Ernest Grandidier (1833-1912)

Couverture 400 de Ernest Grandidier (1833-1912) : La céramique chinoise. Firmin-Didot, Paris, 1894, in-4, II+232 pages+42 planches d'héliogravures par Dujardin, reproduisant 124 pièces de la collection de l'auteur.

LA CÉRAMIQUE CHINOISE

Date de sa découverte. — Explication des sujets de décor. — Usages divers. — Classification.

Firmin-Didot, Paris, 1894, in-4, II+232 pages

42 planches d'héliogravures par Dujardin, reproduisant 124 pièces de la collection de l'auteur.

 

  • Préface : "Le travail que je publie aujourd'hui est le fruit d'une longue expérience et le résumé de nombreuses recherches. Je n'ai pas cependant la prétention d'avoir élucidé toutes les questions obscures que j'ai entrepris de traiter ; mon ambition plus modeste s'est bornée à déblayer un peu le terrain et à redresser quelques erreurs commises par mes devanciers. J'ai concentré tous mes efforts vers ce but, ai-je toujours réussi dans ma tâche ? Je n'ose pas l'espérer, il est si facile de s'égarer dans un pays peu connu où la marche est contrariée par d'épais brouillards et entravée par des obstacles sérieux qui surgissent, à chaque pas, en face du voyageur. Une persévérance à toute épreuve est nécessaire pour combattre le découragement de l'explorateur qui doit sans cesse lutter contre les difficultés de la route, les faux renseignements, l'ignorance et la mauvaise foi des guides. Je m'estimerais heureux si j'ai apporté une pierre à l'édifice, si j'ai fait avancer sur un seul point l'histoire de l'art céramique, laissant à mes successeurs un vaste sillon à ensemencer et une abondante moisson à recueillir."
  • "Que n'ai-je l'autorité du poète et son génie ! j'élèverais à l'art chinois un monument impérissable et digne de lui.
    Le céramiste chinois a le tempérament d'un artiste. Si ses procédés de fabrication ont été souvent empiriques, son œuvre atteste avec une éloquence irréfutable qu'il n'est pas indispensable d'être un savant chimiste pour réussir dans la décoration de la porcelaine.
    Rechercher la composition exacte des émaux chinois et préciser le degré de cuisson des porcelaines orientales, c'est assumer une tâche ingrate sans résultat certain ; j'ai donc renoncé à ce labeur inutile.
    J'ai préféré envisager la céramique au point de vue de sa décoration et de ses usages et tenter un projet de classification. En suivant cette voie, j'ai pensé répondre à un vœu et combler une lacune ; l'approbation du lecteur sera ma meilleure récompense."

Extraits : Considérations générales sur la porcelaine - Fabrications spéciales et procédés particuliers à la Chine
Explication de sujets de décor : Scènes de roman, de théâtre, d'histoire, etc.
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Pièce 58 de Ernest Grandidier (1833-1912) : La céramique chinoise. Firmin-Didot, Paris, 1894, in-4, II+232 pages+42 planches d'héliogravures par Dujardin, reproduisant 124 pièces de la collection de l'auteur.
58. Les drageoirs, appelés ici casse-tête, se composent de compartiments mobiles qui, juxtaposés, figurent une fleur de nelumbo épanouie ou un dessin géométrique ; il en est de fort beaux avec décor d'une grande richesse ; la plupart sont émaillés.


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Considérations générales sur la porcelaine

Pièces 53 et 54 de Ernest Grandidier (1833-1912) : La céramique chinoise. Firmin-Didot, Paris, 1894, in-4, II+232 pages+42 planches d'héliogravures par Dujardin, reproduisant 124 pièces de la collection de l'auteur.
54 : On désigne, en France, sous le nom de théières, ces longs cylindres couronnés en diadème. Ces récipients ne reçoivent jamais de thé, mais du jus de prunelles sur un lit de glace pilée ; cette boisson rafraîchissante est fort appréciée en Chine.

La civilisation est venue de l'Orient, le pays du soleil et de la lumière. La Chine et l'Inde avaient déjà atteint un haut degré de culture, alors que les peuplades de la Germanie et de la Gaule se débattaient encore péniblement dans nos forêts au sein de la barbarie.

La porcelaine est originaire de la Chine. Les potiers du Céleste Empire, après avoir eu la gloire de cette précieuse invention, ont réussi, par leur habileté, à lui conserver tout son prestige pendant plusieurs siècles.

Le domaine de l'art a ses frontières naturelles et on ne les franchit jamais impunément ; dès qu'on abandonne les saines traditions, on est entraîné rapidement sur la pente de la décadence, c'est une loi fatale. La mesure, voilà le cercle dans lequel il est difficile de se renfermer rigoureusement.

Le céramiste oriental a su éviter les récifs et doubler les caps dangereux ; il a été droit au but, et, avec une palette restreinte, il l'a atteint sans le dépasser ; il a connu tous les secrets de l'art décoratif ; l'émail, docile à ses inspirations, s'est animé entre ses mains, a obéi à sa volonté, a revêtu les formes les plus diverses ; grâce à lui, on voit, sur la porcelaine, les sujets s'enlever en vigueur comme s'ils étaient doués du souffle de la vie.

Les produits de nos manufactures d'Europe pâlissent et s'effacent éclipsés par l'éclat des porcelaines d'Orient. Cette infériorité provient de procédés moins raffinés et du mode d'emploi des matières colorantes. Les décors de nos artistes sont plats et sans saillie ; leurs peintures manquent de sève et de vitalité. La porcelaine chinoise qui est émaillée l'emportera toujours sur la porcelaine d'Europe qui est peinte. La méthode orientale est supérieure à la nôtre. La Chine comprend la décoration céramique mieux que nous, elle traduit ses conceptions dans un langage plus saisissant ; l'art décoratif y parle sa langue naturelle avec éloquence et perfection. Doués de l'esprit le plus délié, les céramistes de ce pays ont à peine connu les bégaiements de l'enfance ; ils ont, pour ainsi dire, évité les tâtonnements ; ils ont de suite entrevu et compris la limite qu'il fallait assigner à la peinture sur porcelaine ; ils ont respecté les lois rationnelles, là est le secret de leur force et la raison de leurs triomphes. La peinture céramique doit se borner à être une décoration ; pousser l'ambition plus loin, c'est s'exposer à un échec certain.

Pièces 12, 13 et 14 de Ernest Grandidier (1833-1912) : La céramique chinoise. Firmin-Didot, Paris, 1894, in-4, II+232 pages+42 planches d'héliogravures par Dujardin, reproduisant 124 pièces de la collection de l'auteur.
12. Le dragon symbolise le printemps et l'Orient ; son corps, démesurément allongé comme celui du serpent, est revêtu d'écailles ; sa tête, surmontée de deux cornes fourchues, est pourvue de tentacules nasaux et sa large gueule armée d'énormes crocs aigus

Il est un écueil contre lequel je voudrais prémunir le public ; les jugements trop précipités sont, en général, erronés et défectueux. Une nouveauté, qui déplaît au premier abord, attire ensuite quand on s'est pénétré de ses qualités substantielles par la méditation. Ce fait est encore plus vrai, plus indiscutable, quand il s'agit d'un peuple étranger dont la civilisation et les mœurs sont très différentes des nôtres.

Veut-on apprécier sainement un pays et son œuvre ? la première condition est de l'étudier à fond, sans parti pris, et d'habituer son œil aux manifestations d'une civilisation entièrement distincte de celle d'Europe. Ce qui paraît étrange, choquant même, au premier aspect, intéresse et finit par charmer dès qu'on s'en est rendu un compte exact. La réflexion, mûrie par l'étude, mène à l'admiration. Je ne nie pas que les décors chinois semblent parfois bizarres, peut-être même grotesques à celui qui n'est pas familiarisé avec l'Extrême-Orient ; en tout une initiation est nécessaire.

Lorsque vous voyez pour la première fois, sur les flancs des vases chinois ou sur la surface des bols et des plats de l'Empire du Milieu, des animaux grimaçants ou des personnages aux attitudes insolites, vous êtes surpris, vous êtes tenté de détourner les yeux avec dédain ; mais réprimez ce premier mouvement, attachez-vous au sujet du décor, cherchez l'explication des scènes représentées, l'état civil des personnages qui vous sont inconnus, l'intérêt vous portera bientôt à poursuivre votre route dans ce domaine nouveau pour vous, et alors vous vous sentirez attiré et retenu par un aimant invincible. Ne doutez pas, d'ailleurs, que les Chinois ne trouvent nos dessins, nos peintures, nos figurations aussi extraordinaires, aussi ridicules que nous trouvons les leurs. Ne croyez-vous pas franchement que l'habitant de la Chine ne soit aussi choqué, aussi interdit en présence des dieux de la mythologie de Rome ou d'Athènes que l'Européen devant les divinités du panthéon chinois et les monstres fantastiques enfantés par la plus capricieuse imagination ? Si nos légendes et nos figurations sont, pour les initiés, simples, naturelles, poétiques même, assurément elles doivent paraître insensées aux peuplades d'Orient.

L'esprit de l'homme est enclin à tourner en ridicule les mythes d'une religion qu'il n'a pas assez approfondie et qu'il ne comprend pas. Des figurations qui semblent extravagantes et bizarres recèlent souvent des pensées mystiques et enveloppent des images mystérieuses dont le sens caché est impossible à saisir et à pénétrer sans de sérieuses méditations et de longues études. Nous savons de quelle manière la mythologie de la Grèce a été interprétée, travestie et défigurée par certains écrivains modernes ; cet exemple doit nous ouvrir les yeux et nous empêcher de prendre en pitié, à la légère et sans réflexion, les dieux des religions d'Orient.

Du reste, l'esthétique varie selon les climats ; de ce chef, il n'y a pas unité en ce monde, rien n'est absolu. Élevé dans un milieu tout autre et dans des idées bien différentes, le Chinois ne conçoit pas, ne sent pas, ne voit pas les choses de la même manière que nous. Il est nécessaire de s'habituer à la civilisation chinoise pour la comprendre, et il est nécessaire de la comprendre pour l'admirer et pour l'aimer.

Les animaux fabuleux à tête menaçante qui décorent la panse des potiches chinoises n'ont rien de gracieux ni d'aimable, et, néanmoins, ces êtres fantastiques, éclos dans le cerveau de l'artiste du Céleste Empire, qui semble avoir assisté aux premières convulsions du globe et avoir connu les monstres des temps préhistoriques, perdent leur air rébarbatif, leur aspect sauvage et terrible aussitôt qu'on s'est accoutumé à les regarder sans prévention ; ils paraissent alors s'apprivoiser.

Pièce 47 de Ernest Grandidier (1833-1912) : La céramique chinoise. Firmin-Didot, Paris, 1894, in-4, II+232 pages+42 planches d'héliogravures par Dujardin, reproduisant 124 pièces de la collection de l'auteur.
47. Les précieux vases à vin de la collection, dont la forme est celle des lettres cheou et foü, figuraient, le jour de la célébration de l'hymen, sur la table des époux.

D'ailleurs, dans le décor d'un vase, l'ensemble est le point capital ; aussi notre jugement doit être favorable, puisque l'ensemble est satisfaisant.

J'appliquerai le même raisonnement aux personnages religieux, historiques ou romanesques qui couvrent les parois des pièces céramiques ; il est important de se familiariser avec eux, de les pratiquer, de les comprendre. Bientôt alors on se prend d'une affection véritable pour leur physionomie et leurs allures.

Mais l'art décoratif chinois n'est pas tout entier confiné dans ces figurations plus ou moins étranges à nos yeux européens ; la nature a fourni au céramiste les interprétations les plus heureuses, la vie réelle et le rêve lui ont procuré les modèles les plus exquis, la géométrie lui a inspiré les plus délicieux décors, et, d'un seul jet, pour ainsi dire, il a inventé l'ornementation la plus délicate, la plus somptueuse et la plus variée. Le monde animal et végétal, consulté tour à tour, a été libéralement mis à contribution pour féconder les conceptions les plus harmonieuses et enrichir la céramique des trésors les plus purs d'une imagination capricieuse.

Ce genre de décor est à la portée de tous, et point n'est besoin de connaissances spéciales pour admirer la Chine quand elle se présente à nous sous ces parures incomparables qui assurent la suprématie et font la gloire incontestée du céramiste oriental. Par leur variété infinie, leurs formes élégantes, l'éclat de leur décor, le lustre métallique de leurs émaux, la perfection de l'ensemble, les produits céramiques chinois sont dignes d'occuper le premier rang.


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Fabrications spéciales et procédés particuliers à la Chine

Je consacrerai quelques pages à la description de certains décors et de certains procédés qui nous ont été révélés par les Chinois, nos maîtres en céramique et les propagateurs de cet art charmant dans le monde entier. Les Japonais déclarent, sans honte, qu'ils ont été tributaires du Céleste Empire sous ce rapport et que les céramistes chinois ont été les éducateurs de leurs potiers.

Porcelaine craquelée ou fruitée

La craquelure est une des découvertes les plus appréciées de l'esprit inventif et industrieux des Chinois en céramique. Chacun connaît ces pièces couvertes d'un émail vitreux fendillé en tous sens; ce réseau gracieux, composé de lignes brisées éloignées les unes des autres ou de lignes régulières et très rapprochées, enveloppe la porcelaine d'une espèce de cotte de mailles et produit le plus heureux effet. Le craquelé habille à souhait les fonds feuille morte ainsi que toutes les couvertes d'un blanc indécis avec tendance vers le gris, le jaune ou le verdâtre. Sur les porcelaines de cette qualité particulière les anses, appendices et autres accessoires sont formés d'une pâte brune ferrugineuse non vernissée, mais réveillée par des traces de dorure. Sous cet aspect monastique, les pièces ont une allure sévère, un cachet de simplicité grandiose qui ne manquent pas de séduction.

La craquelure n'est pas l'apanage exclusif des monochromes que je viens d'indiquer, elle est appliquée avec un succès égal sur la plupart des autres couleurs et principalement sur le bleu turquoise, le vert feuille de camellia, les flambés et le sang de bœuf qui lui empruntent une parure du meilleur goût.

Les fonds blancs à décor polychrome ne répudient pas toujours cet ornement qui meuble avec élégance les parties trop dénudées. Cette armure délicate ne convient pas aux rouges d'or ni aux rouges de fer, elle leur est inutile.

Pour produire ces fentes ou craquelures, on mélange à l'émail de la couverte un peu de stéatite broyée (hoa chi). En Europe, on attribue le craquelé à des différences de dilatabilité entre la pâte du corps de la pièce et l'émail de la glaçure. La couverte, fondue à la surface de la pièce, selon M. Lauth, ne prend pas, pendant le refroidissement, le même retrait qu'elle. L'expérience a démontré que le craquelé, obtenu sur des porcelaines dont l'état de vitrification n'est pas normal, n'offre aucune garantie de durée ; le refroidissement détermine la rupture des pièces dont la cuisson est incomplète.

Le craquelé est-il très serré, il se nomme truité parce qu'il rappelle alors les fines écailles d'une truite. On rend les fentes plus visibles en les colorant avec un liquide rouge ou noir. Lorsqu'un fin truité se mêle aux larges mailles du craquelé ou bien lorsque les fentes rouges et noires se montrent accouplées et entrelacées, les pièces sont à double réseau.

...Il est incontestable que le craquelé n'a été, primitivement, qu'un accident fortuit ; mais, après de longs tâtonnements et des essais multipliés, l'ouvrier chinois a réussi à régulariser et reproduire, au gré de son caprice, par des procédés infaillibles, un ornement heureux que le hasard lui avait révélé.

Le céramiste oriental a tenu à nous prouver victorieusement qu'il était maître de son art et qu'il avait la faculté de craqueler une pièce à sa fantaisie. Aussi voyons-nous alterner ou se succéder sur un même vase des zones craquelées, blanches, colorées ou peintes. Les spécimens de ce genre sont nombreux, mais je ne veux présenter qu'un seul exemple : gourde à panse sphérique fond céladon vert d'eau ; col piriforme blanc portant une bordure, des plantes et un papillon en bleu ; entre le col et la panse, bande avec craquelures d'une tonalité blonde.

Certaines pièces, dont le fond blanc, gris ou bleu est sillonné de craquelures, sont décorées de sujets en bleu de cobalt ou en couleur ; elles sont très goûtées des amateurs.

Pièces 78, 79, 80 et 81 de Ernest Grandidier (1833-1912) : La céramique chinoise. Firmin-Didot, Paris, 1894, in-4, II+232 pages+42 planches d'héliogravures par Dujardin, reproduisant 124 pièces de la collection de l'auteur.
79. Le pêcher fan-tao ne fleurit qu'au bout de trois mille ans ; cet arbre fabuleux croît près du palais de Si-wang-mou, la reine des Génies. La pêche de longévité se rapproche par la forme plutôt de la mangue que de la pêche ordinaire.

Porcelaine flambée ou flammée

La porcelaine flambée ou flammée est un des produits les plus merveilleux de l'Orient. Les Chinois, auteurs de cette découverte, ont excellé en ce genre de fabrication.

Malgré de nombreuses affinités avec le sang de bœuf, les flambés ne peuvent point être classés dans la même série. Le flambé n'est pas monochrome ; s'il est craquelé, il n'est pas pointillé ; le cuivre n'est pas dans l'espèce, comme pour le sang de bœuf, l'unique matière colorante, puisque le fer joue un rôle important comme auxiliaire dans la décoration ; telles sont les divergences principales entre les deux couvertes qui exigent un classement à part.

Le père d'Entrecolles avait, le premier, signalé les flambés dans sa lettre de 1722 ; il écrivait alors que ces pièces appelées yao pien (transmutation) devaient leurs colorations si chaudes et si attrayantes au défaut ou à l'excès de chaleur et à d'autres causes impossibles à conjecturer.

La couverte flambée reproduit la plupart des nuances de l'arc-en-ciel ; le protoxyde de cuivre ou plutôt le cuivre métallique est l'élément principal qui lui fournit ce costume si somptueux et si varié. La richesse et la beauté s'unissent ici et se prêtent un mutuel concours pour nous captiver. Le rouge vif du flambé est connu dans le commerce sous le nom de rouge haricot ; il tourne au vert ou au bleu sous l'influence d'une oxygénation plus abondante. L'habileté de l'ouvrier chinois a consisté à obtenir les produits les plus pittoresques en augmentant ou en diminuant dans le four la masse d'oxygène par une combustion plus ou moins rapide. On était persuadé autrefois que c'étaient des tours de main hardis qui avaient enfanté ces couvertes dont l'éclat et le caprice réalisent nos rêves les plus extravagants ; cette hypothèse n'a rien d'invraisemblable pour peu que l'on songe aux procédés chinois qui sont souvent empiriques ou qui, du moins, l'ont été dans le principe.

Le scintillement de certaines pierreries, les flammes diaprées du punch, une coulée de lave incandescente, le pelage moucheté du jaguar, les tons variés d'une riche fourrure, les jets lumineux de la foudre déchirant l'obscurité du firmament, toutes ces particularités, tous ces phénomènes ont été observés, saisis à la hâte, traduits et imprimés sur la surface fragile des poteries kaoliniques. Une main invisible a tracé, en traits indélébiles, ce décor éblouissant pour le plaisir de nos yeux et l'agrément de nos ameublements les plus luxueux.

Les flambés rouges sont souvent sillonnés de coulées ou de traînées bleuâtres ou mouchetés de taches de ce même ton ayant l'aspect le plus réjouissant. Ces parties bleutées ou violacées seraient-elles aussi régulières si elles étaient uniquement produites par des variations dans l'atmosphère du four ? Ne faut-il pas les attribuer à l'emploi d'un minerai de cuivre impur contenant du cobalt ou de l'acide titanique ? Cette hypothèse est possible, car en Chine les procédés et les feux sont souvent empiriques et on s'expose à dire une sottise ou à émettre un fait inexact toutes les fois qu'on veut expliquer un procédé chinois en s'appuyant sur la science moderne. Ces nuances bleuâtres sont généralement à base de cuivre, mais elles acquièrent quelquefois une tonalité qui frappe par son intensité et qui rappelle le bleu de cobalt ; ces mêmes taches apparaissent également par exception sur certaines couvertes sang de bœuf. Nos céramistes d'Europe prétendent obtenir des effets analogues au moyen de l'acide titanique, et, d'autre part, une analyse chimique a révélé une fois la présence du cobalt dans une couverte haricot. Enfin un artiste distingué et militant affirme que ces coulées peuvent provenir du borate de chaux et qu'il en fait journellement l'expérience dans ses travaux personnels. Sans pousser plus loin ces investigations, je constaterai que ces veines, quelle que soit leur origine, réjouissent le regard et sont toujours agréées avec plaisir.

Les taches jaunes, grises ou brunes, visibles sur certains flambés, sont un indice assuré de l'existence du fer dans la matière première.

La couleur rouge des flambés ne présente pas toujours un aspect uniforme ; les variétés de tons sont nombreuses, le rouge de la couverte est plus ou moins foncé, il passe du rubis à la brique et au grenat ; nous omettons une quantité de nuances mixtes ou intermédiaires d'une qualification difficile à définir.

La surface inférieure des flambés, lorsqu'elle est privée de couverte (ce qui est le cas le plus fréquent), prend une coloration jaunâtre au cours de la cuisson à cause du fer contenu dans un kaolin mal épuré. La blancheur de la pâte a été préservée sous la glaçure, on le constate quand la pièce est brisée ou quand on enlève une parcelle de la couverte par une légère cassure.

Je comparerais volontiers certains flambés à un feu d'artifice permanent fixé sur la pâte par les combinaisons savantes d'un enchanteur habile qui y a accumulé les nuances les plus diverses et les plus chatoyantes d'une main libérale. En effet, les porcelaines flambées ne donnent-elles pas parfois l'illusion de fusées s'élançant sans interruption dans les airs en jets colorés et lumineux ou bien de chandelles romaines retombant en étoiles multicolores et en globes flamboyants ? Vase magique, quel sorcier a, sur tes flancs naissants, produit et retenu inaltérables les flammes qui jettent des éclairs ? Quel ouvrier divin a couvert ta nudité de ce vêtement royal ? Qui donc, dans la fournaise incandescente, a tissé pour tes épaules ce manteau constellé de pierreries si étincelant, si somptueux ? Le secret semble impénétrable, le four a longtemps caché soigneusement ses mystères ; seront-ils bientôt divulgués ? La fée jalouse, qui protège la céramique et préside discrètement à ces élucubrations occultes, le permettra-t-elle jamais ? La science moderne a parlé et nous offre des aperçus ingénieux sur un sujet dont l'obscurité est déjà presque dissipée.

La formation des flambés nous est expliquée scientifiquement par M. Lauth : le cuivre verdit ou bleuit à l'endroit frappé quand l'air pénètre dans le four à la fin de la cuisson ou durant le refroidissement. Sous l'action de sa haute température, l'émail continue à couler entraînant les parties oxydées qui se fondent dans la masse et donnent naissance aux flambés.

Pièce 70 de Ernest Grandidier (1833-1912) : La céramique chinoise. Firmin-Didot, Paris, 1894, in-4, II+232 pages+42 planches d'héliogravures par Dujardin, reproduisant 124 pièces de la collection de l'auteur.
Le bleu fouetté excite notre admiration quand il se montre avec une parure d'or ou bien lorsqu'il ne forme que le fond et que, sur ce fond exquis, s'enlèvent en couleur dans des réserves blanches personnages, animaux, insectes, plantes et autres motifs.

Les flambés nous ravissent par la variété et la juxtaposition imprévue des couleurs les plus diverses et les plus chatoyantes ; leur costume si brillant leur assure la faveur publique.

Les potiers de la période Khang-hi avaient préparé par les progrès accomplis les succès des deux règnes suivants, et l'édifice eut alors un couronnement digne de lui.

Les plus beaux spécimens de ce genre ont été exécutés sous Yung-tching et sous Kien-long. Ce dernier empereur avait une prédilection marquée pour ces couvertes si riches, si variées, aussi imprima-t-il une vigoureuse impulsion à cette fabrication dont les produits sont bien dignes de la vogue qu'ils ont acquise en Chine et en Europe.

Porcelaine soufflée

Elle comprend un grand nombre de nuances. Ce procédé, originaire du Céleste Empire, consiste à projeter, par insufflation, des gouttelettes d'émail coloré sur une porcelaine monochrome et à couvrir successivement la surface entière de ce pointillé délicat. L'opération s'exécute avec un tube de bambou, muni, à l'extrémité, d'une gaze légère que l'on trempe dans un bain convenablement préparé ; cette gaze tamise le liquide. Parfois, la matière colorée, moins pulvérisée par le souffle et lancée en masses plus abondantes, coule sur la pièce en veines régulières simulant des traces de larmes.

Le soufflé se recommande par la finesse du décor qui atteint la perfection sous Kien-long ; mais il est une innovation du règne de Khang-hi. C'est à cette dernière époque que les céramistes inventèrent le che-pi-lu, vert de peau de serpent, soufflé dont la couverte imite parfaitement la peau du ventre de certains serpents. Il y a de bonnes copies modernes ; on aurait tort de les repousser avec dédain et de leur refuser une place dans nos vitrines.

Les variétés sont nombreuses ; des gouttelettes bleues se détachent sur fond rouge ou sur fond vert et réciproquement. Le pointillé est bleu sur fond blanc ou rouge sur fond vert ; parfois il est vert ou rouge sur fond jaune. Ces genres différents sont tous représentés dans mon musée par des exemplaires de choix. Le soufflé rouge à larmes bleues ressemble au décor de l'œuf du rouge-gorge (robin egg), et il est ainsi désigné aux États-Unis.


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Explication de sujets de décor : Scènes de roman, de théâtre, d'histoire, etc.

Il est impossible de signaler en détail tous les sujets qui décorent les porcelaines destinées aux présents et à l'ornement des intérieurs modestes ou des palais somptueux ; ils sont variés à l'infini ; l'imagination orientale ne connaît aucune limite.

Ici, c'est une scène de roman qui se déroule sous le pinceau de l'artiste ; là, c'est le théâtre qui, mis à contribution, fournit au céramiste un motif palpitant tiré d'un drame populaire ou d'une comédie à la mode ; ailleurs, c'est un personnage éminent ou un héros de l'antiquité qui est représenté, sur la panse d'une potiche, dans un combat célèbre ou dans un épisode glorieux de son existence. Ce dernier genre de figuration est presque toujours religieux, parce que la plupart des grands hommes et des guerriers illustres ont été divinisés par les taoïstes. Il n'est pas hors de propos d'ajouter que l'on rencontre quelquefois, côte à côte, sur la même pièce, des divinités taoïques et bouddhiques, ce qui implique une large tolérance ou une conviction religieuse bien superficielle. Ainsi je vois sur un de mes vases cylindriques Tchong-kouë, le dieu destructeur des démons, et deux lohans qui semblent vivre en paix et en bon accord. Cela bouleverse un peu nos idées et nos sentiments d'Europe, puisque Tchong-kouë appartient à la secte des tao-sse et que les lohans sont bouddhistes, mais, en Chine, il ne faut s'étonner de rien.

Parmi les sujets tirés des romans en renom, je mentionnerai le décor de l'assiette dite aux bottes sur laquelle un jeune homme escalade la clôture d'un jardin après avoir jeté par dessus le mur ses bottes qui tombent aux pieds d'une charmante Chinoise, surprise de tant d'audace. Le céramiste a illustré ici une scène du Si-siang-ki, Histoire du pavillon d'occident, ouvrage de Wang-chi-fou, regardé comme le chef-d'œuvre de la poésie lyrique des Chinois.

Voici sur un de mes plats et sur le couvercle d'une boîte, un philosophe naviguant sur un tronc d'arbre qui prend la forme d'un dragon et assistant ainsi à la réalisation de son rêve ; j'ai encore le même sujet en porte-pinceau (Palais d'Été).

Ailleurs, sur un plateau, deux chasseurs demeurent ébahis en s'apercevant que le monstre, percé de leurs flèches, n'est qu'un bloc de rocher en forme d'animal colossal.

On voit sur des assiettes et des vases le même sujet souvent reproduit : un jeune homme courtise une jeune femme tandis que, dissimulé à l'écart, le jaloux, mari ou amant, épie et surveille le rendez-vous. L'amour a traversé les siècles en conservant son air de jeunesse ; de tout temps et partout il a été chanté par les poètes ; malgré les amères déceptions qu'il réserve souvent aux pauvres mortels, il sera éternel en raison des moments d'ivresse qu'il procure et qui font oublier les misères de l'existence ; fleur suave que l'on ne cueille jamais sans émotion et qui s'épanouit sous tous les climats.

Deux rouleaux nous montrent de gentes dames, richement parées, se pressant sur des terrasses et des balcons pour voir passer l'homme, réputé le plus beau, traîné sur un char à mains et lui envoyant à profusion des cadeaux recueillis par des serviteurs.

Plusieurs de mes bols nous initient à des représentations théâtrales ; chacun sait que dans les drames chinois les rôles de femmes sont remplis par des hommes.

Les scènes historiques se confondent souvent avec des sujets civils ordinaires et un lettré chinois seul, connaissant à fond la vie des hommes illustres, les exploits des héros et les mœurs de son pays, serait capable de débrouiller cet écheveau et de porter la lumière dans ces ténèbres.

Un grand plat de la collection nous offre le spectacle d'une fête donnée par l'empereur Ming-hoang-ti des Thang (713) ; des femmes élégantes, habitant la cour du souverain, se montrent en foule sur des balcons et aux fenêtres des pavillons pour jouir des divertissements ordonnés en leur honneur.

Pièce 69 de Ernest Grandidier (1833-1912) : La céramique chinoise. Firmin-Didot, Paris, 1894, in-4, II+232 pages+42 planches d'héliogravures par Dujardin, reproduisant 124 pièces de la collection de l'auteur.

Trois compotiers sont ornés, chacun, de trois guerriers différents qui ont leur nom inscrit en or sur une plaque rectangulaire. Ces neuf guerriers font partie des trente-six chefs de bandes armées qui, sous la dynastie des Souï, ont aidé le premier empereur des Thang (618) à s'emparer du trône ; en récompense de ce service, ils avaient été autorisés à prélever un droit de passage sur les voyageurs. Leurs noms sont exacts, mais la ressemblance n'est pas garantie. Il serait presque impossible aujourd'hui de réunir les douze compotiers qui forment la série complète.

Je ne multiplierai pas trop ces exemples, cependant je dois vous dire quelles sont ces Chinoises, au somptueux costume, qui décorent deux vases cylindro-ovoïdes de notre musée. Le céramiste a peint ici [c.a. : ci-contre] les dix femmes savantes, il les a rassemblées à dessein et groupées avec art ; elles sont occupées au jeu du gô, espèce de jeu de dames, font de la musique ou regardent un kakémono déployé.

Une des plus célèbres fut la lettrée Pan-hoeï-pan, sœur de l'historien Pan-kou, qui vivait sous l'empereur Ho-ti des Han (89-126). Ses sentiments élevés, sa modestie, et surtout sa doctrine sur la conduite soumise et réservée de l'épouse dans la famille étonneront plus d'un lecteur s'il réfléchit à la haute intelligence et à la vaste instruction de cette femme remarquable. Le rôle effacé qu'elle assigne à ses semblables dans le ménage et les préceptes rigoureux qu'elle dicte dans ses écrits à l'épouse pour ses rapports avec le mari, elle s'y est conformée strictement malgré son esprit éminent (Voir le père Amyot et Pauthier).

À côté des dix femmes savantes, nous placerons les dix beautés ; on les voit également figurer sur la céramique, bien qu'elles aient joué sur cette terre un rôle bien différent. L'influence de la science, en général, est bienfaisante, et la plupart des savants ont tracé un sillon lumineux dans le champ des expériences humaines, ils ont ouvert largement la voie du progrès. Que ne peut-on adresser les mêmes éloges aux femmes célèbres par leur beauté ! L'histoire a flétri le plus grand nombre d'entre elles après avoir enregistré leurs intrigues et leur puissance néfaste ; en Chine, elles n'ont pas fait un meilleur usage de leurs charmes et de leur pouvoir ; chacune de celles, dont le nom est inscrit ci-après, a causé la perte du royaume pour l'empereur qui l'aimait. Tchen-yuen-yuen, Lou-tchou, Tiao-tchan, Nan-tjé-ouée, Ou-tchao, Sia-ki, Si-che, Méi-shi, Ta-ki, Pao-sse, telles sont les dix femmes les plus connues en Chine pour leur beauté et qui ont conservé une notoriété à travers les siècles. Elles sont représentées sur des plats deux par deux ou sont toutes réunies sur un même vase. Je dirai, à titre de renseignement utile, que sur les pièces où sont peintes les Beautés, on ne voit jamais ni homme, ni enfant.

Pièce 89 de Ernest Grandidier (1833-1912) : La céramique chinoise. Firmin-Didot, Paris, 1894, in-4, II+232 pages+42 planches d'héliogravures par Dujardin, reproduisant 124 pièces de la collection de l'auteur.

J'ai une gourde aplatie qui nous montre quatre de ces femmes, un couple de deux sur chaque face [c.a. : ci-contre] ; sur l'un de mes plats, on peut admirer deux autres de ces beautés en costume d'une grande richesse.

Les huit chevaux qui ornent des boîtes, des flacons à tabac et un écran de la collection sont les chevaux sacrés ; nous en avons parlé au sujet des pa-koua. Je rappellerai ici que l'empereur Mu-wang des Tcheou, qui vivait mille ans avant J.-C., avait une passion effrénée pour les chevaux, rares en Chine à cette époque reculée. Ce souverain magnifique voyageait sur un char attelé de huit de ces quadrupèdes dont les noms nous ont été transmis par la tradition.

Un grand plat de mon musée est occupé par une douzaine de monstres fabuleux qui se désaltèrent dans un fleuve ou sont capricieusement enlacés autour des branches d'un pin séculaire. Il me semble que ce tableau découvre le monde dans son aspect primitif avant le déluge et nous fait assister à une scène préhistorique.

La récolte des nelumbos est un thème favori pour le peintre céramiste ; sur un vase, une jeune fille, agenouillée devant les souverains de l'empire chinois, leur fait hommage de la première fleur cueillie par des compagnes qui récoltent sur des embarcations la moisson parfumée.

Un autre vase ovoïde nous offre un spectacle identique. Des femmes, placées dans quatre barques, cueillent les nelumbos, tandis que, montés sur une nef en forme de dragon et abrités sous une tente aux brillantes draperies, l'empereur et l'impératrice président à la récolte au son de nombreux instruments.

Un de mes bols représente plusieurs groupes de personnages réunis sur une terrasse dans la campagne. C'est un lieu de plaisance où dix-huit lettrés se sont donné rendez-vous pour se délasser en jouant au jeu du gô, en faisant de la musique ou en cultivant la poésie ; au fond du bol sont peints Cheou-lao et son acolyte : c'est donc un bol taoïque.

J'aperçois sur un flacon tabatière deux tigres dans un paysage ; le tigre est regardé par les Chinois comme le roi des animaux et passe pour inspirer la terreur aux esprits malfaisants, aussi des tigres en carton ou peints sur papier figurent-ils à l'entrée des temples et en tête des processions.

Plusieurs vases nous montrent des enfants s'amusant à allumer des pétards. Cette pièce d'artifice est le complément obligé de toutes les fêtes chinoises ; elle paraît indispensable pour avertir les dieux ou les ancêtres des cérémonies et des offrandes faites en leur honneur, ainsi que pour éloigner les démons avides qui voudraient s'emparer des mets préparés par de pieux donateurs.

Nous apprendrons au lecteur qui l'ignorerait que la fête des lanternes, sujet fréquent sur la céramique, est la fête du printemps qui a lieu, à la pleine lune, le 15 du premier mois chinois ; elle est destinée à célébrer le retour de la chaleur, du soleil vivifiant. De Groot raconte que, le soir de la fête des lanternes, on promène dans la ville un long dragon en bambou recouvert de toile ; il est soutenu sur des perches et éclairé par des bougies ; les porteurs lui impriment par leur marche les mouvements du serpent, inclinant sa tête à droite ou à gauche comme pour saisir une boule de feu, image du soleil, qui, sous forme de lanterne ronde, est portée, en avant, à l'extrémité d'un long bâton. Cette scène, reproduite sur un vase en notre possession, représente, sans doute, un épisode des temps préhistoriques, le dragon azuré de la sphère céleste chinoise poursuivant le soleil printanier et finissant par l'engloutir.

Je n'aurais jamais terminé cette nomenclature si je décrivais tous les sujets empruntés à la vie publique ou privée qui se multiplient et se déroulent à l'infini sous le pinceau de l'artiste.

Pou-taï, de Ernest Grandidier (1833-1912) : La céramique chinoise. Firmin-Didot, Paris, 1894, in-4, II+232 pages+42 planches d'héliogravures par Dujardin, reproduisant 124 pièces de la collection de l'auteur.
Pou-taï est le dieu du contentement et de la sensualité. Accroupi, assis ou appuyé sur une outre contenant les jouissances terrestres, c'est un vieillard à la face réjouie, à la bouche largement ouverte par un rire perpétuel qui exhale le bonheur.


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