Tchou-hi (1130-1200)

KIA-LI Livre des rites domestiques chinois de Tchou-hi (1130-1200)   traduit et commenté par  Charles de HARLEZ (1832-1899)  Bibliothèque orientale elzévirienne, E. Leroux, Paris, 1889, 168 pages.

KIA-LI
Livre des rites domestiques chinois

Traduit et commenté par Charles de HARLEZ (1832-1899). Bibliothèque orientale elzévirienne, Ernest Leroux, Paris, 1889, 168 pages.

 

  • Extraits de l'introduction de C. de Harlez : "Le Kia-li ou Manuel des Rites domestiques est un des ouvrages les plus connus du célèbre philosophe Tchou-hi auquel la « philosophie naturelle » des Chinois dut sa consécration définitive."
  • "L’empire des Fleurs avait trois recueils des rites : le Y-li, ...le Tcheou-li, ...le Li-Ki. Aucun des trois ne pouvait répondre au but que se proposait Tchou-hi... Il rédigea donc un manuel abrégé qu’il destinait à son usage personnel et ne pensait nullement à livrer au public. Mais un de ses serviteurs ou employés le vola et le livra à un éditeur.Le petit livre reçut du public l'accueil le plus enthousiaste."
  • "Le Kia-li ne comprend point les règles de tous les actes de la vie privée, celles des repas, de la réception des hôtes entr’autres y manquent complètement. Tchou-hi ne s’est attaché qu’aux règles d’une application générale et d’un caractère plus ou moins religieux, aux grands faits de l’existence humaine."


Table des matières
- Extraits : Introduction - Des rites en général - Sacrifice des quatre saisons
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Table des matières

I. Des rites en général. Nature, origine, importance, caractère obligatoire.

II. Temple ancestral. Son but ; sa construction ; sa disposition ; sacrifices et annonces.

III. Règles de la vie domestique. Devoirs du chef de famille ; l’autorité dans la famille. Devoirs des enfants, règles de leur journée ; obéissance. Remontrances à faire à leurs parents. Piété filiale. Conduite des parents à regard des enfants rebelles. Quartiers des hommes et des femmes. Règles concernant les femmes. Devoirs des jeunes gens envers les gens plus âgés. Naissance d’un enfant ; éducation des garçons et des filles. Devoirs des serviteurs.

IV. Cérémonies de la prise du bonnet viril.

V. Prise de l’épingle.

VI. Cérémonies des fiançailles.

VII. Du mariage. Demandes et présents. Rencontre des époux. Visite de la mariée. Visite au temple. Visites du marié.

VIII. Du deuil. Rappel du mort ; Premiers arrangements. Petit ensevelissement. Grand ensevelissement. Vêtements de deuil. Pleurs et libations. Visites. Annonce d’un deuil. Enterrement. — A. Préparatifs, sépulture, inscription, objets présentés. B. Présentation du mort aux ancêtres, libations, etc. C. Cimetière, enterrement, sacrifice, monument, etc. D. Retour du cimetière. E. Sacrifice d’apaisement. F. Cessation des pleurs. G. Sacrifice d’association. H. Petit siang. Grand siang. I. Fin du deuil Tchan.

IX. Du sacrifice. 1. Sacrifice des quatre saisons. Préparation, jeûne. Sacrifice au trisaïeul. Cérémonies. Triple oblation. Oblation de la viande. 2. Sacrifice au premier ancêtre. 3. Sacrifice aux aïeux. 4. Sacrifice aux parents récemment décédés. 5. Jour anniversaire de la mort. 6. Sacrifice aux tombeaux.

Tableaux des diverses espèces de deuil. I et II. Les cinq espèces d’habits de deuil. III. Deuil des épouses secondaires. IV. Deuil des parents. V. Deuil des parentes. VI. Parenté provenant de plusieurs mariages, adoption, allaitement, etc. VII. Parenté féminine. VIII. Deuil de la femme pour les parents de son mari.

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Introduction

Le Kia-li ou Manuel des Rites domestiques est un des ouvrages les plus connus du célèbre philosophe Tchou-hi auquel la « philosophie naturelle » des Chinois dut sa consécration définitive. Tchou-hi naquit en 1129 p. C. à Tai Tcheou, dont son père était gouverneur, et reçut de lui une première éducation très soignée. Orphelin jeune encore, il alla écouter les leçons des maîtres les plus fameux et remporta les plus brillants succès. Tout en cultivant la sagesse, il accepta des fonctions publiques pour avoir l’occasion d’y pratiquer les préceptes qu’il avait appris de ses maîtres et fut, en effet, on peut le dire, le modèle des magistrats. Pour gérer convenablement les affaires, soigner les intérêts du peuple, réprimer les concussions et l’oppression, il n’épargnait ni peine, ni fatigue et l'on peut dire que dans son gouvernement les fonctionnaires prévaricateurs tremblaient, croyant le voir toujours présent.

Cette circonstance même était faite pour lui attirer des ennemis. Ils profitèrent de ses enseignements philosophiques si éloignés de ceux de Kong-fou-tze et de Meng-tze pour le faire disgracier, bannir de la cour et priver de tout emploi. Dans sa retraite, Tchou-hi continua ses travaux, commenta les King et composa entr'autres les deux ouvrages qui nous intéressent le plus pour le moment ; la Siao-Hio ou « petit enseignement » opposé au Ta-Hio de Kong-tze et le Kia-li ou Rites de la maison, de la famille, dont nous donnons ici une traduction commentée. Le mot chinois li que nous traduisons par « rites » a bien en réalité ce sens et originairement il ne devait pas en avoir d’autre. Le caractère qui le représente figure, en effet, les offrandes du sacrifice réunies et complètes en même temps que l’idée d’annoncer les prescriptions religieuses. Mais sa compréhension s’est agrandie de beaucoup et, dès les temps anciens, nous le voyons désigner toutes les règles non seulement des actes religieux et relatifs au culte, mais de toutes les actions de la vie publique ou privée. Les moindres choses dans la vie domestique comme dans l’exercice de l’autorité ont leurs rites. Ce n’est point que le mot li ait changé de sens c’est plutôt que les Chinois attribuent un caractère religieux à tous les actes humains et croient que les règles transmises par leurs aïeux ont une origine céleste. Aussi les Chinois ont-ils toujours attaché la plus haute importance à la connaissance et à l’observation des rites. A leurs yeux c’est le fondement qui assure la stabilité à la famille, à l’État, à la société. Y être fidèle c’est s’assurer contre toutes fautes ; les négliger, même dans les règles de la simple convenance et de la civilité que nous qualifions de puérile, c’est s’exposer à de plus grands manquements, aux erreurs, aux chutes les plus funestes. Cette idée semble primitive en Chine ; les plus anciennes dynasties avaient leurs rites. Kong-fou-tze, comme le Li-ki, nous parle des rites des Hia et des Yin-Shang. On sait que le but principal des efforts et des enseignements du grand philosophe était de rétablir les rites oubliés ou violés dans les temps de désordre que les rois fainéants de la dynastie Tcheou avaient laissé se former et qui réduisirent le pouvoir central comme à néant. Sans li, disait-il, il n’y a ni fermeté, ni stabilité ; les vertus qui en sont dépourvues deviennent des vices (Lun Yu). Un souverain n’est obéi convenablement que s’il se montre attaché aux rites. Déjà le ministre du premier des Chang (1760 a. C.) avertissait son royal maître que la prospérité récompensait l’observation des rites et que le prince peu soucieux de les maintenir serait renversé du trône.

Les disciples de Kong-tze s’appliquèrent constamment à faire triompher les idées de leur maître. Jusqu’aujourd’hui le respect des rites est tenu pour la garantie de la protection céleste.

Tchou-hi tout en admettant et répandant avec zèle des doctrines philosophiques que Kong-tze eût repoussées avec indignation, n’en fut pas moins le sectateur fervent des doctrines morales et formalistes du prince de la sagesse chinoise. Soucieux par-dessus tout de conformer ses actes aux règles léguées par l’antiquité, il tenait à en avoir constamment sous les yeux une formule simple et précise qui prévînt tout oubli, toute négligence.

L’empire des Fleurs avait trois recueils des rites : deux d’entre eux remontent à une époque très ancienne. Le premier le Y-li, qui date de la dynastie des Tcheou traitait des règles de conduite des rois et magistrats. Le second, le Tcheou-li, ou rites de la dynastie des Tcheou, remonte à la période moyenne de cette dynastie, et a pour objet spécial les fonctionnaires et les actes des autorités publiques. Le troisième le Li-Ki ou « mémorial des rites », rédigé, en dernier lieu, peu avant notre ère, contient aussi des matériaux très anciens et d’une très grande étendue. Tout y est traité souvent sous plusieurs formes, et avec des répétitions multipliées. Aucun des trois ne pouvait répondre au but que se proposait Tchou-hi ; le premier par son étendue, les deux autres et par le même motif et de plus par leur matière totalement ou partiellement étrangère aux vues du philosophe ne pouvaient aucunement lui servir. Il rédigea donc un manuel abrégé qu’il destinait à son usage personnel et ne pensait nullement à livrer au public. Mais, à ce que nous apprend un commentaire, un de ses serviteurs ou employés instruit de la valeur du manuscrit, le vola et le livra à un éditeur qui le répandit parmi les nombreux admirateurs du maître. Le petit livre reçut du public l'accueil le plus enthousiaste et passa de mains en mains, d’âge en âge, en des éditions diverses. Il fut l'objet de divers commentaires, et reçut enfin la consécration impériale par son insertion au Sing-li-ts’ing-y qui fut comme la Standard-Edition des manuels philosophiques autorisés, ordonnée par l'empereur. C’est là que nous le retrouvons accompagné d’extraits nombreux de commentaires et de citations explicatives. Il avait déjà fait partie d’un recueil analogue beaucoup plus considérable le Sing-li-ta tchouen shou. Nous le retrouvons encore développé et expliqué dans le Sin-ts'eng Kia-li ou Kia-li développé, augmenté de nouveau, publié au commencement de ce siècle. Le Kia-li a donc toujours été en grande faveur parmi les lettrés chinois. Toutefois la partie laissée par Tchou-hi était plutôt une esquisse, un guide-mémoire qu’un traité ; il ne contient que les grandes lignes. Les commentaires que l'on y a joints sont absolument nécessaires pour compléter et expliquer les trop brèves sentences de l’auteur du livre. Nous les unirons donc au texte, et pour les points qui resteraient encore obscurs ou incomplets, nous aurons recours au Li-Ki, au Sin-ts'eng Kia-li, à la Siao-Hio et même au lointain Y-li.

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Des rites en général

Tout rite a ses racines et ses développements. Le nom de ceux dont nous nous occupons ici, vient de ce qu’ils se pratiquent dans la famille, à la maison.

La distinction des noms bien observée, l'amour et le respect véritable en sont la racine. La prise du bonnet, le deuil, le sacrifice, dans leurs cérémonies, leurs sens et leurs règles divers en sont les branches, les développements. Leur racine est l'essence, le principe perpétuel des actes journaliers de la maison. Jamais il ne peut se passer un jour sans qu’on les observe. Leurs développements, leur ensemble complet constituent le principe et la fin de la voie rationnelle de l'homme. Bien qu’il y ait un temps fixé pour les mettre en pratique, un lieu pour s’y conformer, si on ne les expose pas d’une manière claire et simple, si on ne s’y exerce pas et n’en mûrit pas la pratique, quand on sera chargé de quelque affaire on ne pourra les suivre convenablement ni conserver la juste mesure. Il ne peut se passer un jour sans qu'on en disserte et les mette en pratique. C’est au temps des trois dynasties que les livres des rites ont été composés. Ceux qui ont été conservés jusqu’à notre temps sont, au palais comme à la chaumière, la règle des meubles et des habits, la loi de tout homme, qu’il soit à la maison ou au dehors, agissant ou en repos. Tous les rites ne conviennent pas au siècle. Les sages de ce temps, bien qu’ils reconnaissent la différence existant entre le passé et le présent, les changements survenus, établissent les lois propres à un seul âge. Ainsi soit dans leurs détails soit dans leur ensemble, ils n’en retranchent, ils n’en négligent rien.

Ceux qui laissant de côté le fondement, la racine des rites, ont porté toute leur attention sur leurs rameaux, ont négligé le vrai pour s’appliquer avec ardeur au beau !

Les lettrés dans ces dispositions se sont plus aux rites mais n’ont pu en relever l’essentiel. Aussi lorsqu’ils se sont trouvés dans la peine, la pauvreté, une condition inférieure, ils se sont d’autant plus affligés et jusqu’à leur fin ils n’ont pu parvenir de la sorte à revenir à leur observation.

L’ignorance dans le zèle est un double mal. C’est pourquoi, pauvre homme que je suis, j’ai scruté avec soin les livres du passé comme ceux du présent, j’ai pris ces grands principes immuables et retranchant, ajoutant, selon le besoin, j’en ai fait le livre de la famille.

En principe, on doit considérer l’exactitude dans la distinction des noms et titres, l’estime de l’affection et du respect comme la base des rites ; mais, au moment de les mettre en pratique il faut faire moins attention au superficiel, à la beauté, qu’à l’essentiel et au vrai. Suivant en cela l’exemple de Kong-tze, on doit rester fidèle aux maximes laissées par ses prédécesseurs et, s’unissant aux hommes instruits de mêmes principes, étudier avec maturité, et pratiquer avez zèle.

Ainsi les principes des anciens relatifs au gouvernement de soi-même et de sa maison, le sentiment qui porte à honorer les morts et à aller vers eux, dans leur éloignement comme si on pouvait les voir, étant en honneur dans l’état et la famille comme aussi les maximes propres à améliorer et diriger le peuple, il y aura peu de vices à corriger.

Commentaire. Yang-fou dit : Le maître, pendant le deuil de sa mère, ayant considéré entièrement le présent et le passé, embrassant du regard tous les changements, a exposé complètement les rites du deuil, de l’enterrement et du sacrifice et s’est étendu jusqu’à la prise du bonnet et du mariage. Il a fait du tout un seul ouvrage qu’il a appelé le Kia-li ou rites domestiques. Son livre à peine paru a été répandu dans le monde.

Le livre des rites domestiques de Tchou-hi est devenu la règle des devoirs de la famille.

2. On doit observer les rites partout et en tout.

Commentaire. Ce que veut dire cette section, c’est que les rites sont l'essence perpétuelle des actes de chaque jour à la maison, dans la famille et qu’il n’est point de jour où l’on ne doive les observer.

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Sacrifice des quatre saisons

90. Ce sacrifice se fait au mois médial. Pendant la première décade on tire le jour au sort. Si cela ne se peut on prend le jour du milieu du mois.

Sse-ma-kouang dit à ce sujet, d’après le Wang-tchi : si les tai-fous et les shis ont des champs ils sacrifient ; s’ils n’en ont pas, ils présentent seulement des offrandes. Pour les sacrifices ils prennent le commencement du premier mois ; pour les offrandes, le mois du milieu.

Dans les Coutumes du sacrifice domestique par Meng Sian, il est dit que les sacrifices des saisons doivent avoir lieu aux deux solstices et aux deux équinoxes. Encore aujourd’hui les fonctionnaires qui, vu la besogne incessante de leurs fonctions, ont dû demander un congé pour pouvoir sacrifier au 11e mois, doivent, s’ils le font, tirer le jour au sort. S’ils ne peuvent le faire ils s’en tiendront aux règles de Meng-Sian.



Quant au bétail du sacrifice, d’après Ho-siu, les tai-fous sacrifient un agneau et les shis, un porc. Pour le commun il n’y a pas de genre d’animal déterminé. Au printemps on offre des petits oignons, en été du froment, en automne du millet, en hiver du riz.

Au premier on joint des œufs, au second un poisson ; au millet, de la chair de porc ; avec le riz on offre une oie.

Les prémices que l’on offre doivent être également en relation convenable.

Les accompagnements divers ne doivent pas dépasser en importance l’animal, la chair du sacrifice, lui être supérieur en genre. Ainsi quand on offre un agneau, on ne doit pas y joindre de la chair de bœuf, et ainsi de suite.

Aujourd’hui on n’offre plus guère d’animaux domestiques ; on se contente de légumineux.

91. Trois jours avant le sacrifice, on se purifie et jeûne. Les hommes le font dans le quartier extérieur ; les femmes dans le quartier intérieur, sous la direction du président ou de la présidente des cérémonies. Après le bain on change d’habit. On ne boit point de manière à s’enivrer, on mange de la viande mais sans assaisonnement, sans condiment. On ne fait point de visite de condoléance, on n’écoute point de musique, on ne touche rien de souillé, de mauvais.

92. La veille du jour du sacrifice on consacre la place et l'on prépare les vases et ustensiles.

Les gens du jour ne sacrifient pas à leur trisaïeul, dès qu'ils ont pris le deuil. D’après Tcheng-tze, c’est très mal agir ; chez lui on le faisait, dit-il.

Depuis le fils du ciel jusqu’à la foule, tous ont 5 espèces de vêtement de deuil et rien de plus. Tous étendent le deuil jusqu’au trisaïeul ; les offrandes et sacrifices doivent être faits pour tous selon les règles. D’après ces paroles on doit porter le deuil du trisaïeul et ne point omettre le sacrifice. Que l’on ait sept ou cinq temples ancestraux, il en faut un où l’on honore le trisaïeul et cela s’arrête là. Que l’on ait à la maison, trois ou une seule salle de sacrifice, il faut y avoir une place pour le trisaïeul. Y faire des différences du plus ou du moins c’est probablement ne point comprendre la cause fondamentale du sacrifice.

Bien que le chapitre Tchi-fa ne dise pas que le sacrifice s’étend jusqu’au trisaïeul, il établit cependant des différences entre les divers sacrifices et offrandes mensuels.

Jadis comme on peut le voir on faisait des différences du plus au moins dans les sacrifices et offrandes d’après le degré plus ou moins rapproché de la parenté.

« Les tai-fou et les employés doivent s’adresser au prince pour obtenir de pouvoir vaquer ou sacrifice et l’offrir jusqu’au trisaïeul. » Ainsi disent les autorités en fait de rites. Ainsi en élevant trois miao on doit sacrifier jusqu’au trisaïeul.

Lorsque deux frères habitent en des endroits différents, comme ils gardent un miao commun, l'aîné seul y sacrifie et le cadet l'assiste et offre le sacrifice avec lui. S’ils sont très éloignés l'un de l’autre, l’aîné présente la tablette chez lui ; le cadet ne peut en ériger, mais au temps du sacrifice il peut présenter une tablette au défunt. Il la fait en papier, y met une inscription et la brûle après la cérémonie.

Ainsi l’on observe les différences des rites.

93. On consulte le sort pour le choix de la victime ; puis l’on prépare tous les objets nécessaires et les offrandes.

On se lève de bon matin et l’on vient offrir des légumes, des fruits, du vin et du grain.

Le jour venu on prend la tablette et on la pose sur son piédestal ; on fait les prosternations devant l’esprit.

D’autres manuels prescrivent de faire ces prosternations avant d’avoir fait descendre l’esprit ; mais c’est certainement moins bien.

Quand on a placé la tablette sur son siège alors on se prosterne et vénère, c’est pourquoi les hommages rendus à l’esprit doivent précéder la descente. Quand on en arrive à la libation et qu’on est prêt à offrir le vin, on en présente d’abord à goûter à l'esprit puis on le fait descendre ; ceci doit donc venir après.

Mais quand on sacrifie d’abord à l’ancêtre originaire et aux aïeux on pose un trône vide et point de tablette, alors il faut commencer par faire descendre l’esprit, puis le vénérer. (Car alors il n’est point représenté). On ne doit jamais manquer à ces prescriptions.

94. Après les prosternations on fait descendre les esprits. A cette demande : après l’offrande du vin comment doit-on poser celui-ci ? Tcheng-tze répondit : Jadis on faisait descendre les esprits en répandant le vin des libations. On versait le vin au milieu d’herbes. On cherchait les esprits dans le Yin et le Yang, entre les principes positifs et négatifs. On versait ainsi le vin à terre. Quand on disait : faire une libation de vin, c’était procéder de cette manière. Actuellement on jette directement le vin à terre (sans herbe) ; ce qui est très mal.

Pour faire la libation de vin il y a deux manières différentes ; l'une consiste à verser le vin à terre en invitant l'esprit à descendre ; cela n’appartient qu’au Fils du ciel et aux chefs féodaux ; l’autre consiste à présenter simplement le vin.

Jadis en mangeant et buvant on offrait les mets aux esprits. Maintenant on dit que les esprits et les mânes ne pouvant sacrifier, on le fait à leur place. Aussi tout en s’en tenant à.la lettre des rites on en viole l’esprit. On ne peut l’ignorer.

Yang-fou disait : quand on fait descendre les esprits et fait une libation, on doit répandre le vin complètement. A la troisième oblation on présente encore le vin mais on ne le verse pas à terre.

A la première fois on prend le verre destiné aux trisaïeul et trisaïeule et on le vide sur des herbes. On fait la libation au nom de l'esprit.

Au Li-Ki il est dit simplement de verser une petite partie à terre.

95. Les trois oblations se font de la manière suivante :

Première oblation.

On présente les mets. Le tchou (président au sacrifice) s’avance et se place devant le siège du trisaïeul et se tient tourné vers l'est, portant en main le verre de ce trisaïeul. Les assistants se tiennent à l'ouest et remplissent ce verre de vin. Le sacrifiant le prend et le pose en offrande. Il en fait alors autant pour le verre de la trisaïeule. Deux assistants placés à droite et à gauche remplissent ce verre de la même façon. Le sacrifiant s’agenouille et les assistants font de même. Le premier prend alors le verre du trisaïeul, le tient de la main droite et répand le contenu sur les herbes. Il en fait autant du verre de la trisaïeule puis s’incline profondément, recule un peu et s’arrête. Les prieurs alors prennent le rituel et vont se placer à la gauche du sacrifiant ; ils se mettent à genoux et lisent. Le sacrifiant se prosterne et recule ; puis il s’avance vers le siège de l’esprit, présente ses offrandes, comme précédemment. Tous s’avancent vers le même siège, chacun à son tour, et prient. Lorsque les prières sont finies tous les fils et frères et tous les hommes qui ne prennent point part à la seconde et à la troisième oblation viennent près du siège posé pour cette cérémonie, et présentent le vin selon la règle, mais ne récitent aucune prière. Après cette oblation tout le monde se retire et s’en retourne à sa place.

Seconde oblation.

C’est l’officiante qui fait cette oblation. Toutes les femmes qui y prennent part présentent la viande rôtie, et chacune fait son offrande à part. Les rites sont les mêmes que ceux de la première ; mais on ne lit aucune prière.

Ainsi dit Tchou-hi, le chef du sacrifice fait la première oblation, la sacrifiante fait la seconde ; s’il n’y a point de femme qui préside ainsi au sacrifice, alors un frère cadet (du sacrifiant) le fait à sa place.

Yang-fou dit que la seconde oblation se fait comme la première. Le Kia-li de Tchao-tcheou porte ces mots : « Seulement on ne répand pas le vin sur des herbes. Quand il est dit qu’on le fait c’est qu’on entend qu’on sacrifie alors en lieu et place de l’esprit. »

Le Shi-li porte : le chef sacrificateur fait la première oblation au shi (représentant du mort). Le shi reçoit la libation ; après quoi le chef vide le verre de vin. La sacrifiante fait la même chose à la seconde oblation. Les hôtes et gens honorables qui assistent au sacrifice font la troisième. Le shi la reçoit également et vide la coupe. D’où il est dit ailleurs qu’à la troisième oblation tous versent le vin dans les herbes ; ainsi l'on a changé les rites.

Les anciens en mangeant et buvant, sacrifiaient à l'ancêtre originaire : ils sacrifiaient aux esprits extérieurs et le faisaient spécialement pour ces esprits.

Troisième et dernière oblation.

Elle est faite par l'aîné ou le plus âgé des autres frères présents ; ou bien par le fils aîné, ou par un autre parent, même par un ami. Les fils et frères cadets présentent chacun séparément de la viande rôtie comme à la seconde oblation.

Puis on engage l’esprit à manger. Le tchou s’avance portant un vase et verse du vin à tous les sièges des esprits.

La tchou s’avance tenant droits les bâtonnets, puis se retourne, se prosterne et se retire.

On ouvre alors la porte. Tous les assistants sortent, les prieurs ferment la porte. S’il n’y a point de porte, il faut y substituer un rideau. Les prieurs disent trois fois (à l’esprit) « Reçois et prends », puis l’on ouvre la porte, tous rentrent. Les deux tchous prennent le thé et le présente séparément au grand-père et à la grand-mère ; puis en font présenter également par tous les fils et frères, sœurs et filles qu’ils font venir.

De la viande offerte

96. Les employés posent une natte devant la table à encens. Le sacrifiant s’avance sur la natte et se retourne vers le nord. Les prieurs s’avancent vis-à-vis de l'arrière-grand-père, prennent le verre et la soucoupe de vin et vont à la droite du tchou. Celui-ci s’agenouille et les prieurs en font autant ; puis le premier prenant une coupe, verse du vin à chaque trône d’esprit, et en goûte. Les prieurs prennent une cuiller et une soucoupe, et devant chaque trône jettent un peu de riz en l’air (en guise d’offrande), puis viennent à la gauche du tchou, et lui souhaitent prospérité. Celui-ci pose le vin devant la natte, s’agenouille et se relève, se prosterne encore, prend du riz, à genoux et le goûte, puis un peu de vin ; s’agenouille encore, se relève et va se tenir debout, à l’est, sur la marche. Les prieurs se tiennent du côté de l’ouest.

On annonce la fin de ces cérémonies, alors ils retournent à leur place et s’y prosternent de nouveau avec tous les assistants.

97. On dit alors adieu à l’esprit, et tous, y compris le tchou, se prosternent.

On rapporte le trône de l’esprit, on reprend tous les objets. — Le président partage les offrandes et envoie les viandes des oblations aux parents et amis ; on les range sur deux rangs, les hommes d’un côté, les femmes de l’autre ; les employés vont porter les parts à chacun à sa place. On présente le vin aux personnes âgées et honorables qui s’avancent, s’agenouillent et boivent. Les fils s’avancent, saluent, se retirent et boivent debout ; les gens honorables et les hommes se prosternent encore. Les femmes vont porter du vin aux femmes âgées et plus élevées en rang, dans le quartier intérieur, avec toutes les mêmes cérémonies. Après cela, tous s’asseyent, et on leur sert la viande avec les légumes ; chacun en prend à son tour. Puis, quand c’est presque fini, le tchou va porter de la viande du sacrifice aux serviteurs qui sont au dehors, aux hommes ; et la tchou en fait autant pour les servantes du dedans. Grands et petits, tous, ce jour-là, sont satisfaits et rassasiés. Tous, après avoir mangé se prosternent une dernière fois.

98. En tout sacrifice la chose essentielle est de l’offrir avec amour et respect. Si l’on est pauvre on peut tenir compte de ce dont on manque. Si l’on est malade on agit selon la mesure de ses forces. Si l'on est riche et fort, on doit suivre exactement les règles.

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