Camille Imbault-Huart (1857-1897)

Récit officiel de la conquête du Turkestan par les Chinois (1758-1760). Bulletin de géographie historique et descriptive, 1895, pages 87-144.

RÉCIT OFFICIEL DE LA CONQUÊTE DU TURKESTAN PAR LES CHINOIS (1758-1760)

Bulletin de géographie historique et descriptive, 1895, pages 87-144.

  • "Ce récit est textuellement traduit du K'in-ting sin-kiang tche-lio, Description des nouvelles frontières (Dzongarie et Turkestan chinois), rédigée et publiée par ordre de l'empereur Tao-Kouang. Composé, d'après les archives de l'empire, par la commission qui a présidé à la rédaction du K'in-ting sin-kiang tche-lio, il présente un caractère d'authenticité absolue et a la valeur d'un rapport ou document officiel : à ce titre, il ne saurait manquer d'offrir le plus grand intérêt aux personnes qui s'occupent de l'histoire de la Chine et du Turkestan."
  • "On sait qu'en Chine l'histoire officielle d'une dynastie, destinée à figurer dans les annales de l'empire, ne s'écrit et n'est mise au jour qu'après que celle-ci a cessé de régner : les statuts de l'État, aussi bien que les précédents et les traditions, s'opposent formellement à ce qu'on publie l'histoire incomplète d'une famille encore régnante. Comme la dynastie tartare-mandchoue des Ts'ing, actuellement maîtresse des destinées de la Chine, occupe le trône depuis 1644, nous ne possédons, sur les événements, les guerres, etc., qui ont eu lieu depuis cette époque, que des renseignements en général d'une authenticité douteuse. Le travail dont il s'agit, puisé aux sources les plus autorisées, auxquelles personne, sans la permission du Fils du Ciel, ne peut avoir accès, nous donne la substance des pages qui seront consacrées plus tard, dans les annales chinoises, aux campagnes des armées de l'empereur K'ien-loung dans le Turkestan."
  • "Il importe d'ajouter que ce morceau est écrit dans le meilleur style historique chinois, sobre et concis, mais toujours précis et clair, exempt d'allusions littéraires qui rendent souvent si difficile la lecture des ouvrages chinois : c'est le modèle du genre."

Extraits :
Le récit officiel de la conquête
Notices biographiques sur quelques généraux du règne de K'ien-loung : Pan-ti - Tchao-ʽhoueï - Ming-joueï - Alikoun - Akoueï
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Carte orographique du Turkestan. C. Imbault-Huart, Recueil de documents sur l'Asie centrale
Carte orographique du Turkestan chinois.

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Le récit officiel de la conquête

La vingt-deuxième année K'ien-loung (1757), après la pacification de l'Ili, des difficultés s'élevèrent aux frontières mahométanes (dans le Turkestan).

Lorsque les Dzongars exerçaient leur autorité tyrannique sur les tribus mahométanes, le chef des mahométans était Mohammed ; depuis des générations, sa famille résidait dans les deux villes de Kachgar et de Yarkand et était respectée de tous. Galdan Tseriyng l'appela auprès de lui et le fit jeter en prison. Il emprisonna également les deux fils de Mohammed dont l'aîné s'appelait Bourhân-uddin et le cadet Khodjo-Djân. C'est à eux qu'on a donné les noms de grand et petit Khodja.

Au moment où notre armée pacifia l'Ili, Mohammed était déjà mort. Bourhân-uddin et Khodjo-Djân vinrent à la rencontre de nos troupes pour faire leur soumission. Le maréchal Pan-ti demanda à l'empereur l'autorisation de les mettre en liberté : il fît reconduire Bourhân-uddin sous escorte à Kachgar pour qu'il administrât ses anciens sujets, et il invita Khodjo-Djân à rester pour maintenir dans l'ordre les mahométans qui habitaient dans l'Ili.

Les deux frères étaient indignes de confiance : Khodjo-Djân se montra plus déloyal que Bourhân-uddin. Lors de la révolte d'Amour-sana, Khodjo-Djân aida ce dernier et attaqua les Taidji et les Tsaisang qui prêtaient leur concours à l'empereur.

Lorsque Amoursana, battu, s'enfuit chez les Khassaks, Khodjo-Djân trouva moyen de se réfugier à Yarkand en vue de soulever les mahométans. À ce moment, Tchao-ʽhoueï, maréchal de l'Ili, envoya Amintaô, général de brigade des troupes mandchoues, avec mission de se rendre dans les villes mahométanes et d'examiner l'état des choses. Khodjo-Djân saisit Amintaô et le fit mettre à mort. Puis, de concert avec Bourhân-uddin, il occupa la ville de Yarkand et se révolta ouvertement. Tous deux invitèrent les autres villes mahométanes à se soumettre à eux et ils restèrent dans l'expectative, attendant qu'on répondît à leur appel.

Au printemps de la vingt-troisième année (1758), Yarkhachan, maréchal portant le titre de ts'ing-ni, partit à la tête de notre armée pour les châtier. Au cinquième mois, il arriva devant la ville de Kou-tché qu'il attaqua, mais sans succès. Khodjo-Djân vint au secours de la ville avec les gens de Chayarh. Ts'ebouteng Tchabou, prince de Kalkas, alla à sa rencontre et le bâtit à Khorkhos ; il y fit prisonnier un tsaïsang nommé Ouotchot'o. Le général de brigade des troupes mandchoues Aïlounga atteignit de nouveau Khodjo-Djân sur les bords de la rivière Oken et fit un grand carnage des rebelles. Dans cette rencontre Khodjo-Djân perdit son étendard. C'est cette bataille qu'on a appelée la victoire de Khorkhos.

Khodjo-Djân se retira avec ses soldats débandés dans la ville de Kou-tché, il en fit fermer les portes et se prépara à la défendre. Peu après, à la tête de quatre cents cavaliers, il profita de la nuit pour franchir les lignes des assiégeants et s'enfuit dans la direction de l'ouest.

Au septième mois, notre armée reprit la ville de Kou-tché. Mahmoud, ancien bey de Chayar, rendit la ville de Chayar, et Akouas et Pokaï, mahométans de Saïrim, rendirent cette dernière ville. À ce moment, Yarkhachan fut puni pour avoir montré trop d'indulgence envers les rebelles et Tchao-ʽhoueï, maréchal portant le titre de ting-pien, le remplaça.

Au huitième mois, l'armée de Tchao-ʽhoueï arriva à Tchorkotcho et reprit Khoten : l'ancien bey Khodjîs apporta le cens de la population et la soumission de la ville.

Ce Khodjîs était d'une famille très respectée de Ouché ; il s'était distingué autrefois en accompagnant l'armée qui avait battu et fait prisonnier Dawatchi. Lorsque Khodjo-Djân était venu au secours de Kou-tché, il avait pressé Khodjîs de prendre parti pour les rebelles et l'avait invité à résider à Aksou pour attendre les événements. Quand il revint battu, les gens d'Aksou ne le reçurent pas ; alors Khodjîs l'engagea à aller à Ouché. À la tête de ses gens, Khodjo-Djân arriva devant cette ville qui ferma également ses portes pour se défendre. Les habitants de ces deux villes offrirent alors leur soumission au maréchal. C'est ainsi qu'on reprit Aksou et Ouché.

Au neuvième mois, notre armée se dirigea sur Yarkand. Khodjo-Djân défendait la ville avec quatre mille cavaliers et six mille fantassins. En outre, Bourhân-uddin, avec trois mille cavaliers et deux mille fantassins, vint de Kachgar se joindre à lui. Ils refoulèrent tous les gens de la campagne dans la ville, coupèrent tous les riz, creusèrent de larges fossés près de la ville et élevèrent de hautes tours (redoutes), afin de résister.

Le sixième jour du deuxième mois, notre armée arriva devant Yarkand. Tchao-ʽhoueï et ses officiers continrent l'ardeur des troupes et divisèrent celles-ci en corps du centre, de l'aile gauche et de l'aile droite. Chaque corps avait une avant-garde et une arrière-garde. Tchao-ʽhoueï, à la tête des officiers de la garde impériale, Oche, Fou Ling-an, etc., commandait le corps du centre ; son avant-garde était conduite par Ming-joueï, sous-gouverneur militaire ; son arrière-garde, par Kaô Tien-chi, général de brigade des troupes chinoises. À l'aile gauche, Omoupou général de brigade des troupes mandchoues, commandait l'avant-garde ; Aïlounga, général de brigade des troupes mandchoues, l'arrière-garde. À l'aile droite, Yéoudoun, général de brigade des troupes mandchoues, commandait l'avant-garde ; Touan tsipou, surveillant général, l'arrière-garde ; Mandjortou, honoré du titre de Batourou, l'Éleuthe, Tasi Ts'erigng, chambellan de la garde impériale, les troupes d'embuscade.

L'armée se rangea en bataille à l'est de la ville. Les troupes des deux ailes et d'embuscade s'avancèrent et s'emparèrent des tours (redoutes). De chacune des portes de l'est et de l'ouest sortirent quatre ou cinq cents cavaliers rebelles. L'armée resta immobile, en ordre de bataille, devant eux. Dix officiers à la tête desquels étaient Omoupou et Ming-joueï conduisirent contre eux les meilleures troupes. Les rebelles sortirent (de la ville) en plus grand nombre encore, mais ils furent défaits en trois combats. De nouveau, trois ou quatre cents cavaliers sortirent par la porte du nord pour nous attaquer à revers : ils furent arrêtés par Yéoudoun qui en tua un grand nombre et les empêcha d'avancer. Le combat dura de six heures du matin à quatre heures du soir. Battus, les rebelles rentrèrent dans la ville pour la défendre.

Les espions ayant donné l'avis que le bétail et les bagages des rebelles étaient sur la montagne Ingge dsipan au sud de la ville, il fut décidé de changer le camp de place en vue de diviser les forces des rebelles. Le treizième jour, Tchao-ʽhoueï envoya Aïlounga occuper la route de Kachgar par laquelle pouvaient venir des secours, puis, de l'est de la ville, il transporta son camp, en contournant les murs, pour attaquer la partie sud. Nos troupes commencèrent à traverser le Khara-ousou ; à peine quatre cents cavaliers étaient-ils passés que les ponts se rompirent et qu'une masse de dix mille rebelles environ s'avança pour livrer bataille.

Tchao-ʽhoueï divisa ses troupes en trois corps : lui-même, il se mit au centre ; Yéoudoun se plaça à droite, et Omoupou à gauche. Les trois corps s'ébranlèrent ensemble et attaquèrent l'ennemi par devant et par derrière. La cavalerie rebelle, battue, revint harasser notre armée sur les flancs, mais les chevaux n'avaient plus assez de forces, ils ne pouvaient plus galoper. Kaô Tien-chi, général de brigade des troupes chinoises, Sanko, général de brigade des troupes mandchoues, Oche et T'ot'oungô, officiers de la garde impériale, tuèrent un grand nombre de ces rebelles. C'est là la bataille de T'oungkouslouk.

Notre armée franchit de nouveau le Khara-ousou et se dirigea vers l'est où elle s'établit solidement dans un camp immense. Les rebelles creusèrent des fossés pour détourner les eaux, mais nos troupes leur résistèrent suivant les circonstances. En creusant au milieu du camp, nos soldats trouvèrent des silos remplis de grains ; ils ramassèrent aussi beaucoup de balles et de boulets. Au troisième mois intercalaire, les troupes n'avaient pas l'air d'être affamées et elles avaient conservé toute leur vigueur. C'est ce qu'on a appelé le siège de la rivière Noire.

Peu de temps auparavant, l'empereur Kao-tsoung-choan, considérant ; que Tchao-ʽhoueï et Fou-tô étaient depuis longtemps à l'armée et que leurs mères étaient avancées en âge, avait nommé le comte Namoutchari, maréchal portant le titre de ts'ing-ni, et le directeur de ministère San-t'aï, sous-gouverneur militaire, pour aller remplacer Tchao-ʽhoueï et Fou-tô.

Ils arrivèrent à ce moment à la rivière Noire et éprouvèrent un échec. Aïlounga était retourné à Aksou ; de concert avec Choukhedé, sous-gouverneur militaire d'Aksou, il arriva au secours avec une armée. Le sous-maréchal Fou-tô opéra sa jonction avec eux.

Le sixième jour du premier mois de la vingt-quatrième année (1759), ils arrivèrent à Khourman et défirent Khodjo-Djân qui était venu à leur rencontre et leur avait livré bataille. Le lendemain, les rebelles occupèrent de nouveau de hautes collines pour résister à notre armée. Fou-tô les attaqua avec impétuosité, la bataille dura un jour et une nuit.

Le huitième jour, les rebelles s'avancèrent de tous côtés pour arrêter notre marche en avant. Notre armée marcha en ordre de bataille, traversa à gué la rivière de Yarkand, puis, faisant volte-face, lira de nouveau une bataille qui dura un jour et une nuit.

Sur ces entrefaites, Alikoun sous-gouverneur militaire, vint de Barkoul, à la tête de mille chevaux, se réunir à l'armée. Alikoun et Opoche divisant leurs troupes en deux corps, attaquèrent brillamment les rebelles qui, épouvantés, se dispersèrent. Ces deux officiers opérèrent alors leur jonction avec Fou-tô. Notre imposante armée inspira dès lors une grande terreur.

Nousan et Opoche, à la tête de l'aile droite, attaquèrent les rebelles, tandis que Alikoun et Aïlounga les prenaient à revers avec l'aile gauche, et que Fou-tô, avec le corps du centre, leur livrait en même temps bataille. On tua plus de mille rebelles. Bourhân-uddin fut atteint d'un coup de feu au côté : on le transporta grièvement blessé dans la ville.

Le quatorzième jour, le siège (du camp de la rivière Noire) fut levé et notre armée, ramenée par ses chefs, retourna à Aksou.

Lorsque Tchao-ʽhoueï avait attaqué Yarkand pour la première fois, il avait détaché Tsiring-tchabou et Kobouchou, officiers de la garde impériale, ainsi que le chef mahométan Huduï, pour aller inviter Khoten et les six villes qui en dépendent à se soumettre. Lorsque le camp de la rivière Noire fut assiégé, Khodjo-Djân envoya un de ses partisans Abdou Kerim, avec six cents hommes environ, pour circuler entre Khoten et Yarkand, faire des incursions et harasser la première de ces villes ; Tsiringtschabou et ses officiers se divisèrent pour défendre les trois villes d'Ylitsi, de Kharakhach et de Ouroung khach. Quant aux autres trois villes, elles embrassèrent le parti des rebelles.

Quand notre armée retourna à Aksou, on envoya ; au secours de Tsiringtchabou les généraux de brigade des troupes mandchoues Batoutsirkhar, Hourki, etc. ; (quand ceux-ci arrivèrent), ils attaquèrent les rebelles par surprise à la faveur d'un épais brouillard, et firent trancher la tête devant les lignes de bataille aux chefs rebelles Abdou'kailik et Khodjias, le reste s'enfuit. On reprit ainsi Khoten.

Au sixième mois, notre armée partit d'Aksou et s'avança par des routes différentes. Tchao-ʽhoueï, passant par Ouché, prit le chemin de Kachgar ; Fou-tô, passant par Khoten prit celui de Yarkand. Bourhân-uddin s'enfuit de cette ville à Kachgar. Là, il enleva du bétail, expulsa un millier d'habitants, franchit les montagnes et se dirigea vers l'Ouest.

Le troisième jour du sixième mois intercalaire, Ming-joueï, à la tête de l'avant-garde, s'empara du pays jusqu'à Yk'os. Six chefs, parmi lesquels étaient Kharatohko et Tsimor, vinrent se soumettre à lui. On s'avança jusqu'à la ville de Kachgar. Les habitants mahométans vinrent au devant de nos troupes, se mirent à genoux et offrirent des bœufs et du vin. On reprit ainsi Kachgar.

Khodjo-Djân s'enfuit également de Yarkand et se réunit à Bourhân- uddin, Les anciens beys de Yarkand rendirent la ville. On reprit ainsi Yarkand.

Les deux frères, chefs rebelles, voulaient se jeter dans le Badakhchan, leurs partisans désiraient se réfugier à Andjidjan. Ils ne purent tomber d'accord.

Ming-joueï, à la tête de l'avant-garde, atteignit les rebelles à Khoskhoulouk ; ces derniers cachèrent leurs bagages et leurs femmes, et, au nombre de six mille, gravirent les hauteurs pour résister. Notre armée monta à l'assaut, se battit avec fureur pendant six heures et trancha la tête à plusieurs centaines de rebelles.

Les autres s'enfuirent dans la direction du Badakhchan. Croyant que nos soldats les poursuivaient, ils s'arrêtèrent et se mirent en embuscade entre les deux montagnes d'Artchour. Puis, avec des troupes ayant mauvaise apparence, ils essayèrent d'attirer nos soldats.

À ce moment, notre armée toute entière arriva. Fou-tô commandait le corps du centre, Khodjîs, prince de troisième classe, Huduï, duc, et Touansipou, commandant de troupes, l'assistaient. Ming-joueï et Akoueï, sous-gouverneur militaire, conduisaient l'aile gauche, assistés par Opoche, commandant de troupes. Alikoun et Barou, sous-gouverneur militaire, assistés par Oumoupou, commandant de troupes, dirigeaient l'aile droite. Hourki et Yéoudoun, commandants de troupes, conduisaient les troupes d'élite de gauche et de droite. Ortengo, Laôkok'obeisat, etc., officiers de le garde impériale, honorés du titre de batourou, commandaient les réserves. Tsiringtchabou formait l'arrière-garde. Les lignes de bataille ayant été solidement disposées, l'armée s'avança comme un mur.

Alors les deux montagnes, à gauche et à droite, que les rebelles occupaient, furent enlevées par les corps d'élite de gauche et de droite. Maîtres des hauteurs, ces derniers repoussèrent les rebelles en bas et en tuèrent un grand nombre. Les rebelles, ne pouvant tenir, se dispersèrent en désordre. À cette vue, les soldats de l'arrière-garde des réserves et de l'avant-garde de l'aile droite se précipitèrent en avant rivalisant d'ardeur, en même temps que le corps du centre. L'aile gauche, l'aile droite et l'arrière-garde du centre chargèrent avec une force égale. L'attaque fut faite avec la plus grande bravoure. Les rebelles ne purent résister, ils prirent la fuite dans toutes les directions. Nos troupes les poursuivirent pendant vingt li environ et en tuèrent un bon nombre. Elles s'emparèrent d'une quantité incalculable d'armes et d'étendards.

Cependant les rebelles se réunirent de nouveau, et, défendant un pic élevé, ils essayèrent de résister. Tandis que les troupes de l'aile gauche et de l'aile droite les attaquaient de front, les corps d'élite des deux ailes et les réserves tournaient secrètement les hauteurs et les prenaient en même temps à revers. En outre, le corps du centre détachait quelques troupes qui avaient ordre de faire semblant de piller les bagages afin d'attirer les rebelles de ce côté.

Les rebelles, terrifiés, franchirent les hauteurs et prirent la fuite. Alors le corps du centre suivi de l'aile droite se précipita en avant et leur tua du monde ; avec l'aile gauche, les troupes attaquaient ainsi simultanément devant et derrière. La fuite se changea en déroute. On massacra plus de quatre mille rebelles, on fit prisonniers plusieurs dizaines de beys.

Au septième mois (septembre 1759), nos troupes, poursuivant les rebelles, arrivèrent au Siri-koul, autrement dit le Yéchil koul nor. Bourhân-uddin, qui s'était enfui dans les premiers avec deux cents hommes, occupait les collines situées à l'ouest du lac ; il avait établi là son refuge. Khodjo-Djân, pressant devant lui une masse de dix mille hommes environ, s'était réfugié sur les montagnes situées au nord du lac ; il tenait et gardait également les pics dans la direction de l'est.

Fou-tô ordonna d'abord à Alikoun de courir tout droit aux collines de l'ouest en passant par la rive méridionale du lac ; puis, lui-même, il attaqua les rebelles par les pics de l'est. Les rebelles avaient confiance dans leur position et dans les obstacles naturels qu'elle présentait. Notre armée s'élança à l'assaut et monta même de gros canons sur les hauteurs ; mais comme l'attaque restait infructueuse après plusieurs heures de combat, Fou-tô fit choix de plusieurs dizaines d'habiles fusiliers qui gravirent les hauteurs en passant au nord des montagnes et attaquèrent les rebelles qui se trouvaient sur les sommets des pics. Puis il envoya Khodjîs et Huduï planter sur les sommets des étendards mahométans et ordonner aux mahométans récemment soumis de crier aux rebelles de se rendre.

Tout à coup plusieurs milliers de mahométans qui étaient sur les montagnes, tenant leurs enfants par la main, demandèrent à grands cris à se soumettre. Le bruit qu'ils faisaient était pareil à celui du tonnerre. Ils étaient dispersés dans les montagnes, cachés dans les hauteurs, ils descendirent en courant. Khodjo-Djân ne put les en empêcher, il en frappa seulement plusieurs de son sabre. Les fuyards n'en furent que plus nombreux.

Lorsque Alikoun avait couru à la rive méridionale du lac, il y avait trouvé des rocs s'élevant à pic. Les cavaliers ne pouvaient s'y avancer, alors il marcha à pied à la tête de ses soldats et gravit les hauteurs en poussant de grands cris. Avec des armes à feu il attaqua de loin les rebelles établis sur les montagnes du nord.

La base de ces hauteurs est baignée par le lac. Là, le chemin est étroit et ne laisse passer à la fois qu'une seule voiture ou un seul cavalier. Les bagages et les serviteurs des rebelles obstruaient en grand nombre la rive. Séparé des rebelles par celle-ci, il passa la nuit à combattre de loin l'ennemi ; il lui fut impossible de gravir les hauteurs.

Le lendemain, avec force lamentations, les rebelles demandèrent qu'on reçût leur soumission. Le nombre de ceux qui se rendirent fut de douze mille environ. On leur prit un étendard et un sabre mahométan, ainsi que plus de dix mille têtes de bétail.

Khodjo-Djân profita de la nuit pour contourner les montagnes et s'enfuit au Badakchan avec Bourhân-uddin. Fou-tô envoya un émissaire informer le khan de ce pays, Sultan Chah, des crimes des deux chefs rebelles et lui enjoindre de les faire prisonniers et de les lui livre.

Sultan Chah s'empressa de charger de liens Bourhân-uddin, puis, avec des troupes, il cerna Khodjo-Djân sur le mont Alkhoun tchou-kha. Les rebelles se retirèrent sur les bords de la rivière Boo tsinar. Sultan Chah s'avança avec ses gens. Les rebelles ne purent résister, ils étaient blessés au dos, aux jambes et à la poitrine. Ils furent faits prisonniers et emprisonnés à Tchaidjab, endroit qui sert de prison dans le Badakhchan.

Sultan Chah envoya alors un de ses gens auprès du maréchal pour offrir sa soumission. Il lit mettre à mort Bourhân-uddin et Khodjo-Djân. Le corps de Bourhân-uddin ayant été volé, il livra seulement ensuite, dans une enveloppe, la tête de Khodjo-Djân. Il vint faire sa soumission a la tête de cent mille familles de sa tribu et trente mille familles du Bolor.

Au deuxième mois de la vingt-cinquième année (1760), l'armée de l'ouest revint victorieuse.

Dans la trentième année (1766), Sou Tch'eng, gouverneur d'Ouché, et Abdullah, Hakim bey, dont les principes d'administration étaient défectueux, maltraitèrent la population mahométane.

Au deuxième mois, le bey Kaïhemtoula et plusieurs autres profitèrent de la circonstance pour susciter des troubles. Ils massacrèrent les fonctionnaires et les officiers, et, maîtres de la ville, se révoltèrent ouvertement. Ming-joueï, maréchal de l'Ili, réprima cette révolte. Le quinzième jour du huitième mois, notre armée entra dans la ville. Ouché fut ainsi de nouveau pacifiée.

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Notices biographiques sur quelques généraux du règne de K'ien-loung

Les notices qui suivent sont résumées d'après les biographies des hommes illustres de la dynastie actuelle que renferme le Kouo-tch'ao sien tcheng che lio de Li Yuan-tou. Elles complètent la partie biographique du Chinese Reader's Manual de Mayers.


I. Pan-ti

Pan-ti était de la bannière mongole jaune à bordure : son nom de famille était Po-eul-tsi-ki-t'o. Il commença sa carrière au Nei-ko ou Grande chancellerie ; en 1731, il passait nei-ko-hio-che ou sous-chancelier ; en 1727, il était nommé directeur au Li fan-yuan ou directeur des colonies. Un instant rétrogradé pour négligence dans ses fonctions, nous le voyons ensuite, successivement, employé au Kiun-ki- tch'ou ou Grand conseil (1733), directeur au ministère de la Guerre (1736), puis vice-roi du Hou-kouang (1739). L'année suivante, il porta le deuil de sa mère (1740) : son deuil fini, il fut de nouveau attaché au Kiun-ki-tch'ou (1741). En 1742, il fut nommé l'un des présidents du ministère de la Guerre et conseiller chargé de la direction du Li-fan-yuan. En 1748, intendant général à l'armée du Kin-tch'ouan, il reçut le titre de vice-tuteur de l'héritier présomptif. De nouveau rétrogradé et remis directeur de ministère, il alla en 1749, en qualité de général de brigade des troupes mandchoues, diriger les affaires du Kouko-nor. L'année suivante il se rendit au Tibet où il réprima une rébellion. Peu après il fut rappelé à Péking par l'empereur qui le nomma général de division, membre du Kiun-ki-tch'ou, chargé du Li-fan-yuan (1752).

À près avoir géré un moment la vice-royauté des deux Kouang (1753), il fut envoyé à l'armée du Peï-lou en qualité de sous-maréchal de gauche Ting-pien p. i. Il prit part aux expéditions contre les Dzongars, s'y distingua, et, en récompense de ses services, reçut le titre de baron (tseu) avec hérédité limitée, le grade de commandant de la garde impériale et un cadeau de mille taels. Il passait ensuite maréchal ting-pien, et avait une audience de l'empereur auquel il rendait compte des opérations militaires (1754).

Un an après, accompagné d'Amoursana, il fit campagne contre Dawatsi, chef des Dzongars, et reçut la soumission d'un grand nombre de daidji et de tsai'sang, ainsi que celle des Khodjas (Bourhân-uddin et Khodjo-Djan). À la suite de ces succès, l'empereur le combla de présents et lui conféra le titre de duc de première classe tch'eng-young (sincérité et bravoure). Lorsque Amoursana se révolta, il n'y avait dans l'Ili que 500 hommes : Pan-ti les conduisit contre les rebelles, livra bataille, fut assiégé, et, voyant tout perdu, mit fin à ses jours.

L'empereur déplora la mort de Pan-ti : sur ses ordres, le fils de celui-ci, Barou, hérita du titre de duc de première classe que portait Pan-ti. Pan-ti fut canonisé sous le titre de y-lié (patriotisme et bravoure), son portrait fut mis au Tseu-kouang-ko et des sacrifices en sa mémoire furent institués au Tchao-tchoung-tseu, temple élevé en l'honneur de ceux qui ont montré de la fidélité. L'empereur composa lui-même l'éloge de ce général.


II. Tchao-ʽhoueï

Tchao-ʽhoueï était de la bannière mandchoue jaune unie : son nom de famille était vou-ya ; son appellation littéraire et familière, ʽHo-fou. Il était le fils de Fo-piao, général de division des troupes mandchoues.

D'abord bitkechi ou commis, il remplit ensuite diverses fonctions à la Grande chancellerie (Neï-ko), puis, en 1742, il fut nommé général de brigade des troupes mandchoues et chargé d'une direction au ministère de la Justice. Six ans plus tard, il était intendant général au camp de l'armée du Kin-tch'ouan et demandait à l'empereur l'autorisation de faire campagne avec les troupes, mais il reçut l'ordre de se rendre à Ouliyasoutaï comme commandant de troupes. En 1750, il fut envoyé au Si-lou (circuit de l'ouest). Il commandait à Palik'oun (Barkoul) lors de la révolte d'Amoursana. Lorsque l'Ili fut de nouveau pacifié, il fut chargé par l'empereur de réorganiser le pays de gauche (1756). La même année, il était nommé sous-maréchal ting-pien.

En 1757, il réprima au milieu de l'hiver une révolte des Éleuthes et fut récompensé par le titre de comte de première classe avec hérédité illimitée. L'empereur lui fit présent d'une bourse et de divers autres objets à son usage personnel. Peu après il passait général de division. Il continua la campagne contre Amoursana dont il fit prisonnier le neveu, Tachi Tseriyng. Amintao, qu'il avait envoyé dans le Turkestan, ayant été massacré par Khodjo-Djân, l'empereur lui ordonna d'aller réprimer cette rébellion en qualité de maréchal, ting-pien. Mais il eut encore à combattre les Dzongars tandis que Yarkhachan se battait contre les mahométans, Les Dzongars étant à la veille d'être réduits, l'empereur invita Tchao-ʽhoueï à se réunir à Yarkhachan et à soumettre les Bourouts ou Khirghiz noirs. Ces derniers firent leur soumission (1758).

Yarkhachan ayant été disgracié après le siège de Ouché, Tchao-ʽhoueï demanda à rester à l'armée en vue de terminer les affaires de l'ouest. L'empereur fit son éloge à cette occasion et lui conféra la plume de paon à deux yeux. Tchao-ʽhoueï prit le commandement de l'armée et marcha sur Yarkand. Il se distingua dans les divers combats livrés sous cette ville et notamment au cours du siège du camp de la rivière Noire par les mahométans. Il fut alors nommé duc de première classe vou-y mô young, avec hérédité illimitée (1759).

Après la défaite des Khodjas, l'empereur lui conféra la bride de pourpre, le droit d'entrer à cheval dans le palais impérial, le rang de membre de la famille impériale (ceinture jaune), le combla de cadeaux, le reçut en grande pompe en dehors de Péking et ordonna que son portait serait placé au Tseu-kouang-ko (1761).

Peu après, Tchao-ʽhoueï était nommé grand chancelier et chargé des fonctions de président du ministère de la Justice, et remplissait diverses missions ayant pour objet les réparations à faire au canal impérial et l'inspection des ports de la province du Tche-li, au retour desquelles il recevait le titre de tuteur de l'héritier présomptif. Il mourut en 1764.

L'empereur fit une pièce de poésie à l'occasion de sa mort, chargea de hauts dignitaires de surveiller ses funérailles et fit décréter des sacrifices et cérémonies en son honneur. Il le canonisa sous le titre de ouen-siang. Il promit en mariage au fils de Tchao-ʽhoueï, Tcha-lan-t'aï, une princesse de la famille impériale. Ce mariage eut lieu en 1779 et, à la même date, Tcha-lan-t'aï hérita du titre de duc de première classe que portait son père.


III. Ming-joueï

Ming-joueï était de la bannière mandchoue jaune à bordure : son nom de famille était Fou-tch'a, son appellation littéraire et familière, Yun-t'ing. Son père s'appelait Fou-ouen.

Du grade d'officier de la garde impériale (2e classe), il s'éleva à celui de général de brigade des troupes mandchoues et il fut envoyé en cette qualité à l'armée du Si-lou (circuit de l'ouest). Il accompagna Tartangga, maréchal Tieng-pien quand celui-ci poursuivit Amoursana fuyant chez les Khassaks : il se distingua dans plusieurs affaires et, en 1769, il obtint le titre de duc tch'eng-en y-young. Il suivit ensuite le maréchal Tchao-ʽhoueï dans sa campagne contre les Khodjas et sa belle conduite en diverses circonstances lui valut la plume de paon à deux yeux, ainsi que l'hérédité de son titre de duc.

En 1761, l'Ili et les tribus mahométanes étant pacifiés, un décret impérial ordonna que son portrait serait placé au Tseu-kouang-ko. L'année suivante, il fut nommé maréchal de l'Ili. Bien qu'il eût repris la ville de Ouché et réprimé le soulèvement qui s'y était produit, il encourut le blâme de l'empereur pour n'avoir pas fait une enquête sérieuse sur les causes de cette révolte et il fut dégradé tout en gardant sa place.

En 1767, lors des troubles de la Birmanie, l'empereur le chargea de diriger les affaires de la vice-royauté du Yun-Koueï, puis, peu de temps après, lui rendit son grade de maréchal. En cette qualité, Ming-joueï fit la campagne de Birmanie à la tête de 3.000 Mandchous et de 20.000 soldats du Yun-nan et du Sseu-tch'ouan. Il remporta d'abord plusieurs victoires, récompensées par la ceinture jaune et plusieurs autres cadeaux impériaux ; mais dans un engagement ultérieur, assailli par une nombreuse année birmane, blessé, voyant ses troupes en déroute, et craignant de tomber entre les mains des ennemis, il galopa jusqu'à un endroit éloigné de vingt li du champ de bataille, descendit tranquillement de cheval, coupa lui-même sa queue et ses cheveux et les remit à ses gens, et se pendit à un arbre. Ceux qui l'avaient suivi cachèrent son corps sous des feuilles d'arbre et allèrent annoncer sa défaite et sa mort.

L'empereur fut très affecté de la fin de Ming-joueï et il célébra ce général par une poésie. Quand le cercueil qui renfermait les restes de Ming-joueï arriva à Péking, K'ien loung se rendit à sa rencontre et fit faire des sacrifices en la mémoire du défunt. Il canonisa Ming-joueï sous le nom de Kouo-lié, lui éleva un temple spécial avec sacrifices au printemps et à l'automne, composa son éloge, etc.

Le fils de Ming-joueï, Houaï-loun, hérita du titre de duc de première classe.


IV. Alikoun

Alikoun était de la bannière mandchoue jaune à bordure ; son nom de famille était Niéou-kou-lou ; son nom littéraire et familier, Soung-aï. Son père Ynn-tô était parvenu au grade de commandant de la garde impériale.

Sorti des officiers de cette garde, Alikoun fut successivement directeur du Neï-vou-fou, général de brigade des troupes mandchoues, puis directeur au ministère de la Guerre (1739-1740). Il accomplit avec soin plusieurs missions au Chan-toung et en Mandchourie. En 1750, il fut nommé vice-roi du Hou-kouang, puis des deux Kouang. Sa mère étant morte, il revint à la capitale où il remplit les fonctions de directeur au ministère des Finances chargé de diriger les travaux publics. Nous le voyons ensuite commandant de la gendarmerie de Péking (1754), président au ministère de la Justice (1755), général de division et président au ministère des Finances.

En 1756, il reçut l'ordre d'aller à l'armée du Si-lou (circuit de l'ouest) en qualité de commandant de troupes. Il se distingua alors dans plusieurs expéditions. L'année suivante, il commandait les troupes à Pali K'oun (Barkoul). Il hérita sur ces entrefaites du titre de duc de Kouo-y que portait son parent le maréchal Tartangga, mais, peu de temps après, fut remis directeur au ministère des Finances et général de brigade pour avoir laissé échapper Amoursana. Au moment où Tchao-ʽhoueï attaquait Yarkand et soutenait le siège de la rivière Noire, il passa vice-gouverneur militaire, puis en qualité de général de division et président au ministère de la Guerre, il fit campagne contre les mahométans, se distingua en diverses occasions. Il se trouvait à la bataille d'Artchour avec Ming-joueï et Akoueï. À la fin de la guerre, il reçut l'ordre d'administrer Yarkand avec le titre de vice-gouverneur militaire. L'empereur lui conféra la plume de paon à deux yeux.

Pendant l'été de 1760, il fut appelé à Péking par l'empereur, qui lui octroya le privilège d'entrer à cheval dans l'enceinte du palais impérial. De retour à son poste, il réprima un soulèvement des mahométans, ce qui lui valut les éloges de Kien-loung. Son portrait fut placé au Tseu- kouang-ko.

En 1761, il devint président p. i. du ministère des Rites ; deux ans après, il était gouverneur p. i. du Chen-si, avec le titre de tuteur de l'héritier présomptif. Il passa ensuite président au ministère des Finances (1764), vice-roi p. i. du Yun-Koueï, sous-maréchal (1768) et prit part à la deuxième expédition contre les Birmans (1769). Le dernier mois de cette année, il tomba malade et mourut au camp.

La mort fut déplorée par l'empereur qui le canonisa sous le titre de Siang-tchouang et institua des sacrifices en sa mémoire au hien-léang-t'ien, Temple des sages et des vertueux. Son fils aîné Foung-chen-ô occupa de hauts emplois ; général de division, sous-maréchal, président au ministère des Finances, commandant de la gendarmerie de Péking. Il mérita la plume de paon à deux yeux, le titre de baron de première classe et eut son portrait placé au Tseu-kouang-ko.


V. Akoueï

Akoueï était de la bannière mandchoue bleue : son nom de famille était Tchang-kia ; son appellation littéraire et familière, Kouang-t'ing, son surnom Yun-yen. Son père A-k'o-toun, qui fut canonisé sous le titre de Ouen-k'in, parvint au grade de sous-grand chancelier.

Akoueï aimait les lettres : il passa tous ses examens avec succès et remplit divers emplois subalternes au ministère de la Guerre. En 1743 il fut impliqué dans la disgrâce d'un haut fonctionnaire chargé de combattre les Kin-tch'ouan et jeté en prison ; Il en sortit grâce à l'intervention de l'empereur qui estimait fort son père, alors âgé et n'ayant pas d'autre fils. En 1752, il fut nommé juge provincial au Kiang-si. Quelques années plus tard, il se distingua dans la campagne contre Amoursana : la mort de son père le rappela en toute hâte à Péking. Il passa ensuite vice-gouverneur militaire, général de brigade, puis sous-maréchal ts'ing-ni p. i.

En 1758, directeur au ministère des Travaux Publics, il commanda la garnison de Tarbagataï, forte de 5.000 soldats de Solon, et prit part aux campagnes contre les Dzongars et les mahométans. Dans cette dernière, il se distingua à la bataille d'Artchour. En 1760, après la pacification des villes mahométanes, il retourna dans l'Ili et participa à l'organisation administrative et militaire de cette région. Lorsque l'empereur fit mettre au Tseu-kouang-ko les portraits des cinquante principaux officiers qui s'étaient illustrés dans la guerre du Si-yu (Asie centrale), celui d'Akoueï fut placé le dix-septième.

En 1761, il fut nommé président au ministère des Travaux Publics, général de division, avec le privilège d'entrer à cheval dans l'enceinte du palais. Il remplit plusieurs missions hydrographiques et, en récompense de ses services, reçut le titre de tuteur de l'héritier présomptif, et passa à la bannière blanche unie.

En 1764, lors des troubles du Kin-tch'ouan, il géra la vice-royauté du Sseu-tch'ouan. Au moment de la révolte des mahométans de Ouché, l'empereur l'invita à se rendre sans délai dans l'Ili, afin d'occuper les passes importantes de la contrée. Il tomba en disgrâce pour avoir montré de l'indulgence envers les rebelles de Ouché, mais peu après, cependant, il revenait en faveur et était nommé maréchal de l'Ili (1767). Un an après, après la mort de Ming-joueï en Birmanie, il accompagnait le général en chef Fou-'Heng et se distinguait dans la deuxième expédition contre les Birmans. Ce fut à lui qu'on dut la répression des tribus du Kin-tch'ouan. Au retour de cette campagne, l'empereur alla le recevoir en dehors de Péking, comme il avait fait pour Akoueï revenant du Si-yu, lui conféra la plume de paon à deux yeux et le titre de duc de tch'eng-mî yng-young, et lui fit de nombreux cadeaux : sur son ordre, le portrait d'Akoueï fut placé en tête de la galerie du Tseu-kouang-ko. À cette époque, Akoueï fut nommé membre du Kiun-ki-tchou (1771).

En 1775, il remplit diverses missions en Chine, et de 1781 à 1784, il dirigea des expéditions contre les rebelles mahométans de Lan-tchéou et endroits voisins. En 1786, il atteignit l'âge de soixante-dix ans. À cette occasion il fut l'objet de nouvelles marques de la faveur impériale. Il mourut en 1796. L'empereur rédigea lui-même son éloge et institua des sacrifices en sa mémoire au hien-leang-tseu.

Le fils aîné d'Akoueï, A-ti-sseu, hérita du titre de duc de première classe qu'avait mérité son père : il s'éleva jusqu'aux grades de directeur au ministère des Finances et de général de Kou-pei-k'eou (grande muraille) ; Son second fils, A-mi-ta, fut directeur au ministère des Travaux Publics. Son petit-fils, Na-yen-tch'eng, joua un certain rôle lors de la rébellion de Djihanguir dans le Turkestan chinois.

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