Henri Maspero (1883-1945)

Couverture. Henri MASPERO (1883-1945) : Les procédés de « nourrir le principe vital » dans la religion taoïste ancienne. — Journal Asiatique, Paris, 1937: avril-juin, pages 177-252, et juillet-septembre, pages 353-430.

LES PROCÉDÉS DE « NOURRIR LE PRINCIPE VITAL »
DANS LA RELIGION TAOÏSTE ANCIENNE

Journal Asiatique, Paris, 1937: avril-juin, pages 177-252, et juillet-septembre, pages 353-430.

  • Introduction : "L’un des traits les plus curieux de la religion taoïste est le mélange constant et intime de pratiques d’un culte public et privé très absorbant, de pratiques mystiques allant jusqu’à la concentration et l’extase, et de pratiques de vie morale, aumône, enseignement, etc., avec des pratiques qui n’ont, de l’aveu même des taoïstes, qu’une valeur et un intérêt purement physiologique, régimes d’alimentation, régimes d’union sexuelle, gymnastique de la respiration, gymnastique générale, etc. Ce n’est pas que d’autres religions n’aient, elles aussi, des régimes alimentaires, ainsi que des interdits ou au contraire des licences sexuelles ; mais ils y ont toujours un caractère religieux que le taoïsme ne leur donne jamais, malgré l’importance qu’il leur attribue, et bien qu’il fasse de leur observation minutieuse une condition absolue du salut." Lire la suite...
  • Première partie : "Parmi les procédés de « Nourrir le Principe Vital » yang-sing, ceux qui se rapportent aux Souffles sont (avec ceux qui se rapportent aux Esprits) parmi les plus importants : c’est que l’entrée des Souffles dans le corps est ce qui lui donne la vie, comme le départ des Esprits est ce qui cause la mort. Le trait capital de tous ces procédés est la circulation de certains souffles à travers les organes. Les souffles choisis varient suivant le résultat à obtenir : il y a le « souffle vivant » (à l’encontre du « souffle mort » qu’il faut éviter), les souffles du Soleil, les souffles de la Lune, les souffles des Cinq Germes, etc."
  • Deuxième partie : "La circulation du Souffle développe en l’homme le Souffle, et par là conserve la santé, guérit les maladies et prolonge la vie. Mais à côté de ces procédés, il y en avait d’autres destinés à développer l’Essence, à l’économiser, à la conserver, et enfin à unir le yin et le yang, afin d’obtenir des résultats de guérison des maladies et de prolongation de la vie analogue à ceux qu’on obtenait en développant le Souffle. Les deux séries de procédés se complétaient mutuellement lorsqu’on « faisait revenir l’Essence » houan-tsing. C’étaient des pratiques sexuelles, les unes privées, les autres publiques, que la pudeur chinoise a rejetées dans l’ombre dans les temps modernes, mais qui ont joué un rôle important dans le taoïsme ancien." Lire la suite...

Extraits : Introduction - La respiration embryonnaire
Les procédés d’union du yin et du yang pour nourrir le principe vital
La gymnastique
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Lire aussi

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Introduction

...Cela tient à la conception même que les taoïstes se sont faite du salut. Celui-ci consiste pour eux en l’obtention de la Vie Éternelle, ou, pour traduire littéralement l’expression chinoise, la Longue-Vie tch'ang-cheng, et ils comprennent cette Longue Vie comme une immortalité matérielle du corps lui-même. Naturellement cela ne veut pas dire que la religion taoïque prétend enseigner à tous les fidèles les moyens d’éviter complètement la mort : ne pas mourir, au sens strict, n’est que le privilège de quelques-uns des saints les plus éminents. Pour le commun des fidèles, le salut consiste en ce que la mort apparente du corps est suivie d’une résurrection matérielle en un corps immortel : c’est ce qu’on appelle Délivrance du Cadavre, che kiai.

« Les gens du monde ont peu de vertu, leur accomplissement de bonnes actions n’est pas complet ; (mais) quoiqu’ils ne puissent s’envoler en chair et en os, ils peuvent se délivrer du Cadavre et être sauvés. »

Mais ce corps immortel ne naît pas spontanément ou n’est pas donné par les dieux : cette idée, la plus simple assurément, les taoïstes n’y sont venus que tard, quand ils imaginèrent la Fonte des Âmes, lien-houen, par laquelle le mort recevait un corps immortel nouveau ; mais ce n’était pour eux qu’un expédient destiné à permettre aux fidèles de sauver par leurs prières et par des cérémonies appropriées leurs ancêtres défunts. Ils n’ont jamais songé à en faire le moyen normal du salut, bien qu’ils aient admis l’extension de cette cérémonie aux vivants, et la possibilité pour eux de s’assurer ainsi dans certaines conditions l’immortalité par les rites qui servent normalement à la donner aux morts. Il faut se rappeler que le développement des idées taoïstes relatives au salut du commun des fidèles (les « gens du monde », che-jen, qui ne s’adonnent pas à la vie religieuse intense des adeptes du Tao, tao-che) a été très vite interrompu par l’invasion massive d’idées bouddhiques : la théorie des vies successives, en échelonnant le salut sur une série d’existences, leur évita la peine de chercher un procédé particulier de salut pour les simples fidèles, puisqu’il suffisait d’admettre qu’après avoir mis plus ou moins longtemps à progresser dans la vie religieuse, ils arriveraient eux aussi quelque jour à un degré d’avancement tel qu’ils chercheraient à mener la vie des adeptes.

Puisque la Vie Éternelle est une vie dans un corps, et que le fidèle ne reçoit pas normalement un corps nouveau après sa mort, d’où lui vient son corps immortel ? C’est lui-même qui dans le cours de sa vie doit le fabriquer en lui. Et c’est là ce qui fait l’importance des pratiques diététiques, gymnastiques, alchimiques, etc. dans le taoïsme, à côté des pratiques strictement religieuses : elles servent à la production du corps d’immortalité. Ce corps se forme de la même façon que l’embryon, comme celui-ci se développe, et c’est quand il est arrivé à son plein développement qu’a lieu la Délivrance du Cadavre : le fidèle a l’air de mourir et on croit enterrer son corps ; mais en réalité ce qui a été déposé dans la tombe, c’est une épée ou une canne de bambou à laquelle il a donné l’apparence de son corps, et le corps devenu immortel est sorti du cadavre comme la cigale sort de la chrysalide, pour s’en aller à son gré soit retourner vivre parmi les hommes en changeant de nom, soit habiter le paradis des immortels ; il ne reste plus dans le tombeau qu’une coque vide, et si par hasard on l’ouvre, on s’aperçoit que le cercueil est très léger.

Le corps immortel se fabrique mystérieusement à l’intérieur du corps mortel, dont il remplace peu à peu les éléments périssables par des éléments impérissables : on dit que les os deviennent d’or et la chair de jade. Il n’y a pas en réalité de coupure entre la vie mortelle et la vie immortelle, il y a passage insensible de la première à la seconde. Il était impossible qu’il en fût autrement. Pour les Chinois qui croyaient à des âmes multiples, et plus encore pour les taoïstes qui ajoutaient à ces âmes un nombre considérable d’esprits habitant à l’intérieur du corps et présidant à ses divers organes, le corps était le seul principe d’unité : c’est seulement dans le corps qu’il était possible d’obtenir une immortalité qui continuât la personnalité du vivant, et qui ne fût pas partagée en plusieurs personnalités indépendantes tirant chacune de son côté. C’est cette nécessité de conserver le corps, comme demeure commune de tout ce qui constitue la vie et la personne de l’homme, qui donna naissance à toutes ces pratiques physiologiques que j’ai mentionnées ci-dessus. Leur variété tient à ce que l’homme est fait d’un corps hing à l’intérieur duquel sont l’Essence tsing, le Souffle k'i et les Esprits chen, dont la réunion constitue la personne chen. Le développement de chacun de ces éléments constitutifs devient la raison d’être de nombreux procédés spéciaux consistant à les « nourrir » yang : procédé de « nourrir le souffle » yang-k'i, de « nourrir les Esprits » yang-chen, de « nourrir le Corps » yang-hing, dont l’ensemble forme ce qu’on appelle « nourrir le Principe Vital » yang-sing.

Tous ces procédés, par lesquels on croyait pouvoir obtenir des effets physiologiques déterminés, étaient établis conformément aux principes de la science médicale chinoise. Aussi pour en comprendre aussi bien la pratique que la théorie, faut-il savoir comment les Chinois se représentaient la disposition interne des organes du corps humain, et comment ils se figuraient l’action de ces divers organes, en particulier dans la respiration, la circulation et la digestion.

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La respiration embryonnaire

1. Définition

La Respiration Embryonnaire avait reçu ce nom parce qu’elle tendait à restituer la respiration de l’embryon dans le sein de sa mère.

« Dans la matrice, c’est le fœtus ; à la naissance, c’est l’enfant. Tant que le fœtus est dans le ventre (de sa mère), sa bouche contient de la boue, et la respiration ne pénètre pas, c’est par le nombril qu’il absorbe le souffle et qu’est nourri son corps ; c’est ainsi qu’il arrive à devenir complet. De là on sait que le nombril est la Porte du Destin ming-men. Tous les fœtus, si à la naissance ils sont vivants, pendant un court instant ne reçoivent pas (l’air extérieur) ; mais on humecte d’eau tiède le cordon ombilical en se dirigeant vers le ventre, et au bout de trois ou cinq fois (qu’on a ainsi passé de l’eau chaude sur le cordon) ils ressuscitent. De là (encore) on sait que le nombril est la Porte du Destin ming-men ; vraiment on ne se trompe pas. Ceux qui pratiquent le Tao, s’ils veulent obtenir la Respiration Embryonnaire t'ai-si, doivent d’abord connaître la source de la Respiration Embryonnaire et d’après cela la pratiquer (c’est-à-dire) respirer comme le fœtus dans le ventre : c’est pourquoi on appelle (cet exercice) Respiration Embryonnaire. En revenant à la base, en retournant à l’origine, on chasse la vieillesse, on revient à l’état de fœtus. Vraiment (cet exercice) a une raison d’être... »

2. Le Souffle : Théories successives

Quel est le Souffle qu’absorbe l’adepte qui pratique la Respiration Embryonnaire afin de lui faire parcourir les centres vitaux à l’intérieur du corps ? Les idées ont entièrement changé sur ce point vers le milieu des T'ang.

Un auteur du VIIIe siècle, que nous ne connaissons que sous l’appellation fantaisiste qu’il s’est choisie de Maître du Grand-Néant, T'ai-wo sien-cheng, du mont Song (le Pic du Centre), indique fort bien la différence entre les idées anciennes et modernes dans la Préface de son Livre du Souffle :

« Les recettes les plus importantes du taoïsme ne sont pas dans le texte écrit des livres, elles sont dans les Formules qui se transmettent oralement. Les (procédés d’)absorption du Souffle des deux (Houang t'ing) king (tchen-king), des Cinq Germes wou-ya, des Six Meou (424), ne traitent que du Souffle externe. Le Souffle externe est dur et énergique, ce n’est pas une chose provenant de l’intérieur (du corps), il ne convient pas de l’avaler. Quant au souffle interne, c’est justement ce qu’on appelle la Respiration Embryonnaire ; il existe naturellement dans le corps, ce n’est pas (une chose) empruntée qu’on va chercher au-dehors. »

Dans les livres anciens en effet, le souffle qu’il faut faire circuler, c’est l’air inspiré ; il n’est pas question de ce « Souffle interne » qu’on n’avait pas encore découvert. Grave erreur, pensent les auteurs du temps des T'ang et des Song :

« Ce que disent les livres anciens, que « le nez aspire le souffle externe et l’absorbe » n’est pas du tout le procédé correct.

a. La théorie ancienne : le souffle externe

D’après la théorie ancienne c’est l’air extérieur, absorbé en respirant suivant une technique particulière, qui vivifie le corps et contribue à nouer l’embryon et à rendre le corps immortel. Le « Livre de la Grande Paix » T'ai-p'ing king le dit formellement quand il parle du procédé de « se nourrir des souffles aériens » che fong-k'i.

Les souffles, k'i, sont la seule réalité : dans le Chaos les neuf souffles étaient mêlés ; quand le Chaos s’est résolu et que le monde a commencé à s’organiser, les souffles se sont tout d’abord séparés : « chacun des neuf souffles étant distant des autres de 99.990 années », les souffles purs montèrent en haut, les souffles impurs se répandirent en bas, les premiers formant le ciel et les autres la Terre. Tous les êtres et toutes les choses sont faits de souffles plus ou moins purs :

« les neuf souffles se coagulèrent mystérieusement et achevèrent le plan des neuf cieux, le Soleil, la Lune, les planètes et les étoiles brillèrent. »

Parmi les êtres, les dieux se formèrent d’abord du nouement des souffles. De même que, dans le monde, les souffles se transformèrent en esprits chen, de même, dans l’homme, les souffles se transforment en esprits qui sont à l’intérieur du corps. Les souffles qui sont la substance de tout être sont ce qui fait vivre tous les êtres. Le souffle, c’est-à-dire l’air extérieur, ne sert pas seulement à la respiration et par elle à la formation du sang, il est la nourriture par excellence et doit remplacer pour l’adepte les aliments ordinaires. « Se nourrir de souffle », c’est ce qu’on appelle la « Respiration Embryonnaire » t'ai-si, technique particulière dont je parlerai plus loin. Il me suffit pour l’instant d’indiquer que l’air doit être inspiré longuement par le nez, retenu aussi longtemps que possible, et finalement rejeté par la bouche. C’est ce que faisait Tcheou Yi-chan, un immortel imaginaire dont il nous a été conservé une biographie datant du IVe siècle :

« Chaque jour après l’aurore, au début du lever du Soleil, il se tenait debout, tourné exactement vers l’Est, et s’étant rincé la bouche, il avalait sa salive ; (puis) il absorbait les souffles fou-k'i plus de cent fois ; (après quoi) tourné vers le Soleil, il le saluait deux fois ; chaque matin il faisait ainsi.»

Mais tout le monde ne pouvait faire les choses avec tant de facilité que ce personnage doué d’aptitudes particulières pour la recherche de l’Immortalité. La plupart des adeptes avaient besoin de plus de préparatifs, ne fût-ce que pour arriver à la concentration d’esprit qui doit accompagner ces exercices.

« Il faut s’installer dans une chambre retirée, fermer les portes, se placer sur un lit avec une natte moelleuse et un oreiller de deux pouces et demi de haut, se coucher, le corps en position correcte, clore les yeux et tenir le souffle enfermé dans le diaphragme de la poitrine, si bien qu’un poil posé sur le nez et la bouche ne bouge pas. »

Un auteur de la fin du VIe siècle, Li Ts'ien-tch'eng, disait succinctement, mais très exactement, la manière de s’y prendre :

« se tenir couché, les yeux clos, les mains fermées, tenir le souffle enfermé à l’intérieur jusqu’à 200, et le rejeter alors de l’intérieur de la bouche. »

Tenir le souffle bien enfermé pi-k'i est un des points les plus importants : non seulement il faut éviter qu’il ne sorte par la bouche ou par le nez, mais encore il faut le « retenir fermement sans le laisser échapper par en bas » ; ce qu’on entendait par là ressort des textes :

« En bas il y a deux ouvertures qui communiquent avec le nez et la bouche (qui sont deux des sept ouvertures) du haut ... Il ne faut pas manger d’aliments forts, et ainsi, quand on laisse échapper le souffle inférieur, le souffle ne sent pas trop mauvais ; si c’est après qu’on a renoncé aux céréales, même s’il y a un ou deux échappements, cela ne sent pas mauvais. »

On retenait l’air aussi longtemps qu’on pouvait, en comptant suivant un rythme qui était celui des respirations régulières supprimées (437), de façon à savoir combien de temps on arrivait à garder l’air enfermé dans la poitrine. Cela demandait un effort pénible, car l’asphyxie venait bientôt avec des bourdonnements d’oreilles et des vertiges :

« au bout (du temps) de trois cents respirations, les oreilles n’entendent plus, les yeux ne voient plus, le cœur ne pense plus ; alors il faut peu à peu cesser (de retenir l’air) ; »
« quelquefois (quand on a retenu l’air longtemps), la sueur perle, la tête et les pieds s’échauffent : c’est que le souffle les parcourt ; »

d’autres fois à force de
« retenir le souffle fermement, au bout de quelque temps, le ventre fait mal. »

L’étudiant n’arrivait d’ailleurs pas du premier coup à tenir l’air enfermé très longtemps. Il lui fallait tout un apprentissage : au début, il apprenait à retenir le souffle le temps de 3, 5, 7 et 9 respirations ; quand il arrivait à 12, c’était ce qu’on appelait une petite série siao-t'ong ; 120 c’était une grande série ta-t'ong, et il commençait dès lors à pouvoir se soigner et guérir ses maladies par la respiration. D’autres auteurs, s’adressant sans doute à des adeptes déjà exercés, proposaient des exercices moins élémentaires :

« À l’heure du souffle vivant, s’étendre les yeux fermés, les mains fermées fortement, tenir le souffle enfermé dans le cœur, compter jusqu’à 200, et alors le cracher par la bouche ; tous les jours augmenter le nombre (compté pendant qu’on retient le souffle). »

Ce n’était là encore qu’un début, et il devait apprendre à continuer bien au-delà de ces temps, sans se laisser arrêter par les troubles physiologiques qui, on l’a vu, apparaissaient vers 300 : il lui fallait parvenir à compter mille respirations pour être près d’atteindre à l’immortalité.

b. La théorie des T'ang : le souffle interne

Vers le milieu des T'ang, les tao-che semblent s’être avisés que la circulation du Souffle externe n’avait rien de spécifiquement taoïste, puisque les médecins recommandaient une circulation du souffle par tout le corps qui, pour emprunter d’autres voies (celles de la circulation du sang), n’en était pas moins assez semblable. Ils découvrirent alors que les anciens s’étaient trompés en interprétant les livres, et que la Respiration Embryonnaire était autre chose. La nouvelle théorie fut la suivante.

« Il y a deux souffles : le souffle interne et le souffle externe. Celui qui dispersé est pareil à un nuage de fumée, rassemblé est pareil à des cheveux, qu’on voit sur la peau, qui a les cinq couleurs verte, rouge, jaune, blanche et noire, c’est le souffle externe. Ah ! le souffle (interne) de l’homme sort du Champ de Cinabre, sa respiration est profonde, ce qu’il nourrit est lointain, ce qu’il émet est épais ; chez les hommes de peu, le souffle (interne) sort du foie et du diaphragme : ils respirent comme les singes, et soufflent comme des rats. »

Ce souffle intérieur, personnel à chaque homme, c’est le Souffle Originel, yuan-k'i. Ce Souffle Originel est chez l’homme le correspondant des souffles primordiaux qui lors de la création formèrent le Ciel et la Terre.

« L’homme en naissant reçoit le Souffle Originel du Ciel et de la Terre, qui devient ses esprits chen et son corps hing, il reçoit le souffle de l’Originel-Un yuan-yi tche k'i, qui devient sa salive et son essence... »

Et encore :

« Le Souffle Originel du Ciel et de la Terre (dans l’Univers) commence à la place tseu (Nord), appartient à l’Eau, a pour trigramme k'an (trigramme de l’Eau), préside à la région Nord et au Pic Heng (pic du Nord), à la région de Ki (province du Nord dans la division en neuf provinces). — Le Souffle Originel de l’Homme est pareil à celui du Ciel et de la Terre ; dans l’homme il naît dans les reins (qui correspondent à l’Eau et au Nord). »

C’est le principe vital.

« Le Souffle Originel est la source du souffle vivant ; c’est le souffle en mouvement entre les reins; c’est la base des cinq viscères, la racine des douze veines, la porte de l’expiration et de l’inspiration, la source des trois cuiseurs ; ce souffle est la racine de l’homme : si la racine est coupée, les viscères, les réceptacles, les nerfs, les veines sont comme les branches et les feuilles (de l’arbre dont la racine est coupée) ; quand la racine est détruite, les branches se dessèchent. »

Le Souffle Originel, s’il naît dans le rein gauche, en sort pour passer par la Porte du Destin et aller dans l’Océan du Souffle k'i-hai. Les identifications des noms de la région inférieure avec des organes réels étaient moins bien établies que dans les deux autres régions du corps, probablement parce que le ventre où se fait tout le travail de la formation de l’embryon avait été dès l’origine l’objet de spéculations à tendance physiologique chez les taoïstes, si bien que de vieilles théories et de vieilles identifications, remontant à une époque où les idées étaient moins précises sur la disposition des organes propres de la circulation du Souffle, se heurtaient à des théories plus modernes qu’elles gênaient : la Porte du Destin et l’Océan du Souffle, tantôt sont le Champ de Cinabre lui-même, tantôt sont en dehors de lui ; et l’expression Porte du Destin s’applique tantôt au rein gauche seul, tantôt à l’intervalle entre les deux reins. En tout cas, tout le monde est d’accord pour admettre que le Souffle Originel doit occuper le Champ de Cinabre, et le remplir.

Puisqu’il est le principe de vie, le Souffle Originel doit être conservé soigneusement. Or

« chez tous les hommes, le Souffle Originel qui est à l’intérieur du corps sort constamment de l’intérieur de la bouche et du nez ; réglez-le et empêchez-le de sortir, pour que le Champ de Cinabre situé au-dessous du nombril soit constamment plein. »

On doit veiller sur lui avec d’autant plus de soin qu’il est assez petit :

« Le Souffle Originel a six pouces, trois pouces intérieurs et trois pouces extérieurs ; »

et pour chaque pouce que l’on réussit à garder ou que l’on perd, la vie est prolongée ou diminuée de trente ans ; si on conserve les six pouces en leur intégralité, on obtient la Vie Éternelle. C’est lui qu’il faut faire circuler à travers le corps, et non l’air extérieur. La « Formule orale pour l’absorption du Souffle, dite par le vieillard Wang de la Grande-Pureté » T'ai-ts'ing Wang-lao (fou-k'i) k'eou-kiue, après avoir énuméré les « dix choses » qui constituent l’ensemble de l’absorption du souffle, et qui sont dix souffles internes et externes dont le Souffle Originel est le dernier nommé, ajoute :

« Quand on fait l’Avalement (du souffle) correct tcheng yen, ce n’est que de la seule absorption du souffle interne qu’on s’occupe ; quant au souffle externe qu’on absorbe, c’est comme par exemple un homme étranger en lieu étranger... »

Ce souffle interne ne doit jamais se mélanger au souffle externe, pour ne pas être entraîné par celui-ci au moment de l’expiration : ceci est répété à satiété par les auteurs de toute époque. « Le souffle externe et le souffle interne ne doivent absolument pas se mélanger » dit un auteur du milieu des T'ang qui ajoute un peu plus loin : « Les souffles spontanés interne et externe ne doivent pas se mêler » ; et encore : « si on fait la Respiration Embryonnaire, les souffles interne et externe ne se mêlent pas ». Et un autre dit presque dans les mêmes termes : « Le Souffle Originel et le souffle extérieur ne doivent jamais se mélanger ».

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Les procédés d’union du yin et du yang pour nourrir le principe vital

...Plusieurs livres spéciaux leur étaient consacrés : ils ont tous disparu du Tao-tsang des Ming ; mais de longs fragments, cités dans des recueils médicaux japonais, ont été conservés, et de plus un texte au moins sur ce sujet a échappé à la proscription, parce qu’au lieu de former un livre séparé, il était seulement un chapitre d’un autre ouvrage. Les choses y sont dites fort crûment et sans périphrases : il s’agit de recettes de médecine et d’hygiène taoïste, et les traités de médecine ne peuvent s’embarrasser de circonlocutions ; mes traductions feront de même.

L’Essence, tsing, chacun a la sienne propre qu’il produit lui-même dans la Demeure de l’Essence, tsing-che, à proximité du champ de Cinabre Inférieur : « les hommes y cachent leur sperme, les femmes leur sang menstruel ». Elle a son importance capitale dans la prolongation de la vie, car «chaque fois que l’Essence est petite, on est malade, et quand elle est épuisée, on meurt», déclare l’Immortel P'eng-tsou. Il faut donc non seulement l’économiser autant que possible, mais encore l’accroître en l’agitant et en l’émouvant sous l’influence du yin sans la dépenser. Cela demande une technique spéciale : il faut connaître « l’art du yin et du yang qui prolonge la vie » et le pratiquer.


Rien n’est dangereux pour la prolongation de la vie comme l’union sexuelle inconsidérée :

« coucher avec une femme, c’est comme conduire un cheval au galop avec des rênes pourries ; c’est comme approcher d’une fosse profonde dont le fond est garni de sabres, et où on craint de tomber.

C’est un des actes qui raccourcissent le plus la durée de la vie...

Au contraire, celui qui sait non seulement n’en souffre pas, mais encore en tire avantage.

« L’Empereur Jaune coucha avec douze cents femmes et devint Immortel ; les gens du commun ont une seule femme et se détruisent la vie. Savoir et ne pas savoir, comment cela ne produirait-il pas des résultats opposés ? Quand on sait le procédé, les maux provenant de coucher avec des femmes deviennent peu nombreux. »

La simple continence ne saurait le remplacer, car elle est contre nature.

« L’Empereur Jaune demanda à la Fille de Simplesse, Sou-niu :
— Maintenant je veux rester longtemps sans copuler ; comment ferai-je ?
La Fille de Simplesse répondit :
— C’est impossible. Le Ciel et la Terre ont leurs (moments successifs) d’ouverture et de fermeture ; le yin et le yang ont leurs (moments successifs) de répandre et de transformer. L’homme imite le yin et le yang. Si vous ne copulez pas, l’Esprit et le Souffle ne se répandront pas, le yin et le yang seront retenus et obstrués : comment vous réparer vous-même... ?

Elle ne convient même pas aux gens âgés.

« La Fille Choisie Tsai-nin demanda à P'eng-tsou :
— Qu’un homme à soixante ans tienne enfermée son essence, est-ce possible ?
P'eng-tsou répondit :
— Non. L’homme ne veut pas être sans femme ; s’il est sans femme, son attention s’agite ; si son attention s’agite, ses esprits chen se fatiguent ; si ses esprits se fatiguent, sa longévité diminue... Quand on retient de force l’Essence, il est difficile de la conserver et facile de la perdre, en sorte qu’on la laisse échapper, que l’urine se trouble, et qu’on prend la maladie du succubat.

Au contraire l’union sexuelle est utile à qui sait s’y prendre comme il faut, et un auteur taoïste fait dire assez naïvement à la Fille Choisie : « On ne lutte pas contre le penchant naturel de l’homme, et on peut obtenir d’augmenter la longévité : n’est-ce pas aussi un plaisir ? ».

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On arrive ainsi à remédier dans une certaine mesure au danger pour la vie de l’acte sexuel et de la dépense d’Essence qu’il occasionne. Mais il n’y a là qu’un palliatif. Ce qu’il faut, ce n’est pas seulement de savoir le rendre inoffensif, c’est de savoir l’utiliser et tirer avantage de son accomplissement pour la guérison des maladies, le prolongement de la vie et l’obtention de l’Immortalité.

Le procédé le plus simple est décrit en termes crus que j’abrège un peu :

« Le taoïste Lieou King dit :
— Le procédé à employer toutes les fois qu’on couche avec une femme consiste d’abord à s’amuser tout doucement pour que les Esprits se mettent d’accord ; c’est seulement quand ils sont émus parfaitement depuis longtemps qu’on peut s’unir. Pénétrez quand (le pénis) est faible, retirez-le quand il est ferme et fort ; pénétrez seulement sans émettre Celui qui est capable de faire plusieurs dizaines de coïts en un seul jour et une seule nuit sans laisser échapper son Essence sera guéri de toutes les maladies, et sa longévité s’accroîtra. Quand on change de femme plusieurs fois, l’avantage s’accroît ; si en une nuit on change dix fois de femme, c’est au suprême degré excellent.

 

Et le Sou-niu-king fait expliquer clairement par P'eng-tsou : « L’essentiel de la règle consiste à coucher avec beaucoup de femmes jeunes sans jamais émettre l’Essence plusieurs fois : cela rend le corps léger et écarte toutes les maladies. »

Ce procédé simple est suffisant si on se contente de « nourrir le Principe Vital pour prolonger la vie». Mais ce n’est qu’un exercice élémentaire ; ce à quoi il faut arriver, c’est à pratiquer l’art de «faire revenir l’Essence pour réparer le cerveau» houan-tsing pou-nao.

« Un Livre des Immortels dit : Le principe de faire revenir l’Essence pour réparer le cerveau consiste à copuler pour que l’Essence soit très agitée ; (puis) quand elle va sortir, on saisit rapidement (le pénis) avec les deux doigts médiaux de la main gauche en arrière du scrotum et en avant de l’anus, on serre fortement, et on expulse longuement le Souffle par la bouche en même temps qu’on grince des dents plusieurs dizaines de fois sans retenir le Souffle. Alors, quand on émet l’Essence, l’Essence ne peut sortir, mais elle revient de la Tige de Jade (le pénis) et monte entrer dans le cerveau. Ce procédé, les Immortels se le transmettent ; ils font serment en buvant du sang de ne pas le transmettre à tort et à travers. »

Pas plus que les exercices du Souffle, ces procédés ne peuvent être pratiqués sans préparation : il faut un jour et une heure déterminés pour pouvoir s’y livrer, et il faut les faire précéder et suivre de concentration ; la partie la plus importante, qui est la montée de l’Essence au cerveau par le canal médullaire, doit être accompagnée de la représentation mentale qui permet de suivre et de diriger les choses.

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La plupart des auteurs taoïstes s’occupent moins de théoriser ce qui se passe à l’intérieur du corps que de décrire les pratiques qu’il faut accomplir. Ils insistent surtout sur les changements de femmes, qui sont un des traits essentiels de ces procédés : « il faut changer de femme après chaque excitation ; c’est en changeant de femme qu’on obtient la Vie Éternelle ».

Et ils en expliquent la raison.

« Le Tao-che au Bœuf-Vert Tsing-nieou tao-che dit :... Si on couche constamment avec une seule femme, l’Essence et le Souffle de la femme s’affaiblissent peu à peu et elle ne peut donner grand profit à un homme ; de plus, cela fait maigrir. »

Les changements doivent être fréquents ; mais les précisions qu’apportent sur ce point les auteurs sont plus théoriques que réelles : suivant l’Immortel P'eng-tsou, douze échanges en une séance sont un procédé qui permet de garder dans la vieillesse un teint de jeune homme ; plus le nombre des échanges augmente, plus l’adepte fait de progrès, et s’il arrive à neuf douzaines d’échanges, sa vie atteindra dix mille ans, toujours à condition d’interrompre à temps.

Le choix des femmes qui doivent servir de partenaires à l’adepte taoïste dans ces exercices a une grande importance. P'eng-tsou recommande d’éviter celles qui connaissent elles-mêmes le procédé. En effet les femmes peuvent elles aussi le pratiquer et en tirer le même avantage que les hommes : il y a au moins un exemple célèbre : « Si-wang-mou, c’est (une femme) qui a obtenu le Tao en nourrissant le yin », et elle est ainsi devenue immortelle. Une femme qui sait cherchera son propre développement et par suite ne sera d’aucun profit à son partenaire. Mais c’est surtout l’âge qui importe.

« Si on trouve des filles au-dessus de quatorze ou quinze ans et au-dessous de dix-huit ou dix-neuf ans, le profit sera le plus considérable ; en tout cas il ne faut pas qu’elles dépassent trente ans ; et même une femme qui n’a pas trente ans, si elle a eu un enfant, ne peut être utile. »

Certains recommandent de les choisir jolies ; d’autres n’y tiennent pas : « il n’est pas nécessaire qu’elles soient toutes belles et charmantes ; on les prendra seulement jeunes, les seins pas encore formés, mais bien en chair ».

Un autre ajoute qu’elles doivent avoir

« les cheveux fins, les yeux petits,... le son de la voix harmonieux, que les os des quatre membres et des cent articulations disparaissent dans la chair et que les os ne soient pas grands, que les parties sexuelles et les aisselles n’aient pas de poils, ou si elles en ont qu’ils soient fins ».

Mais ce qui importe le plus, c’est d’éviter celles qui ont certains défauts dont on donne une longue liste : celles qui ont la peau épaisse, celles qui sont très maigres de corps, celles qui ont une voix masculine et le souffle élevé, celles qui ont du poil aux jambes, celles qui sont jalouses, celles dont les parties sexuelles sont froides, celles qui mangent trop, celles qui ont dépassé quarante ans, celles qui ont le corps toujours froid, celles qui ont les os forts et durs, celles dont les aisselles sentent mauvais, etc.


La pratique de ces exercices exige un certain nombre de conditions de temps, de lieu, etc., pour ne pas nuire à celui qui les accomplit et plus encore pour le bien des enfants s’il en vient.

« Pour unir le yin et le yang, il y a sept interdits, ki :
1er interdit : le dernier et le premier jours du mois, le premier et le dernier quartiers, la pleine lune. Si on unit le yin et le yang (ces jours-là), on diminue le Souffle. Si dans ces conditions on a un enfant, l’enfant sera mal conformé. Il faut bien tenir compte de cela.
2e interdit : le tonnerre, le vent, les perturbations du ciel et de la terre. Si on unit le yin et le yang (à ces moments-là), les vaisseaux (où circulent le Souffle et le sang) tressautent. Si dans ces conditions on a un enfant, l’enfant aura des abcès.
3e interdit : quand on vient de boire et de manger et que le Souffle des céréales n’est pas encore passé. Si on unit le yin et le yang (à ce moment-là), l’intérieur du ventre est gonflé, l’urine est blanche et trouble. Si dans ces conditions on a un enfant, l’enfant sera idiot.
4e interdit : quand on vient d’uriner et que l’Essence et le Souffle sont épuisés. Si on unit le yin et le yang (à ce moment-là), les vaisseaux (où circulent le Souffle et le sang) sont raboteux. Si dans ces conditions on a un enfant, l’enfant sera très laid.
5e interdit : quand on est très fatigué, et que la Volonté et le Souffle ne sont pas encore remis. Si on unit le yin et le yang (à ce moment-là), les nerfs et la taille sont gonflés. Si dans ces conditions on a un enfant, cet enfant mourra prématurément.
6e interdit : quand on vient de se laver les cheveux et que la peau n’est pas encore sèche. Si on unit le yin et le yang (à ce moment-là), cela raccourcit le souffle. Si dans ces conditions on a un enfant, l’enfant ne sera pas complet.
7e interdit : quand on (se sent) ferme comme une arme et très excité et que les veines du pénis font mal, il faut unir (le yin et le yang). Si on ne les unit pas (à ce moment-là), on a des lésions à l’intérieur et on tombe malade. »

Ce passage insiste surtout sur les maux que l’inobservation de ces interdits apporterait aux enfants. Un autre passage du même livre rappelant les mêmes conditions indique que les personnes qui violent les interdits auront aussi à souffrir, et précise ou complète ces données.

« P'eng-tsou dit :... Il faut éviter les grands froids, les grandes chaleurs, les grands vents, les grandes pluies, les éclipses de soleil et de lune, les tremblements de terre, le tonnerre et les éclairs : ce sont les interdits du Ciel. L’ivresse, la réplétion, la joie, la colère, la tristesse, la pitié, la crainte, la frayeur : ce sont les interdits de l’Homme. Les endroits où il y a une montagne, un cours d’eau, un tertre du dieu du Sol, une meule de grains, un puits, un fourneau de cuisine : ce sont les interdits de la Terre. Éviter ces (trois sortes d’)interdits : si on contrevient à ces interdits, on deviendra malade et les enfants ne vivront pas.
Tous ceux qui ayant avalé des remèdes les trouvent vains et sans efficacité, et dont les maladies ne sont pas guéries, s’ils se remettent à unir le yin et le yang, ils se feront du mal.
Les jours de mort du mois, on ne doit pas unir le yin et le yang, c’est néfaste.
Les jours kien, p'o, tche, et ting, et les jours de l’interdit du sang, il ne faut pas unir le yin et le yang : cela ferait du mal. »

Le Sou-niu king interdit ces pratiques aux jours des quatre phases de la lune, et de plus le dernier jour du mois (29e ou 30e jour) ainsi que le 28e jour, enfin les jours d’éclipse de lune, ce qui n’est pas absolument inutile, les calendriers antérieurs aux T'ang n’étant pas toujours assez bien réglés pour que les éclipses de lune ne tombassent pas quelquefois en dehors du jour qu’ils marquent pour la pleine lune ; il y a aussi les six jours ting et les six jours ping du cycle sexagésimal, et les jours p'o du cycle de douze jours. Outre ces interdits mensuels, il y en a d’annuels : les périodes de Grand-Froid, ta-han, et de Grand-Chaud, ta-chou, c’est-à-dire les quinze jours qui précèdent immédiatement les deux équinoxes ; les jours de changement des quatre saisons ; les deux jours ping-tseu et ting-tch'eou qui suivent le solstice d’été, et les jours keng-chen et sin-yeou qui suivent le solstice d’hiver ; enfin le seizième jour du cinquième mois, où « le ciel et la Terre font acte de mâle et femelle ». En outre il y a des interdits accidentels, grand vent, pluie violente, tonnerre et éclairs, tremblements de terre ; et dans un autre ordre d’idées, venir de se laver la tête, rentrer d’un voyage lointain, ou encore de fortes émotions, grande joie ou grande colère.

Comme on le voit, le nombre des jours où l’union du yin et du yang peut s’accomplir est assez restreint : à ne compter que les interdits réguliers, il y a déjà plus de deux cents jours par an où il est défendu de la pratiquer. Si on tient compte encore des jours de mauvais temps et de tous les interdits occasionnels, il ne devait rester que quelques jours par an. Encore nos listes ne sont-elles pas complètes, puisque les textes ne nous sont parvenus que dans un état fragmentaire.


Tout cela ce sont des pratiques privées à l’usage des adeptes de la vie religieuse, destinées à accroître l’Essence, et par là, en nourrissant le Principe Vital, à conduire à l’Immortalité. Mais l’union du yin et du yang s’accomplissait aussi dans des cérémonies collectives où elle prenait un tout autre sens. Tous les fidèles, sauf les filles non mariées, y prenaient part, probablement par petits groupes, afin d’être délivrés de leurs péchés et d’écarter les malheurs qui découlent du péché. C’était ce que les taoïstes appelaient l’« Art Réel d’égaliser les souffles », et auquel on donnait populairement le nom d’« unir les souffles » ho-k'i, parce que le but était d’unir les souffles du yin et du yang, ou de « mêler les souffles » houen-k'i, ce qui a le même sens, ou encore, plus simplement, celui de « l’Union » houo-ho. On attribuait l’origine de ces cérémonies aux trois San Tchang, ou encore aux chefs des Turbans Jaunes du milieu du IIe siècle de notre ère ; et le rituel en était donné sous forme d’un « Décret de l’année kia-tseu », afin de le rattacher étroitement aux Turbans-Jaunes pour qui l’année kia-tseu devait être le commencement de la Grande Paix T'ai-p'ing. Mais il n’y a pas grande importance à attacher à ces dires, car c’est aux Trois Tchang qu’on attribue en général toutes les cérémonies publiques du culte taoïste. Tout ce qu’on sait est que dans la seconde moitié du IVe siècle Souen Ngenn, qui mourut en 402, les faisait célébrer par ses fidèles dans des orgies où « hommes et femmes se mêlaient exactement comme des bêtes ». Il n’est pas impossible qu’il faille en chercher l’origine bien plus haut et qu’elles aient été une adaptation des fêtes populaires de printemps et d’automne de l’antiquité ; mais comme nous ne connaissons rien ni de l’origine des fêtes taoïstes, ni de l’histoire de la disparition des orgies populaires antiques, on ne peut guère aller plus loin que d’indiquer un rapprochement possible. Au IVe et au Ve siècle, c’étaient des fêtes régulières, mais sans relation avec aucun terme saisonnier, et les fêtes taoïques de printemps et d’automne (car il existait de grandes fêtes aux deux équinoxes) étaient d’un caractère tout différent.

La cérémonie s’accomplissait les jours de nouvelle lune et de pleine lune. « L’enroulement du dragon et le jeu du tigre étaient préparés comme l’expose l’Écrit-Jaune, Houang-chou » : dragon et tigre, animaux de l’Est et de l’Ouest, représentent, le premier le yang, et le second le yin, et leurs « jeux » sont l’union du yin et du yang. Je ne sais, les auteurs étant assez réticents, si la fête consistait en une pantomime, danse du dragon et du tigre figurés par un homme et une femme, s’achevant par l’accouplement des danseurs en une sorte de hiérogamie à laquelle tous les assistants participaient en s’unissant pêle-mêle, ou si ces unions en promiscuité étaient toute la fête, si elles étaient à elles seules ces « jeux du dragon et du tigre », sans représentation préalable.

Comme toutes les fêtes taoïstes, celle-ci se faisait sous la direction d’un Instructeur che ; mais à la différence de la plupart des autres, pour des raisons faciles à comprendre, elle ne s’accomplissait pas en plein air, mais à l’intérieur dans « la chambre privée » sseu-fang. Ceux qui avaient l’intention d’y prendre part jeûnaient pendant les trois jours précédents, puis ils devaient

« se rendre auprès d’un Instructeur pour fonder des mérites : (c’est) l’offrande à deux du yin et du yang et la soumission au destin (qui) fondent les mérites ; quand ils ont achevé, qu’ils sortent ; (pendant la période d’) un jour et une nuit (des jours de nouvelle lune et de pleine lune), durant les six heures, qu’ils fondent constamment des mérites. »

Un ancien taoïste converti au bouddhisme, Tchen Louan, nous a laissé une brève description de cette fête.

« Quand j’avais vingt ans, j’aimais les pratiques taoïstes et j’allais au phalanstère, kouan, les étudier. D’abord on m’enseigna le procédé du mélange des souffles, des Trois, des Cinq, des Sept et des Neuf, et de l’union des garçons et des filles (ordonné par) l’Écrit-Jaune. (On joint) les quatre yeux, les quatre narines, les deux bouches, les deux langues et les quatre mains de façon à opposer exactement le yin et le yang. Ils prennent exemple sur le nombre des vingt-quatre souffles (de l’année). Ceux qui s’adonnent à cette pratique réalisent la Formule Réelle dans le Champ de Cinabre ; mais ils prennent garde au Secret-défendu et n’émettent pas sur la voie ; ils ne doivent pas être jaloux les uns des autres. Pour ceux qui s’adonnent à cette pratique, tous les maux et les périls sont supprimés ; on les appelle les Hommes-Réels ; ils sont sauvés et voient augmenter le nombre de leurs années. On enseigne aux maris à échanger leurs femmes : ils mettent la luxure au-dessus de tout. Les pères et les frères aînés sont debout devant et ne savent pas rougir. C’est ce qu’ils appellent l’Art Réel d’égaliser les souffles tchong-k'i tchen-chou. Aujourd’hui les tao-che s’adonnent tous à cette pratique, c’est par elle qu’ils cherchent le Tao. Il y a des choses qu’on ne peut exposer en détail. »

Le rituel de cette fête ne nous est pas parvenu : il a probablement été éliminé du Tao-tsang à l’époque où les taoïstes eux-mêmes avaient subi assez fortement l’influence de la morale profane pour avoir honte de ces pratiques. Il était contenu dans deux livres dont les titres nous sont donnés par les polémistes bouddhiques : l’Écrit-Jaune, Houang-chou, qui passait pour avoir été révélé la première année han-ngan à Tchang Tao-ling, et l’« Ordonnance de l’année kia-tseu ». Le but de la cérémonie était avant tout de délivrer les fidèles de leurs péchés et ainsi « de diminuer les malheurs et de disperser les calamités » qui devaient être leur lot en punition des péchés non expiés. Par l’achèvement de la cérémonie, le fidèle est protégé contre tous les démons et toutes les influences hostiles, ainsi que le montre l’imprécation suivante, bien que sur certains points l’interprétation en reste un peu incertaine.

« Le Procédé Céleste est terminé. Que les Trois et les Cinq soient complétés, que le Soleil et la Lune soient achevés, quand ils se lèvent qu’il fasse clair, quand ils se couchent qu’il fasse obscur. Que les Souffles entrent dans les (Hommes) Réels ; que les Souffles pénètrent dans les Esprits ; que les Souffles répandent partout le Principe ; que les Souffles chassent les Mauvais ; que les Pirates Démoniaques soient anéantis ; que ceux qui me regardent deviennent aveugles ; que ceux qui m’écoutent deviennent sourds ! Que ceux qui vont faire des plans contre moi, en retour reçoivent la mort ! Je suis faste, ils sont néfastes ! »

Un autre fragment du même rituel a conservé la prière qui accompagnait la partie centrale de la cérémonie, l’« Union des souffles », et, comme il arrive souvent dans les prières taoïstes, elle décrit par allusion la fête elle-même en quelques vers. Le mélange des termes techniques et des termes mystiques qui y sont accumulés en obscurcit le sens, ce qui est certainement conforme à l’intention des auteurs de ce rituel, mais l’ensemble est parfaitement clair, et corrobore parfaitement la description de Tchen Louan.

« Ouvrez la Porte du Destin ; embrassez l’Homme-Réel (appelé) Enfant, Ying-eul ; que le Dragon s’enroule et que le Tigre joue. Les Trois et les Cinq, les Sept et les Neuf. Le filet du Ciel et les rets de la Terre. Ouvrez la Porte Vermillon ; approchez la colonne de Jade ; que le yang pense à la Mère yin blanche comme le jade ; que le yin pense au Père yang et le caresse de la main ! »

La conséquence la plus claire de ces pratiques était que « depuis les Wei et les Tsin ils avaient des enfants dans les phalanstères taoïstes, au temps des Tch'en et des Leang on élevait des enfants dans les maisons de retraite », au grand scandale des religieux bouddhistes qui criaient à l’hypocrisie. Mais en réalité, bien que bouddhistes et taoïstes prêchassent les uns et les autres la continence, c’était pour des raisons bien différentes : les premiers le faisaient par ascétisme, comme une des formes de ce détachement qui doit conduire à la délivrance ; pour les seconds il s’agissait simplement de se concentrer, de ne pas se disperser, et, en conservant son Essence, de vivre longtemps.

Cette technique, au moins sans forme de pratiques individuelles, était fort ancienne dans le taoïsme : dès le temps des Han Antérieurs, on connaissait un recueil en 26 chapitres attribué à Yong-tch'eng, instructeur de l’Empereur Jaune, qui exposait déjà, autant qu’on peut en juger par le Lie-sien tchouan, les mêmes principes que les ouvrages que j’ai cités plus haut, savoir « l’art de coucher avec des femmes qui consiste à tenir fermement (le pénis) avec la main et à ne pas éjaculer, et à faire revenir l’Essence pour réparer le cerveau. »


Ces pratiques étaient assez répandues sous les Han pour être mentionnées plusieurs fois dans les ouvrages du temps. Le rappel du nombre de mille deux cents femmes par lesquelles Houang-ti obtint l’Immortalité, suivi d’un choix officiel de jeunes filles à travers tout l’empire pour le harem de Wang Mang au lendemain de la mort de sa femme, est trop près de certains des passages dont j’ai donné la traduction pour qu’il n’y ait pas une allusion à des croyances et à des pratiques analogues. Au IIe siècle de notre ère, un certain Ling Cheou-kouang, originaire de Fou-fong, s’était rendu célèbre par le succès avec lequel il pratiquait ce procédé d’immortalité ; et quelques années plus tard, c’était, paraît-il, la spécialité de Kan Che, que connut personnellement Ts'ao Tche. Au début du IVe siècle, Ko Hong, sans les décrire en détail, parle de ces pratiques et en affirme l’extrême importance :

« Sur les ‘pratiques de la chambre à coucher’, il y a plus de dix auteurs : selon les uns, elles servent à réparer l’usure (vitale), selon d’autres, à guérir les maladies, selon d’autres à disperser le yin et accroître le yang, selon d’autres encore à augmenter la longévité ; la plus importante consiste uniquement à « faire revenir l’Essence pour réparer le cerveau ». Cette recette, les Hommes Réels se la transmettent oralement ; à l’origine on ne l’écrivait pas. Même si on prend les drogues les plus célèbres, quand on ne connaît pas ce procédé efficace, on ne peut obtenir la Vie Éternelle. »

C’est évidemment à la pratique individuelle et privée de ces procédés que Ko Hong fait allusion ; mais un demi-siècle après, Souen Ngen faisait, comme je l’ai déjà dit, de l’union des sexes une des pratiques normales du culte public parmi ses disciples. Les polémistes bouddhistes et taoïstes montrent que ces pratiques, publiques aussi bien que privées, continuèrent aux siècles suivants : Tao Hong-king, qui vécut dans la première moitié du VIe siècle, dit y avoir assisté souvent ; tout comme Tchen Louan qui vécut dans la seconde moitié du même siècle.

Mais ces pratiques étaient trop contraires aux principes rituels de la séparation des sexes et à la morale courante chinoise pour que leur succès pût être autre que passager. Même dans les milieux taoïstes, elles se heurtaient à des résistances que nous ne pouvons mesurer exactement, faute de connaître l’histoire du taoïsme, mais dont nous saisissons au moins quelques échos. Certains cercles à tendance mystique, comme il y en eut toujours dans le taoïsme, non seulement les repoussaient, mais encore par contradiction passaient, à l’inverse, à l’ascétisme. Au début du Ve siècle, dans le Nord, chez les Wei Septentrionaux, le Maître Céleste K'eou K'ien-tche eut une vision, le 22 septembre 415, où le Très-Haut Vieux-Seigneur, T'ai-chang Lao-kiun, lui apparut pour lui ordonner de réformer le taoïsme :

— Chassez les fausses doctrines des Trois Tchang, les redevances en riz, les taxes en monnaie, et la pratique de l’union des souffles des garçons et des filles ; le Grand Tao est pur et vide, qu’a-t-il à faire avec ces choses ?

Au milieu du siècle suivant, dans le Midi, chez les Leang, Song Wen-ming imposait la chasteté à ses disciples : « il établit les règles du costume des tao-che, leur interdit le mariage, les mets à saveur forte... »

Dans les milieux taoïstes cultivés, l’influence du bouddhisme, très forte, contribuait encore à faire voir d’un mauvais œil ces pratiques. L’influence bouddhique s’était exercée sur le taoïsme dès le jour où, au temps des Han, les premiers missionnaires avaient été accueillis comme les porteurs de doctrines et de recettes d’Immortalité nouvelles, en somme d’une sorte de taoïsme à l’usage des barbares occidentaux. Les bouddhistes avaient vite reconnu l’erreur et s’étaient dégagés du taoïsme ; mais les taoïstes restaient attachés à cette vieille idée, et étaient persuadés que les deux religions, foncièrement pareilles, ne différaient en apparence que parce que les Barbares avaient mal compris ce que leur avait enseigné Lao-tseu au cours de son voyage en Occident. Aussi beaucoup de taoïstes rendaient-ils un culte au Bouddha ; le plus célèbre est T'ao Hong-king, qui avait élevé sur le mont Mao, dans sa communauté taoïste du Tchou-yang kouan, un stūpa du Bouddha. Dans certains groupes, la vie religieuse se modelait bien plus sur le type des monastères bouddhiques, avec leurs moines voués au célibat, que sur celui des phalanstères taoïques où les tao-che vivaient en famille.

La pression de la morale publique finit par être trop forte. Les fêtes disparurent les premières : on n’en entend plus parler après le VIIe siècle. Les pratiques privées se continuèrent bien plus longtemps : au XIIe siècle, Tseng Tsao y attachait encore assez d’importance pour consacrer une section de son Tao-chou à les combattre et à s’efforcer de démontrer qu’il est impossible d’arriver par elles à l’immortalité ; et ailleurs, revenant sur ce sujet, il les expliquait allégoriquement : les 1.200 femmes de Houang-ti figureraient les 1.200 souffles journaliers. Mais les médecins les avaient adoptées, un certain nombre d’entre elles au moins, et, dépouillées de leur caractère religieux, elles devaient connaître une nouvelle expansion à titre d’hygiène.

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La gymnastique

La circulation du Souffle et la circulation de l’Essence ne se faisaient pas sans peine. Certains passages étaient naturellement difficiles à franchir.

« Il y a dans le ventre de l’homme trois endroits où il y a obstruction. Premièrement il y a une obstruction au cœur : on sent que sous le cœur l’intérieur de l’estomac est rempli... Secondement, il y a une obstruction en dessous des viscères de crudité. On sent que l’intérieur de l’intestin est rempli... Troisièmement il y a obstruction dans le Champ de Cinabre inférieur. On peut le franchir par une volonté ferme. C’est seulement après cela qu’on sent que le souffle parcourt le corps entier. »

Il y avait aussi des obstructions inattendues, dues à la maladie ou simplement à la nourriture prise. Pour que le souffle pût les franchir, il fallait l’aider. On y arrivait par des massages, mouo, ou des mouvements de gymnastique, tao-yin chen-ti, littéralement « étendre et contracter le corps ». Maître Ning disait que « la Conduite du Souffle règle l’intérieur, et la Gymnastique règle l’extérieur,

ce qui montre bien l’importance relative des deux techniques. D’autre part, les mouvements se faisaient aussi préventivement pour assouplir le corps, supprimer d’avance les obstacles au passage du souffle, ou pour le reposer après un effort pénible. On fait faire de la gymnastique entre deux « unions du yin et du yang » ; de même entre deux retenues du souffle. On fait aussi ces exercices séparément, pour eux-mêmes, parce qu’en supprimant les obstacles à la circulation, ils sont un excellent moyen de guérir les maladies causées par ces obstacles mêmes. De façon générale, ils chassent les maladies et prolongent la vie, font qu’on ne vieillit pas malgré les années, expulsent des membres, des os, des articulations tous les souffles mauvais ; qui les pratique correctement aura la durée du Ciel et de la Terre.

Il y avait de nombreuses séries d’exercices gradués, presque autant qu’il y a de nos jours de méthodes gymnastiques. On en attribuait à chacun des grands maîtres Immortels de l’antiquité.

Méthode de Tchong-li

Gym, 1 à 4. Henri Maspero (1883-1945) : Les procédés de « nourrir le principe vital » dans la religion taoïste ancienne. — Journal Asiatique, Paris, 1937: avril-juin, pages 177-252, et juillet-septembre, pages 353-430.



1er exercice. — Grincer des dents pour rassembler les dieux, 36 fois. Embrasser des deux mains le k'ouen-louen. Battre le tambour céleste, 24 fois. (Fig. 1)

2e exercice. — Bouger la colonne céleste à droite et à gauche, dans chaque sens 24 fois. (Fig. 2)

3e exercice. — Recueillir (la salive) à droite et à gauche avec la langue, et en haut. Battre le tambour 36 fois. Recueillir (la salive)36 fois. La séparer en trois bouchées comme une chose dure et l’avaler. Après cela, on pourra marcher dans le feu. (Fig. 3)

4e exercice. — Masser le Hall des Reins avec les deux mains, 36 fois. Plus on le fera, plus (les effets) seront merveilleux. (Fig. 4)

Gym, 5 à 8. Henri Maspero (1883-1945) : Les procédés de « nourrir le principe vital » dans la religion taoïste ancienne. — Journal Asiatique, Paris, 1937: avril-juin, pages 177-252, et juillet-septembre, pages 353-430.



5e exercice. — Faire tourner comme un treuil chacun des deux pouls successivement, 36 fois. (Fig. 5)

6e exercice. — Faire tourner comme un treuil les deux pouls ensemble, 36 fois. (Fig. 6)

7e exercice. — Les deux mains jointes, faire (le souffle) ho 5 fois. Ensuite joindre les deux mains au-dessus de la tête (dans la position de) supporter le ciel ; frotter le sommet du crâne. Chaque, 3 fois ou 9 fois.

8e exercice. — Mettre les deux mains en crochet, les diriger en avant, et avec elles saisir les deux plantes des pieds, 12 fois. Puis reposer les pieds et s’asseoir en position correcte. (Fig. 8)

Ces exercices doivent se commencer un jour kia-tseu (premier du cycle sexagénaire) à minuit ; il faut les faire tous les jours, ou bien une fois entre minuit et midi, ou bien trois fois dans la journée entière ; et pendant le temps qu’on les fait, il faut respirer par le nez. Bien exécutés, ils écartent les maladies, les démons méchants n’osent pas approcher, le froid et le chaud ne peuvent pénétrer dans le corps, etc. Pour qu’ils soient parfaitement efficaces, il faut faire une première retenue du souffle, pi-k'i, après le troisième exercice, et une seconde après le quatrième ; puis le huitième exercice achevé, on avale la salive comme dans le troisième, on refait les mouvements du cinquième et du sixième ; et on fait une dernière et assez brève retenue du souffle en méditant sur un feu qui, sorti du Champ de Cinabre inférieur, monte et parcourt le corps tout entier.

L'enfant et le buffle. Henri Maspero (1883-1945) : Les procédés de « nourrir le principe vital » dans la religion taoïste ancienne. — Journal Asiatique, Paris, 1937: avril-juin, pages 177-252, et juillet-septembre, pages 353-430.

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