Marie-Ferdinand Allou
EN CHINE
Librairie Delagrave, Paris, 5e édition sans date (4e édition: 1894), 296 pages. Illustré par De Bar, Scott, Toussaint, etc.
- "Le frère aîné de mon arrière-grand-père était parti pour la Chine au commencement de ce siècle. Il s'y était occupé de commerce, avait amassé une grande fortune et épousé la fille d'un mandarin. Son fils unique était venu en France et y avait passé quelques années. Puis, retourné dans le Céleste Empire, il s'y était marié à son tour, avait eu plusieurs enfants qui étaient tous morts. Maintenant il se faisait vieux et il écrivait qu'il se sentait trop âgé pour entreprendre le voyage de France : « Venez, disait-il en terminant, passer quelques années avec moi et remplacer les pauvres enfants que j'ai tant aimés. »
- Voyages, découverte, attrait de la Chine, exemple de Jules Verne et de ses Tribulations..., éducation de la jeunesse, moralité, style sérieux (écrire sur le droit de tutelle laisse des traces...), ces ingrédients utilisés dans la concoction romanesque donnent En Chine, ou les aventures d'une famille française partant visiter l'oncle Jean de Canton. — Prétexte à la connaissance d'un pays, un roman sympathique pour la jeunesse de la fin XIXe.
Extraits : Où l'on apprend ce que l'on voit et ce que l'on entend à Canton
Où l'on se passionne pour les fleurs - Où chacun se regarde avec étonnement
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Quel magnifique cortège nous formions ce matin avec nos huit chaises et nos trente-deux
domestiques, sans compter nos courriers et les crieurs annonçant notre passage et faisant faire place ! Li, qui nous servait de cicerone, occupait la chaise placée en tête, dont il sortait
fréquemment pour nous faire remarquer soit une jolie boutique, soit un monument curieux.
Nous commençons notre visite par les faubourgs occidentaux occupés par les commerçants et les industriels. C'est un quartier riche et populeux. Sauf les grandes artères de la ville, qui sont
assez larges, les rues en général sont petites et tortueuses. On s'y pousse, on s'y bouscule, sans qu'il arrive de graves accidents.
Depuis que nous sommes ici, je n'ai pas encore vu un seul cheval, et, de fait, il serait bien difficile à une voiture de circuler au milieu de la foule qui se presse dans ces petites rues
couvertes, ressemblant un peu aux passages que l'on rencontre dans nos grandes villes, avec la différence qu'ici de simples nattes remplacent les vitraux qui les préservent, en Europe, des
intempéries des saisons.
Les approvisionnements de toutes sortes se font par le moyen de deux corbeilles, que les Chinois portent aux bouts d'un long bâton, dont le point d'appui est l'épaule. En passant devant un marché
sur lequel on débitait des légumes, des volailles et autres denrées alimentaires, nous avons été frappés de la lourdeur des fardeaux ainsi transportés.
Pendant que nous regardions les Chinois et les Chinoises faire leurs emplettes, Li me tira vivement par le bras pour me faire reculer. Étonné de cette dérogation au calme qui lui est habituel, je
cherchais quelle en était la cause.
— Prenez garde, me dit-il, cela pourrait se répandre.
Je me retournai et je vis un homme portant un seau à chaque extrémité de son bâton, à la manière des porteurs d'eau de Paris. Mais mon odorat m'avertit que nous avions affaire à tout autre
liquide dont il serait, en effet, fort désagréable d'être arrosé.
Tout sert en Chine, et on y fait trafic des choses dont, en Europe, on se débarrasse à la faveur des ténèbres. Les Chinois sont blindés à cet égard. Des barques circulent à toute heure, remplies
d'engrais qu'ils viennent recueillir dans les maisons situées sur le bord des canaux. Ces habitudes, si contraires aux nôtres, dans des villes aussi policées, à d'autres égards, que celles de la
Chine, étonnent les Européens. Les Célestials ne s'en choquent nullement. Les paysans viennent, jusque dans les demeures des habitants de Canton, chercher ces produits humains, et ils donnent en
échange du bois, de l'huile, des légumes. Il y a dans chaque rue, pour les passants, des waterclosets, dont les propriétaires tirent avantage par ces échanges.
Sur les routes, de distance en distance, se retrouvent ces petits cabinets, blanchis à la chaux, couverts en terre ou en paille ; des inscriptions invitent les passants à honorer de leurs dons
les réceptacles fréquemment vidés par leurs propriétaires. Les enfants, les vieillards de la classe pauvre n'ont souvent d'autre occupation que la recherche du fumier. Les Chinois, dans leur
langage imagé, ont consacré une expression poétique à cette action qui l'est si peu. Ils appellent cela cueillir le fumier.
La terre est très divisée, et les Chinois ne ménagent pas leur peine pour lui faire produire deux et trois récoltes par an ; de là vient cette minutieuse recherche de l'engrais, car la terre ne
peut produire qu'autant qu'elle est soignée, engraissée, arrosée...
Nous visitâmes ensuite un mont-de-piété. Ces établissements, très nombreux en Chine et des
plus curieux, sont de véritables maisons de prêts sur gages.
En France, on se cache quand on est forcé de recourir à ce moyen extérieur pour procurer un morceau de pain à sa famille. On attend le soir pour s'y faufiler à la faveur de l'obscurité. Ici, il
n'en est pas de même. On va tranquillement porter des bijoux, des vêtements, des marchandises dans ces grands bâtiments, qui ressemblent à de hautes tours carrées, construites en pierres et en
briques afin qu'elles résistent aux nombreux incendies qui éclatent à Canton. Elles dominent par leur hauteur la plupart des habitations chinoises, qui sont en général très basses. L'intérieur
d'un mont-de-piété est très curieux à visiter ; il se compose de galeries assez nombreuses, auxquelles on accède par d'étroits escaliers. À chaque étage, un petit autel est consacré à une
divinité quelconque, qui est censée veiller sur les objets déposés.
Le besoin des monts-de-piété se fait plus sentir en Chine que partout ailleurs, à cause des habitudes mêmes des Célestials.
Le Chinois ne sait supporter ni le froid ni le chaud. L'hiver, il est rembourré de vêtements, car il ne fait guère usage du feu ; l'été, au contraire, il est aussi peu vêtu que possible, presque
à l'état de nature. Les habitations de la classe laborieuse sont extrêmement petites et ne peuvent contenir la quantité de vêtements nécessaires à toute une famille pendant la saison rigoureuse.
Lorsque le printemps arrive, ils sont donc portés au mont-de-piété par leurs propriétaires ; puis, quand l'été est passé, ceux-ci vont reprendre une à une ces robes de coton ordinairement bleues
et ouatées. Il n'est pas rare de rencontrer des ouvriers allant à leur travail portant l'une par-dessus l'autre jusqu'à cinq ou six robes superposées. Cela les rend aussi larges que hauts et fort
singuliers. Mais le but est atteint, ils se réchauffent sans feu.
Tous les objets déposés dans les monts-de-piété sont catalogués, et chacun d'eux porte sur une étiquette la date et le numéro de l'engagement. Par ce système, les dégagements peuvent se faire
presque à la minute.
Le rez-de-chaussée est occupé par les bureaux des employés. Au premier étage sont les objets volumineux ; au second, au troisième, ceux de plus en plus légers, et enfin, au dernier étage, les
objets de prix, les bijoux, les lingots, etc.
Les voleurs sont si nombreux en Chine, que les riches Célestials sont souvent obligés, pour mettre à l'abri de leurs tentatives ce qu'ils ont de précieux, de le déposer dans les monts-de-piété,
en sorte que nous trouvons dans celui que nous visitons des objets de prix et des plus curieux.
Enfin les monts-de-piété, qui sont des entreprises particulières rapportant beaucoup d'argent à ceux qui les ont fondées, prêtent aussi sur nantissement ou sur valeurs mobilières. L'intérêt est
ordinairement de trois pour cent par mois pour les prêts de peu d'importance. Pour les deux derniers mois de l'année, l'intérêt n'est plus que de deux pour cent, et quand les sommes prêtées sont
supérieures à dix taëls, il n'est plus que de un pour cent.
Le jardin du mandarin Han-toui est fort soigné. Une grande pièce d'eau, s'étendant jusque
sous les fenêtres du yamen et sur laquelle on peut se promener dans d'élégantes jonques dorées, est presque entièrement couverte de lotus, dont les immenses feuilles, toutes plissées et mesurant
plus de soixante centimètres de diamètre, et les belles fleurs d'un rose vif, qui en ont au moins cinquante, font un effet ravissant. Je ne puis me lasser d'admirer cette magnifique plante
aquatique, que l'on rencontre dans tous les jardins et pour laquelle les Chinois ont une prédilection marquée. Les petits kiosques, les ponts jetés gracieusement sur les ruisseaux, les saules
pleureurs, les pêchers qui tapissent les murs, les monticules, les vallées, enfin tout ce qui constitue un jardin chinois se trouve à profusion dans celui du mandarin Han-toui.
En France, nous aimons les fleurs, mais les Chinois se passionnent pour elles. Chaque plante est l'objet d'un véritable culte, qui inspire à lui seul une grande partie de leur poésie. Dans les
romans, dans l'histoire, jusque dans les habitudes de leur vie privée, on trouve des exemples de cet amour naïf et passionné. De graves magistrats s'invitent mutuellement à venir admirer leurs
pivoines et leurs chrysanthèmes. Il est même question, dans les monuments de la littérature chinoise, d'une sorte d'extase, que nos mœurs ne permettent guère de comprendre et qui consiste à
s'enivrer de la vue des plantes en cherchant à saisir, par une attention continue, les progrès de leur développement. Il n'est donc pas étonnant qu'ils excellent dans l'art d'embellir les espèces
rustiques, d'en faire doubler les fleurs, d'en modifier les couleurs, la forme primitive et d'en hâter la floraison.
Le grand luxe des Chinois est d'avoir le plus de fleurs possible, non seulement dans les
jardins, mais aussi dans les appartements ; d'immenses jardinières, des corbeilles disposées avec goût permettent, grâce à l'éclairage par en haut habituel aux maisons chinoises, de les conserver
comme en pleine terre. Ainsi chaque pièce devient une serre.
Les Célestials ont une grande prédilection pour les arbres nains, et ils ont inventé les plantes en miniature. Leurs arbres fruitiers, les arbres de leurs forêts, leurs bambous sont appauvris,
saignés, rabougris, déjetés par leurs soins ; puis, lorsqu'ils les ont rendus bien chétifs, bien tordus, bien monstrueux, ils les font colporter dans les rues et les vendent à des prix fous. Pour
obtenir de pareils avortons, ils s'y prennent avec une véritable cruauté : ils choisissent, dans les arbres en fleurs, les branches qui, par leur conformité naturelle, présentent les contours les
plus fantastiques et les plus difformes. Ils pellent l'écorce en forme d'anneau sur une longueur de deux ou trois centimètres environ. Sur cette plaie, ils appliquent de la terre végétale et la
maintiennent avec de la paille et des brins de rotin, en avant soin d'arroser cette motte de temps en temps, sans jamais la laisser sécher complètement. Bientôt des racines poussent et les fruits
annoncent une prochaine maturité. On coupe alors la branche entière, on taille les rameaux trop longs et l'on place le petit arbre dans un pot. Ils répètent la même opération pour les arbres des
forêts. Tout est combiné pour que ces plantes n'aient qu'une nourriture chétive. On les taille, et la sève est refoulée par des brûlures. Pour imiter les lichens, les loupes, l'écorce raboteuse,
en fait une incision par places à coups de canif, et on entretient ces blessures factices avec des sirops et du miel, où les fourmis viennent rassasier leur voracité aux dépens de l'arbre
martyr.
C'est ainsi que les Chinois obtiennent des arbres rachitiques et nains, à fruits arides et à feuilles rares et petites. Ces plantes invalides, entre les mains d'un jardinier qui sait calculer
leur torture, peuvent atteindre jusqu'à cinquante ans.
Ils taillent aussi les arbres de façon qu'ils représentent des lions, des chiens, des oiseaux, des vases. Je dois avouer que cela est très laid ; toutefois les jardiniers chinois font payer fort
cher ces singuliers produits de leur art.
Nous avions visité les plus beaux quartiers de Canton, mais les courses faites avec la
rapidité de nos porteurs de chaises ne pouvaient satisfaire complètement notre curiosité. Nous voulions voir les Chinois de plus près, sortir à pied et nous mêler à la foule qui circule dans les
rues de la ville.
Mon oncle Tcha-gan, devant qui nous exprimions ce désir, sourit un peu malicieusement.
— J'approuve beaucoup votre projet, nous dit-il ; mais, pour l'exécuter avec quelque fruit, il faut nécessairement revêtir le costume du pays.
En voyant que son opinion nous causait de l'étonnement il ajouta :
— J'étais si convaincu que vous seriez obligés de recourir à ce moyen pour satisfaire votre légitime curiosité de voyageurs, qu'avant même votre arrivée, je m'étais pourvu de toutes les étoffes
nécessaires à votre nouvelle garde-robe.
— Vous êtes vraiment d'une bonté qui nous confond, dit mon père.
— Ne me remerciez pas, répondit l'oncle Tcha-gan. Je suis sûr que ma nièce comprend toute la satisfaction que j'éprouverai le jour où je vous verrai tous en costumes de Célestial. Il me semble
que vous prendrez alors plus facilement les habitudes de ce pays et que vous y vivrez d'une façon plus agréable. Les costumes des dames sont fort gracieux, ajouta-t-il en se retournant vers ma
mère et ma sœur, et je vous assure que vous ne perdrez rien de vos charmes en revêtant les robes aux plis amples et aux larges manches. Nos étoffes sont aussi belles que celles de Lyon.
Le lendemain matin, plusieurs tailleurs arrivèrent et prirent mesure à chacun de nous pour les divers vêtements qui devaient composer nos costumes ; puis ils se mirent à l'ouvrage dans une vaste
pièce du yamen, qui leur fut abandonnée, car ici les tailleurs les plus en renom vont travailler chez les habitants qui s'adressent à eux.
Les étoffes les plus belles, les tissus les plus fins avaient été choisis par mon oncle ; et lorsque, après huit jours de labeur, toutes les pièces devant constituer nos costumes furent achevées
et rangées dans les grands bahuts de nos chambres, nous restâmes véritablement étonnés de la munificence de Tcha-gan.
Il s'agissait maintenant non seulement de revêtir ces riches costumes, mais encore de laisser faire à notre coiffure un changement indispensable et sans lequel l'œil le moins exercé eût bien vite
reconnu que nous n'étions que des Européens, des barbares déguisés.
Té, le barbier de mon oncle, arriva donc un matin dans la chambre de mon père, et se mit à notre disposition pleine et entière avec la politesse la plus humble. Mon père, mon oncle Charles,
Edmond et moi nous étions tous les quatre réunis, et, avant de livrer nos têtes au rasoir chinois, nous eûmes un moment d'hésitation ; mais, comme, après tout, nos cheveux auraient le temps de
repousser pendant la traversée du retour en France, l'un après l'autre, nous nous assîmes sur le fauteuil de l'exécution. Les cheveux de la tête furent rasés en conservant une sorte de couronne
sur le milieu du crâne, qu'on laissera croître indéfiniment, car c'est avec ce bouquet de cheveux, pour parler le langage imagé de notre artiste coiffeur, qu'on tresse la queue. Seulement, comme
nos chevelures étaient relativement très courtes, il fallut suppléer à l'insuffisance personnelle par l'adjonction de longues mèches de cheveux indigènes, dont le susdit barbier n'avait pas
manqué de se procurer une ample provision, et certes, il ne s'est pas montré avare de cette intéressante production du cru, car il nous a tous pourvu d'une superbe queue qui a au moins un mètre
de long. Mon oncle Charles avait entendu dire que les gens sérieux, les lettrés, portaient généralement la leur fort courte, pour montrer leur mépris de la mode, et Tcha-gan avait, en effet, une
queue des moins ambitieuses. Mais Té parut si attristé des réflexions de mon oncle, qu'il fallut en passer par l'exécution de ses désirs ; il voulait que nous lui fissions honneur.
Le temps était encore chaud, et le raccourcissement que nous venions de subir ne pouvait avoir d'inconvénient pour nos santés. Mais il paraît que, dans le nord de la Chine, l'usage d'avoir la
tête rasée engendre beaucoup de rhumes et de douleurs ; aussi a-t-on imaginé des sortes d'oreillettes doublées en fourrure, qui remplacent la chevelure absente. Les Chinois portent pour la même
raison des capuchons rouges ou bleus qui sont également fourrés et qui se rabattent sur la tête. Il serait assurément plus sage de conserver sa chevelure.
Quant aux infortunés Célestials qui sont affligés d'une calvitie complète, pour se mettre à la mode, ils fixent l'inévitable queue à leur bonnet.
Lorsque nous fûmes tous pourvus, Té, enchanté de son œuvre, nous regardait avec complaisance, exprimant la vive satisfaction qu'il éprouvait par un épanouissement inusité de sa face jaune et
ridée.
Ma mère et ma sœur n'avaient rien à changer à leur coiffure. Les jeunes filles chinoises portent leurs cheveux divisés en petites nattes jusqu'au jour où elles sont fiancées ; alors seulement
elles les relèvent en couronne.
Voici dans quel ordre nous revêtons toutes les pièces de notre habillement, du reste, très compliqué : d'abord une fine chemisette en soie blanche, boutonnant sur le côté droit, comme tous les
vêtements chinois, puis le caleçon et les bas également en soie blanche. Pendant l'hiver, ces derniers sont pourvus d'une épaisse semelle de coton rembourrée de déchets de soie, ce qui les rend
très chauds.
Ensuite vient le pantalon en brocart, retenu aux chevilles et à la ceinture par des cordons ; une robe assez longue en soie, boutonnée en sautoir, avec des manches qui s'élargissent vers le bas
en fer à cheval, de manière à cacher les mains ; le pardessus que nous passons après cette première robe est plus court et pourvu de larges manches moins longues que celles de la robe. Il se
boutonne en ligne droite par cinq boutons en cuivre ciselé... J'oubliais une belle ceinture de soie, à laquelle nous devons attacher une masse de petits objets dont un Célestial qui se respecte
ne saurait se passer : c'est d'abord une blague pour le tabac à fumer, un petit flacon pour celui à priser, un éventail, dont ici les hommes se servent aussi bien que les dames, et, ce qui semble
plus étrange, les hommes de toutes les conditions ; non seulement le jeune élégant qui s'étudie à jouer de l'éventail avec prétention et avec grâce, mais encore le lettré, le prêtre, le soldat,
l'ouvrier ; il est assez curieux de voir un maçon tenant d'une main l'éventail et de l'autre ses instruments de travail... Puis ce sont encore les baguettes d'ivoire à bouts d'argent, l'étui à
lunettes, car l'usage des lunettes est général ; elles ont des verres inouïs, grands comme une pièce de cinq francs et sont en cristal, avec monture en écaille ; elles donnent à la physionomie
une étrange expression et complètent la transformation d'un Européen en Chinois. Nos bottes en satin noir avec de hautes semelles blanches piquées ne furent point oubliées, non plus que la petite
pipe, qu'il est d'usage de fourrer dans l'une d'elles. Comme bijoux, nous avions chacun une belle bague en jade, qui était encore un gracieux cadeau de mon oncle, et enfin des chapeaux en peluche
avec les bords retroussés, d'où pend par derrière une magnifique plume de paon.
La toilette de chacun terminée, nous nous regardâmes avec un étonnement des plus risibles... ; positivement nous ne nous reconnaissions plus...
Je suis obligé de convenir que l'on est très commodément dans ces larges et soyeuses robes.
Enfin nous voici prêts et cette fois, sans guide, suivant nos désirs, nous nous aventurons dans les rues de Canton.
Ouvrage numérisé grâce à l’obligeance des Archives et de la
Bibliothèque asiatique des Missions Étrangères de Paris. http://www.mepasie.org