H. Doré : ... Superstitions en Chine. Deuxième partie : Le panthéon. Tome IX

CHAPITRE IV : Taoïsme : Dieux, Immortels, Génies.

Variétés sinologiques n° 44, Imprimerie de la Mission catholique à l’orphelinat de T’ou-sé-wé, Zi-ka-wei, 1915, X+218 pages+76 illustrations.

  • Henri Doré poursuit sa présentation du panthéon chinois avec les dieux, immortels, génies et personnages taoïstes : Yuen-che-t'ien-tsuen, ou le premier principe, le Très Haut du Ciel ; Yu-hoang, le Jupiter taoïste ; T'ong-t'ien-kiao-tsou, regardé dans le taoïsme moderne comme le premier des patriarches, et un des plus puissants génies de la secte ; Hiuen-t'ien-chang-ti, à la tête des douze grands chefs des légions célestes, envoyé sur terre, les cheveux épars, nu-pieds, ceint d'une cuirasse d'or, vêtu d'une robe noire, et arborant sa noire oriflamme au milieu des pavillons noirs ; Tong-wang-kong et Si-wang-mou, le dieu et la déesse des immortels, les hommes qui vieillissent et ne meurent pas ; les Huit Immortels, justement, dont la légende ne remonte sûrement pas au-delà de l'époque des Song ; Tchang-tao-ling, qui reçut le titre héréditaire de T'ien-che Maître du ciel ; Li, Ma, Tchao, Wen, les quatre grands rois du ciel ; les douze esprits Ting et Kia ; Heng le Renifleur, et Ha le Souffleur ; Choen, auteur du Lié-tsé ; Hoai-nan-tse, le sage du sud de la Hoai ; Tchoang-tse, l'auteur du Nan-hoa-king, qui, pendant son sommeil, se transformait en un papillon qui s'en allait voltiger gaiement parmi les fleurs du jardin ; l'esprit de l'étoile Ts'ing-long, ou du Dragon bleu, et celui de l'étoile du Tigre blanc ; Pé-ho-t'ong-tse, l'esprit-grue, le fils de Tche-niu la Tisserande ; etc., etc.


Extraits : Le dieu et la déesse des ImmortelsLes Huit ImmortelsLes quatre grands rois du cielTchoang-tse, l'auteur du Nan-hoa-king
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Tong-wang-kong et Si-wang-mou : le dieu et la déesse des Immortels

La déesse Si-wang-mou. Cf. Henri Doré, Recherches sur les superstitions en Chine, Tome IX : Deuxième partie : le panthéon chinois, chapitre IV.  Taoïsme. Le dieu et la déesse des Immortels.
La déesse Si-wang-mou.

Notions préliminaires

Qu'est-ce qu'un Immortel, d'après les taoïstes ? L'Immortel, d'après la doctrine du taoïsme, est un homme qui vieillit et ne meurt pas. L'expression Sien (ou Hiuen) signifie, comme l'indique le caractère, un homme qui vit dans les montagnes, le solitaire de la montagne. Il est composé de deux parties : Jen homme, et Chan montagne. Les Immortels, à ne tenir compte que des apparences trompeuses, semblent mourir, mais ne meurent point en réalité. Ce qu'on est convenu d'appeler un cadavre, n'est pour eux qu'une métamorphose, ses os se transforment. Après la mort, ils conservent toutes les propriétés des vivants : leurs pieds ne deviennent pas livides, leur peau reste fraîche, leurs yeux ne sont pas éteints : morts en apparence, ils sont plus que jamais vivants. Les uns se dépouillent de la forme cadavérique, avant même la mise au tombeau ; les autres peuvent déjà voler dans les airs, quand leurs cheveux commencent à tomber : pour tous, le cadavre n'est qu'une transition, c'est comme l'étui de la métamorphose. Tel nous voyons le papillon aux brillantes couleurs sortir de son enveloppe grossière, dès que la transformation est achevée.

Pour mieux faire comprendre cette notion de l'ascète taoïste, voici en quelques lignes la théorie du taoïsme sur la classification des êtres surhumains qui peuplent l'univers.

Pour arriver au degré de transcendance accessible à l'humaine nature, il faut suivre un régime, il y a l'hygiène de l'âme et l'hygiène du corps, il faut d'abord s'abstenir de tout ce qui est capable d'user les forces corporelles, comme la luxure, la gourmandise, l'ambition, voilà le côté négatif. L'abstention ne suffit pas, il s'agit de trouver dans le système d'alimentation, dans la médecine, dans la pharmacie, dans la chimie, dans la gymnastique même, tous les éléments capables de renforcer l'esprit vital, l'essence des constitutifs Yng et Yang. Le maximum de forces vitales acquis, il faut en outre trouver le moyen de les conserver, de les mettre à l'abri des coups des maladies et de la mort, en un mot il faut se spiritualiser, se rendre comme indépendant de la matière. De là naquirent toutes ces expériences d'alchimie, pour emmagasiner dans la pilule d'immortalité tous les éléments requis au développement des forces vitales, et à la constitution d'un homme nouveau transcendant et surhumanisé. Dans cette perfection ascendante il y a divers degrés.

a. L'Immortel. — Le premier degré consiste à engendrer et à faire naître dans sa propre personne l'enfançon surhumain, qui arrivé à son parfait développement, sort du vieux corps, comme la cigale sort de sa coque : ce premier degré constitue l'ascète taoïste, l'Immortel. L'Immortel voyage à sa guise par tout l'univers, jouit de tous les avantages d'une brillante santé, sans redouter les maladies et la mort, mange et boit copieusement, rien ne manque à sa félicité.

b. Le héros ou homme parfait. — Le second degré est plus élevé encore ; chez eux, il ne reste pas même comme la coque d'une chrysalide, mais tout leur corps s'est spiritualisé, il est devenu si subtil, si transcendant, qu'il peut voler dans les airs ; porté sur l'aile des vents, assis sur les nuées du ciel, il voyage d'un monde à l'autre et fixe son séjour dans les astres ; il est affranchi de toutes les lois de la matière, qui cependant n'est pas complètement changée en un pur esprit.

c. Le saint. — Troisième échelon. Même parmi cette dernière catégorie, il y a des hommes supérieurs, doués d'un génie et d'une vertu extraordinaires, ces hommes éminents constituent la troisième classe des êtres surhumains, c'est-à-dire les saints.

Il y a comme on le voit trois catégories bien distinctes parmi les êtres taoïstes doués d'une puissance merveilleuse :

1° Les ascètes ou Immortels : Sien.
2° Les héros ou hommes parfaits : Tchen.
3° Les éminents parmi les parfaits : Cheng.

Les Immortels du premier rang voient s'opérer leur transformation en plein jour ; ceux du second rang subissent la métamorphose au milieu de la nuit ; quant à ceux qui sont métamorphosés le matin ou le soir, ils deviennent les maîtres de ce monde : tout dépend en somme du degré de connaissances infuses dont ils ont été favorisés.

I. Tong-wang-kong

Tong-wang-kong, dieu des Immortels, surnommé Mou-kong, comme nous venons de le voir, s'appelle encore I et Kiun-ming.

A l'origine, l'air primitif se figea et resta d'abord inactif, puis quand il se fut décidé à mettre le comble à ses mérites en produisant les êtres, il commença par former Mou-kong de la plus pure substance de l'air oriental, puis il le constitua Souverain du principe actif Yang et de tous les pays orientaux.

On trouve aussi Tong-wang-kong désigné parfois sous le nom de Yu-hoang-kiun le prince Yu-hoang. Son palais est dans les nuées du ciel ; les nuages violets en forment le dôme, et les nuages bleus en constituent les murs. Il a pour serviteur le "Jeune Immortel" Sien-t'ong, et pour servante l'Immortelle Yu-niu.

La liste des Immortels et des Immortelles est entre ses mains. Il est souvent appelé Tong-hoa-ti-kiun.

II. Si-wang-mou

1° Origine. Si-wang-mou a été formée de la plus pure quintessence de l'air occidental, dans le continent légendaire de Chen-tcheou. On l'appelle souvent "La Mère d'or de la tortue" Kin-mou. Son nom de famille a trois variantes principales : Heou, Yang et Ho. Son nom est Hoei, et son prénom Wan-kin.

Tong-wang-kong, formé de l'air oriental, est le principe actif de l'air mâle, et le souverain de l'air oriental ; Si-wang-mou, née de l'air occidental, est le principe passif, ou féminin, la souveraine de l'air occidental : ces deux principes, en se combinant, engendrent le Ciel et la Terre, tous les êtres de l'univers, et deviennent ainsi les deux principes de la vie et de la subsistance de tout ce qui existe.

2° Palais. Le palais de Si-wang-mou se trouve situé sur les hautes montagnes de la chaîne neigeuse de Koen-luen. Un rempart d'or massif entoure les douze corps de bâtiments à étage, tous bâtis en pierres précieuses, il a mille lis de circuit, soit environ 150 lieues françaises.

L'aile droite s'élève sur les bords enchantés "du ruisseau aux martins-pêcheurs", c'est la résidence habituelle des Immortels, près de l'aile gauche, séjour des Immortelles. Les Immortelles se divisent en 7 catégories spéciales d'après la couleur de leurs vêtements ; on distingue les Immortelles aux habits rouges, aux habits bleus, aux habits noirs, aux habits violets, aux habits jaunes, aux habits verts, et enfin celles aux habits couleur nature.

On admire la merveilleuse fontaine en pierres précieuses, où se tient annuellement le banquet des Immortels, dont nous allons bientôt parler. Tout Immortel avant de prendre possession du séjour de la béatitude, doit sa première visite à Si-wang-mou.

Tong-wang-kong et Si-wang-mou. Cf. Henri Doré, Recherches sur les superstitions en Chine, Tome IX, 2e partie : le panthéon chinois. Chap. IV :  Taoïsme.
Tong-wang-kong et Si-wang-mou, le dieu et la déesse des Immortels.

L'ouvrage Sien-fo-tsi-tsong nous dit que Mou-wang, qui régna 1005 av. J. C., alla rendre visite à une reine d'Occident nommée Si-wang-mou, qui habitait le massif montagneux de Koen-luen-chan, (certains ont avancé que ce serait peut-être Babylone ?) et qu'il eut avec cette souveraine une entrevue restée célèbre, sur les bords enchanteurs de la délicieuse fontaine Yao-tch'e.

Voici le texte de la célèbre chanson qu'on mit dans la bouche de Si-wang-mou à cette occasion ; elle est adressée à son impérial visiteur :

Dans les cieux se balancent les nuages blancs.
Les montagnes et les collines dentellent la terre.
Bien longue est ta route, traversant fleuves et montagnes :
Puisses-tu ne pas mourir, et vers nous revenir.

Des écrivains taoïstes en ont fait une autre Calypso, qui aurait enchanté Mou-wang, au grand détriment de ses devoirs impériaux. C'est une pure fable.

3° Ses images et son culte. Si-wang-mou est quelquefois figurée sous forme humaine, avec une queue de panthère, des dents de tigre, et les cheveux en désordre. Dans les tche-ma-tien, boutiques de papiers superstitieux, Tong-wang-kong et Si-wang-mou sont d'ordinaire gravés côte à côte, et on imprime leurs images sur les tche-ma écrivant au-dessus Mou-kong Kin-mou.

A l'époque des luttes féodales, à la fin de la dynastie de Tcheou, vers 400 avant J. C., Keou-tsien du royaume de Yué, (Tché-kiang actuel), et vainqueur du royaume de Ou, sur la demande de son ministre Wen-tchong, érigea un autel à Si-wang-mou dans le faubourg de l'Ouest de sa capitale. Il lui fit offrir des sacrifices, pour lui demander le bonheur et la longévité.

Cet exemple passa en coutume, dans la suite on la représenta sous la figure d'une noble matrone, et on prit l'habitude de lui sacrifier.

La légende rapporte que l'an 110 av. J. C., Si-wang-mou descendit en personne dans le palais de l'empereur Han-ou-ti, le jour anniversaire de sa naissance, et lui fit présent de sept pêches conférant l'immortalité.

Pour l'intelligence de cette fable, il faut savoir que les Immortels des deux sexes célèbrent chaque année, dans le palais de Si-wang-mou, sur les bords de l'enchanteresse fontaine Yao-tch'e, une fête solennelle, nommée P'an-t'ao-hoei, la fête des Pêches. On leur sert, outre les mets recherchés, palmes d'ours, lèvres de singes, foie de dragon, et moelles de phénix, etc. des pêches, cueillies dans son verger, douées de la mystérieuse vertu de conférer l'immortalité à tous ceux qui ont le bonheur de les goûter. La description du verger, la cueillette des pêches, et les apprêts de cette fête sont décrits en style romantique dans le Si-yeou-ki.

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Les huit Immortels

Copieuses libations des Immortels.Cf. Henri Doré, Recherches sur les superstitions en Chine, Tome IX, 2e partie : le panthéon chinois. Chap. IV :  Taoïsme.
Trop copieuses libations des Immortels.

La légende concernant les Huit Immortels ne remonte sûrement pas au-delà de l'époque des Song ; il paraît même très probable qu'elle fut inventée sous la dynastie des Yuen de 1280-1368 ap. J. C.

C'est l'opinion du célèbre écrivain Hou-yng-ling et il en donne la raison dans ses ouvrages. Les empereurs de cette dynastie manifestaient leur préférence pour le taoïsme, qui fit de rapides progrès sous leurs règnes.

Ils donnèrent à Han-tchong-li le titre de Vrai principe masculin ; à Liu-tong-pin celui de Pur principe actif ; Ho-sien-kou passa du coup pour son élève... peu à peu, ce langage devint à la mode. Ce fut aussi à cette époque la première fois qu'on fit intervenir les Huit Immortels dans les comédies, et pour offrir ses félicitations lors du cinquantenaire des gens. Avant la dynastie des Yuen, dit cet auteur, on ne trouve pas trace de pareils faits.

Parmi les divers noms des Pa-sien Huit Immortels, on en trouve quelques-uns qui sont historiques, d'autres qui ne se lisent que dans les romans et les fables. Dans les petites notices que nous allons donner, nous exposerons brièvement les données, tant historiques que romantiques, relatives aux divers personnages qui figurent çà et là sur les listes des Huit Immortels.

Nous allons tout d'abord donner leurs noms, d'après les listes diverses, leur division en catégories, et leurs caractéristiques, puis nous les étudierons chacun en particulier.

Le réveil des Immortels. Henri Doré, Superstitions en Chine, Tome IX.
Les huit Immortels à leur réveil.

Liste des Huit Immortels, d'après les divers auteurs

1° D'après le Che-ou-yuen-hoei, livre 33, p. 7 : Han-tchong-li ; Liu-tong-pin ; Tchang-kouo-lao ; Lan-ts'ai-houo ; Han-siang-tse ; Tsao-kouo-kieou Ho-sien-kou ; Li-yuen-tchong.

2° D'après le (Yuen-long) T'ong-kao-ts'iuen-chou, (Wai-kiuen), p. 18 : Dans cet ouvrage nous trouvons les mêmes noms que dans le précédent, à une exception près, c'est-à-dire que Li-yuen-tchong y est remplacé par T'ié-koai-li. C'est cette seconde liste qui semble avoir prévalu, comme le prouvent les images populaires, et la manière habituelle de nommer les Huit Immortels.

3° Le Siu-wen-hien-t'ong-kao, livre 241, p. 3. 47 donne la liste suivante : Han-tchong-li ; Liu-tong-pin ; Lan-ts'ai-houo ; Han-siang-tse ; Ts'ao-kouo-kieou ; T'ié-koai-li ; Fong-seng-ko ; Hiuen-hou-tse.

4° Dans l'ouvrage Yen-pou-tsa-ki, livre 6, p. 16, figure une quatrième liste, assez originale, des Huit Immortels, la voici : Li-eul ; Yong-tch'eng ; Tong-tchong-chou ; Tchang-tao-ling ; Yen-kiun-p'ing ; Li-pa-pé ; Fan-tchang-cheou ; Ko-yong-koei ; Sien-wong

Classement et caractéristiques des Huit Immortels

1° Classement.

Parmi les Huit Immortels, on trouve les représentants de toutes les classes de l'humanité. Les vieillards sont figurés par Tchang-kouo-lao ; les jeunes gens par le petit neveu de Han-yu, Han-siang-tse. Han-tchong-li est le représentant des militaires, et Liu-tong-pin celui des lettrés et des riches de la terre.

La noblesse y est figurée par Ts'ao-kouo-kieou, la classe indigente par Lan-ts'ai-houo, les malades par le boiteux T'ié-koai-li et les personnes du sexe par Ho-sien-kou.

On trouve aussi sur les images trois groupes de Pa-sien : les Immortels des premiers temps, les Immortels du Moyen-âge, et les Immortels des temps modernes.

Les Pa tsien Huit Immortels. Cf. Henri Doré, Superstitions en Chine, Tome IX. Taoïsme.
Les Huit Immortels : Liu-tong-pin, Han-tchong-li, Ho-sien-kou, Tchang-kouo-lao,
Les Pa tsien Huit Immortels, suite Cf. Henri Doré, Superstitions en Chine, Tome IX. Taoïsme.
Lan-ts'ai-houo, Ts'ao-kouo-kieou, T'ié-koai-li, Han-siang-tse.

2° Insignes caractéristiques.

a. Tchang-kouo-lao est représenté avec son âne, quelquefois même, il le monte à rebours, le dos tourné vers la tête de l'animal. Il porte en main une plume de phénix, et plus rarement une pêche d'immortalité.

b. Lan-ts'ai-houo joue ordinairement de la flûte : c'est le chanteur, ou la chanteuse des rues, symbole des saltimbanques. Deux longues planchettes, ou castagnettes, qu'il frappe l'une contre l'autre achèvent le portrait.

c. Han-siang-tse porte son panier de pêches d'immortalité, ou un bouquet de fleurs.

d. Han-tchong-li agite son éventail en plumes Yu-mao-chan ; on le trouve aussi tenant en main sa pêche d'immortalité.

e. Liu-tong-pin est armé de son sabre magique, pour pourfendre les diables, Tchan-yao-koai et porte à la main son yun-tcheou sorte de chasse-mouches, en forme de queue de cheval. Cet insigne taoïste est comme le signe testificateur du pouvoir de voler dans les airs, et de se promener sur les nuées du ciel, à son gré.

f. Tsao-kouo-kieou tient à deux mains son yun-yang-pan, sorte de tablette, autrefois de rigueur pour se présenter aux audiences impériales. Le p'ou-sah ou l'Immortel qui est ainsi représenté a donc ses entrées libres pour les audiences des divinités supérieures. Ts'ao-kouo-kieou était allié de la famille impériale, et avait du fait accès auprès de l'empereur.

g. T'ié-koai-li est représenté avec sa jambe de fer, et sa gourde, contenant des remèdes magiques. Son image sert habituellement d'enseigne aux pharmacies des grandes villes en Chine.

h. Ho-sien-kou est peinte tenant à la main une fleur de lotus magique, ou avec la pêche que lui donna Liu-tong-pin, dans les gorges de montagnes, pour lui faire reconnaître sa route. Souvent encore elle joue du cheng, instrument de musique chinois, et boit du vin. C'est la beauté facile ! et Liu-tong-pin son sauveur, est le lettré aux mœurs plus faciles encore, comme on peut le voir par la grande et belle image que j'ai pu me procurer, et que les Chinois nomment : Liu-tong-pin-hi-mou-tan : les amours de Liu-tong-pin pour une pivoine !

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Les quatre grands rois du ciel

I. Leurs palais.

Les palais des quatre rois célestes sont bâtis sur la montagne Siu-mi, appelée encore la montagne des "Quatre trésors", sa hauteur est de trois millions trois cent soixante mille lys. Le versant oriental est d'or, le versant occidental est d'argent, le sud-est de cristal et le nord-est d'agate.

II. Leurs noms.

Le premier s'appelle P'i-p'ou-tong-tch'a T'ien-wang. Le second s'appelle P'i-pou-pouo-tch'a T'ien-wang. Le troisième s'appelle T'i-t'eou-lai-hoa T'ien-wang. Le quatrième s'appelle P'i-cha-men T'ien-wang. Ces noms nous sont donnés par le Cheou-chen-ki, au titre T'ien-wang, fin du second livre.

Le Si-yeou-ki donne deux autres noms de rois du Ciel : Tseng-tchang T'ien-wang, T'ouo-t'a-li T'ien-wang. Ce dernier est devenu le plus populaire de tous ; comme son nom l'indique : Li le Porteur de tour, il est représenté portant une tour de pagode dans ses mains. Son nom est Yuen-pa et son prénom Tsing.

Dans les temples taoïstes, ces quatre rois sont représentés assez souvent de la manière indiquée par les figures ci-jointes. On les nomme Li, Ma, Tchao, Wen, qui sont des noms taoïstes, et des représentations taoïstes. Dans une notice sur les quatre King-kang, nous avons donné les images des pagodes bouddhiques, et leurs noms les plus populaires.

III. Leur culte.

Au temps où T'ang-t'ai-tsong, second fils de T'ang-kao-tsou, guerroyait pour affermir la nouvelle dynastie, dont son père fut le fondateur (620 ap. J. C.), un Esprit descendit du ciel en sa présence :

— Je me nomme P'i-cha-men T'ien-wang, lui dit-il, et je veux t'aider à rétablir la tranquillité dans l'empire.

De sa main il appréhendait un monstre à tête de porc et à trompe d'éléphant ; sa seule présence suffisait pour ramener la paix, en quelque lieu que ce fût.

Dès que Li-che-ming eut succédé à son père, il promulgua un édit enjoignant à tous les officiers de l'empire d'offrir des sacrifices au roi du Ciel P'i-cha-men.

Song-jen-tsong au début de la période de son règne connue dans l'histoire sous le nom de T'ien-cheng, 1023 ap. J. C., donna ordre à tous les préfets de lui bâtir des temples, et de faire placer l'inscription T'ien-wang Roi du Ciel, au frontispice des nouvelles pagodes bouddhiques. On bâtit dans tout l'empire un grand nombre de pagodes dédiées au Roi du Ciel.

Ce récit est corroboré par le témoignage du Hai-yu-ts'ong-kao. Un grand nombre de pagodes bouddhiques, dit-il, portent le nom de Temple du Roi du ciel, T'ien-wang-t'ang; sous l'empereur T'ang-hiuen-tsong période T'ien-pao, les Barbares vinrent pour s'emparer de la ville de Si-ngan-fou au Chen-si ; l'empereur manda Pou-k'ong-san-ts'ang pour faire des incantations et les mettre en fuite. Aussitôt apparut un Esprit, revêtu d'une cuirasse d'or ; le bonze dit que le second fils de ce P'i-cha-men T'ien-wang, nommé Tou-kien, était parti au secours des combattants. Bientôt on put annoncer à l'empereur que tout danger avait disparu, que T'ien-wang le roi du ciel était apparu dans les régions du N. O. et avait balayé les ennemis. L'empereur commanda qu'on exposât son image sur toutes les routes.

 


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Tchoang-tse, l'auteur du Nan-hoa-king

Tchoang-tse. Cf. Henri Doré, Superstitions en Chine, Tome IX.
Nan-hoa Tchoang-cheng (Tchoang-tse).

Tchoang-cheng, appelé encore Tchoang-tcheou et Tchoang-tse, était un descendant éloigné de Tchoang-wang, roi de Tch'ou ; il habitait T'ong-chan dans le territoire de Mong-hien où il exerçait une charge officielle, ce fut là qu'il se déclara disciple de Lao-tse. Pendant le jour il s'endormait fréquemment et pendant son sommeil, il se transformait en un papillon qui s'en allait voltiger gaiement parmi les fleurs du jardin. A son réveil, il sentait encore le mouvement instinctif de ses épaules qui s'agitaient comme pour voler. Fort surpris de ce phénomène, il en demanda la raison à Lao-tse.

— Vous ignorez votre origine, répondit Lao-kiun. Jadis vous étiez un papillon blanc qui, après avoir mangé la quintessence des fleurs, et vous être nourri de la quintessence du In et du Yang, devait atteindre l'immortalité, mais un jour vous avez volé les pêches et les fleurs du jardin de Wang-mou-niang-niang pour les manger ; l'Oiseau bleu, gardien du jardin, vous mit à mort et vous avez dû vous réincarner.

Tchoang-tcheou eut alors la clef du mystère ; il avait cinquante ans à cette époque. Lao-tse voyant qu'il était vertueux, lui remit les cinq mille caractères du Tao-té-king, il les apprit, vit son corps se subtiliser et put changer de formes à volonté ; il renonça à sa charge, quitta Lao-tse et passa dans le royaume de Ts'i, où il se lia d'amitié avec un riche commerçant nommé T'ao-tchou-kong. Plus tard il gagna le royaume de Tch'ou où le prince Hoei-wang, 488-432 av. J. C., le prit pour maître ; ce fut dans ce pays qu'il composa les 9 chapitres du Tong-ling-king en collaboration avec son ami Keng-sang-tch'ou. Un homme du pays nommé T'ien-ts'i cherchait un gendre, il jeta son dévolu sur Tchoang-tcheou et lui donna sa fille en mariage.

Tchoang-tcheou avait déjà épousé deux femmes, la première était la fille de M. Tch'ou qui lui avait donné un fils nommé Tchoang-k'iao ; cette première femme mourut, alors il en prit une seconde, madame Song, qu'il répudia pour sa mauvaise conduite. Il épousait donc en troisièmes noces la fille de M. T'ien.

Il resta un peu plus d'un an chez son beau-père, puis il partit pour la grotte de Lien-hoa-tong, dans la montagne de Miao-kou-ché-chan à Tchao-ti, où il reçut pour disciple un habitant du Liao-tong nommé Ting-ling-wei jadis appelé Ting-kou.

Après ces pérégrinations il retourna dans le royaume de Tch'ou ; du matin au soir il était occupé à composer des ouvrages, et ses écrits réunis auraient suffi à charger cinq brouettes.

Wei-wang, le roi de Tch'ou, lui proposa trois fois des charges officielles par l'entremise d'un haut fonctionnaire, une première fois il lui fit offrir 100 pièces d'or, la seconde et la troisième fois mille pièces d'or, toujours il refusa.

Il fit comprendre à l'envoyé que si le roi voulait absolument se servir de lui, il pouvait appeler son fils. On s'arrêta à ce dernier parti et son fils devint ministre.

Condamnation du fils de T'ao-tchou-kong

T'ao-tchou-kong avait trois fils, le second nommé T'ao-pien s'enivra et se rendit coupable d'homicide, il fut incarcéré et allait être décapité. Le père envoya son fils aîné Tch'e-suen avec une lettre et de l'or, pour prier Tchoang-cheng de lui prêter son concours dans cette pénible conjoncture. Il recommanda préalablement à son fils de ne pas s'immiscer dans cette affaire, mais de remettre simplement la lettre et la somme à son ami, en lui laissant toute sa liberté d'action.

Tchoang-cheng dit au jeune homme qu'il pouvait retourner, mais il ne fut pas obéi. Il alla quand même trouver le roi de Tch'ou et l'informa qu'une étoile néfaste venait d'apparaître au firmament, et que le seul moyen d'éviter des malheurs publics serait de gracier tous les prisonniers de l'État. Le roi donna un édit rendant la liberté à tous les détenus.

Tch'e-suen qui n'était pas au courant de ce que venait de faire Tchoang-cheng et le croyant inactif, lui redemanda son or ; Tchoang-cheng le lui rendit mais non sans maugréer. Il retourna au palais et fit savoir au roi que parmi les prisonniers graciés, il se trouvait un nommé T'ao coupable d'homicide, qui, au sortir de prison, faisait courir le bruit que le roi avait été acheté à prix d'or, et pour ce motif avait ouvert les prisons. Le roi le fit immédiatement saisir et décapiter.

Son frère lui donna la sépulture et rentra chez lui. T'ao-tchou-kong le réprimanda et lui dit :

— C'est ton amour pour l'or qui l'a perdu.

Tchoang-cheng confia son disciple à Feou-k'ieou-wong son ami et reprit la route de Song avec son épouse ; il se retira dans la retraite de Nan-hoa-chan à Ts'ao-tcheou, et passait ses journées entières à écrire. Ce fut là qu'il composa les 33 chapitres du Nan-hoa-king.

Un jour qu'il se promenait au bas de la montagne, il vit un tumulus tout fraîchement élevé sur une tombe, à côté une jeune femme en deuil, tenant en main un éventail, était tout occupée à éventer la terre fraîche. Assez intrigué tout d'abord, Tchoang-tcheou lui demanda pourquoi elle éventait ce tumulus.

— C'est, reprit la jeune femme, parce que mon mari m'a ordonné d'attendre que la terre fût desséchée sur sa tombe avant de me remarier.

Tchoang-cheng reprit :

— Peut-être pourrais-je vous prêter mon concours, qu'en pensez-vous ?

Il prit l'éventail, l'agita et immédiatement la terre se sécha. La jeune veuve le remercia et partit.

Tchoang-cheng raconta cette épisode à sa femme après son retour de promenade. Son épouse se récria et qualifia d'inconvenante la conduite de cette femme.

— Il n'y a rien pourtant qui doive surprendre, reprit le mari, c'est ainsi que les choses se passent d'ordinaire.

Son épouse voyant que son mari voulait se moquer d'elle, se mit à protester avec serment. Quelque temps après Tchoang-cheng mourut ; son épouse très attristée l'ensevelit.

Quelques jours après, un jeune homme appelé Tch'ou-wang-suen arriva avec l'intention, disait-il, de se mettre sous la conduite de Tchoang-cheng ; quand il apprit qu'il était mort, il se rendit auprès de son tombeau et se prosterna pour le saluer, puis il alla s'installer dans une chambre libre, disant qu'il allait étudier. Un demi-mois se passa, la veuve demanda alors à un vieux serviteur qui accompagnait Tch'ou-wang-suen si ce jeune homme était marié, et sur sa réponse négative, elle pria le vieillard de bien vouloir lui offrir sa main. Wang-suen fit quelques difficultés, alléguant qu'on pourrait critiquer leur conduite.

— Puisque mon mari est mort, il n'y a rien à dire, reprit la veuve.

Sur ce, elle quitta ses habits de deuil et se prépara au mariage.

Wang-suen lui montra la tombe de son mari et lui dit :

— Monsieur est ressuscité !

Elle regarda Wang-suen et reconnut les traits de son mari. Elle en éprouva une telle honte qu'elle se pendit. Tchoang-cheng ensevelit sa femme dans son tombeau vide, puis se mit à chanter.

Il mit le feu à sa maison, s'en alla à Pou-choei, où il s'occupait à pêcher. De là il passa à Tchong-tiao-chan où il rencontra Fong-heou et sa maîtresse Hiuen-niu, appelée aussi T'ien-mou, la mère du Ciel. En sa compagnie il aimait à se promener dans les cieux, à visiter les palais des astres. Un jour qu'il assistait à un banquet des dieux chez la déesse Wang-mou, Chang-ti lui donna la royauté de la planète Jupiter et lui assigna comme palais l'ancienne demeure de Mao-mong, dieu stellaire qui s'était réincarné au temps de la dynastie des Tcheou. Il n'était pas encore de retour et avait laissé son palais vacant. Toutefois Chang-ti lui recommanda de ne jamais s'absenter sans sa permission.

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