Joseph-Marie AMIOT (1718-1793)

SUPPLÉMENT A L'ART MILITAIRE DES CHINOIS

Tome VIII des Mémoires concernant les Chinois, pp. 327-375+140 figures, 1782.

Je me hasarde à parler encore une fois de ce qui a rapport à la milice des Chinois. Un ancien militaire de ces cantons, curieux de savoir tout ce qui s'était dit en ce genre, a mis par écrit tout ce qui se trouve dans les livres anciens & modernes dont il a pu se procurer la lecture. Son manuscrit m'ayant été communiqué, j'y ai trouvé quantité de choses qui m'ont paru mériter de passer jusqu'en France. Je me trompe peut-être : on en jugera.

Extraits : Quelques modèles de navires de guerre - Les premiers ordres de bataille - Matériel militaire
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La marine de guerre



Les premiers ordres de bataille

Les deux premières dynasties, Hia & Chang, n'ont pas laissé de monuments de leur manière de faire la guerre. Elles s'en tinrent apparemment à ce qui avait été trouvé & employé du temps de Hoang-ty. La dynastie des Tcheou, qui monta sur le trône 1.122 ans avant l'ère chrétienne, ne fit pas de même. Ou-ouang, fondateur de cette dynastie, employa avec succès contre Tcheou-sin, le dernier des empereurs des Chang, une méthode qui lui fut donnée par Lu-ya, son instituteur. Cette méthode consiste à ranger l'armée en bataillon carré. Lu-ya, autrement dit Tai-koung, ou le grand Comte, donna aux cinq corps de la milice qui était sous les ordres de Ou-ouang, les noms des cinq planètes ; & rangea ces cinq corps de manière que chaque corps formait lui-même un carré, ayant un espace vide, égal à celui qu'il occupait, pour la facilité des évolutions.

Le même Lu-ya augmenta la milice, de trois corps, à chacun desquels il donna le nom d'un des trois principes actifs, le ciel, la terre & l'homme ; & au moyen de cette augmentation, il remplit les vides, & partagea le grand carré en neuf petits carrés de la manière qu'on le voit ci-contre.

Sun-tsée & Ou-tsée, qui vécurent plusieurs siècles après Lu-ya (les mêmes dont j'ai traduit les ouvrages, & qu'on trouve dans le livre intitulé l'Art militaire des Chinois), ces deux grands généraux renchérirent sur tout ce qui s'était fait avant eux. Ils ne se contentèrent pas des bataillons en grands & en petits carrés, ils firent représenter par leurs corps de troupes, les figures Lo-hou & Ho-tou telles qu'elles furent montrées à Fou-hi sur le dragon-cheval, & au grand Yu sur la mystérieuse tortue.



Matériel militaire

Queue de léopard servant d'étendard
Queue de léopard servant d'étendard

Cet étendard est au seul usage du général : quand il est arboré, il est défendu, sous peine de la vie, d'entrer dans la tente, ou dans le lieu où le général se trouve ; & pour dispenser de la loi, le général fait baisser l'étendard. Le bâton est d'un bois dur, & long de neuf pieds : au bout supérieur est un fer de lance ou de pique. Ce qui imite la queue de léopard, doit être de soie, & découpé par petites bandes. Sa longueur est de sept pieds.

Étendard du lieu où est le général
Étendard du lieu où est le général

L'étendard du lieu où est le général. Il est de satin vert, & les bords sont de satin blanc : il a dix pieds en carré : le bâton est long de seize pieds ; le bout supérieur, A. B., est de fer. De B. en C. il est couvert de poils de bœuf teints en rouge ; de C. en D. ce sont des bandes de soie qui flottent ; au milieu de l'étendard sont représentés le tay-ki, les koa, & les étoiles.

Arbalète de l'invention de Tchou-ko
Arbalète de l'invention de Tchou-ko

C'est le fameux arc que les Chinois appellent nou-koung. L'invention en est ancienne. Tchou-ko-leang, qui vivait sur la fin des Han postérieurs, l'a perfectionnée. On peut, au moyen de cet arc, lancer jusqu'à dix flèches à la fois. Voyez, par le renvoi des lettres, l'explication de cette figure dans la figure suivante.

L'arc représenté dans la figure précédente, est dans celle-ci divisé en ses différentes parties. A. Échancrure pour contenir les flèches. — B. B. Trous dans lesquels on met les deux branches de la pièce de fer qui sert à bander l'arc. — C. C. Arc. Il doit être de bois de mûrier. — D. Flèche.  — E. Corde de l'arc. — F. Lieu où l'on met le pouce pour tenir l'arc avec assurance. — G. Petite boëte à contenir les flèches. — H. Couvercle de la boëte. — I. Pièce de fer avec laquelle on bande l'arc.  — K. Corps de la machine.  — L. Pied. — M. Pièce de fer pour arrêter le couvercle de la boëte.

Cuirasse à l'imitation de la peau de l'animal appelé Ni (Cet animal ressemble, dit-on, au lion). Pour faire cette cuirasse, on prend cinq livres de l'herbe appelée teou-kou-hao, c'est-à-dire, herbe à pénétrer les os ; trois livres de graine de raves ou raiforts ; on met le tout dans cent livres d'eau bien claire, & on le fait bouillir jusqu'à cent fois. On passe cette eau dans un tamis fin. On jette ce qui reste dans le tamis, & on conserve l'eau dans laquelle on met des écailles de tchouen-chan-kia, tenant encore à la peau. Il faut cent de ces peaux pour composer la cuirasse en entier. On ajoute trois livres de sel, autant de salpêtre le plus faible, nommé pi-siao, cinq onces de salpêtre à faire la poudre (ho-siao), huit onces de lou-cha, espèce de terre blanche. On fait bouillir tout cela ensemble pendant un jour & une nuit. On le bat ensuite, & quand on l'a réduit en pâte, on l'étend sur une planche fort unie, & on imprime dessus telle figure qu'on veut. Cette cuirasse est très légère, & à l'épreuve du trait.

Machine en forme de char, pour porter le feu dans le camp ennemi.
Elle doit être d'un bois très fort, & longue de dix pieds, large de deux pieds trois pouces, & haute de deux pieds. Le diamètre de ses roues est de deux pieds & demi. Elle porte cinq lances de face marquées A. A ; & elle est remplie de cent flèches de feu. Elle est fermée par un fort couvercle enduit de vernis ou d'huile, pour préserver de l'humidité. Un ou deux soldats poussent la machine jusque près du lieu qu'elle doit embraser : alors on y met le feu, & la machine avance d'elle-même, & fait son effet.

Char à huile pour mettre le feu.
Il est de bois, & a deux roues. Ses côtés sont assujettis par des lames de fer. On met dans ce char un vase plein d'huile, au milieu duquel est un bassin de fer, qu'on remplit de braise. On attache aux quatre côtés du char, des matières combustibles qui prennent aisément feu. On fait rouler le char jusqu'auprès du lieu où l'on veut mettre le feu ; par exemple, jusqu'auprès de la porte de la ville qu'on assiège. On met le feu aux matières combustibles, & on se retire. Les assiégés voulant éteindre le feu du haut des murailles, en y versant de l'eau, ne font que l'allumer davantage.



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