Bernard PICART (1673-1733)

[et Jean-Frédéric BERNARD (1683-1744)]

Couverture. Cérémonies et coutumes religieuses de tous les peuples du monde. — Les peuples idolâtres  : la Chine. Bernard Picart (1673-1733),gravures, Jean-Frédéric Bernard (1683-1744), texte. Bernard, Amsterdam, 1728, vol. IV, IIe pp. 189-276 .

Dissertation sur les
CÉRÉMONIES RELIGIEUSES DES PEUPLES DE LA CHINE

Extrait des Cérémonies et coutumes religieuses des peuples idolâtres

B. PICART (gravures) [et J.-F. BERNARD (texte)]

J.-F. Bernard, éditeur, Amsterdam, 1728, tome II, pages 189-276 + 33 gravures.

  • "Confucius travaillait sans relâche à rétablir en [ses disciples] « cette intégrité qu'il assurait avoir été un présent du Ciel ; & pour mieux parvenir à ce but, il [les] exhortait à obéir au Ciel, à le craindre, à le servir, à aimer son prochain comme soi-même... » Qui ne croirait en lisant le récit d'une si belle morale, & d'une pratique si excellente de ses devoirs, que Confucius était chrétien & qu'il avait été instruit dans l'école de J. C. ? Remarquez surtout cette intégrité, qui était un présent du Ciel, & de laquelle l'homme était déchu. Certainement un chrétien ne s'exprimerait pas mieux. Aucun prophète des Juifs n'a parlé si clairement sur la corruption de la religion naturelle & sur la nécessité de la rétablir. N'a-t-on pas bien lieu d'être surpris que la Chine ait eu le privilège d'une espèce de révélation, tandis que suivant l'opinion vulgaire l'idolâtrie couvrait toute la face de la Terre, excepté le petit État des Juifs ?"
  • "Toutes les religions se ressemblent en quelque chose. C'est par cette ressemblance, que des esprits d'une certaine trempe hasarderaient d'établir le projet d'une réunion universelle. Qu'il serait beau d'en venir là, & de pouvoir faire comprendre aux gens d'un caractère trop opiniâtre, qu'avec le secours de la charité on trouve partout des frères."
  • "Le père Martini assure, que dans la langue chinoise il n'y a point de nom particulier qui puisse convenir à Dieu."


Les innombrables cérémonies religieuses ont caché la religion naturelle et universelle, partagée en fait par tous les peuples du monde, elles ont fait oublier la nécessaire tolérance, l'indispensable respect de l'autre.
C'est ce message, à la résonance incroyablement actuelle, qu'il y a près de trois siècles, deux artisans, l'un graveur, l'autre écrivain, protestants réfugiés aux Provinces-Unies, ont voulu nous passer.
Ils l'ont fait au travers d'une énorme entreprise éditoriale de quatorze années (1723-1737), de sept volumes (plus quatre supplémentaires par la suite), de trois mille pages et plus, de 263 planches (gravures de grand intérêt documentaire, et de toute première qualité). Première édition qui a connu pendant quasiment un siècle, oui, jusqu'en 1810, d'innombrables rééditions, reprises, compléments, traductions, copies, plagiats, attaques, piratages, pillages. Il faut lire sur Bernard Picart et Jean-Frédéric Bernard, les deux auteurs des Cérémonies religieuses du monde, leur aventure éditoriale, et leurs intentions, racontées dans le livre passionnant de Lynn Hunt, Margaret C. Jacob et Wijnand Mijnhardt : Le livre qui a changé l'Europe, publié en français aux éditions Markus Haller.
Alors bien entendu, le petit extrait de l'œuvre originale présenté ici n'est qu'un goutte d'eau. Bien plus, concernant un seul pays, il est tout à fait insuffisant pour donner une idée de l'ensemble traitant de tous les peuples. Mais sur chineancienne, on s'occupe de Chine, n'est-ce pas ? C'est-à-dire à la fois de particulier et d'universel.

Extraits : La secte de Laokun... - ... et celle de Fo - Les chin-hoans - Autres génies, ou saints - Charlatans
Les cérémonies nuptiales & funèbres des Formosans
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Convoi funèbre. Cérémonies et coutumes religieuses de tous les peuples du monde. — Les peuples idolâtres  : la Chine. Bernard Picart (1673-1733),gravures, Jean-Frédéric Bernard (1683-1744), texte. Bernard, Amsterdam, 1728, vol. IV, IIe pp. 189-276 .
Convoi funèbre d'un grand de la Chine.

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La secte de Laokun...


Li-Laokun, que d'autres appellent aussi Lanzu & Lanthu, établit la secte que l'on regarde aujourd'hui comme celle des gens du commun, quoique, selon Kircher, elle fût anciennement la religion des mages, ou celle des sages égyptiens. Le père Le Gobien lui donne le nom de religion des bonzes, & dit qu'elle est originaire de la Chine.

Nous avons déjà rapporté les dogmes qu'établissait Laokun : les changements que ses disciples attribuent à la divinité suprême ont beaucoup de conformité avec ce que nous avons rapporté aux articles des Peguans, des Siamois & Tunquinois. Ils établirent comme eux une manière de succession de rois des cieux par usurpation. Ciam détrôna Leu &c. Par ce même endroit & par quelques dogmes, on trouvera que cette secte de Laokun a aussi du rapport à celle des Sintos du Japon. Dans leur morale, qui comme nous l'avons déjà dit, essemble à l'épicurisme, ils ne portent pas l'indifférence aussi loin que les sectateurs du Fo : ils se contentent, dit le père Le Gobien, d'éloigner de l'esprit les désirs véhéments & les passions chagrines. Leur sage ne se propose que la paix & la tranquillité. Passer sa vie sans embarras, sans sollicitude, sans des retours continuels sur le passé, sans toutes ces recherches inutiles de l'avenir qui troublent toujours le repos de l'âme, c'est savoir user du présent & mériter le nom de philosophe.

Quand on est continuellement agité de soins, ou occupé de grandes entreprises, quand on se livre à l'ambition, à l'avarice, à la cupidité, c'est beaucoup plus pour la postérité qu'on travaille, que pour foi ; est-on sage de se rendre malheureux pour les autres, & d'acheter leur bonheur... en risquant sa vie... aux dépens de sa félicité ?... non seulement le sage ne doit point sacrifier son repos au bien public, il doit même être modéré dans la recherche de son bonheur, de crainte qu'un désir trop violent de ce que l'on n'a pas encore, n'altère la paix que l'on possède... Il faut donc éviter tout ce qui peut causer de l'ennui ou du dégoût... Un plaisir que le chagrin accompagne n'est qu'une ombre de plaisir. Il y a en tout cela des maximes qui tiennent du stoïcisme, & d'autres de l'épicurisme. Celles-ci font le gros du système. Comme les stoïciens, ces bonzes ne parlent que de paix, de tranquillité de l'âme, d'apathie, ou d'exemption de passions. Comme les épicuriens, ils ne veulent rien qui leur donne des soucis & des embarras ; point de réflexions incommodes, point de vues éloignées. La vie est un partage dans lequel on ne doit goûter que des plaisirs. Il faut faire durer le voyage, & semer en même temps des fleurs sur la route. Nous avons vu que c'est là le grand objet de la passion que cette secte a pour la chimie. Cette paix & cette tranquillité de l'âme, qui est commune aux stoïciens & aux Chinois, nous est aussi prêchée dans le christianisme ; mais si l'on excepte quelques livres de dévotion & des sectes qui outrent la chose, la religion ne nous enseigne rien que de raisonnable sur cet article. Peut-être ne serait-il pas plus difficile d'ajuster les maximes épicuriennes au caractère du christianisme. Il nous ordonne de réprimer nos passions, d'user du présent sans craindre les suites de l'avenir, de méditer sur la fragilité des biens, & il nous conseille d'en jouir avec sagesse & modération. En un mot, rien n'est plus éloigné du christianisme que les inquiétudes mondaines, l'agitation des soins, les recherches inutiles, l'avarice, l'ambition, &c. Il faut avouer cependant, que si tout cela se poussait trop loin, on serait inutile au genre humain, & l'on deviendrait à charge à soi-même : car si nous avions le droit absolu d'indifférence & de tranquillité, les autres l'ayant comme nous, on cesserait de se secourir mutuellement, on n'aurait plus ni compassion, ni charité : on romprait tous les liens de la société. Ceux mêmes qui ont voulu outrer ces maximes dans une fausse spéculation les ont démenties par la pratique, parce qu'il n'est pas possible de faire autrement. Les bonzes en conviennent de bonne foi, quand, sur l'objection qu'on leur fait, qu'ils se marient, & se chargent des soins pénibles d'une famille, ils répondent
« qu'après avoir bien examiné ce point, ils sont persuadés que dans la spéculation, c'est un grand embarras qu'une femme, que néanmoins dans la pratique, ce n'est pas une chose contraire au bonheur. »

Si leur tranquillité se dément par la nécessité de se marier, d'avoir ménage, de se mêler de mille choses nécessaires à la vie, elle ne se dément pas moins dans les peines qu'ils prennent pour la prolonger par des secrets de chimie & par tout ce qu'ils se prescrivent à eux-mêmes pour leur santé. Il en est de même à l'égard des mœurs, en quoi ils ne diffèrent pas de toutes les autres sectes. Ces sectateurs de Li-Laokun passent aussi pour avoir des pactes avec le démon, pour jeter des sorts & pour s'appliquer généralement à la magie. Ils disent encore qu'ils ont le pouvoir d'éloigner & de chasser le démon, de prédire le bien & le mal. En un mot s'il faut en croire les Chinois superstitieux, ils font chez eux & la pluie & le beau temps. On pourrait à divers égards les comparer à nos astrologues, à nos diseurs de bonne aventure, & à nos alchimistes.

Cette secte a un chef à sa tête que l'on pourrait appeler son pontife. Cette dignité est héréditaire dans la même famille depuis environ mille ans. Le Ciam fait sa résidence ordinaire à Pékin, & même il est fort estimé à la cour, à cause qu'il y passe pour fort expert dans les exorcismes.

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... et celle de Fo

Xe-quia.1. Cérémonies et coutumes religieuses de tous les peuples du monde. — Les peuples idolâtres  : la Chine. Bernard Picart (1673-1733),gravures, Jean-Frédéric Bernard (1683-1744), texte. Bernard, Amsterdam, 1728, vol. IV, IIe pp. 189-276 .
Représentation de l'idole Xe-quia.

La doctrine littérale du Fo établit l'idolâtrie. C'est à cette idolâtrie qu'on doit toutes les divinités que l'on trouve représentées dans la description que nous donnons ici de la religion des Chinois. La plupart sont des animaux de toutes espèces, dans lesquels on dit que le Dieu Fo a passe successivement dans ses différentes métamorphoses.
Les prêtres du Fo portent le nom de hochans qui signifie gens réunis de toute sorte de pays. Ils enseignent qu'on doit révérer trois choses, leur Dieu, la Loi & ses livres, qui contiennent leurs règlements particuliers. Mais ceux d'entr'eux, dont on prétend qu'ils suivent ce que l'on appelle la doctrine intérieure & qu'ils débitent le pur athéisme, peuvent se réduire à la classe des talapoins, tant de Siam & du Tunquin que de Laos, &c. On en jugera par ce que nous allons rapporter. Toutes choses en ce monde sont illusions & prestiges. Pour exister véritablement, il faut se confondre dans le néant, qui par sa simplicité fait la perfection de tous les êtres. Tout ce qu'ils débitent sur cette tranquillité, cette quiétude de l'âme qui, selon eux, fait la perfection de leur sage, est poussé beaucoup plus loin que par les bonzes. Pour posséder une sainteté parfaite, il ne faut pas seulement être exempt de toute passion, il n'est pas même permis d'avoir le moindre désir. S'appliquer à ne vouloir rien, à ne penser à rien, à ne sentir rien, voilà ce qui forme la véritable quiétude de l'âme. Elle est sainte, elle est parfaite en cet état, où elle ne diffère pourtant en rien d'une pierre. De cette manière ils anéantissent la liberté, qui selon les gens raisonnables fait la perfection de l'âme, puisque nous devons toute la beauté de nos actions au choix libre entre le bien & le mal : mais, ou cela n'est point connu à ceux qui suivent la religion du Fo, ou l'obscurité de leurs véritables sentiments, cachés sous des expressions alambiquées, ne nous permet pas d'en donner une idée plus raisonnable. Quand donc l'âme est tombée dans ce profond assoupissement, ou dans le parfait repos de toutes ses puissances, l'homme cesse d'être sujet au changement, il n'est plus exposé aux transmigrations
« ... à proprement parler il n'est rien, ou si l'on veut qu'il soit encore quelque chose, il est sage, parfait, heureux, pour le dire en un mot, il est dieu & parfaitement semblable au dieu Fo. »

On travaille à parvenir à cet état par la pratique des commandements du Fo. Il en a donné cinq qu'il est inutile de répéter, puisqu'il en a été parlé ci-devant.

Xe-quia. 2. Cérémonies et coutumes religieuses de tous les peuples du monde. — Les peuples idolâtres  : la Chine. Bernard Picart (1673-1733),gravures, Jean-Frédéric Bernard (1683-1744), texte. Bernard, Amsterdam, 1728, vol. IV, IIe pp. 189-276 .
Autre représentation de l'idole Xe-quia.

À ces commandements ils ajoutent les œuvres de miséricorde, qui sont par exemple, de bien traiter & de bien nourrir les prêtres, de leur bâtir des maisons de retraite, afin que leurs prières & leurs pénitences délivrent les pécheurs des peines que leurs péchés méritent. Il faut aussi leur léguer des biens, bâtir des temples, acquitter des vœux, brûler pour les morts des habits & des étoffes de soie, ou des représentations de toutes sortes de choses précieuses en papiers dorés & argentés. Nous avons déjà observé que ces choses se changent en or, en argent, en véritables habits, &c. dans l'autre monde. Celui qui n'observe pas ces commandements risque d'être cruellement tourmenté après sa mort & de rouler de corps en corps par une longue & constante suite de métempsycoses. Il risque encore de renaître rat, mulet, cheval &c. mais quelque longues que soient ces peines, cependant elles ne sont pas éternelles. Les plus rigides de cette secte s'abstiennent de manger d'aucune chose ayant vie, & ne veulent s'embarrasser ni de mariage, ni de ménage. On dit aussi qu'ils croient une pluralité de mondes, & une espèce de trinité dans l'unité de l'Être suprême.

Leurs pagodes sont en grand nombre, & parmi ces édifices on en trouve d'assez somptueux, pleins d'idoles de différentes sortes, la plupart monstrueuses. On assure que dans leurs dévotions ils répètent fort souvent le mot de Tolome, de quoi ils ne donnent aucune raison, parce qu'ils ne l'entendent pas. Là-dessus on s'imagine pourtant, que ce mot est corrompu du nom de l'apôtre saint Thomas, que l'on croit avoir porté l'Évangile aux Indes, & même à la Chine. Cette secte a des couvents de religieux & de religieuses : mais les couvents du sexe sont fort décriés, parce que celles qui se consacrent à la retraite
« ont autant de liberté de sortir, que les femmes séculières en ont peu. Elles forment des intrigues, elles entretiennent des commerces... même les temples ne sont pas moins décriés, les assemblées du sexe y sont suspectes... autrefois l'entrée en était défendue aux femmes. »

Avant que d'aller plus loin nous rapporterons après le père Kircher que Fe ou Fo est regardé comme un sauveur par ceux qui l'adorent. Ce Père croit aussi, que le Fo, qu'il prétend être le même qu'un certain Brachman, qui a donné son nom aux brachmanes, a pris toute sa doctrine des prêtres égyptiens chassés de leur pays par Cambyses roi de Perse, & que de cette doctrine il composa un système, ou plutôt une rapsodie, puisqu'il ajouta ses opinions erronées à celles qu'il avait reçues. Ce brachmane eut aussi le nom de Ram. En peu de temps il se vit un prodigieux nombre de disciples : il soutint ensuite quatre-vingt mille transmigrations, la dernière desquelles le fit trouver dans le corps d'un éléphant blanc. Enfin d'autres veulent que le Fo soit le même que Pythagore & d'autres le prennent pour l'Hermès Trismégiste des Égyptiens.

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Les chin-hoans

Chin-hoan. 1. Cérémonies et coutumes religieuses de tous les peuples du monde. — Les peuples idolâtres  : la Chine. Bernard Picart (1673-1733),gravures, Jean-Frédéric Bernard (1683-1744), texte. Bernard, Amsterdam, 1728, vol. IV, IIe pp. 189-276 .
Kin-gan, génie tutélaire que les jésuites nomment aussi Chin-hoan.

[Extrait de La morale de Confucius :] « Les Chinois font des sacrifices à trois sortes d'esprits. Celui qu'on appelle le roi d'en haut (Xam-ti)... n'est que la vertu active du Ciel matériel, ou ses influences... qui servent à produire les diverses choses du monde... C'est le premier esprit supérieur à ceux des montages, des eaux, des rivières, des villes, &c. Le second est celui de la Terre, qui n'est autre chose que la Terre matérielle... Cet esprit n'est que la vertu & l'efficace que la Terre a de produire ses effets. Le troisième esprit est en quoi l'homme se résout quand il meurt, car il devient cadavre quand la partie aérienne se sépare de la partie grossière, &c... Les Chinois sacrifient à ces trois sortes d'esprits... C'est l'office des empereurs de sacrifier au Ciel & à la Terre... On leur offre des bœufs, des moutons, des porcs. Les rois sujets, ou tributaires de l'empereur, & les vice-rois sacrifient aux génies du royaume. Outre cela les empereurs sacrifient aussi à leurs ancêtres, & tous les Chinois, grands & petits, sacrifient aux morts de leur famille, en remontant jusqu'à la quatrième génération : remontant plus haut on ne distingue plus ses propres morts. »

Ces sacrifices se font avec beaucoup de solennité deux fois l'année. Chaque famille sert ses morts du mieux qu'elle peut, les remercie par ce culte des biens qu'elle a reçu d'eux, & leur en demande la continuation. Outre les sacrifices publics, on en fait aussi en particulier chez soi avec moins de solennité. Cependant tous les jours de nouvelle & de pleine lune les Chinois allument des cierges devant les tableaux de leurs morts, ils brûlent des parfums à leur honneur, ils leur présentent à manger, ils leur font des inclinations profondes.

Outre cela, il y a dans toutes les villes de la Chine des temples bâtis à l'honneur des cinq premiers empereurs, des grands hommes & des bienfaiteurs publics. Quand les empereurs sont morts, on leur défère aussi tous les honneurs de l'apothéose ; car on prétend qu'ils ont acquis après leur décès le pouvoir d'aider & de secourir ceux qui s'adressent à eux. Quoiqu'on ne leur reconnaisse pas ce pouvoir pendant cette vie, il y a pourtant dans les temples un tableau servi à la façon de ceux des ancêtres, où est écrit en gros caractères, Vive le roi de la Chine des milliers d'années. On sacrifie devant ce tableau, & on lui fait des génuflexions.

De tous ces usages, qui concluent à l'immortalité de l'âme & à la nécessité de prier, il paraît au moins, que quand même il serait vrai que les lettrés enseignent & pratiquent directement l'athéisme, il ne s'est pas répandu généralement dans toute la nation.

Chin-hoan. 2. Cérémonies et coutumes religieuses de tous les peuples du monde. — Les peuples idolâtres  : la Chine. Bernard Picart (1673-1733),gravures, Jean-Frédéric Bernard (1683-1744), texte. Bernard, Amsterdam, 1728, vol. IV, IIe pp. 189-276 .
Chin-hoan, génie tutélaire de la Chine.

Il faut dire quelque chose de l'argument par lequel on nous apprend que Confucius a voulu établir le culte des esprits. Cet argument est un véritable sophisme de pyrrhonien, car il se réduit à soutenir, qu'on ne peut déterminer si les esprits assistent aux sacrifices ou non, & s'ils reçoivent les prières des dévots. Mais, dit-on, une chose est sûre. Si l'on sert nonchalamment les esprits, on se met dans une impuissance encore plus grande d'être assuré de leur présence, &c. Si ceux qui servent dévotement ces esprits n'ont cependant aucune assurance positive de leur présence, à quoi se tiendront ceux qui doutent ? Si l'on s'amusait chez nous à un tel sophisme, à quoi serions-nous réduits en invoquant les saints & les anges ?

On donne le nom de chin-hoan à ce génie que l'on suppose être le gardien des villes, des provinces & des tribunaux. Il a des temples par tout l'empire. Les mandarins qui vont prendre possession du gouvernement doivent auparavant en faire hommage au chin-hoan de la ville ou de la province qui est commise à leurs soins, lui jurer qu'ils s'acquitteront fidèlement de tous les devoirs de leur charge, & lui demander le moyen de les accomplir. Ils doivent réitérer ces devoirs deux fois l'année, sous peine de perdre leur charge s'ils y manquaient. On dit que ces chin-hoans reviennent aux anges gardiens ; mais les Chinois reconnaissent en eux une divinité inférieure à celle du premier principe, quoiqu'ils avouent pourtant que ces chin-hoans ont été autrefois des hommes.

Les Chinois fondent leur opinion concernant les chin-hoans sur ce que le monde est régi par des gouverneurs visibles. Il est juste, disent-ils, qu'il le soit aussi par des gouverneurs d'une nature spirituelle, qui le garantissent de l'injustice & de la violence des magistrats, & qui punissent les crimes secrets qui échappent à la connaissance des hommes. L'auteur que nous citons dit, qu'anciennement les Chinois n'avaient
« aucunes idoles (de ces génies) dans les temples, l'on n'y voyait qu'un tableau, dans lequel étaient écrits ces mots en langue vulgaire & en lettres d'or : C'est ici la demeure du gardien spirituel de la ville. On mit plusieurs siècles après en la place de ce tableau des représentations de ces génies, afin d'imprimer plus de respect & plus de crainte à ceux qui étaient obligés de prêter serment. »

Le père Martini dit encore, que les Annales des Chinois font mention de bons & de mauvais génies sous le nom de Xin & de Quey, ce qui est aussi l'opinion des Chinois modernes ; & c'est sur cette opinion, que sont fondées les fêtes accompagnées de sacrifices à l'honneur des génies des montagnes, des eaux, des villes, &c.

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Autres génies, ou saints

Quonin, Ninifo. Cérémonies et coutumes religieuses de tous les peuples du monde. — Les peuples idolâtres  : la Chine. Bernard Picart (1673-1733),gravures, Jean-Frédéric Bernard (1683-1744), texte. Bernard, Amsterdam, 1728, vol. IV, IIe pp. 189-276 .
Quonin, divinité domestique des Chinois. - Vitek ou Ninifo.

Les Chinois révèrent encore quelques autres génies, ou saints. Le mot de xin qu'ils emploient est équivoque en cette occasion; on dit cependant, que les missionnaires sont obligés de l'employer en parlant de J. C., de la Trinité, de la sainte Vierge, ce qui doit faire une espèce de contraste désagréable aux anciens chrétiens, & favorable aux nouveaux : car de cette manière on rapproche J. C. & nos saints des génies des Chinois.

Quoi qu'il en soit, parmi ces saints des Chinois on trouve une Quannia ou Quonin qui vivait en anachorète. C'était une grande sainte, dont la légende chinoise dit des merveilles étonnantes. Tout homme qui est né pour devenir légendaire ne tarit jamais sur cet article. C'est que cela coule de source, comme quand on écrit des contes des fées.

On voit encore ici l'idole ou la divinité qui préside à la volupté. Cette idole, qui s'appelle aussi Ninifo, est regardée comme un xin & servie comme telle des dévots. Néanmoins c'est le génie qui dirige les plaisirs illicites comme les licites : digne ministre pour un être qualifié du nom de xin, que l'on prétend traduire par celui de saint.

On y trouve une Neoma magicienne, ou selon quelques autres, fille dévote, qui avait fait vœu de virginité. Elle est représentée ici, sous le nom de Matzou, ayant deux autres dévotes à ses côtés qui l'éventent. Hujumsin était un alchimiste célèbre, qui trouva la pierre philosophale ; mais ce ne fut pas là le plus solide bien qu'il fit aux peuples. Il les délivra d'un dragon terrible, & ensuite l'attacha à une colonne qui subsiste encore ; après cet exploit il s'envola aux cieux. On lui bâtit un temple dans le même lieu où ce saint George chinois avait terrassé le monstre. Nous ne saurions nous empêcher de remarquer, que ce terrassement de monstres & de dragons donne des idées si nobles de la puissance de ceux que l'on croit aimés & favorisés du Ciel, qu'aucune religion n'a voulu se priver de ce privilège. Elles n'ont pas jugé devoir se refuser la gloire d'avoir eu des héros vainqueurs des monstres. Les légendes païennes ont eu un Hercule vainqueur de l'Hydre, un Œdipe du Sphinx, un Jason du dragon de Colchos, &c.

Nous verrons dans la suite de cet ouvrage, que les anciens habitants de l'Europe n'ont pas moins aimé ce merveilleux que les Grecs & les peuples d'Asie, anciens & modernes. C'est grand dommage que l'on n'ait jamais pu prouver solidement l'existence des dragons & autres semblables monstres. Nous pourrions sûrement compter leur défaite au nombre des victoires de nos saints, & croire sans répugnance tout ce que les légendes nous apprennent des dragons de Provence, d'Orléans, de Rhodes, d'Irlande, &c. C'est un malheur pour les dévots, qui ont du goût pour le merveilleux, que le christianisme n'ait pas besoin de fables pour se soutenir, & qu'il porte l'exactitude & la sincérité jusqu'à rejeter les choses douteuses, quelque gloire qu'il puisse en tirer.

Ne perdons pas nos Chinois de vue. Le dieu, idole ou génie qu'on voit ici sous le nom de Quante-cong, était le fondateur de l'empire chinois. Il inventa une partie des arts, il donna des lois & des habits aux Chinois, car avant lui ces peuples allaient presque nus ; il les réduisit sous une forme réglée de gouvernement & les fit habiter dans des villes, &c. Des inventions si utiles & si extraordinaires ne permettaient pas de le représenter d'une taille commune avec les autres hommes, aussi l'a-t-on représenté comme un géant, & d'une force surnaturelle. On voit derrière Quante-cong son noir écuyer Lincheou, qui ne cédait pas en force au maître.

Matzou. Quante-cong. Cérémonies et coutumes religieuses de tous les peuples du monde. — Les peuples idolâtres  : la Chine. Bernard Picart (1673-1733),gravures, Jean-Frédéric Bernard (1683-1744), texte. Bernard, Amsterdam, 1728, vol. IV, IIe pp. 189-276 .
Matzou. - Quante-cong, divinité chinoise, que les Chinois disent avoir été leur premier empereur.

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Charlatans

Nous pourrions encore placer ici cet ordre de coureurs qui amusent le public par leurs tours. On en voit qui montent hardiment des tigres apprivoisés, & se promènent ainsi de place en place, & de ville en ville, sans craindre la fureur de cet animal, qui n'est ni bridé, ni enchaîné. Ces charlatans ont toujours à leur suite des mendiants qui font les dévots, & des pénitents qui se donnent saintement des coups de tête l'un à l'autre.

Outre les almanachs, les calendriers, & divers livrets que ces charlatans vendent aux bigots & aux bonnes femmes pour la direction de leur bonheur, il y en a d'autres qui se mêlent de deviner par les nombres, par des cercles & des figures, par les lignes des mains & du visage, par les songes, par l'examen de la physionomie. Quelques-uns de ces coureurs enseignent aux femmes les moyens d'avoir une grossesse prompte & heureuse. D'autres se mêlent de vendre le vent, comme dans le Nord de la Suède. Ces derniers charlatans se trouvent toujours deux ensemble. Un d'eux porte gravement sur l'épaule droite un sac, dans lequel il tient le prétendu vent, dont il livre pour de l'argent autant que le crédule acheteur croit qu'il lui en faut. Dans sa main gauche il tient un marteau, avec lequel il frappe plusieurs fois la terre, pour en faire sortir, dit-il, le génie, ou l'esprit du vent, qui, s'il faut l'en croire, se promène dans les airs sur un oiseau & sous une figure humaine. Nous remarquerons ici, qu'à cette ridicule croyance des Chinois & des peuples septentrionaux se rapporte assez clairement l'outre pleine de vent, qu'Éole donna si généreusement à Ulysse.

Charlatans. Cérémonies et coutumes religieuses de tous les peuples du monde. — Les peuples idolâtres  : la Chine. Bernard Picart (1673-1733),gravures, Jean-Frédéric Bernard (1683-1744), texte. Bernard, Amsterdam, 1728, vol. IV, IIe pp. 189-276 .
Charlatans qui se mêlent de vendre le vent. - Dévots mendiants et charlatans qui se promènent sur des tigres apprivoisés.


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Les cérémonies nuptiales & funèbres des Formosans

Les Formosans sont polygamistes, comme la plupart des idolâtres, & quittent leurs femmes quand ils veulent. Ils ne demeurent point avec elles, ils ne les approchent que de nuit & en secret : cela est dans l'ordre. Voici des singularités. Les hommes ne peuvent se marier qu'à l'âge de vingt ans, ils ne vont point chez leurs épouses, qu'elles ne les fassent avertir. Lorsqu'ils sont devant la porte du lieu où elles habitent, si l'on est d'humeur de les recevoir, on les appelle, sinon, ils sont obligés de se retirer sans autre formalité. Cela est bizarre : il nous semble à nous, qui ne croyons pas nos femmes d'humeur à renvoyer ainsi les gens, qu'il n'y en a jamais assez pour le sexe. Qu'un mari soit le pis aller, à la bonne heure, peu de gens l'ignorent, mais au défaut de mieux, ce pis aller sert toujours. En un mot, il doit nous paraître fort extraordinaire selon les idées de chez nous, qu'une Formosane laisse tranquillement passer son mari. Le prince d'Orange Frédéric-Henry disait que les jeunes femmes croient que l'amour met toujours les hommes en état de donner l'assaut, & les capucins, que les gens de guerre ont toujours l'épée à la main. Ce prince était juge compétent : mais les femmes qui n'ont pas encore acquis de l'expérience ignorent que les hommes sont quelquefois attaqués d'une paralysie involontaire. Le ministre Candidius dit, que les maris de Formosa ne doivent aller coucher que toutes les deux nuits avec leurs femmes :
« encore, ajoute le ministre, cela doit-il se faire à la dérobée, il faut que ce pauvre mari entre chez sa femme comme un larron. Il n'ose s'approcher ni du feu, ni de la chandelle, ni dire un seul mot. Dès qu'il est entré, il va se coucher. »

Selon toutes les apparences, les Formosans s'amusent fort peu à la petite oie.
« Si le mari veut du tabac, il n'oserait en demander, il doit tousser tout doucement. Sa femme, qui l'entend, va lui demander ce qu'il veut & le lui apporte en cachette. Ensuite elle s'en retourne & ne va coucher avec ce mari qu'après que les gens du logis se sont retirés. »

Dès le matin le mari se lève & s'en va fort secrètement comme il est venu, sans rien dire, & sans oser revenir de tout le jour. Cette manière de vivre dure longtemps, puisqu'au rapport des voyageurs que nous copions, les hommes ne vont habiter avec leurs femmes qu'à l'âge de cinquante ans. Avec cela de part & d'autre on a la liberté de se séparer, quand on ne se convient pas. Heureuse facilité ! qui rendrait l'ordre à bien des familles, si elle avait lieu chez d'autres gens que chez des idolâtres demi-sauvages. Mais en vain soupirons-nous pour tant de maris chrétiens, qui sont condamnés tout le reste de leur vie à un martyre continuel. Nos soupirs leur sont inutiles. Après le divorce les Formosans se remarient sans autre façon, mais tout ce qu'ils ont donné à ces femmes répudiées leur reste en propriété, à moins qu'il n'y ait cause d'adultère, ou quelque autre chose d'aussi grave.

C'est faire affront à un Formosan que de lui demander en présence de quelqu'un, de quelle famille est sa femme, si elle est belle ou laide, & comment elle se porte.

Il est permis aux femmes de se marier dès qu'elles sont devenues nubiles.
« Lorsqu'un jeune homme recherche une fille, il prie sa mère, sa sœur, ou quelque autre proche parente, d'aller chez elle, de lui offrir les présents qu'ils font en pareille occasion, & de la demander à son père, ou à sa mère, ou à ses parents. S'ils acceptent la demande, il faut que la parente du galant laisse ce qu'elle a apporté. »

Aussitôt l'affaire est faite. On se dispense de toute cérémonie, même du repas nuptial, pour aller à la conclusion. Les présents nuptiaux consistent en habits de toile ou de peau, bagues de métal & bracelets de bambou.

Il n'est pas permis aux femmes de mettre des enfants au monde avant l'âge de trente-six ou trente-sept ans. Cette circonstance paraît hors de toute crédibilité : mais, dit-on, les lois de la religion leur défendent le contraire, & l'on sait à quelles extrémités déraisonnables les lois d'une fausse religion conduisent les hommes. Quoi qu'il en soit :
« quand les Formosanes deviennent grosses, il faut qu'elles se fassent avorter, & comme il leur est défendu de conserver dans leur cœur aucun sentiment de tendresse naturelle,... voici ce qu'elles pratiquent. Elles envoient quérir la prêtresse & se couchant devant elle, cette prêtresse leur... foule le ventre... jusqu'à ce que le fruit en soit sorti. »

Cette pratique de religion paraît unique dans le monde.

Cérémonies funèbres.

Nous avons laissé le malade agonisant recommande à ses dieux. Les Formosans, nous dit une relation, ne lui laissent pas rendre tranquillement les derniers soupirs. On lui aide en le faisant boire, & de cette manière on l'étouffe. Après la mort on bat devant la maison du défunt un tambour qui est fait d'un tronc d'arbre creux : c'est pour annoncer cette mort au peuple. On lave le corps, on le pare, on l'habille du mieux qu'il se peut, on met les armes du mort auprès de lui & on lui présente du riz. Toutes ces choses restent là deux jours. Il ne faut pas oublier le sacrifice d'un pourceau pour le bon voyage du défunt. On élève un bambou avec une espèce de bannière au haut devant sa maison, & l'on met auprès une grande cuve pleine d'eau. Le soir on s'assemble & l'on boit du masakaw à la santé de ce défunt, les proches parents se jettent sur le corps & font au mort diverses questions sur le sujet qui lui a fait quitter la vie. Laissons leur cris funèbres & les pleurs mercenaires des pleureuses : car ces insulaires en ont, comme les Chinois, & comme plusieurs autres nations. Ces pleureuses débitent une espèce de prière pour les morts, elles s'adressent aux dieux & leur demandent une bonne place & de bons amis pour l'âme du mort. Au bout de deux jours on lave une seconde fois le corps, & souvent même une troisième & une quatrième. Les deux jours de ces cérémonies étant expirés, le mort, que l'on a élevé sur un échafaud de six ou sept pieds de haut, & sur lequel il est lié par les pieds & par les mains, est porté en cet état auprès d'un feu raisonnablement grand : on le laisse là sécher environ huit ou dix jours, aux dépens de l'odorat des parents & des amis, surtout quand le corps est gras ou rempli de mauvaises humeurs. Le mort étant sec on l'ôte de dessus son échafaud pour l'envelopper dans une natte, après quoi on le rapporte au logis & on l'y remet sur un échafaud plus haut que le précédent ; on environne l'échafaud de morceaux d'étoffe, en telle sorte que cela forme une manière de pavillon. Alors on recommence la fête des funérailles. Souvent le corps reste là trois ans entiers. Au bout de ce temps on enterre les os du mort dans sa maison : nouvelle cérémonie, qui est accompagnée d'une ivrognerie nouvelle. Si le mort a été homme de guerre, on répète les uns après les autres toutes ses belles actions militaires, & le nombre d'ennemis qu'il a tué pendant sa vie. On suspend au dessus de sa tête un bambou dans lequel on fait autant de coches que le guerrier a tué de gens. Une personne commise exprès veille neuf jours auprès du mort. Le dixième, on va faire un charivari autour de lui, avec les pleurs & les lamentations ordinaires. Le charivari contribue à chasser le diable, qui, disent-ils, a toujours été jusque-là auprès de ce mort. Si le défunt était marié, sa veuve prie les dieux pour lui. Après la sépulture du corps, elle prend un balai & le jette vers le Midi, en disant,
— À qui appartient cette maison ? elle ne m'appartient plus : je n'ai pas besoin de m'en embarrasser davantage.

Dans un bourg de l'île, lorsqu'un malade paraît en danger & souffre beaucoup, on lui met un nœud coulant autour du cou, après quoi on l'élève un peu, afin qu'il ne touche pas à terre, à peu près comme un bourreau, qui doit étrangler un criminel ; ensuite on le jette, ou on le laisse tomber, & voilà une succession ouverte à des parents, qui sans doute ont servi eux-mêmes de bourreau à ce malade.

 

Ces gens, dont on nous dit qu'ils ont quelque forme de tradition de père en fils pour justifier leur religion, & qui s'imaginent, comme plusieurs peuples plus éclairés qu'eux, que le monde est éternel; ces gens, dis-je, croient l'immortalité de l'âme. Lorsqu'une personne meurt, les Formosans élèvent une petite cabane, qu'ils environnent de verdure & de quelques autres ornements, pour y loger l'âme du mort. Quatre banderoles ornent les quatre coins de la hutte. Dans l'intérieur se voit une calebasse pleine d'eau fraîche, & un bambou, afin que l'âme puisse la prendre sans peine, quand elle aura besoin de se rafraîchir ou de se laver.

À l'égard des peines & des récompenses après cette vie, voici leurs idées. Les âmes des méchants sont précipitées & tourmentées dans une fosse pleine d'ordures. Celles des gens de bien passent gaiement par dessus la fosse par un pont de bambou fort étroit, & prennent la route d'un paradis sensuel, où l'on trouve tous les agréments de cette vie : mais quand les âmes des méchants passent sur le pont, il tourne tout d'un coup, & les âmes tombent dans la fosse. Pour ce qui est de la résurrection des corps, ils n'en ont aucune connaissance. Un dogme de cette nature est trop difficile pour des gens si ignorants. Ce n'est pas qu'on ne trouve des traces de cette opinion chez des peuples qui n'en savent guère plus qu'eux. On peut lire à cette occasion la dissertation d'un savant anglais sur cette matière.

Ils regardent comme péchés plusieurs choses que la loi naturelle défend, comme le larcin, le meurtre, le mensonge ; à quoi il faut ajouter, d'avoir manqué d'aller nu dans le temps prescrit, d'avoir mis des enfants au monde avant l'âge de trente-six ou trente-sept ans, &c.

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