Gabriel Devéria (1844-1899)

Gabriel DEVÉRIA (1844-1899) : Un mariage impérial chinois. Cérémonial (Traduction). Bibliothèque orientale elzévirienne. Ernest Leroux, éditeur, Paris, 1887, 186 pages.

Biographie

UN MARIAGE IMPÉRIAL CHINOIS. CÉRÉMONIAL

Traduit par Gabriel DEVÉRIA
Bibliothèque orientale elzévirienne. Ernest Leroux, éditeur, Paris, 1887, 186 pages.

 

  • "Le troisième jour de la deuxième lune de la onzième année de T'ong-tche (10 mars 1872), les impératrices Tze-ngan et Tze-hi ont décrété ce qui suit : « L'empereur était très jeune lors de son avènement, il y a 11 ans. Il importe aujourd'hui qu'il ait une compagne légitime capable de l'aider à pratiquer la vertu et à gouverner l'empire ; aussi avons-nous choisi pour être impératrice de Chine, la fille de Ha-lou-t'o che Tchong-ki, docteur de l'Institut impérial (Han lin yuan). Elle est douce de caractère, diligente, instruite et sérieuse »."
  • Extraits de l'Introduction de G. Devéria : "Dans la soirée du 15 octobre 1872, je me rendis avec beaucoup de précautions dans une maison d'où l'on devait voir passer le cortège de la nouvelle impératrice lorsqu'elle quitterait son hôtel pour se rendre au palais...Tel est ce que j'ai pu voir. C'était vraiment trop peu en comparaison de ce qui me restait à apprendre. En quoi consistaient les cérémonies d'un mariage impérial, comment se contractait-il, quelle en était la consécration civile ou religieuse, que se passait-il dans ce palais mystérieux dont nous sommes tenus si éloignés malgré le développement de nos relations diplomatiques avec la Chine ? Tels sont les points sur lesquels j'ai voulu m'éclairer. Telles sont les questions auxquelles vient répondre le cérémonial dont je publie aujourd'hui la traduction."
  • "Le cérémonial du mariage impérial m'a été fourni par deux documents bien distincts. Le premier, émané du ministère des Rites, concerne tout ce qui précède et suit le mariage proprement dit ; j'ai pu me le procurer sans difficulté. Il n'en est pas de même du second qui est le plus intéressant et est rédigé par l'intendance de la cour ; je n'ai pu l'acquérir qu'assez longtemps après le premier ; il concerne les cérémonies qui ont lieu depuis l'entrée de la jeune impératrice Ha-lou-t'o au palais, dans la nuit du 15 au 16 octobre, jusqu'aux réceptions officielles qui commencèrent trois jours après."

Extraits : Introduction : Nuit du 15 au 16 octobre. La nouvelle impératrice quitte son hôtel pour se rendre au palais.
La veille de la célébration - La première journée du mariage - Les jou-y ou sceptres symboliques chinois
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Gabriel DEVÉRIA (1844-1899) : Un mariage impérial chinois. Cérémonial (Traduction). Bibliothèque orientale elzévirienne. Ernest Leroux, éditeur, Paris, 1887, 186 pages.

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Introduction : La nouvelle impératrice quitte son hôtel pour se rendre au palais

À partir de quatre heures du soir, les postes de police avaient été doublés, les soldats des huit bannières se formaient en haie dans les rues où devait passer l'impératrice, chassaient les passants et faisaient fermer les volets, contrevents et portes de toutes les boutiques ou maisons. Toutes les ruelles débouchant sur le parcours du cortège étaient masquées par des tentures de toile bleue et gardées.

Aux volets de chaque boutique étaient accrochées deux lanternes rouges qui, jointes à celles fichées en terre le long de la chaussée centrale, éclairaient la veste écarlate bordée de blanc des factionnaires immobiles.

Vers neuf heures, deux cavaliers passèrent au grand galop sur la chaussée ; l'un deux tenait, dans un long étui de soie jaune, un bâton (sorte de fanion) qu'il portait au poste le plus voisin comme premier avertissement de l'approche du cortège.

Ces avertissements qui se transmettaient de poste en poste jusqu'au palais impérial se renouvelèrent trois fois. Bientôt passèrent à cheval, avec leur suite, les deux principaux médiateurs du mariage, le prince Kong et S. Exc. Pao-kiun, ministre des Finances. Ils ne précédaient l'impératrice que de quelques minutes. La musique impériale arriva silencieuse et marchant en masse compacte. Les musiciens étaient vêtus de longues robes de couleur sombre et coiffés d'une sorte de toque surmontée d'une aigrette de plumes jaunes.

Derrière eux se pressaient sans ordre des centaines de valets et porteurs de palanquin, en robes rouges à rosaces blanches ; les uns portaient suspendues au bout de longues perches recourbées des lanternes rondes faites de corne fondue et décorées de dessins rouges ; les autres, tout aussi nombreux, portaient les attributs de l'impératrice et tous les objets faisant partie de son train officiel : trois immenses parasols à triple volant de soie jaune ornés de phénix brodés d'or, des brûle-parfums, des cassolettes, des bassins d'or, des fauteuils portatifs, trois autres grands parasols dont deux jaunes et un autre rouge de forme carrée, deux hauts éventails dont l'un en plume de paon, un sceptre d'or, deux grands étendards ornés d'un dragon et d'un phénix enlacés, une grande quantité de bannières de toutes sortes.

Des chevaux tenus en mains et couverts de housses jaunes suivaient tous ces attributs dont le défilé offrait un coup d'œil des plus pittoresques et presque imposant dans les nuages de poussière que soulevait le pas des chevaux et que rougissait la lueur des lanternes.

De nombreux officiers, à pied, précédaient et gardaient les deux châsses portant le sceau et le livre d'or de la nouvelle souveraine.

Enfin parut un palanquin jaune de grande dimension avec des broderies d'or : c'était celui de l'impératrice. Il était fermé et entouré d'eunuques vêtus de robes jaunes richement brodées, d'officiers à pied et à cheval recouverts de leur long pardessus noir à plastrons d'or sur la poitrine et dans le dos.

Immédiatement derrière le palanquin se tenaient huit cavaliers armés de lances ornées de queues de léopard ; leur robe était brodée de rosaces d'or ; quatre cents gardes du corps ou grands de la cour, tous à cheval et en costume de cérémonie, fermaient ce cortège d'environ deux mille personnes qui défila au milieu du silence le plus morne. Aussitôt qu'il était passé, les gardes se repliaient et les boutiques se rouvraient pour rendre à la rue des flots bourdonnants de curieux qui s'y étaient cachés.

...L'empereur T'ong–tche fut déclaré majeur peu de temps après son mariage. Les deux impératrices régentes Tze-ngan et Tze-hi durent abandonner les rênes du gouvernement au nouvel empereur et à sa jeune femme... L'empereur mourut le 12 janvier 1875 ; sa jeune femme, l'impératrice Ha-lou-t'o, était régente depuis quelques jours lorsqu'on apprit tout d'un coup qu'elle avait cessé de vivre.

Gabriel DEVÉRIA (1844-1899) : Un mariage impérial chinois. Cérémonial (Traduction). Leroux, Paris, 1887.

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La veille de la célébration

La veille de la célébration du mariage, les préposés aux équipages de la cour disposeront les palanquins et les emblèmes impériaux devant la porte de la salle du trône du palais Taï-ho tien. Ils placeront le palanquin découvert de l'empereur près la porte de cette salle et cinq chars près de la porte du Midi. Les éléphants seront placés au sud des chars, les chevaux de parade seront tenus au centre du passage sur ses côtés droit et gauche ; tout devra être disposé en lignes parallèles perpendiculairement au nord.

Le directeur de la musique disposera l'orchestre appelé Tchong-ho-chao-yuo dans les galeries est et ouest du palais Taï-ho tien, et le grand orchestre de la terrasse du Trône, à la porte de la Taï-ho men, sous les galeries est et ouest, tous faisant face au nord.

Tous les princes et les hauts fonctionnaires qui devront prendre part à la cérémonie, ainsi que les employés du palais, seront en habits de cour et attendront dans une attitude respectueuse.

Les chambellans disposeront la table sur laquelle sera placé le mandat impérial (kiè) au milieu de la grande salle du trône du palais Taï-ho tien. Cette table sera tournée vers le sud.

Ils placeront à gauche, et tournée vers l'ouest, la table où sera déposé le livre d'investiture, et à droite, tournée vers l'ouest, celle sur laquelle sera placé le sceau de l'impératrice.

Le ministère des Travaux Publics fera placer deux palanquins à dragons en dehors de la porte de la Grande chancellerie. Le grand écuyer, directeur des équipages de la cour et ses officiers feront disposer par les porteurs, le palanquin de l'impératrice, près de la porte Kien-tsing men, et ses emblèmes, en ligne s'étendant de la porte Taï-ho men à la porte du Midi.

L'intendance de la cour placera le trousseau de l'impératrice dans les palanquins à dragons, à l'ouest de la haie que formeront les emblèmes.

Les officiers de la Grande chancellerie et d'autres du ministère des Rites, porteront le livre d'or d'investiture, le sceau d'or de l'impératrice et le texte de leur contenu dans les deux palanquins à dragons disposés à cet effet. Un ministre des Rites portera le mandat (sceptre de délégation) ; les palanquins à dragons se mettront en marche précédés des officiers du ministère des Rites.

Les officiers de la Grande chancellerie et d'autres du ministère des Rites porteront respectueusement le livre d'or d'investiture et le sceau d'or de l'impératrice à la suite du mandat impérial ; ils monteront par l'escalier central de la terrasse, ils entreront par la porte centrale de la salle du trône, placeront le mandat impérial sur la table du milieu, le livre et le sceau sur les tables latérales, le premier à gauche, le second à droite ; cela fait, ils se retireront.

Les médiateurs, debout à l'est sur la terrasse du trône, formeront un groupe à part regardant l'ouest. Le membre de la Grande chancellerie impériale, chargé de transmettre le mandat, se tiendra debout, faisant face à l'ouest, sous la galerie est de la salle du trône.

Un héraut se tiendra derrière lui.

Les huissiers, les officiers de la Grande chancellerie et ceux du ministère des Rites, porteurs du sceau et du livre d'investiture, se rangeront selon leur grade, à l'ouest sous les galeries.

Deux grands ayant charge à la cour disposeront, en dehors de la porte Kien-tsing men, les porteurs de queues de léopard et un détachement de 20 gardes du corps dont dix armés de lances et dix autres armés de sabres.

Les deux ministres des Rites attendront debout au pied de l'escalier en dedans de la porte Kien-tsing men, et les dix grands chambellans à droite et à gauche, au bas de l'escalier de derrière de la salle du trône du palais Taï-ho tien. Quand les employés du tribunal des Mathématiques en auront fixé le moment favorable, les ministres des Rites inviteront l'empereur à revêtir son costume de cérémonie, à se mettre en palanquin et à sortir de son palais.

Les ministres des Rites, les grands chambellans, les aides de camp, les grands ayant charge à la cour suivront l'empereur jusqu'à la porte Taï-ho men où Sa Majesté mettra pied à terre. Le tambour et la cloche se feront entendre à la porte du Midi et quand l'empereur sera dans la salle du trône du palais Taï-ho tien, la musique jouera le Y-ping.

Les ministres des Rites conduiront l'empereur devant les tables où le livre d'investiture et le sceau de l'impératrice auront été déposés.

Après les avoir vus, l'empereur s'asseoira sur son trône. La musique cessera de jouer et les préposés aux équipages de la cour demanderont pour les fouets.

Après trois claquements, les huissiers crieront : « On est prêt ». L'orchestre de la terrasse du Palais jouera le Tcheng-ping.

Les chambellans feront mettre en ligne les princes, les fonctionnaires nobles, civils et militaires, puis enfin les médiateurs ; quand ils auront tous pris place, les huissiers crieront : « Agenouillez-vous, prosternez-vous, relevez-vous ». À ce commandement, tous ces personnages feront trois agenouillements, neuf prosternements, et quand ils se relèveront, la musique cessera de se faire entendre.

Les chambellans introduiront les médiateurs et leurs adjoints ; ils s'avanceront ou s'arrêteront suivant ce qu'on leur dira ; arrivés au milieu du chemin central de la terrasse du trône, ils resteront là, le visage tourné vers le nord. Un huissier criera : « Ordre de l'empereur ». Les médiateurs s'agenouilleront.

Un héraut s'avancera jusqu'au seuil de la porte centrale de la salle du trône du palais Taï-ho tien et, debout contre la partie est de la porte, le visage tourné vers l'ouest, il transmettra les paroles impériales suivantes : « L'empereur, ayant reçu des impératrices Tze-ngan et Tze-hi, l'ordre d'épouser la fille de Ho-lou-to che Tchong-ki, vous ordonne de prendre ce mandat (kiè) et d'accomplir les formalités qu'exige la remise d'un livre d'investiture à la nouvelle impératrice. L'empereur a parlé. »

Alors le membre de la Grande chancellerie, entrant par la porte gauche de la salle du trône, prendra respectueusement sur la table où il est déposé le mandat impérial, et, sortant par la porte centrale, il ira le remettre aux médiateurs qui, après l'avoir reçu, se relèveront et reculeront un peu ainsi que leurs adjoints, tous restant tournés vers l'ouest.

Les préposés aux équipages de la cour demanderont pour les fouets, et, après trois claquements, l'orchestre Tchong-ho-chao-yuo jouera le Yu-ping. L'empereur se lèvera et rentrera dans son palais, la musique cessera de jouer.

Les princes et les hauts fonctionnaires se retireront. Les médiateurs, suivis de leurs adjoints, emporteront le mandat en descendant par l'escalier gauche de la terrasse.

Les officiers attachés au ministère des Rites et à la Grande chancellerie, entreront par les deux portes gauche et droite de la salle du trône pour prendre le livre d'investiture et le sceau de l'impératrice ; ils les déposeront dans les palanquins à dragons.

Les porteurs se mettront en marche précédés des officiers du ministère des Rites. Devant ces officiers, marcheront les médiateurs précédés du parasol jaune et des attributs impériaux. Le cortège, passant par la voie centrale, sortira par la porte Taï-ho men.

Les préposés aux équipages tiendront prêts les emblèmes de l'impératrice ainsi que les palanquins à dragons renfermant son trousseau. Des officiers de l'intendance du Palais fermeront la marche ; ces deux cortèges, passant sur la voie centrale, passeront la porte Taï-tsing men et se rendront chez l'impératrice.

Dans la matinée du même jour, les grandes caméristes de l'impératrice, les aides des cérémonies, toutes en toilettes de cour, se rendront chez l'impératrice. Elles attendront, en costume brodé, les eunuques de son service.

Les personnes que cela concerne disposeront, au milieu de la grande salle de réception des appartements intérieurs, la table où sera déposé le mandat impérial ; à côté de celle-ci sera placée la table où seront brûlés des parfums ; de chaque côté de ces deux tables faisant face au sud seront placées, faisant face à l'est, les tables destinées à recevoir le livre d'investiture et le sceau de l'impératrice.

La place où l'impératrice s'acquittera de ce que lui impose l'étiquette sera au sud de la table où seront brûlés des parfums.

À l'arrivée des médiateurs, l'aïeul, le père et les frères de l'impératrice iront les recevoir et s'agenouiller à la porte donnant sur la rue ; ils ne rentreront qu'à la suite du cortège.

Les médiateurs monteront par l'escalier du milieu des appartements extérieurs et se tiendront là, debout à l'est, le visage tourné vers l'ouest. Les palanquins à dragons contenant le livre et le sceau entreront à la suite des médiateurs et seront rangés à droite et à gauche des appartements extérieurs.

Les officiers de l'intendance du Palais remettront le trousseau à des eunuques qui le feront passer à l'impératrice par l'entremise de ses dames d'atour.

Les préposés aux équipages rangeront les emblèmes de l'impératrice en ligne s'étendant de l'escalier jusqu'en dedans de la porte extérieure.

Le père de l'impératrice montera par l'escalier ouest sur le perron des appartements extérieurs, et s'agenouillera sur le seuil de la porte centrale, le visage tourné vers le nord. Le grand médiateur lui fera part de ce dont l'a chargé l'empereur ; le père de l'impératrice fera trois agenouillements, neuf prosternements et reculera. Un des médiateurs confiera le mandat impérial à des eunuques, les médiateurs adjoints leur remettront le livre d'investiture et le sceau qu'ils auront retirés des palanquins à dragons.

Les eunuques chargés de ces objets passeront par la porte centrale.

L'impératrice revêtira son costume de cour ; deux maîtresses des cérémonies la mèneront s'agenouiller à droite de la porte centrale des appartements intérieurs. Elle restera dans cette posture jusqu'à ce que le livre et le sceau aient franchi cette porte ; les dames de la famille de l'impératrice, toutes en habit de cour, à genoux lors de l'entrée de ces objets, ne rentreront qu'à leur suite.

Les eunuques placeront le mandat impérial sur la table du milieu, le livre d'or, le sceau d'or et la copie de leur texte sur la table de l'est disposée à cet effet, après quoi les eunuques se retireront.

Les maîtresses des cérémonies conduiront l'impératrice à la place où elle devra s'acquitter des devoirs que lui impose l'étiquette. Debout, le visage tourné vers le nord, elle aura à sa droite et à sa gauche, debout, deux aides des cérémonies ; ces quatre dames se feront vis-à-vis, deux à l'est, deux à l'ouest.

Deux lectrices se tiendront tournées vers l'ouest, au sud de la table est.

Les maîtresses des cérémonies prieront l'impératrice de s'agenouiller. Quand l'impératrice se sera agenouillée, elles crieront : « Faites la lecture du livre d'investiture ».

Une lectrice en prendra le texte sur la table et en fera la lecture, le visage tourné vers l'ouest.

Ceci terminé, il sera crié : « Recevez le livre ». Une lectrice prendra le livre et le remettra aux deux aides des cérémonies de gauche. Elles s'agenouilleront pour le passer à l'impératrice qui le repassera aux aides se tenant à droite ; elles s'agenouilleront pour le recevoir, puis se relèveront pour aller poser ce livre sur la table de l'ouest. Il sera crié : « Recevez le sceau ». On procédera pour le sceau comme pour le livre d'investiture.

Les maîtresses des cérémonies crieront : « Levez-vous ». L'impératrice se relèvera. Elles crieront : « Faites ce qu'ordonnent les Rites ». L'impératrice fera trois saluts, trois agenouillements et trois prosternements.

Cette cérémonie terminée, elle se reculera un peu et restera debout le visage tourné vers l'ouest ; les eunuques entreront pour prendre le mandat sur la table du milieu et aller le rendre aux médiateurs.

Les maîtresses des cérémonies reconduiront l'impératrice, en se tenant à sa droite, jusqu'à la porte centrale de la cour intérieure. La mère et les autres dames de la famille de l'impératrice, pour ce qui est de s'agenouiller et de reconduire, feront ainsi que lors de la réception.

Les médiateurs et leurs adjoints se retireront après que le mandat (ou sceptre) leur aura été rendu. L'aïeul, le père et les frères de l'impératrice reconduiront jusqu'au dehors de la porte donnant sur la rue et s'y agenouilleront comme d'abord.

Tous les fonctionnaires se retireront, les grands médiateurs retourneront au palais pour rendre compte de leur mission ; ils devront y rentrer par la porte Heou-tso men.

Gabriel DEVÉRIA (1844-1899) : Un mariage impérial chinois. Cérémonial (Traduction). Bibliothèque orientale elzévirienne. Ernest Leroux, éditeur, Paris, 1887, 186 pages.

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La première journée du mariage

Le quatorzième jour de la neuvième lune de la onzième année du règne de T'ong-tche (15 octobre 1872), entre 5 et 6 heures du main, les grands écuyers préposés aux équipages de la cour, feront prendre le palanquin à phénix de l'impératrice, et, le faisant passer par l'ouverture centrale de la porte Kien-tsing men, ils le déposeront au milieu de la grande salle de ce nom.

Entre 3 et 4 heures de l'après-midi, l'empereur ira rendre ses devoirs aux impératrices régentes dans le palais Tze-ning kong, et siégeant sur son trône, Sa Majesté enverra recevoir l'impératrice, sa fiancée.

Après que l'empereur sera rentré chez lui, quatre princesses, portant la coiffe et la robe rouge écarlate à écussons brodés, prendront respectueusement le caractère (long) dragon écrit de la main de l'empereur pour le mettre au milieu du palanquin de l'impératrice. Elles y placeront aussi une paire de sceptres de congratulation.

Ensuite, les grands écuyers préposés aux équipages de la cour feront retirer par leurs employés le palanquin de l'impératrice et, sortant par l'ouverture centrale de la porte Kien-tsing men, ils le feront porter à la demeure de l'impératrice où on le déposera au milieu de la grande salle antérieure de la maison, l'ouverture tournée vers le sud.

Quatre princesses, accompagnées de maîtresses des cérémonies, les unes et les autres portant la coiffe et la robe rouge à écussons, se rendront dans la chambre orientale du palais K'ouen-ning kong pour y préparer le lit nuptial orné de dragons et de phénix. Elles rempliront soigneusement un flacon de perles fines, de pierres précieuses, d'or, d'argent, de riz et de céréales, elles le laisseront au milieu du lit nuptial jusqu'à l'arrivée de l'impératrice et iront le lui présenter dans le palais Kien-tsing kong.

Quatre princesses placeront chacune un sceptre de congratulation aux quatre angles du lit nuptial.

Huit princesses, suivies de maîtresses des cérémonies, se feront remettre pour l'impératrice une robe brodée de dragons et de phénix enlacés, un voile rouge, les boucles d'oreilles, les épingles de tête en forme de sceptre de congratulation et portant le caractère choang-hi (bonheurs jumeaux) et de l'encens du Tibet. Elles disposeront ces objets sur un palanquin tapissé d'étoffes de cinq couleurs, elles feront porter et suivront ce palanquin jusque dans la demeure de l'impératrice en passant par la porte Chouen-tcheng men et la porte Chen-ou men.

Le quinzième jour de la lune (16 octobre), dès 11 heures du soir, les grands écuyers préposés aux équipages de la cour feront porter par leurs employés le palanquin de l'impératrice au milieu de la grande salle située dans les appartements du fond de la maison, l'ouverture du palanquin tournée vers le sud, dans la direction du génie du bonheur.

Au moment que fixeront les fonctionnaires du tribunal des Mathématiques, un grand chef des eunuques fera prier l'impératrice de se faire coiffer ; ses cheveux devront former deux nattes enroulées de chaque côté de la tête ; l'impératrice sera de même priée de mettre dans sa coiffure un sceptre de congratulation orné du caractère choang-hi (bonheurs jumeaux) et de revêtir sa robe à dragons et phénix enlacés.

Les princesses et autres dames feront brûler de l'encens du Tibet dans le palanquin de l'impératrice et sous son voile rouge, rangeront, sur le côté, le sceptre qui y est déposé, prieront l'impératrice de tenir d'une main deux pommes, de l'autre deux sceptres de congratulation ; enfin elles l'inviteront respectueusement à se mettre en palanquin.

À ce moment, les eunuques et autres gens de service se retireront ; le chef des eunuques baissera le store du palanquin aussitôt que l'impératrice s'y sera installée. Les maîtresses des cérémonies feront donner le signal du départ ; le chef des eunuques, celui chargé de lever le store du palanquin, les préposés à la garde des portes intérieures et extérieures du palais, les grands écuyers préposés aux équipages et leurs officiers, les hauts fonctionnaires de l'intendance du Palais, les porteurs et les gens de service de toutes sortes sortiront, avec le palanquin, par la porte centrale de la demeure de l'impératrice. Le directeur général des eunuques et d'autres eunuques soutiendront de la main les brancards de droite et de gauche du palanquin.

Les gardes du corps, porteurs d'encensoirs remplis d'encens du Tibet, marcheront en avant ; les officiers des gardes du corps et leur personnel suivront comme de coutume.

Les princesses et autres dames, accompagnées des maîtresses des cérémonies, rentreront, de leur côté, au palais par la porte Chen-ou men et la porte Chouen-tcheng men. Elles attendront, dans le palais Kouen-ning kong, que le palanquin de l'impératrice ait franchi la grande ouverture centrale de la porte Kien-tsing men où se tiendront des gardes du corps pour en ouvrir et fermer les battants.

Le palanquin de l'impératrice s'arrêtera au milieu de la salle du trône dans le palais Kien-tsing kong, l'ouverture tournée au sud, dans la direction du génie du bonheur. Dès que le palanquin aura été déposé à terre, les gens de service, les surveillants et les chefs des eunuques se retireront tous. Les gardes fermeront la porte Kien-tsing men. (Quelques moments avant l'arrivée de l'impératrice, les princes du sang auront prié l'empereur, qui se trouvait dans la chambre à coucher occidentale du palais Kien-tsing kong, de passer dans l'antisalle pour s'y faire coiffer et revêtir sa robe et sa veste ornées de dragons ; les princes commandant les gardes du corps auront parfumé la salle en y promenant des encensoirs remplis d'encens du Tibet. Huit princes ou nobles appartenant à la famille impériale portant chacun une lanterne, deux autres portant chacun un brûle-parfums auront fait sortir l'empereur par une porte de derrière et l'auront conduit au palais Kouen-ning kong, en passant par la salle du trône Kiao-taï tien. Les princes du sang et les commandants des gardes du corps se seront tous retirés et ceux d'entre eux, ayant encore des devoirs à remplir, attendront en dehors du palais Kouen-ning kong avec les chefs des eunuques et autres.)

Les huit princesses et les maîtresses des cérémonies qui se trouveront dans la chambre à coucher orientale du palais Kien-tsing kong, prieront l'impératrice, aussitôt qu'on aura levé le store et rangé les brancards du palanquin, de mettre pied à terre.

Les princesses recevront les pommes apportées par l'impératrice et lui remettront, en échange, le flacon rempli de matières précieuses dont il a été question plus haut.

Quatre princesses soutiendront l'impératrice ; les maîtresses des cérémonies tenant des lanternes ouvriront la marche, et, faisant sortir Sa Majesté par la porte de derrière du palais Kien-tsing kong, elles la mèneront dans la chambre à coucher orientale du palais Kouen-ning kong, en passant par la salle du trône Kiao-taï tien.

À la suite de Sa Majesté marcheront quatre princesses portant le caractère long (dragon) et les sceptres qu'elles auront retirés de son palanquin.

Les employés de l'Intendance impériale auront fait placer des braseros dans la salle du trône du palais Kien-tsing kong et les officiers du dépôt de la Guerre auront placé des selles sur le seuil de la porte du palais Kouen-ning kong.

Les employés de l'Intendance impériale auront placé deux pommes sous ces selles.

Lorsque l'impératrice sera arrivée dans la chambre à coucher orientale du palais Kouen-ning Kong, les princesses retireront respectueusement des mains de Sa Majesté le flacon dont il a été question plus haut. Cet objet précieux, ainsi que ceux provenant du palanquin de l'impératrice, la pomme, le sceptre de congratulation et le caractère (long) dragon, seront rangés sur une table.

(Ce qui précède se passe sous les yeux du souverain.)

Les princesses attendront que l'empereur ait découvert le visage de sa fiancée pour aller déposer le voile rouge de l'impératrice sur le lit nuptial du dragon et du phénix.

L'empereur s'asseoira sur ce lit, l'impératrice prendra place à sa gauche. Les maîtresses des cérémonies auront disposé sur le lit nuptial un bassin de cuivre renversé sur lequel sera placée une boîte contenant les gâteaux de postérité.

Les maîtresses des cérémonies inviteront le couple impérial à en manger.

Quatre princesses assistées de maîtresses des cérémonies inviteront l'impératrice à se coiffer et à mettre dans ses cheveux le sceptre portant le caractère choang-hi (bonheurs jumeaux), ses épingles, les fleurs de velours, emblèmes du bonheur et de la richesse, et enfin à mettre son collier.

L'office du palais dressera, en dehors de la porte de la salle du trône du palais Kouen-ning kong, une table sur laquelle seront servis du jambon, un gigot de mouton, du vin d'or, du vin d'argent, du riz d'or, du riz d'argent, des rouelles de viande et autres mets.

Les maîtresses des cérémonies introduiront cette table, placeront des coussins sur le sol, au pied du lit nuptial, et quatre princesses inviteront l'empereur et l'impératrice à s'asseoir l'un vis à vis de l'autre ; elles apporteront l'aiguière contenant le vin, les soucoupes et les coupes, puis elles inviteront Leurs Majestés à commencer le repas nuptial.

Pendant ce repas, le garde du corps et sa femme, chargés de coiffer l'empereur et l'impératrice, réciteront à haute voix derrière une cloison, en se répondant l'un à l'autre, l'hymne de circonstance.

Le repas terminé, les maîtresses des cérémonies retireront la table, et quatre princesses inviteront l'impératrice à enlever son collier.

L'empereur et l'impératrice reprendront leur place sur le lit nuptial, tous deux de front, faisant face au sud, direction dans laquelle se trouve le génie du bonheur ; ils seront assis sous les rideaux. Ensuite les maîtresses des cérémonies placeront sur le lit nuptial un bassin de cuivre renversé, quatre princesses inviteront le couple impérial à manger des pâtes de longévité, qui seront apportées dans une boîte ronde.

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Les jou-y ou sceptres symboliques chinois

Jou-y, ou sceptres symboliques chinois. Gabriel DEVÉRIA (1844-1899) : Un mariage impérial chinois. Cérémonial (Traduction). Bibliothèque orientale elzévirienne. Ernest Leroux, éditeur, Paris, 1887.
Jou-y.

Les objets que représente la gravure ci-contre ont eu plusieurs usages. Vers l'ère chrétienne il étaient de fer et servaient de sceptre de commandement ; leur nom n'a pas varié depuis lors, on les appelle des jou-y.

Jou-y signifie : Comme il est souhaité.

Vers le cinquième siècle, époque à laquelle le bouddhisme indien, faisant de grands progrès en Chine, battait en brèche le taoïsme, les bonzes de cette dernière religion, pour retenir la foule qui commençait à déserter leurs temples, sentirent la nécessité de donner à leur propagande un regain de popularité en s'aidant de l'alchimie et de quelques miracles.

C'est alors que les jou-y, après avoir été l'emblème du commandement sur les hommes, devinrent, entre les mains des prêtres du tao, le symbole de la puissance surnaturelle qu'ils prétendaient pouvoir exercer sur les éléments et sur les esprits du ciel et de la terre.

Les chroniques de cette époque rapportent « qu'un jour un certain écolier plein de mérite, aussi pauvre que modeste, rencontra un prêtre taoïste qui lui fit présent d'un jou-y, avec lequel tout ce que souhaiterait son cœur serait à l'instant exaucé... »

On voit d'après cela que le jou-y a été en Chine ce qu'est dans nos légendes la baguette de nos magiciens et de nos fées.

Aujourd'hui la remise d'un jou-y à de jeunes époux exprime le vœu de voir se réaliser pour eux tout ce qu'ils peuvent désirer.

Dans le cérémonial des noces de l'empereur T'ong-tche, en 1872, nous avons d'ailleurs un exemple précis de l'emploi de ces sceptres : Le lendemain de leur mariage, les nouveaux époux sont allés offrir chacun un jou-y à l'impératrice douairière ; toutes les dames du palais et les femmes des hauts fonctionnaires firent de même. Après cela, les deux nouveaux époux s'offrirent l'un à l'autre un de ces sceptres. Les dames du palais et les princesses du sang vinrent chacune en remettre un au jeune empereur. Les femmes des hauts fonctionnaires remettaient les leurs au chef des eunuques, qui les passait au souverain. Toutes ces dames allèrent ensuite s'acquitter de la même cérémonie envers la jeune impératrice.

Bien que toujours à peu près d'une même forme et d'une même dimension, les jou-y varient à l'infini quant à l'ornementation et à la matière dont on se sert pour leur fabrication. Nous en avons vu en laque de toutes espèces, en métaux de toutes sortes, en bois sculpté avec ou sans incrustations, en ivoire, en jade blanc du Khotan, en serpentine, en cornaline, en lapis-lazuli, en porcelaine, en émail, etc. Une collection de jou-y pourrait être d'autant plus intéressante qu'il est peu d'objets se prêtant mieux aux différentes applications des diverses branches de l'art et de l'industrie du Céleste empire.

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