Léon Feer (1830-1902)

LE TIBET. Le pays, le peuple, la religion.

Maisonneuve, Paris, 1886, 108 pages.


Géographie physique. Productions du sol. — Géographie politique. Gouvernement. État social. — Mœurs, caractère, développement intellectuel. — Religions ; croyances et pratiques. — Moines et lamas. — Histoire, voyages.


Extraits : Quelques dates sur l'histoire du Tibet - Gouvernement. Administration. Justice - Mœurs et coutumes

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Quelques dates sur l'histoire du Tibet

250 avant J.-C. — Commencement de la royauté tibétaine avec Nya-khri-tsan-po.
331 après J.-C. — Une boîte renfermant entre autres objets le Za-ma-tog (livre bouddhique) tombe du ciel sous Lha-tha-tho-ri.
371. — Mort de Lha-tha-tho-ri.
651. — Fondation du premier couvent bouddhique à Lha-sa sous Srong-tsau-gan-po.
747. — Arrivée de Padma-Sambhava, docteur indien, au Tibet.
899. — Proscription du bouddhisme par Lang-dar-ma.
900. — Meurtre de Lang-dar-ma.
971. — Commencement de la restauration du bouddhisme.
980. — Naissance de Djo-vo Aticha, docteur bouddhiste.
1002. — Naissance de Bromston, disciple de Aticha.
1025. — Introduction du Kâla-tchatra (ouvrage célèbre) ; première année du cycle de 60 ans.
1038. — Naissance de Mi-la-ras-pa, ascète et écrivain renommé.
1052. — Mort de Djo-vo-Aticha.
1071. — Fondation du monastère de Sa-skya.
1177. — Fondation du monastère de Brigoung.
1180. — Naissance de Sa-skya pandita, oncle de Phags-pa, favori des empereurs Godan et Koubilaï.
1261.— La souveraineté du Tibet est donnée par Koubilaï à Phags-pa et aux abbés de Sa-skya.
1355. — Naissance du réformateur Tsong-ka-pa.
1407. — Établissement de la fête de la grande supplication et fondation du monastère de Galdan à Lha-sa par Tsong-ka-pa.
1414. — Fondation du monastère de Brebong.
1417. — Mort de Tsong-ka-pa.
1447. — Fondation du monastère de Tachiloumpo.
1474. — Mort de Gué-doun-groub (1er Dalaï-Lama).
1541. — Naissance de Sod-nam-guya-tso (le premier qui ait porté le titre de Dalaï-Lama).
1575. — Visite de Sod-nam-guya-tso au prince mongol Altan-Khagan qui se convertit au bouddhisme.
1619. — Défaite de Sing-gué-nam-guyal, roi du Tibet occidental, près de Lha-sa.
1640. — Défaite et mort de Tsan-po, autre roi du Tibet occidental, près de Digartchi.
1643. — Fondation du monastère de Potala. Institution du pouvoir du De-sri.
1650. — Voyage du Dalaï-Lama Navang-lob-sang en Chine.
1659. — Mort de Navang-lob-sang.
1671. — Funérailles de Navang-lob-sang dont la mort avait été cachée pendant douze ans par le Desri Seng-dja-guya-mtso.
1706. — Le successeur donné par Seng-dja-guya-mtso à Navang-lob-sang se rendant méprisable par ses désordres, La-tsan-khan, descendant de Gouchi conteste la légitimité du Dalaï-Lama, tue Seng-dja-guya-mtso et dépose le pontife qui périt de mort violente ou de maladie.
1707. — Établissement de la mission des Capucins italiens.
1717. — Prise de Lha-sa par les Dzoungars qui tuent La-tsan-khan et déposent le Dalaï-Lama établi par lui.
1720. — Conquête et expulsion des Dzoungars par les armées de l'empereur Kang-hi.
1727. — Soulèvement de trois Kalons contre la domination chinoise. Répression du mouvement par le quatrième Kaloo Pholonaï et par les troupes de l'empereur Yong-tching. — C'est alors que les provinces de Ba-thang et Li-thang sout détachées du Tibet et annexées à la Chine.
1735. — Construction de la forteresse de Dyachi pour maintenir la population de Lha-sa.
1750. — Tentative du fils de Pholonaï Guyon-med-nam-guyal, gouverneur du Tibet, pour s'affranchir de la domination chinoise. Il est vaincu et mis à mort.
1774-5. — Mission de George Bogle envoyé par Warren Hastings auprès du Pan-tchen-rin-po-tche pour conclure un traité de commerce.
1779. — Voyage du Pan-tchen-rin-po-tche en Chine.
1780. — Sa mort causée par la petite vérole.
1783-4. — Mission de Samuel Turner auprès du nouveau Pan-tchen-rin-po-tche (le Téchou-lama) enfant.
1792. — Invasion Gorkha, 18.000 combattants venus du Népal pénètrent jusqu'à Tachiloumpo et le pillent. Défaite et mise en fuite des envahisseurs à Tingri-meidan.
1834. — Invasion et conquête du Ladak par les troupes de Goulab-singh, futur mahâràdja de Kachemir.
1841. — Invasion du Gugué (Ngari-khor-soum) par les troupes de Goulab-singh.
12 et 13 déc. 1841. — Bataille de Mariam-la. Défaite et mort de Zoravar-singh, général de Goulab-singh.
1842. — L'armée chinoise pénètre jusqu'à Leh ; traité de paix qui rétablit l'ancienne frontière.
1844. — Procès et condamnation du Nomo-khan de Lha-sa qui avait fait périr successivement trois Dalaï-Lama et avait été dénoncé à l'empereur de Chine par les kalons et le Pan-tchen-rin-po-tche ; malgré la résistance des moines du couvent de Sera qui soutenaient sa cause, Kki-chan délégué de l'empereur, muni de pleins pouvoirs, le fait conduire dans le lieu d'exil qui lui a été assigné.
1843-6 — Guerre entre les Lamas de Tsiamdo et Djaya dans le Tibet oriental.
1854. — Hostilités entre le Tibet et le Népal.
1856. — Traité de paix stipulant : un paiement annuel de 10.000 roupies par le Tibet ; l'échange des armes et des prisonniers ; l'établissement à Lha-sa d'un comptoir et d'un agent népalais ; la reconnaissance de la suzeraineté de la Chine par les deux États.
1871. — Soulèvement à Lha-sa (dont la cause n'est pas connue) qui coûte la vie à plusieurs centaines de personnes.

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Gouvernement. Administration. Justice

Rapports avec la Chine. — Ce qui domine au Tibet, au point de vue politique, c'est l'influence chinoise. Le pays n'est, en réalité, qu'une dépendance de l'empire du Milieu. Les garnisons, peu considérables, du reste, qui veillent à sa sûreté, sont composées de Chinois et de Tibétains, la majorité des soldats et la totalité des officiers étant chinoise. Toutes les forces militaires réparties sur tout le territoire sont sous les ordres de deux Tong-ling ou colonels chinois dont l'un réside à Lha-sa, l'autre à Tsiamdo. Mais, en général, la Chine laisse au Tibet son autonomie, et se contente d'exercer une sorte de surveillance, prête à intervenir s'il se produit quelque dissension, et surtout soigneuse d'écarter les étrangers, à quelque titre qu'ils se présentent. Pour cela, l'empereur de la Chine entretient à Lha-sa deux Kin-tchai ou délégués impériaux qui le renseignent sur tout ce qui se passe et reçoivent ses instructions sur la conduite à tenir. Il ne se mêle pas ostensiblement de la direction des affaires locales et laisse le pays se gouverner, au moins en apparence, par ses propres lois.

Gouvernement, administration. —Il est assez difficile de définir le gouvernement du Tibet. C'est au fond une théocratie. Si les moines ne gouvernent pas en principe, ou ne détiennent pas exclusivement l'autorité, tout se fait d'après leurs inspirations. L'autorité suprême appartient au dalaï-lama, qui est le souverain pontife du pays, mais dont le pouvoir, généralement respecté, n'est peut-être pas obéi partout avec une entière soumission. Toutefois, le dalaï-lama ne gouverne pas lui-même, il délègue ses pouvoirs à un fonctionnaire nommé à vie qui porte le titre de de-sri, et qu'on désigne quelquefois sous le nom mongol de nomokhan (roi de la loi). C'est lui qui est réputé le « roi » ou « régent » du Tibet. Il gouverne avec le concours de quatre ministres appelés kalon, qui ont sous leurs ordres seize hauts fonctionnaires entre lesquels sont répartis les diverses branches de l'administration. Ce pouvoir central est représenté dans les provinces par divers fonctionnaires dont les principaux sont les de-pa et les chel-ngo qu'on peut assimiler à nos préfets et à nos sous-préfets. Les fonctionnaires de l'ordre inférieur sont nommés par les kalons ; les depa et les fonctionnaires élevés le sont par le de-sri qui relève du dalaï-lama. Il n'y a aucun moyen de contrôler l'administration qui est despotique et oppressive.

Justice. —La justice est rendue par des tribunaux composés de trois juges. On peut appeler d'un premier jugement à un tribunal supérieur, de celui-ci aux kalons, même au de-sri. L'appel au dalaï-lama a été supprimé, surtout en matière criminelle, parce que ce monarque débonnaire faisait toujours grâce. Les tribunaux siègent pendant tout le temps que les boutiques des marchands sont ouvertes. Quand la preuve par écrit ou la preuve testimoniale fait défaut, les juges ont alors recours, en matière civile, aux ordalies ou épreuves judiciaires ; en matière criminelle, à la question.

Le plaideur, pour gagner son procès, doit obtenir le plus de points en jetant les dés, ou retirer, sans se brûler, une boule blanche placée avec une boule noire dans l'huile bouillante, ou promener impunément sa main le long d'un fer rouge. En matière criminelle, pour obtenir un aveu, on plonge l'accusé dans l'eau froide, on lui fait des piqûres sur lesquelles on met du sel, on l'expose nu tout un jour sur la place publique, ou on l'attache les bras et les mains écartés à un gibet appelé kyang-ching.

La prison, l'amende, la bastonnade sont les peines appliquées aux délits secondaires. La perte d'une main ou des deux mains, la mort à coups de flèches, la submersion dans un fleuve, l'enterrement avec le corps de la victime après y avoir été attaché vingt quatre-heures, sont les principales peines réservées aux grands crimes. A part ces barbaries de procédure et de pénalité, les dispositions de la loi pour les cas les plus communs, vol, meurtre, adultère, sont assez équitables, et la justice tibétaine pourrait mériter une approbation relative si elle était aussi gratuite en fait qu'elle l'est en principe. Mais on assure qu'elle est essentiellement vénale, qu'on peut, avec de l'argent ou des présents, se soustraire à la torture ou à la peine ; et que celui qui donne le plus est toujours sûr de gagner son procès.

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Mœurs et coutumes

Habitations. — Les tentes des nomades sont de deux sortes : à une ou à deux colonnes. Les maisons des Tibétains sédentaires sont généralement en pierre, à plusieurs étages, quelquefois avec cour intérieure ; le rez-de-chaussée est le plus souvent réservé aux animaux. Le toit est plat ; l'escalier est en bois, très grossier et très incommode. Il n'y a pas de cheminée : le feu est allumé au milieu de la chambre, et la fumée s'échappe par les portes et par les fenêtres, ou par un trou pratiqué dans le toit. Le combustible employé est, vu la rareté du bois, la fiente des animaux que l'on recueille et que l'on fait sécher. On la classe d'après les espèces dont elle provient, selon la plus grande quantité de chaleur et la plus petite quantité de fumée qu'elle peut donner. Les intérieurs tibétains sont, en général, mal tenus ; les ustensiles y sont pêle-mêle ; les sièges y sont à peu près inconnus, les Tibétains ayant l'habitude de s'asseoir par terre sur des peaux de bête.

Vêtements. — La principale pièce de l'habillement des hommes est une sorte de robe en peau de mouton dont la laine est en dedans. Celle des riches est doublée à l'extérieur de drap ou de soie, celle des autres est tannée au beurre et noire de crasse. En été, elle est remplacée par une robe de laine. La coiffure est un chapeau en feutre à larges bords retenu par un cordon noué sous le menton ; les chaussures sont des bottes en drap de diverses couleurs. Les femmes portent un gilet qui couvre la poitrine, une jupe de laine attachée à une ceinture et une camisole qui recouvre le gilet. La boîte à amulette, appelé gaou, qui se porte suspendue au cou, est une partie essentielle du costume des deux sexes, qui se parent aussi de boucles d'oreilles et de bracelets ; les femmes ont des colliers de perles et ornent de perles leurs coiffures : les Tibétains ont la passion des ornements. Les femmes réunissent leurs cheveux en une tresse pendant derrière le dos. L'usage des hommes était de laisser tomber les leurs sur leurs épaules, en les raccourcissant de temps à autre ; mais l'habitude de les réunir en une ou plusieurs tresses s'introduit peu à peu.

La tenue des Tibétains laisse beaucoup à désirer ; ils sont malpropres sur leurs personnes et dans leurs maisons ; ils ne se lavent presque jamais. On dit que c'est à cause du froid et surtout de la sécheresse de l'air. Il paraît cependant que, une fois par an, au mois d'octobre, à un jour réputé heureux, ils prennent un bain, non par amour pour la propreté, mais en vue d'obtenir une bénédiction. La superstition, qui fait en général tant de mal, a quelquefois l'avantage d'imposer ou de consacrer certaines pratiques hygiéniques.

Nourriture. — Le principal aliment des Tibétains est le tsam-pa. On appelle ainsi des grains d'orge pu de blé, mais surtout d'orge, grillés, puis réduits en une farine qu'on détrempe et qu'on pétrit dans du thé beurré et salé. Le repas peut se compléter avec de la viande qui est presque un mets de luxe. Cette viande, ordinairement du mouton, est crue. On la mange quelquefois saignante, mais le plus souvent après l'avoir fait sécher et l'avoir longtemps conservée dans cet état. On fait ainsi sécher des moutons entiers après les avoir vidés, et on les garde quelquefois un an et plus. Outre le thé, les Tibétains ont une liqueur fermentée faite avec de l'orge. Les bergers s'en préparent une semblable avec du lait aigri.

Moyens de locomotion ; voyages. — Les routes sont fort peu entretenues au Tibet ; surtout elles présentent fréquemment des passages très difficiles dans les montagnes et traversent des fleuves et des torrents ; les chutes de neige viennent souvent accroître les obstacles. On ne fait pas grand usage de voitures ; les voyages s'exécutent surtout à dos de cheval, d'âne et de mulet ; les moutons et les yaks portent les bagages. Quand la neige a rendu les chemins impraticables, on envoie des yaks en avant pour la piétiner et frayer un sentier. Les précipices et les fleuves se traversent au moyen soit de bacs, soit de ponts. Les ponts sont de plusieurs espèces ; il y en a en fer, en bois, en corde. Les premiers sont appuyés sur des chaînes tendues d'une rive à l'autre. Les ponts en bois consistent en de simples poutres qui s'appuient sur les deux bords dans le cas où ils sont assez rapprochés l'un de l'autre. Dans le cas contraire, une première série de poutres s'avance de chacun des bords au-dessus du fleuve ; une deuxième série, superposée à la première, s'avance encore davantage au-dessus de l'abîme, et ainsi de suite, jusqu'à ce que l'écartement soit assez faible pour que l'on place les dernières poutres qui remplissent le vide. Il existe cependant, notamment aux environs de Tsiamdo, des ponts en bois appuyés sur des piles en pierre grossièrement édifiées dans le lit du fleuve. Les ponts en corde sont formés d'une corde allant d'un bord à l'autre, avec une certaine inclinaison, et d'une auge, suspendue à cette corde, dans laquelle se met le voyageur ; il se laisse glisser par son propre poids le long de la corde, en s'aidant des mains pour atteindre la rive opposée. Ce système exige deux ponts, l'un pour aller de la rive droite à la rive gauche, l'autre de la rive gauche à la rive droite.

Il n'y a pas d'hôtels au Tibet. Le voyageur qui arrive dans une ville est obligé de trouver une ou deux chambres à louer, à moins qu'un ami ne lui offre l'hospitalité. Dans la campagne, on est reçu dans les maisons avec plus ou moins d'empressement et de générosité, selon la qualité que l'on a ou les relations qui peuvent exister entre le voyageur et l'habitant.

Mariage. — Le jeune homme qui recherche une jeune fille en parle aux parents. Si sa demande est agréée, on fixe un jour où les deux familles, avec les amis de l'une et de l'autre, se réunissent chez le futur. Le mariage est accompli lorsque chacun des fiancés a répondu affirmativement à la demande du père de l'autre sur sa volonté de se marier et qu'on lui a mis un morceau de beurre sur le front ; après quoi, on s'acquitte de quelques devoirs religieux et on festoie pendant plusieurs jours.

Il n'y a là cependant qu'un commencement d'union si le mari a des frères, car tous deviendront aussi les maris de la même femme. Il en est ainsi au Tibet : des frères n'ont jamais qu'une seule épouse ; on prétend même que l'usage existe également pour des proches parents qui ne sont pas frères. On a proposé plusieurs explications pour cette coutume singulière appelée polyandrie (pluralité des maris). La plus généralement admise est celle qui l'attribue au désir de ne pas morceler les héritages.

Il paraît que la polyandrie n'empêche pas la polygamie ordinaire, et que les riches au Tibet se donnent le luxe d'avoir plusieurs femmes.

Condition des femmes. — Les femmes jouissent au Tibet d'une liberté qu'elles ne connaissent ni en Chine ni dans l'Inde. Elles vont et viennent sans entraves ; leur principale occupation, outre les soins du ménage, est de tisser la laine. Ce sont elles surtout qui fabriquent les pou-lou dont on fait un si grand usage au Tibet et dans les pays voisins. On assure que, par ordre supérieur, elles ne sortent pas sans se couvrir la figure (au moins à Lha-sa), d'un vernis destiné à empêcher la séduction que leurs charmes seraient capables d'exercer, mais que c'est là un impuissant palliatif et que les mœurs n'ont rien gagné à l'emploi de ce substitut du voile traditionnel.

Sépulture, funérailles. — La sépulture ordinaire consiste à donner les corps morts en pâture aux chiens, aux animaux sauvages et surtout aux oiseaux de proie. Les cimetières sont des plates-formes choisies ou préparées sur des lieux élevés de manière que l'on puisse y jeter facilement les corps ; et l'on y pratique même des sentiers pour en faciliter l'accès aux animaux. Quelquefois on porte les morts dans un lieu désert, de préférence sur le sommet de quelque montagne. Il paraît que souvent on coupe les corps en morceaux que l'on distribue aux chiens ; les restes du repas de ces animaux sont ensuite jetés dans le fleuve voisin.

Ce mode d'ensevelissement, qui répugne si fort à nos mœurs, peut tenir en partie à la rareté du bois dans le pays ; mais il est en parfaite harmonie avec la croyance des Tibétains. Selon eux, le corps mort est un habit usé qu'on laisse pour en reprendre un neuf. Cet habit qu'on a quitté n'a plus aucune valeur, ne peut plus rendre aucun service, et il y a même du mérite à en faire profiter d'autres êtres. Ce genre de sépulture n'exclut pas d'ailleurs le respect pour les morts que l'on pleure, et dont on porte le deuil en supprimant tel ou tel ornement dans la toilette, surtout dans celle des femmes, pendant un temps plus ou moins long, selon le degré de parenté.

Il y a une exception pour la sépulture des lamas et des personnages réputés saints ; leur corps est brûlé solennellement, et leurs cendres recueillies sont, ou bien jetées dans l'eau courante, ou façonnées en petites boules que l'on conserve comme un objet de respect et une sorte d'amulette.

Politesse tibétaine. — Les Tibétains sont liants et entrent facilement en relations. Nous citerons deux traits de leur politesse. On ne s'aborde pas, on ne fait pas une visite ou un envoi quelconque sans offrir un khata ou « écharpe de félicité », petite pièce de soie de mince valeur. On peut y joindre un présent de plus grand prix ; l'offrande du khata, seul ou non, est de rigueur : on n'envoie pas une lettre sans l'accompagner d'un khata. Aussi a-t-on toujours sur soi une petite provision de cette sorte de mouchoir. L'autre particularité à citer est le mode de salutation ; en même temps qu'on ôte son chapeau, on tire la langue et on se gratte l'oreille.

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