François Bernier (1625-1688)

Couverture. François BERNIER (1625-1688) : Introduction à la lecture de Confucius. — Extrait de pièces envoyées pour étrennes par M. Bernier à Mme de la Sablière.  Journal des Sçavans, 7 juin 1688.


INTRODUCTION À LA LECTURE DE CONFUCIUS

Extrait de diverses pièces envoyées pour étrennes par M. Bernier à Madame de la Sablière.

Journal des Sçavans, 7 juin 1688, pages 25-40.


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Les Chinois comptent depuis Fo-hi leur premier empereur jusqu'à présent 4.658 ans. Ils ont même l'histoire consécutive de tous leurs empereurs depuis ce Fo-hi jusqu'à celui qui règne présentement, & ils ne doutent non plus de la vérité de cette histoire, qu'on doute en Europe de l'histoire romaine. Aussi est-ce de cette sorte qu'en parle le père Martini jésuite qui nous en a donné un abrégé : de qua ne dubitari quidem potest. Ce qui semble obliger à régler l'antiquité des temps suivant la supputation des Septante plutôt que suivant celle des Hébreux, parce que ceux-ci ont tellement resserré la durée du monde depuis sa création, que si leur chronologie était véritable, le commencement de la monarchie de la Chine se trouverait environ 660 ans au-delà du déluge ; au lieu que selon la supputation des Septante, qui donnent au monde une plus longue durée, il peut avoir été environ 668 ans après.

Pour ce qui est de l'état des choses avant le premier empereur, ils tiennent bien pour constant que la Chine était divisée en quantité de petits rois qui étaient autant de petits princes souverains & absolus, & qu'elle a même été fort longtemps sous cette sorte de gouvernement ; car les uns parlent de six mille ans, les autres de plus, les autres de moins, chacun selon sa pensée. Mais les véritables chronologistes, & qui parlent sans préoccupation, avouent qu'on n'en peut rien dire de certain, comme n'y ayant aucunes histoires sur lesquelles on puisse faire fondement.

C'est apparemment à cause de ce défaut d'histoires qu'ils ne disent pas un mot du Déluge universel de Noé. De Diluvio Noëmico, dit le même Martini, altum apud Chinas silentium. Ils ne parlent que de ce déluge de neuf années consécutives, qui arriva longtemps après l'établissement de la monarchie.

Entre les anciens empereurs de la Chine il y en a principalement six, savoir Fo-hi, Yao, Xun, Yu, Chin-tam, & Vu-uam, qui ont toujours été très célèbres pour leur sagesse extraordinaire, & ils sont en si grande vénération pour cela & pour leur piété, leur charité singulière, leur étendue de génie, leur grandeur d'âme, leur générosité, leur libéralité, leur prudente conduite, & leur sage politique, qu'ils les tiennent comme les vrais & naturels modèles sur lesquels tous les souverains doivent se régler pour bien gouverner. Mais entre ces six Yao & Xun sont encore les plus célèbres, non seulement à cause de leur rare & singulière vertu, mais à cause que les Chinois les considèrent comme leurs législateurs, & par conséquent comme les principaux fondateurs de l'empire.

Lois & coutumes de la Chine

Tant que les lois & les coutumes établies par ces six empereurs ou législateurs ont été en vigueur, l'empire a toujours fleuri & subsisté paisiblement, glorieusement, heureusement. Du moment que les empereurs & les peuples se sont relâchés, ce n'a été que trouble, que guerre & que malheurs.

Entre ces lois & ces coutumes, il y en avait qui regardaient en quelque façon le culte & la religion, en ce qu'elles prescrivaient les manières particulières de sacrifier aux Êtres supérieurs ; l'empereur seul, par exemple, sacrifiant au Ciel au nom de tous ses sujets, les petits rois aux esprits tutélaires du royaume, les préfets aux esprits tutélaires des villes, des montagnes & des fleuves, & les particuliers aux esprits tutélaires des maisons.

Ces six empereurs ou législateurs ont tenu généralement pour maxime, que la vertu est le fondement du bon gouvernement, comme étant impossible qu'un État soit bien gouverné à moins que le prince & les sujets ne soient véritablement & solidement vertueux.

Ils ont cru aussi que de tous les moyens qui peuvent contribuer à introduire la vertu dans un État, le plus efficace & le plus singulier est l'éducation des enfants dans la piété paternelle, c'est-à-dire dans l'amour, dans le respect, & dans la soumission entière & parfaite à l'égard de leurs père & mère. C'est là le grand fondement de leur politique ; & voici à peu près comme ils raisonnent :

Comme le grand désordre du monde, disent-ils, & celui qui a de plus étranges suites dans la vie, vient de ce que les enfants suivant le penchant d'une jeunesse impétueuse, se laissent aveuglément emporter à leurs passions, il n'y a rien qu'on ne doive faire pour les porter à avoir de l'estime, de l'amour, de la vénération, & une soumission ou déférence entière & parfaite pour leur père & pour leur mère, afin qu'ils s'abandonnent volontiers à leur conduite, & qu'ils suivent les avis & les conseils salutaires qu'ils sont capables de leur donner, comme ayant plus de connaissance, plus d'expérience, & plus de modération qu'eux.

Ils ajoutent que les lois doivent d'autant plus insister sur cette piété paternelle, qu'elle est fondée dans la nature, dans la justice, dans la raison, & par conséquent dans la volonté du Ciel qui nous a donné la raison. Car qu'y a-t-il de plus juste & de plus conforme à la raison que d'aimer & de respecter ceux qui nous aiment tendrement, & qui nous ont donné l'être & la vie, qui nous élèvent avec tant de soin & de travail, qui nous nourrissent, qui nous entretiennent & qui nous instruisent ? Est-ce que des enfants qui sont encore ignorants & sans expérience, sauraient prendre un meilleur parti que de se soumettre à leur direction ? C'est le Ciel qui inspire au père cet amour naturel qu'il a pour son enfant, & qui lui a donné cette autorité & cette supériorité naturelle qu'il a sur lui. Le Ciel nous a donc soumis à la direction de nos pères. C'est donc à nous à seconder la volonté du Ciel ; c'est à nous à leur obéir. Si nous suivons le dessein du Ciel, nous en devons attendre toutes sortes de grâces & de prospérités : et au contraire si nous ne le suivons pas, toutes sortes de disgrâces & de malheurs nous accableront. Voici d'ailleurs comme ils raisonnent pour prévenir quelques difficultés.

Que le Ciel a sagement disposé les choses ! Un père pourrait être vicieux, qui aimant naturellement son fils, l'instruirait à la vertu. Mais comment les pères pourraient-ils être vicieux dans un État où chaque père aurait été élevé dans cet esprit d'estime, d'amour, de respect, de douceur & de soumission par l'exemple de son propre père, de son grand-père, de ses oncles, de ses alliés, de ses voisins & généralement de tous les pères de famille qu'il aura pu connaître ? La vertu ne sera-t-elle pas comme héréditaire dans chaque famille, & ne passera-t-elle pas consécutivement de père en fils ?

Après que par toutes les raisons imaginables ces célèbres législateurs & fondateurs de l'empire de la Chine ont tâché d'inspirer & d'établir cette pieuse & importante maxime qui regarde l'amour, le respect & l'obéissance des enfants à l'égard de leurs pères & mères, que n'ont-ils point fait pour l'entretenir, pour la fomenter, & pour y nourrir & élever les enfants ? Que de lois, que de coutumes, que de cérémonies n'ont-ils point introduit pour cela ?

Devoirs des enfants envers leurs parents

Un père est-il malade, le fils doit honnêtement tout quitter pour le venir assister, pour le servir lui-même, pour le consoler, pour lui rendre lui-même tous les devoirs imaginables.

À certains jours de l'année, comme sont ceux de la naissance du père & de la mère, c'est la coutume que les enfants viennent se présenter devant ce père & cette mère qui se tiennent là debout gravement & majestueusement proche de leurs sièges, & que les considérant comme des divinités terrestres, ils se prosternent plusieurs fois devant eux, le visage contre terre, avec une modestie tout à fait édifiante, & qui marque l'estime, l'amour, le respect intérieur, véritable, sincère qu'ils ont pour eux.

Si le père vient à mourir, que de pleurs, que de soupirs ! Quelle affliction dans toute la famille ! Quelle tristesse dans toute la parenté ! Que de cérémonies particulières pour les obsèques, outre les musiques douces & lamentables, & les festins sérieux, tristes, & modestes, le tout différent & différemment marqué selon la condition des personnes.

Pour ce qui est du deuil, il n'est presque pas croyable jusques où cela va, & jusqu'où ils poussent leur tristesse. Trois ans entiers les enfants pleurent la mort de leur père, & commencent d'ordinaire par se défaire de la charge publique qu'ils exercent. Ils ne sortent point de leur maison durant tout cet espace de temps, ils changent souvent d'appartements, d'aliments & de meubles, pour en prendre des plus simples. Ils ne s'assoient que sur quelque petit banc assez bas, ne boivent point de vin, ne mangent d'aucunes viandes délicates, & se contentent de simples herbages ; leurs vêtements étant d'ailleurs fort grossiers, de quelque grosse toile blanche qui est chez eux la couleur de deuil, & le lit où ils couchent assez incommode.

Il n'y a pas jusqu'à leur manière ordinaire de parler qui ne soit changée, & qui ne ressente la douleur & l'affliction. Celui qui est en deuil ne se donne point d'autre nom que de fils misérable & ingrat, comme n'ayant pas su par ses bons offices & par ses soins prolonger la vie de son cher père, & lui ayant plutôt avancé ses jours par ses négligences, & par les déplaisirs qu'il lui a donnés. S'il écrit, ce n'est plus que sur du papier jaune ou bleu, qui sont aussi chez eux des couleurs de tristesse. Mais ce qu'on ne saurait trop louer, c'est que cette piété merveilleuse des Chinois paraît non seulement dans le deuil après la mort de leurs pères & de leurs mères, mais aussi dans le respect, dans l'obéissance & dans les bons offices qu'ils leur rendent pendant leur vie ; jusque-là qu'il s'en trouve plusieurs qui les voyant cassés de vieillesse, quittent tout, charges, emplois, dignités, pour les assister eux-mêmes.

Ajoutez à cela que tant que les enfants vivent les anniversaires paternels reviennent & qu'à certains jours de l'année les mêmes pompes funèbres, les mêmes festins, les mêmes musiques, les mêmes cérémonies se recommencent, & tout cela pour rappeler la mémoire de ce cher père, & afin que leurs enfants à leur exemple en fassent autant pour eux, afin qu'ils les aiment, afin qu'ils les respectent & qu'ils les pleurent de même.

Devoirs des parents envers leurs enfants

Au reste si ces sages politiques demandent toutes ces vertus dans les enfants, ils entendent d'un autre côté que les pères leur soient des exemples de vertu & de modération, de gravité, de modestie, de douceur, de piété, de justice, de charité & de clémence, de sorte que la vertu soit comme domestique & comme héréditaire dans chaque famille, & qu'elle passe comme par une espèce de succession de père en fils ; ce qui ne saurait être autrement, ainsi qu'il a été déjà marqué plus haut, dans un État de la sorte où généralement les enfants sucent, pour ainsi dire, la vertu & l' obéissance avec le lait.

De tout ceci vous devez déjà, ce me semble, assez comprendre qu'une famille nourrie & élevée dans cet esprit d'amour, d'obéissance & de soumission à l'égard des pères & des mères, & dans un esprit de paix, de concorde, d'union & de déférence mutuelle entre tous les enfants & les domestiques, serait fort disposée à se soumettre doucement & sans contrainte aux lois & aux magistrats, & conséquemment à obéir volontiers aux ordres du prince, & que bien loin de songer à la sédition & à la révolte, aux procès mêmes & aux querelles, elle ne respirerait, comme il se fait effectivement dans tout ce grand & puissant empire de la Chine, que la douceur, que la paix, que l'honnêteté, que l'amitié & que l'humilité. Or imaginez maintenant que la famille royale toute la première soit nourrie & élevée dans ce même esprit, qu'il en soit de même de la maison des princes & de celles des premiers ministres, de celles des magistrats, & généralement de toutes les familles de l'État, & vous concevrez sans doute que ce n'est pas sans raison qu'ils appuient si fort sur cette obéissance filiale, & qu'ils en font le capital de leur politique, comme étant le fondement de la douceur, de l'union & de la soumission générale des peuples ; ce qui fait la durée & la stabilité de la paix, le bonheur général de l'empire, la félicité du prince & de ses sujets.

Exemple du prince

Le second moyen qu'ils croient être le plus puissant pour introduire la vertu dans un État, c'est l'exemple du prince. Il est vrai que nous avons reconnu aussi bien qu'eux le Regis ad exemplum totus componitur orbis. Mais nous nous contentons de dire cela comme en passant dans nos morales, au lieu qu'ils en font aussi le capital de leur politique, & le fondement du bon gouvernement, comme étant la source de la vertu & des bonnes mœurs, d'où suit nécessairement le bonheur de l'État ; de façon qu'il n'y a rien aussi sur quoi ils appuient davantage, comme vous verrez dans la lecture de l'ouvrage. Car il n'y a raisons, motifs, exemples qu'ils n'apportent pour porter un prince à être vertueux, & pour lui persuader qu'en qualité de prince il doit bon exemple à ses peuples.

Croiriez-vous que la musique & l'harmonie est chez eux considérée comme un des principaux chefs d'où dépendent la douceur, la concorde, l'union, la tranquillité, le repos, les bonnes mœurs, la vertu, & par conséquent le bonheur & la tranquillité de l'empire ; jusque-là que de vouloir changer, altérer ou abolir la musique, ce serait quasi comme vouloir perdre l'État ? Cependant ils ont leurs raisons, & je me promets que vous ne les trouverez pas impertinentes.

Je pourrais bien ainsi parcourir toutes les autres maximes de vertu, qu'ils considèrent aussi comme les principaux fondements de la politique & du bon gouvernement. Mais vous les remarquerez assez dans la suite en lisant l'ouvrage ; et si je vous ai parlé des précédentes, ce n'a été que pour vous faire un peu entrer par avance dans leur esprit & dans leur pensée, & pour vous préparer à ne pas trouver si fort étrange qu'ils appuient sur des choses que vous n'auriez peut-être jamais cru être aussi importantes qu'ils les croient.

Cette grande diversité qui est entre eux & nous dans la manière de regarder les choses, & de les faire plus ou moins importantes pour les bonnes mœurs & pour le bon gouvernement d'un État, excitera sans doute votre curiosité à les examiner avec attention. Que sait-on si nous ne nous tromperions point dans le jugement que nous en faisons, & s'ils n'auraient point mieux rencontré que nous ? Car il n'en est point de ceci comme de la République de Platon qui n'a jamais été qu'en idée. Il est constant que ce grand empire de la Chine a été plus de quatre mille ans très bien gouverné sur ces principes qui peut-être ne vous paraîtront pas d'abord mériter d'être mis entre les fondamentaux.

Quand il n'y aurait même que cette grande & étonnante antiquité, cela sans doute vous imprimera de la vénération. Vous vous pourrez dire : Je tiens entre les mains le plus ancien livre qu'on sache qui ait jamais été fait. Ne nous rebutons pas d'abord. Voyons ce qu'il contient, & l'examinons sérieusement. Cette doctrine nous doit même être d'autant plus considérable que ce n'est point l'ouvrage d'un philosophe qui ait tiré cela de sa tête, & qui en soit le premier auteur, puisque Confucius avoue de bonne foi qu'il n'en est pas l'inventeur, qu'il n'en est que le simple héraut, & que c'est l'ouvrage de ces premiers & anciens empereurs qui après une expérience de plus de cent ans de règne, l'ont enfin établie & cimentée comme la plus propre pour le bon gouvernement d'un empire, pour le bonheur du prince & de ses sujets.

Quoi qu'il en soit, vous aurez toujours le plaisir de voir qu'il n'y a point de gens au monde qui aient porté plus loin la vertu, la sagesse, la prudence, la bonne foi, la sincérité, la piété, la charité, la douceur, l'honnêteté, la civilité, la gravité, la modestie & la soumission aux ordres du Ciel. Que peut-on demander davantage pour des gens qui n'avaient point d'autres lumières que les lumières naturelles ?

Méthode confuse de la philosophie des Chinois

Il est vrai que vous ne trouverez ici que très peu d'ordre & de suite entre les matières, que ce ne sont presque que des pièces détachées & sans liaison, & qu'il y a même plusieurs redites. Mais je ne sais si pour des législateurs qui parlent à tout le monde, & qui veulent inculquer leur doctrine, cette manière n'est point la meilleure. Ils ont cru que ce n'était pas assez pour les peuples que de leur donner des principes généraux & en peu de mots. Avec leurs petits paragraphes, avec leurs interrogations & leurs réponses, ils savent faire passer un homme par toutes les conditions, par tous les états de la vie, & lui savent donner sur cela très à propos & très familièrement les instructions qui sont nécessaires. Mais venons particulièrement à notre auteur, c'est-à-dire celui qui est censé, non pas l'auteur, mais le restaurateur de cette doctrine.

Je ne m'étonne plus que ce philosophe soit depuis plus de 2.000 ans en grande vénération dans la Chine, que ses descendants tiennent encore présentement lieu de princes, que dans toutes les villes considérables il y ait ou des temples ou des collèges dédiés à sa mémoire, & que personne ne puisse être élevé aux charges qu'il ne soit plusieurs fois très exactement interrogé sur Confucius, & qu'il ne le sache par cœur. Car il faut avouer que c'était un grand personnage. Ah ! qu'il connaissait bien l'intérieur de l'homme, & qu'il avait de grandes vues pour la conduite des princes, & pour le gouvernement des États qu'il tenait ne pouvoir être heureux qu'autant qu'ils sont vertueux. Jamais homme, que je sache, n'a paru avoir tant de sagesse, tant de prudence, tant de sincérité, tant de piété, tant de charité. Il n'y a presque pas un paragraphe, pas un petit conte, pas une historiette, pas une demande, pas une réponse qui ne tende à la vertu, ou qui ne contienne quelque sage enseignement soit pour le bon gouvernement, soit pour la conduite particulière de la vie. Je crois avoir lu dans M. La Mothe Le Vayer qu'il avait de la peine à s'empêcher de dire, Sancte Confuci, ora pro nobis. Que n'aurait-il point dit s'il avait vu ses ouvrages, & que n'en dirions-nous pas s'il avait été chrétien ?

Vous aurez sans doute vu ce bel endroit de la charité, que M. Régis nous en a donné dans le Journal des Sçavans du 5 Janvier. Ce passage est admirable, & M. Régis a bien raison de dire qu'au motif près aucun chrétien n'a jamais mieux parlé de la véritable charité qui regarde généralement tous les hommes. Mais je souhaiterais qu'il eût ajouté cet autre petit passage du même philosophe :

« Je me souviens avec plaisir de ce soldat du royaume de Lu, qui avait perdu son bouclier, & qui après l'avoir bien cherché sans le trouver, dit enfin pour se consoler : « Un homme de Lu l'avait perdu ; un homme de Lu l'aura trouvé. » Il aurait encore pu mieux dire : « un homme l'aura trouvé ».

Cependant comme il n'y a presque point d'ordre dans l'ouvrage, ainsi que je l'ai déjà insinué plus haut, & que ce ne sont que de petites pièces décousues, qu'il y a d'ailleurs plusieurs redites, que les manières de ce pays-là sont fort éloignées des nôtres, & que par dessus tout cela je le trouve en beaucoup d'endroits pitoyablement défiguré & comme enterré, je ne sais si avec tout mon esprit asiatique j'en aurai fait quelque chose qui vous plaise, tant les esprits de notre siècle sont délicats. Quoi qu'il en soit, je suis sûr qu'il ne déplaira pas à un bon nombre de gens de grand mérite, à qui j'en ai montré une partie en manuscrit, & je tiens avec eux que le public est fort obligé au R. P. Couplet jésuite, qui nous l'a apporté de la Chine, & qui assisté de trois autres pères de sa Compagnie, qui savaient la langue, en a fait une version latine qu'il a dédiée au roi, & qu'il nous donna l'année passée.


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