Robert Fortune

AVENTURES de Robert FORTUNE dans ses
VOYAGES EN CHINE à la recherche des fleurs et du thé.

 

Hachette, Paris, 1855, VII+265 pages.

 

Table des matières - Extraits : Shang-Haï - Palmiers et cyprès - Lire à l'écran Aventures de Robert Fortune

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Le voyageur dont l’ouvrage va nous occuper a fait à deux reprises plus de six mille lieues pour se rendre de Londres en Chine, et le lecteur ne devinerait jamais dans quel but, si nous ne venions immédiatement à son aide. M. Robert Fortune n’était, en effet, attiré dans le Céleste Empire, ni par l’ambitieuse idée d’une grande affaire commerciale, ni par le désir de faire faire à la science quelque nouveau progrès, à l’aide de ces coûteux et fragiles appareils d’un difficile transport ; ce n’était pas non plus l’inquiète curiosité ordinaire à ses compatriotes qui l’entraînait loin de sa patrie. Son voyage avait un but beaucoup plus simple et d’un attrait à la fois aimable et gracieux : M. Robert Fortune allait en Chine, à recherche des fleurs. (V.-A. Malte-Brun, 1855)


Table des matières

 

Chapitre I. Première vue de la Chine. — Hong-Kong. — Son port. — La ville de Victoria. — La Vallée heureuse. — Insalubrité. — Départ de Hong-Kong pour Amoy. — Station d’opium à Namoa. — Liberté dont y jouissent les Anglais. — Un nouvel amiral. — Le compte qu’il rend de sa mission à Pékin. — Amoy. — Courses aux environs. — Un dandy chinois et sa queue. — L’île de Kou-lang-Sou. — Tombeaux.

 

Chapitre II. Départ d’Amoy. — Un typhon dans le canal de Formose. — Chinchew, puis Chimou-Bay. — Manière de payer l’impôt. — Course à la pagode de Chimou. — Je suis volé. — Chusan. — Ting-Haï. — Ses habitants. — Ses boutiques et leurs enseignes. — Langue nouvelle. — Les Bulla-Bulla-Mandalîs ; les Chotta-Chotta-Mandalîs ; les Siensangs et les Aï-Says. — Procédé artificiel pour faire éclore des œufs de canard.

 

Chapitre III. Ning-Po. — La ville et la pagode des vents du ciel. — Un médecin missionnaire. — Comment les Chinois se garantissent du froid. — La rue des ébénistes. — Les arbres nains. — Les cormorans pêcheurs. — Shang-Haï à la fin de 1843. — Mon logis. — La ville et les environs. — Défiance des Chinois. — Les pépinières. — Difficulté d’y pénétrer. — Changement dans les sentiments des Chinois. — Un dîner et un sing-song chez un mandarin.

 

Chapitre IV. Voyage à Canton. — Retour à Ning-Po. — La chaise de Montagne. — Le temple de Tien-Tung. — Dîner avec les prêtres. — Étrange politesse des Chinois. — Mon séjour au couvent. — Chasse au sanglier. — Pou-Tou-Shan, ou l’île des Idoles. — Ses temples. — Cérémonies religieuses à Ning-Po et à Shang-Haï. — Procession en l’honneur des dieux. — Missions chrétiennes.

 

Chapitre V. Wou-Sung. — Station d’opium. — Le commerce de l’opium. — Ses effets sur les Chinois. — Shang-Haï en 1844. — Départ pour l’intérieur. — Ponts et canaux. — Aventure avec un cheval. — Surprise des indigènes à la vue d’un étranger. — Autre course. — Nouvelles villes chinoises. — Je suis volé. — Visite à la fameuse ville de Sou-Chao-Fou. — Retour à Shang-Haï. — Un bain public en Chine.

 

Chapitre VI. Le printemps dans le nord de la Chine. — Traversée sur une jonque chinoise. — Les passagers. — Ville tartare de Chapou. — Poule de peuple. — Une visite aux mandarins. — Diplomatie chinoise. — Comment elle est déjouée. — Retour à Shang-Haï. — Une lettre du Taotaï. — Réponse satisfaisante .

 

Chapitre VII. Départ pour Pou-Chao-Fou. — Le pont. — Les porteurs de chaises chinois. — Insolence de la foule. — La ville et les faubourgs. — Fourberie des mandarins. — Espionnage. — Le thé vert et le thé noir. — Je prends passage sur une jonque chinoise. — La fièvre. — Cérémonie religieuse à bord. — Nous sommes attaqués par des pirates. — Lâcheté des Chinois. — Les pirates sont battus. — Reconnaissance de l’équipage. — Nouveaux pirates, nouvelle victoire. — Ingratitude. — Départ de la Chine. — Arrivée en Europe.

Chapitre VIII. Second voyage en Chine. — Changements à Shang-Haï. — Départ pour l’intérieur. — Kia-Hing-Fou. — Le lotus. — Hang-Chao-Fou. — Le jardin de la Chine. — Aventures dans la ville. — Une auberge chinoise. — Un bateau de passage. — Je suis découvert. — Yen-Chao-Fou. — Un Chinois trompe un Chinois ! — Fausse alarme. — Hwuy-Chao. — Nous quittons le bateau. — Sung-lo-Sham. — Ses prêtres et son thé. — Nous repartons. — Coup de vent dans la montagne. — Ni-Chao. — Shaou-Hing-Fou. — Pak-Ouan. — Retour à Ning-Po.

 

Chapitre IX. Nouvelle tentative pour essayer de pénétrer par Fou-Chao-Fou jusqu’au pays du thé noir. — Elle échoue. — Je suis obligé de reprendre mon point de départ à Ning-Po. — Mon guide. — Second voyage sur la rivière Verte. — Yen-Tchao et Ta-Yang. — Un orage. — Un ménage chinois comme il y en a tant d’autres. — Notre bateau arrêté et la voile saisie pour dette. — Un créancier chinois. — Nan-Tchi. — Les moustiques. — Le tabac des moustiques. — Chang-Shan. — Description de la route. — Une auberge chinoise. — Deux Cantonnais. — Yuk-Shan. — Quan-Sin-Fou. — Ho-Kao. — La chaise des montagnes. — Yuen-Shan. — Première nuit dans une auberge chinoise. — Première vue des monts Bohéa. — Un coup de vent dans les montagnes. — Une bonne femme chinoise. — Sucre et cuiller à thé. — Un bon hôte. — Tsong-Gan-Hien.

 

Chapitre X. Wou-I-Shan. — Ascension. — Un temple bouddhiste. — Dîner avec des prêtres, conversation. — Clair de lune. — Vin chinois. — Les singes employés à la récolte du thé. — Le fleuve des Neuf-Détours. — Aventure de nuit. — Tsin-Tsun. — Pou-Ching-Hien. — Autre aventure de nuit. — Difficulté de trouver des porteurs. — Nous sommes obligés de repartir avec notre bagage sur le dos, au milieu de la pluie et de la boue. — Matinée passée avec des mendiants. — Les mendiants en Chine. — Le roi des mendiants. — Fin de nos misères — Retour à Shang-Haï.


Shang-Haï

 

Shang-Haï est le plus septentrional des cinq ports ouverts au commerce des étrangers par le traité de Nankin. On estime le total de sa population au chiffre de 270.000 âmes. Il est situé à une centaine de milles au nord-ouest de Chusan. La ville s’élève sur la rive gauche d’une belle rivière, à une douzaine de milles de son confluent avec le fameux Yang-tze-Kiang, le fils de l’Océan. Le chenal de la rivière de Shang-Haï est profond et d’une navigation facile quand on le connaît ; mais la rivière elle-même est remplie de bas-fonds de vase dangereux pour les navires étrangers, à moins qu’ils n’aient un bon vent et qu’ils n’aient eu le soin de se procurer un bon pilote avant d’entrer dans la rivière.

Je fis ma première visite à Shang-Haï à la fin de 1843, au moment où il venait d’être ouvert au pavillon anglais, et faute de mieux je me logeai chez une espèce de banquier ou de changeur du gouvernement, en compagnie de deux ou trois messieurs qui venaient d’arriver et se proposaient de fonder des établissements de commerce. Comme aucun de nous n’avait rien apporté de ce qu’il nous aurait fallu pour faire la cuisine, nos repas étaient nécessairement assez étranges, ni anglais ni chinois, mais tenant des deux écoles. Nos chambres à coucher étaient abominablement froides ; souvent le matin nous nous réveillions tout trempés de pluie dans nos lits, et, quand il tombait de la neige, elle entrait par nos fenêtres et faisait les plus tristes dessins sur le plancher. Néanmoins l’excitation produite sur nos esprits par tout ce que nous voyions autour de nous suffisait à nous tenir en bonne santé et en belle humeur, si bien que nous ne prenions pas garde à une foule de choses que dans d’autres circonstances nous aurions regardées comme des calamités. Dès que nous mettions le pied dehors, des centaines de gens s’amassaient autour de nous et nous suivaient partout, aussi curieux de nous voir que le provincial qui arrive à Londres est avide de voir la reine. Toutes les portes, toutes les fenêtres s’emplissaient de monde, hommes, femmes, enfants, et tous nous regardaient avec un air d’étonnement stupide comme si nous venions de la lune. Les enfants surtout nous montraient une espèce de crainte, de terreur superstitieuse entretenue sans doute dans leurs esprits par des parents qui éprouvaient eux-mêmes plus ou moins ces sentiments. Le nom que le populaire nous donnait, Kwei-tze, enfants du diable, n’était pas fait non plus pour nous mériter beaucoup de sympathies ni pour rassurer les enfants. Dans ces premiers temps de notre séjour, il était très ordinaire pour nous d’entendre des phrases comme celles-ci :

— Voilà les enfants du diable qui viennent,

ou :

— Viens voir un enfant du diable ;

quelquefois même on nous interpellait, et, en parlant à nos personnes, on nous appelait Kwei-tze, comme si c’eût été notre véritable nom. On se plaignit à diverses reprises au consul de cet état de choses, et à son tour il fit à ce sujet de vigoureuses remontrances au Taou-Taï ou premier mandarin de Shang-Haï. Cette politique était la meilleure à suivre ; au bout de très peu de temps on n’entendit plus que rarement cette appellation offensante, et s’il arrivait que quelque gamin, se rappelant trop fidèlement les leçons qu’il avait reçues, se permît d’y revenir, il était aussitôt réprimandé par l’assistance.

Le fait qui suit montrera l’espèce de crainte superstitieuse que nous inspirions aux habitants. Étant un jour allé dîner avec un ami à bord de l’un des navires mouillés dans la rivière, nous prolongeâmes notre visite jusqu’à onze heures du soir, attendu que, sans parler des charmes de la compagnie, nous trouvions les appartements du bord infiniment plus agréables que nos chambres sans feu et ouvertes à tous les vents. Or il faut savoir que non seulement les portes des villes chinoises se ferment à la nuit, mais que les communications entre les divers quartiers sont aussi interceptées vers dix heures du soir par des portes que l’on ferme avec soin. C’est un usage très ancien, adopté sans doute pour préserver les villes de toute surprise, pour protéger la paix publique contre les mouvements d’une populace toujours très facile à agiter, et on l’observe même dans les temps de calme. Il en résulta qu’à notre retour à terre nous trouvâmes les portes des faubourgs fermées, et, par le plus court chemin, nous en avions au moins une à passer pour gagner notre logis. Le silence de la nuit était profond ; les lumières étaient éteintes dans toutes les maisons ; l’innombrable multitude qui encombre les rues pendant le jour était jusqu’au dernier homme rentrée dans le repos.

— Comment allons-nous faire ? dît mon ami.

— Frappez à la porte, le bruit réveillera peut-être quelqu’un, ou, qui sait ? comme elle semble être très antique, peut-être cédera-t-elle.

Nous nous mettons donc à pousser de toutes nos forces, appelant en même temps quelqu’un pour venir nous ouvrir. A la fin arrivent avec leurs lanternes deux hommes à moitié endormis, à moitié réveillés et empaquetés dans des peaux de moutons, car il faisait très froid. Ils ne pouvaient pas voir, de l’autre côté de la porte, qui nous étions, et, comme nous leur parlions chinois, ils étaient complètement hors de garde et nous prenaient pour des compatriotes attardés. Ils tirent les verrous, ils ouvrent la porte, et tout d’un coup apparaissent à leurs yeux deux rejetons de la terrible race aux cheveux rouges. Je n’oublierai jamais leur épouvante, et, soit qu’ils nous prissent pour des êtres d’un autre monde, soit qu’ils imaginassent que nous traînions une autre armée après nous, ils s’enfuirent à toutes jambes, nous laissant maîtres de la porte et libres d’aller regagner nos lits, ce que nous fîmes tranquillement.

La ville de Shang-Haï est entourée de murs élevés et de remparts, comme la plupart des villes chinoises. L’enceinte de ces murs a peut-être trois milles et demi de développement. Bien que les portes soient fermées à la nuit, on peut toujours se les faire ouvrir pour quelques pièces de petite monnaie de cuivre. Une fois la porte ouverte, une multitude se précipite, mais il n’y a que le premier entrant qui paye et qui doive payer. Telle est la coutume ; aussi, quand un pauvre trouve la porte fermée, n’a-t-il qu’à attendre l’arrivée d’un plus riche que lui pour entrer.

Les temples sont nombreux à Shang-Haï, dans la ville et dans les faubourgs. Les diseurs de bonne aventure, les jongleurs sont aussi en force ; on en voit à tous les coins des rues et sur toutes les places : chose assez singulière, les pièces de théâtre se jouent très souvent dans les temples ; le sentiment religieux des Chinois n’y trouve rien à redire.

Les rues sont généralement très étroites, et pendant le jour encombrées par une multitude très active et très affairée. Les boutiques qui frappent le plus l’étranger sont les magasins de soieries, de broderies, de coton, de laine, de porcelaine, d’habits confectionnés, de pipes, de dessins, de bronzes, de curiosités et d’antiquités que décidément l’on trouve dans toutes les villes chinoises. Comme il est assez naturel, les boutiques où se vendent les denrées alimentaires sont les plus nombreuses, et quelquefois il est difficile de s’ouvrir un chemin à travers les immenses quantités de poissons, de quartiers de porc, de fruits, de légumes qui sont exposées dans les rues et interceptent la circulation. A chaque pas on rencontre des boulangers, des restaurateurs, des pâtissiers, etc. ; il y en a de toutes les sortes, depuis le pauvre diable qui porte sa cuisine sur son dos, qui frappe sur un bambou creux pour avertir les voisins de son passage, et dont tout l’établissement ne vaut pas un dollar, jusqu’aux tavernes, jusqu’aux jardins où l’on boit le thé et qui comptent les consommateurs par centaines. Pour quelques pièces de monnaie de cuivre (il en faut mille ou douze cents, selon le change, pour faire un dollar espagnol, cinq francs quarante-deux centimes), un Chinois dîne à son goût, avec du riz, du poisson, des légumes et du thé ; je crois, pour ma part, qu’il n’est pas de pays où il y ait moins de misère véritable qu’en Chine. Les mendiants n’y sont pas rares ; mais ils semblent être une espèce de race de bouffons, et ils sont bien traités par la population.

Shang-Haï deviendra bientôt, s’il ne l’est déjà, le port le plus important qui soit ouvert au commerce de l’étranger. Il est mieux placé qu’aucun autre pour fournir les thés et les soies qui sont demandés par l’exportation, pour écouler jusqu’aux extrémités de l’empire les cotons, les tissus, les métaux, etc., qu’apportent les navires de l’Inde, de l’Angleterre et des États-Unis. Tout cela arrive ou s’en va par les innombrables cours d’eau, fleuves, rivières, canaux, qui traversent le pays en tous sens ; les uns, présents de la nature, les autres, œuvres d’art admirables. Ils m’ont cependant bien souvent embarrassé, surtout lorsqu’il m’arrivait de ne plus savoir retrouver la grande route impériale, et c’était presque tous les jours. J’ai été, nombre de fois, obligé de m’emparer de force d’un bateau pour me faire remettre dans mon chemin. Ce n’était pas toujours chose facile ; car, dans le premier temps de mon séjour surtout, les bateliers chinois se sauvaient dès qu’ils apercevaient un Européen.


 

Palmiers et cyprès

 

Les plantations de thé devenaient de plus en plus considérables sur les versants des montagnes, car nous nous trouvions sur les limites du pays que j’allais explorer. Dans les vallées, les camphriers étaient très nombreux, surtout près des villages. Les arbres à suif occupaient toujours une grande place parmi les cultures du pays, et dans cette saison de l’année, couverts comme ils étaient de leurs fruits rouges et de leurs feuilles, ils produisaient le plus bel effet dans le paysage. C’est dans ces courses que je découvris une variété de palmier, un chamærops qui est de la plus grande utilité aux Chinois, et que j’espère voir acclimaté un jour en Angleterre et dans tous les pays du midi de l’Europe. Dans ce but, j’en ai adressé quelques plants à sir William Hooker, aux jardins royaux de Kew, avec prière d’en offrir au moins un à S.A.R. le prince Albert pour son jardin d’Osborne, dans l’île de Wight, et dans le botanical Magazine du mois de mars 1850, j’ai eu le plaisir de lire dans un article de sir W. Hooker : « Un palmier, chamærops excelsa, envoyé de Chine par M. Robert Fortune,  a bravé sans défense aucune les rigueurs du dernier hiver. » C’est cause gagnée.

Mais le plus bel arbre que je trouvai dans ce pays, c’est une espèce de saule pleureur que je n’avais jamais vue nulle part ailleurs. Dans une de mes courses, à environ un demi-mille de distance, je remarquai un arbre au port majestueux, haut d’une soixantaine de pieds, ayant le tronc aussi droit que le pin de l’île Norfolk, et des branches tombantes comme le saule de Sainte-Hélène. Qu’était-ce ? évidemment il appartenait à la famille des pins, mais il était plus beau et plus gracieux qu’aucun d’eux. Aussitôt je me dirigeai, ou, pour dire la vérité, je courus vers le lieu où il s’élevait, à la grande surprise de mes compagnons de voyage, qui crurent que j’étais devenu fou. Comme pour exciter d’autant plus mon imagination, il était couvert de fruits mûrs ; il fallait m’en procurer quelques-uns à tout prix. Mais l’arbre était enfermé dans un terrain clos de murs ; heureusement c’était le jardin d’une auberge. J’avoue que j’avais la tête montée au point de vouloir d’abord escalader le mur, et que j’eus besoin de me raisonner pour ne le pas faire, et de me dire qu’en ma qualité de soi-disant Chinois je commettrais tout au moins une inconvenance, si je me laissais aller à l’emportement de mes désirs. Je pris donc le parti d’entrer dans l’auberge, de m’asseoir tranquillement à une table et de commander un dîner. J’eus la patience de le consommer, puis de fumer une pipe avant d’aller me promener dans le jardin, où notre hôte, formaliste et poli comme un Chinois, me fit l’honneur de m’accompagner.
— Quel bel arbre vous avez là ! lui dis-je ; nous n’avons pas vu le pareil sur le littoral d’où nous venons ; seriez-vous assez bon pour nous donner quelques-unes de ses graines ?
— C’est un bel arbre, en effet,
répondit l’aubergiste, évidemment flatté de mon compliment ; et tout aussitôt il s’empressa d’accéder à ma requête. Je n’ai pas besoin de dire que je serrai précieusement les graines qu’il voulut bien me donner ; elles sont arrivées depuis saines et sauves en Angleterre, elles y ont bien réussi, et avant peu d’années nous pouvons espérer de voir embellir nos campagnes par cet arbre magnifique et charmant qui a reçu le nom de funereal cypress (cyprès funèbre).

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