouvernement (chinois) déporta en un endroit différent celles d’entre elles qui, au cours de ces événements, avaient tenu une conduite équivoque et les plaça à Mei-yang (qui est dans la commanderie) de Fou-fong ; ce sont maintenant les deux tribus des Ngan-yi (barbares paisibles) et des Fou-yi (barbares gouvernés) qu’administre un Protecteur militaire. Quand à ceux qui avaient bien observé une sage conduite, (le gouvernement chinois) les laissa de leur côté sur les confins de T’ien-chouei et de Nan-ngan ; ce sont maintenant ceux qui dépendent de la commanderie de Kouang-wei.

Leurs mœurs et leur langue ne sont pas les mêmes que celles du Royaume du Milieu, mais elle s’accordent avec celles des K’iang et des divers peuples Hou. Chacun d’eux a pour soi un nom de famille ; ces noms de famille sont comme les noms de famille des royaumes du Milieu. Dans leurs vêtements, ils préfèrent le vert et le rouge. Leurs mœurs sont les suivantes : ils savent tisser la toile ; ils sont bons agriculteurs ; ils élèvent et nourrissent des porcs, des bœufs, des chevaux, des ânes, des mulets. Quand une femme se marie, elle revêt le jen-lou qui, par la façon dont il est bordé et orné, ressemble parfois aux jen-lou des K’iang et parfois aux tuniques du Royaume du Milieu. Tous tressent leurs cheveux. Beaucoup d’entre eux connaissent la langue du Royaume du Milieu parce qu’ils ont résidé dans le Royaume du Milieu mêlés à la population ; mais, quand ils sont revenus dans le sein de leurs tribus, ils parlent naturellement la langue Ti. Dans les mariages, il y a (des coutumes) qui ressemblent à celles des K’iang. Ces (peuplades) sont ce qu’autrefois on appelait les Jong occidentaux. Quant à ceux qui demeuraient dans (la région de) Kiai, Ki et Houan-tao, quoique maintenant ils soient sous l’administration chinoise, ils n’en ont pas moins conservé comme autrefois leurs rois et leurs chefs qui résident dans leur territoire et parmi leurs tribus. En outre, dans l’ancienne région de Wou-tou, dans les environs de Yin-p’ing et de Kiai il y a aussi des tribus qui comptent plus de dix mille hommes.

Quelques royaumes sur les routes du Sud et du Nord

Le royaume de Kiu-li est aussi appelé Li-wei-t’o, ou encore P’ei-li-wang ; il est à 3.000 li au Sud-Est du T’ien-tchou ; ce pays est bas, humide et chaud ; le roi a pour capitale la ville de Cha-k’i ; il a plusieurs dizaines d’autres villes ; la population est pusillanime et faible ; les Yue-tche et le T’ien-tchou les ont attaqués et soumis. Ce territoire a plusieurs milliers de li de l’Est à l’Ouest et du Sud au Nord. Dans ce peuple, les hommes et les femmes ont tous dix-huit pieds de hauteur. Ces gens montent sur des éléphants et des chameaux pour combattre. Maintenant les Yue-tche les ont asservis et leur ont imposé des taxes.

Le royaume des Ting-ling est au nord du K’ang-kiu ; il a soixante mille soldats d’élite ; (les habitants) sont pasteurs et se déplacent à la suite de leurs troupeaux ; (ce pays) produit des peaux de martres renommées, des peaux de Kouen-tseu blancs et de Kouen-tseu bleus. Des trois royaumes précités, les Kien-kouen forment celui qui est au centre ; tous sont à sept mille li de distance de la rivière Ngan-si où se trouve la cour du chan-yu des Hiong-nou ; du côté du Sud, ils sont à cinq mille li de distance des six royaumes de Kiu-che ; du côté du Sud-Ouest, ils sont à trois mille li de distance de la frontière du K’ang-kiu ; du côté de l’Ouest, ils sont à huit mille li de distance de la capitale du roi de K’ang-kiu. Quelques uns considèrent ces Ting-ling comme identiques aux Ting-ling qui sont au nord des Hiong-nou ; mais les Ting-ling septentrionaux sont à l’Ouest des Wou-souen et paraissent être un autre peuple. En outre, au Nord des Hiong-nou il y a le royaume de Houen-yu, le royaume de K’iu-che, le royaume de Ting-ling, le royaume de Ko-kouen, le royaume de Sin-li. Il est clair que, puisqu’il y a encore, au sud de la mer du Nord, des Ting-ling, ceux-ci ne sont pas identiques aux Ting-ling qui sont à l’ouest des Wou-souen.

Des vieillards parmi les Wou-souen racontent que chez les Ting-ling septentrionaux il y a le royaume des Jarrets de cheval ; les sons que profèrent ces hommes ressemblent aux (cris des) oies sauvages et des canards ; au-dessus du genou, ils ont un corps et une tête d’homme ; au-dessous du genou, il leur pousse des poils et ils ont des tibias de cheval et des sabots de cheval ; ils ne montent pas à cheval, mais ils courent plus vite qu’un cheval ; ce sont des gens braves et hardis au combat.

Le royaume des Nains est au nord-ouest du K’ang-kiu ; les hommes et les femmes y sont tous grands de trois pieds ; la population est fort nombreuse ; (ce pays) est très éloigné des divers royaumes tels que Yen-ts’ai ; les vieillards du K’ang-kiu nous apprennent par leurs récits que souvent des voyageurs ont traversé ce royaume ; il est à environ dix-mille li et plus du K’ang-kiu.


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