Tong-kien-kang-mou, Histoire générale de la Chine

Tome premier, 1777.

  Observations préliminaires de M. l'abbé Grosier et de M. Le Roux des Hautesrayes.

  • Préface et lettres du P. de Mailla.
  • Histoire de la Chine : Les princes antérieurs à la première dynastie. Les Hia. Les Chang. Les Tcheou jusqu'en 969 av. J.-C.

 

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Extrait : Mou-ouang, ses chevaux & ses chasses

 

Les commencements du règne de Mou-ouang, firent concevoir de lui les plus belles espérances ; mais les heureuses dispositions qu’il fit paraître furent bientôt corrompues, par la batterie des courtisans qu’il eut la faiblesse d’écouter ; son activité se ralentit, & il abandonna à ses ministres le soin des affaires, pour contenter la passion qu’il avait de se faire voir dans un char magnifique, qui effaçait tout ce que le luxe avait encore pu inventer de plus riche. Tsao-fou, petit-fils de Ki-chong à la cinquième génération, & à la troisième de Mong-tseng, qui avait été dans les bonnes grâces de l’empereur Tching-ouang, connaissant le faible de Mou-ouang, se rendit si habile à conduire un char, qu’il n’y avait personne qui pût le lui disputer. Pour se rendre agréable à son maître, il fit venir des pays étrangers les plus beaux chevaux qu’on put trouver, parmi lesquels il en choisit huit des mieux faits & des plus vîtes à la course, dont il fit présent à l’empereur ; & il s’offrit pour les conduire.

Durant le temps que Mou-ouang, était occupé à ses parties de plaisir, la principauté de Lou perdit son prince. Ouei-kong s’en était rendu maître par le meurtre de son frère Yeou-kong ; ce prince ne manquait pas de bonnes qualités, qui l’auraient rendu digne du rang qu’il occupait, si sa perfidie n’en avait obscurci tout le mérite ; Il mourut la quinzième année du règne de Mou-ouang, & eut pour son successeur, son fils Li-kong.

L’empereur Mou-ouang, contre la coutume de ses prédécesseurs, sortait souvent de son palais dans son char, uniquement pour se faire voir ; il avait encore hérité en partie du penchant de son père pour la chasse, ce qui l’entraînait souvent assez loin de la cour. Ayant appris que dans le pays de San-ouei, à l’ouest de la province de Sse-tchuen & au nord de la montagne Si-king-chan, où est une des sources du grand fleuve Han-kiang, les oiseaux & les bêtes fauves se rassemblaient à la montagne Tching-niao-chan, il voulut que Tsao-fou l’y conduisît la treizième année de son règne, & n’en revint que sur la fin de l’année suivante.

Il fut si content de cette course, qu’il résolut d’en faire une seconde la dix-septième année de son règne, du côté des sources du Hoang-ho. Ce pays est plein d’un infinité de sources : Le lac Yao-tchi, lui parut si charmant qu’il semblait avoir oublié sa cour ; tous les jours étaient marqués par des festins, des jeux, & la comédie, sans s’embarrasser beaucoup du gouvernement.

Les petits princes tributaires voyant que ce monarque s’occupait si peu du soin de l’empire commencèrent à se le disputer entre eux ; & comme personne ne se mettait en devoir de les accorder, ils convinrent de s’en rapporter au prince de Siu. Ils furent le trouver au nombre de trente-six, avec des présents de pierres précieuses, & de soieries ; ils s’étaient armés d’arcs & de flèches, afin de lui marquer qu’ils étaient prêts à répandre leur sang pour son service, contre quiconque oserait l’attaquer.

Mou-ouang prit cette démarche pour une révolte, & forma la résolution d’en arrêter les progrès. Il se rendit dans son char, avec son conducteur Tsao-fou chez le prince de Tchou, qui vint le recevoir & lui offrit ses services. Mou-ouang les accepta, & lui ordonna d’aller, à la tête des troupes de l’empire, punir le prince de Siu. Mais ce prince, l’un des plus modérés & des plus jaloux du bonheur de son peuple, n’avait aucune pensée de se révolter. Comme il n’avait point voulu se mêler des différends des autres petits princes, il ne se mit point en devoir de se défendre contre les troupes de l’empereur ; il prit le parti de se retirer à Pong-tching, près de la montagne Ou-yuen-chan, où plus de dix mille familles de ses sujets le suivirent.

Mou-ouang satisfait de la soumission du prince de Siu, & plus encore de la vitesse avec laquelle Tsao-fou l’avait ramené, à laquelle il attribuait le succès de la dispersion des princes mécontents, laissa le prince de Siu jouir de sa principauté, & éleva Tsao-fou, à celle de Tchao, dans le territoire de Ping-yang-fou dans le Chan-si, dont la postérité en jouit jusqu’à la douzième génération.

Cependant la négligence de Mou-ouang, avoir encore excité la cupidité de Ta-pi & de Pe-chi, tous deux princes des Koan-jong ou Tartares occidentaux de la Chine ; ils étaient entrés la trente-cinquième année de son règne sur les frontières de l’empire, & y avaient fait quelque butin. Mou-ouang, charmé d’avoir un prétexte de sortir de sa cour, où ses ministres l’importunaient sans cesse sur son peu d’application aux affaires, résolut de marcher en personne contre ces deux princes. Tsai-kong, de sa famille, lui représenta le danger qu’il courait d’aller lui-même à une expédition dont le succès était incertain. Qu’un empereur sage servait mieux l’état dans son cabinet & au milieu de son conseil, qu’à la tête d’une armée ; enfin, qu’il ne devait la commander en personne, qu’après s’être assuré de pouvoir s’en tirer avec gloire. Que si les deux princes ennemis qu’on avait vus, dans les commencements de son règne, charmés de ses vertus, venir lui faire hommage, avaient changé, l’empereur qui ne marchait plus sur les traces de ses augustes prédécesseurs, ne devait s’en prendre qu’à lui-même.

— Retournez, prince, ajouta Tsai-kong, à votre première vertu, & nos ennemis se soumettront d’eux-mêmes.

Mou-ouang, sans écouter ces sages conseils, partit à la tête de la plus nombreuse armée qu’on eût encore vue dans l’empire. Assis sur son char, comme s’il eût été déjà triomphant, il prit la route de Koan-jong, nom qu’on donnait alors aux pays des Tartares occidentaux ; mais les princes Ta-pi & Pe-chi, à la nouvelle de l’approche de cette formidable armée, se retirèrent, en laissant le pays désert, d’où Mou-ouang ne rapporta que quatre loups & quatre cerfs blancs, avec la honte d’avoir fait une si grande levée de boucliers, pour conquérir des bêtes sauvages.

 

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